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11/06/2024 | FRANCE | N°22/01121

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: rd/carsat, 11 juin 2024, 22/01121


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 3]


JUGEMENT N°24/02049 du 11 Juin 2024

Numéro de recours: N° RG 22/01121 - N° Portalis DBW3-W-B7G-Z5P7

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Madame [J] [V]
née le 01 Octobre 1953 à [Localité 6]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par la SCP CHABAS ET ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE


c/ DEFENDERESSE
Organisme CARSAT SUD-EST
FLUX ENTRANT
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Mme [

P] [F] (Représentante auprès des Tribunaux) munie d’un pouvoir régulier

DÉBATS : À l'audience publique du 08 Avril 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL ...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 3]

JUGEMENT N°24/02049 du 11 Juin 2024

Numéro de recours: N° RG 22/01121 - N° Portalis DBW3-W-B7G-Z5P7

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Madame [J] [V]
née le 01 Octobre 1953 à [Localité 6]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par la SCP CHABAS ET ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
Organisme CARSAT SUD-EST
FLUX ENTRANT
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Mme [P] [F] (Représentante auprès des Tribunaux) munie d’un pouvoir régulier

DÉBATS : À l'audience publique du 08 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : BOUAFFASSA Myriam, Juge

Assesseurs : ALLEGRE Thierry
COGNIS Thomas

L’agent du greffe lors des débats : KALIMA Rasmia,

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 11 Juin 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

N° RG 22/01121

EXPOSE DU LITIGE

Par lettre recommandée en date du 27 septembre 2018, Madame [J] [V] a formé une demande de retraite personnelle auprès de la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est (CARSAT).

Par courrier en date du 3 octobre 2018, la CARSAT Sud-Est a accusé réception de sa demande, l'informant qu'elle procédait à l'étude de son dossier, et lui a demandé de lui adresser un relevé d'identité bancaire.

Estimant n'avoir reçu aucune réponse à sa demande de retraite personnelle, par courrier en date du 20 décembre 2021, Madame [J] [V] a saisi la Commission de recours amiable de la CARSAT Sud-Est.

Par courrier en date du 8 janvier 2022, la CARSAT Sud -Est a informé
Madame [J] [V] que sa demande de retraite personnelle avait fait l'objet d'un rejet, notifié le 18 avril 2019, faute pour cette dernière d'avoir fourni les documents nécessaires à son instruction.

Par requête de son Conseil, réceptionnée par le greffe le 19 avril 2022,
Madame [J] [V] a saisi le Pôle social du tribunal judiciaire de Marseille en contestation de la décision implicite de rejet de la Commission de recours amiable confirmant le rejet de sa demande de retraite personnelle.

L'affaire a été appelée à l'audience du 8 avril 2024.

Madame [J] [V], représentée par son Conseil, demande au tribunal de:
- Annuler la décision de rejet de sa demande de retraite en date du 27 septembre 2018,
En conséquence,
A titre principal,
- Condamner la CARSAT du sud Est à procéder à la liquidation et au paiement de sa pension de retraite rétroactivement au 1er octobre 2018,
A titre subsidiaire,
- Condamner la CARSAT du Sud Est à procéder à la liquidation et au paiement de sa pension de retraite rétroactivement au 1er novembre 2018,
En tout état de cause,
- Condamner la CARSAT du Sud Est à lui verser la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en raison de la violation de l'obligation d'information.

Au soutien de ses prétentions, Madame [J] [V] soutient que son recours est recevable puisqu'elle n'a pas été destinataire d'une décision de rejet de la demande de retraite personnelle et que les délais de recours ne lui sont pas opposables et n'ont pas couru. Sur le fond, elle fait valoir que sa demande de retraite personnelle a été réceptionnée par la CARSAT le 1er octobre 2018 et que le point de départ de sa retraite n'était donc pas antérieur à sa demande. Elle ajoute que l'absence d'option ne constitue pas un motif de rejet de sa demande. Au soutien de sa demande indemnitaire, elle expose que la CARSAT a manqué à son obligation d'information.

