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04/06/2024 | FRANCE | N°18/02500

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc : urssaf, 04 juin 2024, 18/02500


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 4]
[Adresse 5]
[Localité 1]


JUGEMENT N°24/02318 du 04 Juin 2024

Numéro de recours: N° RG 18/02500 - N° Portalis DBW3-W-B7C-VLOE

AFFAIRE :

DEMANDERESSE

S.A. [6]
[Adresse 2]
[Localité 8]

représentée par maître Séverine ARTIERES de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocats au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE

Organisme URSSAF PACA
[Adresse 9]
[Localité 3]

représenté par madame [G] [A], inspectrice juridique m

unie d’un pouvoir régulier


DÉBATS : À l'audience publique du 02 Avril 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : ...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 4]
[Adresse 5]
[Localité 1]

JUGEMENT N°24/02318 du 04 Juin 2024

Numéro de recours: N° RG 18/02500 - N° Portalis DBW3-W-B7C-VLOE

AFFAIRE :

DEMANDERESSE

S.A. [6]
[Adresse 2]
[Localité 8]

représentée par maître Séverine ARTIERES de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocats au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE

Organisme URSSAF PACA
[Adresse 9]
[Localité 3]

représenté par madame [G] [A], inspectrice juridique munie d’un pouvoir régulier

DÉBATS : À l'audience publique du 02 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : PASCAL Florent, Vice-Président

Assesseurs : MAUPAS René
MITIC Sonia

Greffier : DALAYRAC Didier,

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 04 Juin 2024

NATURE DU JUGEMENT : contradictoire et en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE :

La SA [6] a fait l’objet d’un contrôle sur l’application des législations de sécurité sociale, d’assurance chômage et de garantie des salaires pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 par un inspecteur de l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Provence-Alpes-Côte d’Azur (ci-après l’URSSAF PACA), et ayant donné lieu à une lettre d’observations du 23 octobre 2017, puis à une mise en demeure n°63453643 du 22 décembre 2017 d’un montant de 356.384 euros, dont 308.135 euros de cotisations sociales et 48.249 euros de majorations de retard.

Par requête expédiée le 14 mai 2018, la société [6] a, par l’intermédiaire de son conseil, saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône d’un recours à l’encontre de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de l’URSSAF PACA, saisie le 20 février 2018 d’une contestation portant sur treize chefs de redressement (points n°1, 3, 4, 5, 9, 11, 13, 14, 18, 19, 20, 21, et 22 de la lettre d’observations).

L’affaire a fait l'objet, par voie de mention au dossier, d'un dessaisissement au profit du pôle social du tribunal judiciaire de Marseille en vertu de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

Après une phase de mise en état, l’affaire a été appelée et retenue à l’audience au fond du 2 avril 2024.

La société [6], représentée par son conseil, demande au tribunal de :
à titre principal, annuler les chefs de redressement critiqués et la mise en demeure indument notifiée ;ordonner le remboursement des sommes indument versées ;à titre subsidiaire, ordonner le remboursement des majorations et intérêts de retard.
En défense, l’URSSAF PACA, représentée par une inspectrice juridique, sollicite pour sa part du tribunal de :
dire et juger que la procédure de contrôle est régulière ; confirmer le redressement opéré ;dire et juger que les chefs de redressement contestés sont justifiés en leur entier, dans leur principe et dans leur montant ;valider le redressement notifié à la société [6] dans la lettre d’observations du 23 octobre 2017 pour un montant de 356.384 euros soit 48.429 euros de majorations de retard et 308.135 euros de cotisations et contributions désormais ramené à la somme de 307.583 euros en cotisations et contributions de sécurité sociale, d’assurance chômage et d’AGS ;confirmer la décision de rejet implicite de la commission de recours amiable ;confirmer le bien fondé des chefs de redressement n° 1, 3, 4, 5, 9, 13, 14, 18, 19, 20 et 22 tant dans leur principe que dans leur montant ;dire et juger que la somme de 356.012 euros réglée par la société [6] lui restera acquise ;déclarer irrecevable la demande de la société [6] au titre de la remise des majorations de retard ;rejeter toutes les autres demandes et prétentions de la société [6].
En application de l’article 455 du Code de procédure civile, il convient de se reporter aux conclusions déposées par les parties à l’audience, reprenant l’exposé complet de leurs moyens et prétentions.

