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06/06/2024 | FRANCE | N°19/03317

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 06 juin 2024, 19/03317


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Adresse 5]


JUGEMENT N°24/02420 du 06 Juin 2024

Numéro de recours: N° RG 19/03317 - N° Portalis DBW3-W-B7D-WILF

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
S.A.S. [6]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me GREGORY KUZMA, avocat au barreau de LYON substitué par Me Pierre HAMOUMOU, avocat au barreau de LYON


c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM [Localité 1]
[Localité 2]
comparante




DÉBATS : À l'audience

publique du 04 Avril 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : GOSSELIN Patrick, Vice-Président

Assesseurs : VERN...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Adresse 5]

JUGEMENT N°24/02420 du 06 Juin 2024

Numéro de recours: N° RG 19/03317 - N° Portalis DBW3-W-B7D-WILF

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
S.A.S. [6]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me GREGORY KUZMA, avocat au barreau de LYON substitué par Me Pierre HAMOUMOU, avocat au barreau de LYON

c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM [Localité 1]
[Localité 2]
comparante

DÉBATS : À l'audience publique du 04 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : GOSSELIN Patrick, Vice-Président

Assesseurs : VERNIER Eric
CASANOVA Laurent

L’agent du greffe lors des débats : AROUS Léa,

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 06 Juin 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

La société [6] a régularisé, le 1er juin 2018, une déclaration d’accident du travail pour le compte de sa salariée, Madame [G] [V], embauchée en qualité d’agent de service, faisant état d’un accident du travail survenu le 31 mai 2018 à 11h00 dans les circonstances suivantes : « selon ses dires en voulant vider un sac poubelle elle se serait cogné la main contre le rebord métallique ».

La société [6] a joint à cette déclaration un courrier de réserves, estimant qu’aucune preuve d’un fait accidentel survenu au temps et au lieu du travail n’était apportée et que la lésion résultait en réalité d’un état pathologique préexistant.

Un certificat médical initial établi le 31 mai 2018 par le Docteur [E] [I], médecin aux services des urgences du centre hospitalier de [Localité 7], a fait état d’une « suspicion de fracture du scaphoïde gauche à recontrôler le 18/06. Patiente plâtrée ».

Par courrier en date du 12 juin 2018, la caisse primaire d’assurance maladie (ci-après CPAM) des [Localité 4] a notifié à la société [6] sa décision de prise en charge de l’accident de Madame [G] [V] au titre de la législation sur les risques professionnels.

La société [6] a saisi la commission de recours amiable de la CPAM des [Localité 4] le 17 décembre 2018 afin de contester la relation de cause à effet entre l’accident du travail et les arrêts de travail et soins consécutifs pris en charge à ce titre.

Par requête expédiée le 11 avril 2019, la société [6] a, par l’intermédiaire de son conseil, saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Marseille, devenu tribunal judiciaire, aux fins de contester la décision implicite de rejet de son recours et, par voie de conséquence, l'opposabilité à son égard de la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle des arrêts de travail consécutifs à l'accident du travail du 31 mai 2018.

Par décision du 12 juin 2019, la commission de recours amiable a rejeté la contestation de l’employeur et maintenu l'opposabilité de la décision de prise en charge des arrêts de travail au titre de la législation sur les risques professionnels.

Après une phase de mise en état, l’affaire a été appelée et retenue à l’audience de plaidoirie du 4 avril 2024.

Par voie de conclusions oralement soutenues par son conseil, la société [6] demande au tribunal de :

Avant dire droit :
- ordonner une mesure d’expertise judiciaire sur pièces avec mission détaillée dans ses écritures,
- juger que les opérations d’expertise devront se réaliser uniquement sur pièces, en l’absence de toute convocation ou consultation médicale de l’assuré et ce, en vertu des principes de l’indépendance des rapports et des droits acquis des assurés,
- ordonner, dans le cadre du respect des principes du contradictoire, du procès équitable et de l’égalité des armes entre les parties dans le procès, la communication de l’entier dossier médical de Madame [G] [V] par la CPAM au docteur [S] [Y] médecin consultant de la société [6],
- juger que les frais d’expertise seront entièrement mis à la charge de la CPAM,
- dans l’hypothèse où des arrêts de travail ne seraient pas en lien de causalité directe et certain avec la lésion initiale, déclarer ces arrêts inopposables à la société [6].

Au soutien de ses prétentions, la société [6] indique abandonner sa demande d’inopposabilité de l’ensemble des arrêts de travail consécutifs à l'accident du travail du 31 mai 2018 mais maintenir sa demande d’expertise médicale sur pièces. Elle fait valoir l'existence d'une disproportion manifeste entre les lésions constatées après l'accident du 31 mai 2018 et la durée des soins et arrêts de travail pris en charge par la suite. Elle considère que la CPAM ne justifie pas d'une continuité de symptômes et de soins dans la prise en charge desdits arrêts du seul fait qu'elle ne lui a pas transmis les certificats médicaux de prolongation permettant de couvrir l'intégralité de la période d'arrêt de travail de sa salariée.

La CPAM des [Localité 4], représentée par un inspecteur juridique, demande au tribunal de :

- rejeter la demande d’expertise,
- dire opposable à l’employeur l’ensemble des arrêts de travail et soins.