La CARSAT, représentée par un inspecteur juridique, demande au tribunal de :
A titre principal,
- Déclarer le recours de Madame [J] [V] irrecevable,
A titre subsidiaire,
- Dire et juger que c'est à bon droit que la demande de retraite a fait l'objet d'un rejet,
- Débouter Madame [J] [V] de son recours et de l'ensemble de ses demandes,
A titre infiniment subsidiaire,
- Constater le défaut d'intérêt à agir,
- Débouter Madame [J] [V] de son recours et de l'ensemble de ses demandes,
- La condamner aux dépens et au paiement de la somme de 300 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la CARSAT Sud-Est soulève la forclusion, faute pour Madame [J] [V] d'avoir formé son recours dans les deux mois suivants la date à laquelle elle a été informée du rejet de sa demande. Sur le fond, la CARSAT soutient que Madame [J] [V] n'ayant pas répondu aux courriers lui demandant d'opter pour le bénéficie d'une retraite au taux minoré, sa demande ne pouvait qu'être rejetée. La CARSAT précise qu'elle a accusé réception de la demande de retraite le 3 octobre 2018 et que la date d'effet de la retraite ne pouvait qu'être fixée au 1er novembre 2018. Elle fait valoir que Madame [J] [V] ne justifie pas d'un intérêt à agir puisqu'elle n'a pas formé de nouvelle demande de retraite personnelle et qu'elle ne remplissait pas les conditions pour percevoir l'ASPA. Elle conteste tout manquement à l'obligation d'information, soulignant avoir adressé à Madame [J] [V] un relevé de carrière accompagné d'une notice d'information.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux observations et conclusions déposées par les parties à l'audience, reprenant l'exposé complet de leurs moyens et prétentions.

L'affaire a été mise en délibéré au 2 avril 2021.

MOTIFS

Sur la recevabilité du recours de Madame [J] [V]

-Sur la forclusion

Aux termes de l'article R142-1 du Code de la sécurité sociale, les réclamations relevant de l'article L. 142-4 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil, du conseil d'administration ou de l'instance régionale de chaque organisme.

Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation.

Il appartient à l'organisme de sécurité sociale d'établir la date à laquelle l'intéressé a reçu la notification de la décision de la commission de recours amiable.

En l'espèce, la CARSAT SUD-EST se prévaut d'un courrier de notification de rejet de la demande de retraite de Madame [J] [V] en date du 18 avril 2019.

Or, elle ne produit aucune preuve d'envoi et de réception de ce courrier.

Faute de démontrer que Madame [J] [V] a été avisée des modalités de voie de recours, il y a lieu de constater que les délais de recours ne lui sont pas opposables.

Le moyen tiré de la forclusion sera donc rejeté.

-Sur l'intérêt à agir

Aux termes de l'article 31 du Code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

En l'espèce, la CARSAT SUD-EST soutient que Madame [J] [V] n'avait pas d'intérêt à agir puisqu'elle ne pouvait prétendre ni au minimum contributif, ni à l'ASPA.

Or, l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bienfondé de l'action.

En outre, la décision contestée par Madame [J] [V] étant une décision de rejet de sa demande de retraite personnelle - ce que ne conteste pas la CARSAT SUD-EST - celle-ci disposait d'un intérêt à agir en contestation de cette décision lui faisant directement grief.

Le moyen tiré du défaut d'intérêt à agir sera donc rejeté.

Sur le point de départ de la retraite

En application de l'article R.351-34 du Code de la sécurité sociale, " les demandes de liquidation de pension sont adressées à la caisse chargée de la liquidation des droits à prestations de vieillesse dans le ressort de laquelle se trouve la résidence de l'assuré ou, en cas de résidence à l'étranger, le dernier lieu de travail de l'assuré, dans les formes et avec les justifications déterminées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale ".

Et selon l'article R.351-37 du même code, " chaque assuré indique la date à compter de laquelle il désire entrer en jouissance de sa pension, cette date étant nécessairement le premier jour d'un mois et ne pouvant être antérieure au dépôt de la demande. Si l'assuré n'indique pas la date d'entrée en jouissance de sa pension, celle-ci prend effet le premier jour du mois suivant la réception de la demande par la caisse chargée de la liquidation des droits à pension de vieillesse."

En l'espèce, Madame [J] [V] affirme avoir valablement manifesté sa volonté de bénéficier de sa pension de retraite personnelle à compter du 1er octobre 2018.

Il résulte de l'accusé de réception produit par Madame [J] [V] que le formulaire réglementaire Cerfa complété le 27 septembre 2018 a été réceptionné par la CARSAT le 1er octobre 2018.

La pension ne pouvait donc, quelles que soient les circonstances, prendre effet avant le 1er jour du mois suivant, soit le 1er novembre 2018.

Sur la liquidation de la retraite

La CARSAT SUD-EST fait valoir que le rejet de la demande de retraite formée par Madame [J] [V] est justifié par le défaut de réponse à ses courriers du 24 octobre 2018 et du 28 novembre 2018 lui demandant soit de confirmer sa demande de retraite au taux minoré de 46,875 %, soit d'annuler sa demande de retraite.

Madame [J] [V] conteste avoir reçus ces courriers lui demandant d'opter soit pour l'attribution d'une retraite à taux minoré, soit pour l'annulation de sa demande de retraite.

La CARSAT SUD-EST produit un courrier du 24 octobre 2018, ainsi qu'un courrier du 28 novembre 2018 dont l'objet est le suivant : " retraite personnelle - information pour option " libellé à " Mme [V] [J], [Adresse 8] ".