L’affaire a été mise en délibéré au 4 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la contestation du redressement

Sur le chef de redressement n° 1 – retraite supplémentaire : non-respect du caractère collectif

La société [6] soutient que l’URSSAF PACA a manqué à son obligation d’information générale en ce qu’elle n’a été informée que le 6 décembre 2017, date du courrier de réponse de l’inspecteur, que la tolérance édictée en application de l’article 2 du décret du 9 janvier 2012 prenait fin le 30 juin 2014.

Aux termes des dispositions de l’article R.112-2 alinéa 1 du code de sécurité sociale, « avec le concours des organismes de sécurité sociale, le ministre chargé de la sécurité sociale prend toutes mesures utiles afin d’assurer l’information générale des assurés sociaux. »

Il est constant que l’obligation générale d’information dont les organismes de sécurité sociale sont débiteurs envers les assurés ne leur impose, en l’absence de demande de ceux-ci, ni de prendre l’initiative de les renseigner sur leurs droits éventuels, ni de porter à leur connaissance des textes publiés au journal officiel de la République française. Cette obligation ne peut être étendue au-delà des prévisions découlant des dispositions de l’article précité, qui impose seulement à l’organisme de répondre aux demandes qui lui sont soumises.

Il en résulte que l’obligation générale d’information dont les organismes de sécurité sociale sont débiteurs envers leurs assurés ne leur impose ni de prendre l’initiative de les renseigner sur leurs droits éventuels ni de porter à leur connaissance les textes applicables.

Il s’ensuit que l’URSSAF n’a pas l’obligation particulière d’information revendiquée, sauf à répondre aux demandes qui lui sont soumises, ce que ne démontre pas la société [6].

En conséquence, ce moyen sera rejeté, et le chef de redressement contesté sera maintenu.

Sur le chef de redressement n° 3 – cotisations – transactions suite à rupture conventionnelle du contrat de travail

Par application de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale, toutes sommes versées et tous avantages en argent ou en nature alloués aux travailleurs salariés en contrepartie ou à l'occasion du travail sont considérés comme rémunérations et entrent dans l'assiette des cotisations. Seules peuvent être exclues de l'assiette sociale, les indemnités présentant le caractère de dommages et intérêts.

Ainsi, les indemnités transactionnelles peuvent avoir, en tout ou partie, le caractère de dommages et intérêts s'il est établi qu'en réalité, la rupture du contrat de travail a été provoquée par l'employeur et que les sommes versées avaient pour seul objet de réparer le préjudice né de la perte d'emploi.

Sont aussi prises en compte les indemnités versées à l'occasion de la rupture conventionnelle du contrat de travail, au sens de l'article L.1237-13 du code du travail, à hauteur de la fraction de ces indemnités qui est assujettie à l'impôt sur le revenu en application de l'article 80 duodecies du code général des impôts.

La rupture conventionnelle, qui constitue une rupture amiable consentie entre les parties, est par définition exclusive de tout litige, n'étant pas une rupture forcée du contrat de travail.

La convention définit les conditions de la rupture et notamment la date de cessation du contrat de travail ainsi que le montant de l'indemnité qui sera versée au salarié.
L'indemnité de rupture conventionnelle ne peut pas être inférieure à l'indemnité légale de licenciement, et la convention est soumise à l'homologation du directeur départemental du travail et de l'emploi.

Dès lors, il est parfaitement contradictoire de signer une transaction alors que la relation contractuelle a préalablement pris fin conventionnellement, étant rappelé que la transaction est définie comme un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.