Au soutien de ses prétentions, le caisse fait essentiellement valoir que la présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail s’étend pendant toute la durée d’incapacité de travail précédent soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime ; qu’il appartient en conséquence à l’employeur de rapporter la preuve de l'existence d’un état antérieur évoluant pour son propre compte ou d’une cause totalement étrangère, ce qu’il ne fait pas en l’espèce. La caisse ajoute que la société [6] qui se contente d'émettre des doutes sur la continuité des symptômes et des soins, sans produire aucun élément probant, ne saurait solliciter une expertise judiciaire destinée à pallier sa propre carence, et ce conformément aux dispositions de l'article 146 du code de procédure civile. Elle ajoute que les arrêts et soins dont a bénéficié l’assurée à compter de son accident jusqu’au 17 juin 2019, date de sa guérison, bénéficie de la présomption d’imputabilité au travail. Enfin, elle considère que l’employeur n’apporte aucune preuve suffisante de l’existence d’un état pathologique antérieur dont souffrirait sa salariée lui permettant d’obtenir le prononcé d’une expertise judiciaire.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé plus ample de leurs prétentions et moyens.

L’affaire est mise en délibéré au 6 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la communication du dossier d’accident du travail par la caisse primaire à l’employeur

Conformément au dernier alinéa de l’article R.441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à l’espèce, ce n’est qu’en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, que la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d’une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie, ou procède à une enquête auprès des intéressés.

En dehors de cette hypothèse, le code de la sécurité sociale ne prévoit pas de communication par la caisse des éléments recueillis, ni de consultation du dossier de l’assuré par son employeur.

Comme le relève exactement la CPAM et conformément aux textes en vigueur, postérieurement à la notification de la décision de prise en charge, l’employeur ne peut exiger de la caisse la transmission des pièces du dossier de son salarié.

Les griefs invoqués à ce titre ne sont donc pas fondés.

Sur la demande d’expertise

Il est désormais acquis qu'il résulte des dispositions de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire.

Une mesure d'expertise ne peut être ordonnée que si l'employeur apporte des éléments médicaux de nature à accréditer l'existence d'une cause autre qui serait à l'origine exclusive des prescriptions litigieuses et ne doit pas permettre de pallier la carence probatoire d'une partie.

La société [6] ne conteste ni la matérialité ni le caractère professionnel de l'accident du 31 mai 2018.

Dans le cadre de la présente instance, la CPAM produit un certificat médical initial, établi le 31 mai 2018, faisant état d’une « suspicion de fracture du scaphoïde gauche- Patiente plâtrée » rendant nécessaire la prescription d’un arrêt de travail initial jusqu’au 18 juin 2018.

L'accident du travail dont a été victime Madame [G] [V] le 31 mai 2018, embauchée en qualité d’agent de service, est survenu dans les circonstances suivantes :
« Activité de la victime lors de l'accident : Choc contre des objets immobiles ;
Nature de l’accident : selon ses dires en voulant vider un sac poubelle elle se serait cogné la main contre le rebord métallique ;
Objet dont le contact a blessé la victime : Poubelles ;
Siège des lésions : Main Côté gauche ;
Nature des lésions : Douleurs ».

Au regard de ces éléments, les lésions constatées sont en parfaite cohérence avec les circonstances de l'accident.

L’employeur prétend que la durée des arrêts de travail ne serait pas justifiée.

Or, la caisse justifie de l’arrêt de travail initialement prescrit en lien direct avec l’accident du travail du 31 mai 2018.

L'employeur ne fait qu'émettre des doutes sur le lien de causalité directe et exclusive entre les arrêts de prolongation et l'accident du travail du 31 mai 2018, en supposant la bénignité de la lésion initiale.

Faute de production d'un quelconque élément tendant à établir l'existence d'une cause étrangère au travail, rien ne vient constituer un début de contradiction utile à la prise en charge contestée, les seules affirmations de la société [6] dans ses conclusions ne suffisant pas à y satisfaire.

L'argumentation de l'employeur, basée sur des considérations d'ordre général à partir de référentiels théoriques standard ne tenant pas compte de la situation particulière de Madame [G] [V] n'est pas de nature à introduire une doute sérieux quant à la continuité des symptômes et des lésions, et à justifier une demande d'expertise, celle-ci n'ayant pas vocation à pallier la carence de la partie dans l'administration de la preuve qui lui incombe, conformément aux dispositions de l'article 146 du Code de procédure civile.

Dès lors que l’arrêt de travail initial procède de l’accident de travail reconnu et non contesté, la présomption d’imputabilité s’étend à toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime.

Il s’ensuit que la société [6] n'apporte aucun élément de nature à combattre la présomption qui s'attache aux lésions à l'origine de l’arrêt de travail et la prétendue disproportion de la durée d'incapacité invoquée par l'employeur ne constitue pas un différend médical justifiant de recourir à une expertise.

Il y a lieu par conséquent de rejeter la demande d'expertise, le tribunal n'étant pas tenu d'ordonner cette mesure d'instruction, sans que ce rejet ne porte atteinte ni au droit à un procès équitable, ni à l'égalité des armes entre les parties.

Sur les demandes accessoires

La société [6], qui succombe en ses prétentions, supportera les dépens de l’instance.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats publics par jugement contradictoire mis à disposition au greffe, et en premier ressort,

DECLARE recevable mais mal fondé le recours de la société [6] ;

REGETTE la demande expertise médicale judiciaire formulée par la société [6] ;

DECLARE opposable à la société [6] l’ensemble des arrêts, soins et prestations relatifs à l’accident du travail dont a été victime Madame [G] [V] le 31 mai 2018 ;

CONDAMNE la société [6] aux dépens de l’instance ;

RAPPELLE que la présente décision est susceptible d’appel dans le délai d’un mois à compter de sa notification.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 19/03317
Date de la décision : 06/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-06;19.03317 ?
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