Elle produit également un courrier du 15 novembre 2018, adressé à la même adresse, convoquant Madame [J] [V] à un entretien du 11 décembre 2018 ainsi qu'un courrier du 18 avril 2019 notifiant le rejet de sa demande de retraite personnelle au motif que cette dernière n'a pas répondu au courrier du 28 novembre 2018 et qu'elle n'a pas confirmé sa demande de retraite.

Si Madame [J] [V] ne conteste pas l'exactitude de l'adresse mentionnée sur ces courriers, et qu'elle reconnait avoir reçu certains de ces courriers, force est toutefois de constater qu'aucune preuve d'envoi et de réception de ces courriers n'est produite par la caisse.

En outre, il est surprenant que les deux courriers de demande d'option soient adressés avant même la tenue de l'entretien prévu le 11 décembre 2018. Le délai octroyé à Madame [J] [V] dans le courrier du 24 octobre 2018 pour opter est également fixé avant la tenue de l'entretien prévu, ce qui parait incohérent.

En tout état de cause, l'absence de réponse de Madame [J] [V] aux deux courriers des 24 octobre 2018 et 28 novembre 2018 ainsi que son absence à l'entretien du 11 décembre 2018 auraient dû conduire la caisse à s'interroger sur la réception par cette dernière des différents courriers adressés.

Il sera enfin relevé que la décision de rejet du 18 avril 2019 est intervenue alors même que par email du 12 avril 2019, soit quelques jours plus tôt, Madame [J] [V] avait informé la caisse de son état de santé et sollicité un entretien, manifestant ainsi sa volonté de maintenir sa demande de retraite.

La CARSAT SUD-EST ne pouvait donc pas rejeter la demande de Madame [J] [V] au motif tiré du défaut d'option, étant souligné qu'aucun texte ne régit le courrier d'option en cause.

Dans ces conditions, la décision de rejet de la demande de retraite du 18 avril 2018, est injustifiée et sera annulée.

Il convient dès lors de faire droit à la demande de Madame [J] [V] et de la renvoyer devant la CARSAT SUD-EST aux fins de liquidation de ses droits à retraite de base rétroactivement à compter du 1er novembre 2018.

Sur la demande de dommages et intérêts

Aux termes de l'article R112-2 du Code de la sécurité sociale, " avec le concours des organismes de sécurité sociale, le ministre chargé de la sécurité sociale prend toutes mesures utiles afin d'assurer l'information générale des assurés sociaux ".

Il ressort des dispositions de l'article L161-17 du Code de la sécurité sociale que " les assurés bénéficient gratuitement d'un droit à l'information sur le système de retraite par répartition, qui est assuré selon les modalités suivantes ".

Il est constant que cette obligation d'information n'impose pas aux organismes de sécurité sociale de prendre l'initiative de renseigner les assurés sur leurs droits éventuels. Elle leur impose seulement de répondre aux demandes qui leur sont soumises, ces demandes devant être précises.

En l'espèce, Madame [J] [V] justifie avoir adressé plusieurs courriers à la CARSAT sollicitant un entretien ou une réponse à sa demande de retraite (email du 12 avril 2019, courrier du 30 juillet 2020...).

Or, ce n'est que par courrier du 8 janvier 2022 que la CARSAT a répondu à Madame [J] [V] l'informant qu'une décision de rejet était intervenue le 18 avril 2019.

Il en résulte qu'en s'abstenant de répondre aux sollicitations de Madame [J] [V], la CARSAT SUD EST a manqué à son obligation générale d'information.

Cette situation a privé Madame [J] [V], qui percevait le RSA, du bénéfice de sa pension de retraite.

Le préjudice de Madame [J] [V] est caractérisé et sera réparé par l'allocation de la somme de 500 €.

Sur les demandes accessoires

Conformément à l'article 696 du Code de procédure civile, la CARSAT SUD EST, qui succombe en ses prétentions, sera condamnée aux dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort,

DECLARE recevable le recours de Madame [J] [V] ;

ANNULE la décision de rejet de la demande de retraite personnelle de
Madame [J] [V] du 18 avril 2019 ;

RENVOIE Madame [J] [V] devant la CARSAT SUD EST pour la liquidation de ses droits, conformément aux dispositions du présent jugement ;

CONDAMNE la CARSAT SUD EST à verser à Madame [J] [V] la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts ;

CONDAMNE la CARSAT SUD EST aux dépens de l'instance.

Conformément aux dispositions de l'article 6538 du code de procédure civile, et sous peine de forclusion, les parties disposent d'un délai mois pour former appel.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 11 juin 2024

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: rd/carsat
Numéro d'arrêt : 22/01121
Date de la décision : 11/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-11;22.01121 ?
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