En conséquence, une transaction est par principe inutile suite à une rupture conventionnelle régulièrement effectuée, sauf à considérer que les sommes ainsi versées sont représentatives de rémunérations soumises à charges sociales.

Ce chef de redressement sera dès lors maintenu.

Sur le chef de redressement n° 4 – rupture contrat de travail – limites d’exonération : indemnités pour licenciement irrégulier

La société [6] considère que ce chef de redressement doit être annulé puisque la mise en demeure du 22 décembre 2017 ne mentionne pas clairement les modalités de calcul retenues (assiette et montant des redressements par année erronés).

Or, d’une part, ce moyen n’est pas de nature à justifier la nullité d’un chef de redressement mais uniquement de la mise en demeure qu’il tend à critiquer.

D’autre part, il est acquis, et de jurisprudence constante, que lorsque la mise en demeure renvoie par mention, relativement au motif du recouvrement, à une lettre d'observations notifiée à une date visée expressément, dans les suites d’un contrôle, sa validité n’est pas affectée si elle ne reprend pas de manière détaillée la cause, la nature et l’étendue de chacun des chefs de redressement retenus, à l'encontre de l'employeur.

Le tribunal observe en l’espèce que la mise en demeure du 22 décembre 2017 renvoie expressément à la lettre d’observations du 23 octobre 2017.

Il y a également lieu de relever que les modalités de calcul de ce chef de redressement ont été détaillées dans la lettre d’observations du 23 octobre 2017, puis de nouveau dans la réponse motivée de l’inspecteur en date du 6 décembre 2017.

La société [6] ne saurait donc valablement soutenir qu’elle ignorait les bases de calcul retenues par l’inspecteur du recouvrement.

Pour l’ensemble de ces raisons, ce moyen sera rejeté.

La société [6] et l’URSSAF PACA s’accordent pour ramener ce chef de redressement à la somme de 3.257 euros, au lieu de 3.809 euros initialement retenue, compte tenu des bulletins de salaire produits par la société.

Eu égard à l’accord des parties, ce chef de redressement sera dès lors ramené à la somme de 3.257 euros.

Sur le chef de redressement n° 5 – avantage en nature véhicule : principe et évaluation – hors cas des constructeurs et concessionnaires

La société [6] se prévaut d’un accord tacite de l’URSSAF PACA résultant d’une absence d’observation lors d’un précédent contrôle pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, ayant donné lieu à une lettre d’observations en date du 10 septembre 2014.

Selon l’article R.243-59-7 du code de la sécurité sociale, le redressement établi en application des dispositions de l'article L.243-7 ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l'objet d'un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement n'ont pas donné lieu à observations de la part de l'organisme effectuant le contrôle dans les conditions prévues à l'article R.243-59 dès lors que :
1° L'organisme a eu l'occasion, au vu de l'ensemble des documents consultés, de se prononcer en toute connaissance de cause sur ces éléments ;
2° Les circonstances de droit et de fait au regard desquelles les éléments ont été examinés sont inchangées.

L'existence d'un accord tacite suppose la réunion des conditions suivantes :
-que les pratiques litigieuses aient été appliquées par l'employeur dans des conditions identiques lors du premier et du second contrôle, sans qu'une modification de la législation ne soit intervenue,
-que ces pratiques aient été vérifiées par l'inspecteur et qu'elles n'aient fait l'objet d'aucune observation de sa part. Le silence de ce dernier ne doit pas résulter d'une simple tolérance,
-que l'inspecteur ait reçu toutes les informations nécessaires pour sa vérification et que l'employeur ne se soit pas rendu coupable de fraude ou de dissimulation volontaire lors du précédent contrôle.

La société [6] produit la lettre d’observations du 10 septembre 2014. Elle soutient que l’URSSAF PACA n’avait fait aucune observation en son temps concernant les modalités de calcul des avantages en nature, et ce alors même que l’inspecteur avait consulté tous les documents afférents à ce point.

Or, la simple prise de connaissance par l’inspecteur lors d’un précédent contrôle, d’éléments permettant de fonder le redressement de l’entreprise, tels que les livres et fiches de paie, ne suffit pas pour caractériser un accord tacite.

La lettre d’observations du 10 septembre 2014 ne mentionne aucunement un examen des pratiques litigieuses en cause, ce qui ne permet pas de rapporter la preuve d’une quelconque similitude entre la situation contrôlée précédemment et celle du présent litige.

L’existence d’un quelconque accord tacite n’étant pas avérée, et en l’absence de toute justification des bases de calcul des avantages en nature retenues par l’employeur, ce chef de redressement doit être maintenu.

Sur le chef de redressement n° 9 – versement transport : assiette

En application du code général des collectivités territoriales, sont assujetties au versement transport les personnes physiques ou morales, publiques ou privées, qui emploient plus de neuf salariés (onze salariés depuis le 1er janvier 2015) dans le périmètre des transports urbains d’une autorité organisatrice ayant institué le versement transport.

L’assiette des cotisations du versement transport est constituée de l’ensemble des rémunérations brutes versées aux salariés et des sommes soumises à cotisations au sens de l’article L.242-1 du code de la sécurité sociale.

Pour le calcul des seuils d’effectifs, il doit être fait application des dispositions des articles L.1111-1 à 1111-3 du code du travail, selon lesquels les apprentis et les stagiaires ne sont pas pris en compte dans le calcul des effectifs de l'entreprise.

En l’espèce, lors des opérations de contrôle, l’inspecteur du recouvrement a relevé que la société [6] a cotisé sur le versement transport sur une assiette minorée de 13.653.934 euros en 2014 et 13.490.939 euros en 2015.

La société a justifié une partie de cette minoration, s’agissant des salariés commerciaux, contrats sur le tour de France et merchandisers, dont l’activité professionnelle s’exerce en dehors d’une zone de transport ou dans une zone où l’effectif est inférieur à 9 salariés.

L’inspecteur a donc procédé à une régularisation sur l’écart résiduel non justifié.

Lors de la phase contradictoire, et dans le cadre de la présente instance, la société [6] a fait état d’un tableau récapitulant ses versements transports en 2014 et 2015.

Or, ces tableaux prennent en compte les stagiaires et les apprentis de l’entreprise, alors que ces derniers ne comptent pas dans les effectifs de l’entreprise, ainsi que les salariés commerciaux, contrats sur le tour de France et merchandisers, dont les rémunérations ont été prises en compte lors de la période de contrôle.

En l’absence de nouvel élément à l’appui de sa contestation, la société [6] échoue à démontrer le caractère infondé de ce chef de redressement, qui par conséquent sera maintenu.

Sur le chef de redressement n° 13 – assurance chômage : assiette et le chef de redressement n° 14 – AGS : assiette

La société [6] considère que ces deux chefs de redressement doivent être annulés puisque la mise en demeure du 22 décembre 2017 ne mentionne pas clairement la cause du redressement et les modalités de calcul retenues, dont elle n’a pu prendre connaissance qu’aux termes des dernières conclusions de l’URSSAF.

Or, ainsi qu’il a été précédemment rappelé, ce moyen n’est pas de nature à justifier la nullité d’un chef de redressement mais uniquement de la mise en demeure qu’il tend à critiquer.

En outre, la mise en demeure du 22 décembre 2017 renvoie expressément à la lettre d’observations du 23 octobre 2017. Cette dernière, ainsi que la réponse de l’inspecteur en date du 6 décembre 2017, précisent le fondement des deux chefs de redressement critiqués et détaillent leur assiette de calcul.

Le moyen soulevé de ce chef par la société [6] étant inopérant, il sera rejeté comme tel, et les chefs de redressement n°13 et 14 seront maintenus.

Sur le chef de redressement n° 18 – réduction générale des cotisations : documents justificatifs

Le dispositif de réduction générale des cotisations figurant à l’article L.241-13 du code de la sécurité sociale permet de réduire les cotisations patronales de sécurité sociale égales au produit de la rémunération mensuelle brute soumise à cotisations du salarié, comprenant éventuellement les majorations afférentes aux heures supplémentaires ou complémentaires, multiplié par un coefficient déterminé par application d’une formule spécifique fondée sur le rapport entre le SMIC calculé pour un mois sur la base de la durée du travail et la rémunération mensuelle brute du salarié.

Il est constant que les constatations des contrôleurs font foi jusqu’à preuve du contraire.

En l’espèce, lors des opérations de contrôle, la société [6] n’a pas été en mesure de présenter les états nominatifs mensuels permettant de valider la réduction générale de cotisations patronales déclarée à hauteur de 15.600 euros sur le tableau récapitulatif annuel de 2015.

Lors de la phase contradictoire, et dans le cadre de la présente instance, la société [6] fait état d’un tableau, qu’elle estime être de nature à justifier la réduction générale des cotisations déclarées en 2015.

Ce tableau, examiné par les inspecteurs lors de la période contradictoire, indique que le montant total des réductions générales des cotisations en 2015 s’élève à 25.635 euros, ce qui ne correspond pas au montant déclaré et ne permet donc pas de le justifier.

En outre, la société [6] ne produit aucune donnée mensuelle, et aucun bulletin de salaire, permettant de vérifier les données renseignées sur le tableau.

Il conviendra en conséquence de rejeter le moyen de la société [6], qui n’est pas fondé, et maintenir ce chef de redressement.

Sur le chef de redressement n° 19 – rémunérations non déclarées : rémunérations non soumises à cotisations – indemnités transactionnelles

Selon l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale, précité, toutes sommes versées et tous avantages en argent ou en nature alloués aux travailleurs salariés en contrepartie ou à l'occasion du travail sont considérés comme rémunérations et entrent dans l'assiette des cotisations.
Sont en revanches exclues de l’assiette des cotisations les indemnités présentant le caractère de dommages et intérêts.

En cas de divergence entre l’organisme et le cotisant, il revient au juge saisi du litige d’analyser la transaction afin de faire ressortir l'intention commune précise des parties et d’en déduire le caractère indemnitaire ou salarial des sommes concernées, l’employeur supportant la charge de la preuve du caractère indemnitaire de la ou des indemnités transactionnelles versées.

Il s’en déduit que lors du versement d’indemnités transactionnelles forfaitaires ou globales, l'URSSAF doit vérifier la nature des sommes comprises dans la transaction et opérer une distinction entre la partie indemnitaire et la partie correspondant à des rémunérations soumises à cotisations, à charge pour la société de rapporter la preuve que l’indemnité transactionnelle litigieuse avait un fondement exclusivement indemnitaire, auquel cas elle n’entre pas dans l’assiette des cotisations sociales.

En l'espèce, les inspecteurs du recouvrement ont relevé que la société [6] avait versé, le 30 juillet 2014, trois indemnités transactionnelles, d’un montant de 45.000 chacune, à trois salariés intérimaires.

Ces transactions sont intervenues au cours d’instances pendantes devant le conseil des prud’hommes de Nîmes.

La société [6] indique que le redressement est nul puisque les trois salariés concernés étaient en poste au sein de l’établissement d’[Localité 10], et non de celui de [Localité 7].

L’employeur ne justifie aucunement cette allégation.

Le tribunal observe en outre que les protocoles transactionnels sont bien conclus entre, d’une part, chacun des salariés concernés, et d’autre part, la société [6] dont le siège social est situé [Adresse 2] à [Localité 8].

Ce moyen n’est donc pas fondé.

La société [6] soutient par ailleurs que la position de l'URSSAF n’est pas fondée au motif que les transactions sont explicites sur le fait que les sommes versées représentent des dommages et intérêts et n’intègrent aucun élément de nature salarial. Elle ajoute qu’il est expressément indiqué que les sommes versées au titre des protocoles transactionnels n’emportent pas acquiescement aux demandes des salariés formées dans le cadre des instances pendantes devant la juridiction prud’homale.

Il y a néanmoins lieu de rappeler que la charge de la preuve du caractère exclusivement indemnitaire des sommes versées en exécution desdites transactions incombe à l’employeur.

Après étude des éléments versés aux débats, il est acquis que trois procédures prud’homales ont été introduites par [N] [M], [E] [S] et [R] [C] à l'encontre de la société [6] devant le conseil des prud’hommes de Nîmes, aux fins de requalification en contrat à durée indéterminée de leur mission d’intérim et, dans ce cadre, de qualification de la cessation de cette relation de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il ressort des convocations devant le bureau de jugement que les salariés avaient formulé des demandes de nature salariale au titre :
de rappels de salaire (52.442,95 euros pour [N] [M], 51.550,45 euros pour [E] [S] et 45.802,75 euros pour [R] [C]),d’indemnité compensatrice de congés payés sur rappels de salaire (5.244,24 euros pour [N] [M], 5.155,04 euros pour [E] [S] et 4.580,27 euros pour [R] [C])d’indemnité de préavis (3.982,06 euros pour [N] [M], 3.912,32 euros pour [E] [S] et 3.790,76 euros pour [R] [C]) et d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis (398,20 euros pour [N] [M], 391,23 euros pour [E] [S] et 379,07 euros pour [R] [C]).
Ces demandes sont reprises dans les préambules de chaque protocole d’accord transactionnel, qui indiquent que le salarié concerné « demandait notamment la condamnation de la société [6] à lui verser :
une indemnité de requalification en réparation du préjudice résultant de la précarité dans laquelle la société [6] l’aurait laissé, des rappels de salaire correspondant aux périodes non travaillées ayant séparé ses différentes missions, au motif que durant lesdites périodes, il serait resté à la disposition de la société [6], des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, conséquence de la requalification de ses contrats de mission d’intérim en contrat de travail à durée indéterminée avec la société [6], outre l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité légale de licenciement s’y rapportant ».
Le premier article de chaque protocole définit les concessions réciproques comme suit :
« Sans que cela ne vaille en aucun cas reconnaissance du bien-fondé des prétentions et demandes [du salarié concerné], la société [6] accepte, à titre de concession et pour mettre fin à la procédure judiciaire engagée, de verser [au salarié concerné] à titre transactionnel et définitif, une indemnité globale et forfaitaire représentative de dommages-intérêts d’un montant de 45.000 euros nets, en réparation des préjudices professionnels, financiers et moraux que celui-ci s’estime avoir subi du fait de la société [6] », « [Le salarié] accepte définitivement et sans réserve les termes de la présente transaction et renonce expressément à toute autre somme, quel qu’en soit le montant ou la nature, liée à l’exécution ou à la rupture de ses contrats de mission, et en particulier à l’ensemble des sommes, indemnités et rappels de salaire qu’il sollicitait dans le cadre de l’instance judiciaire engagée devant le conseil de prud’hommes de Nîmes ».
Il ressort incontestablement de ce qui précède que les indemnités forfaitaires globales versées à [N] [M], [E] [S] et [R] [C] comprennent des éléments de salaire, en particulier des rappels de salaire, une indemnité de préavis, et indemnités compensatrices de congés payés sur rappels de salaire et préavis, et n’ont donc pas un caractère exclusivement indemnitaire.

Ce chef de redressement doit en conséquence être maintenu.

Sur le chef de redressement n° 20 – avantages en nature : cadeaux en nature offerts par l’employeur

En application de l’article L. 242-1 précité, tout avantage en espèce ou en nature versé en contrepartie ou à l’occasion du travail doit être soumis à cotisations.

Les bons d’achat et cadeaux en nature alloués aux salariés par l’employeur dans les entreprises de moins de cinquante salariés dépourvues de comité d’entreprise, ou par le comité d’entreprise lui-même à l’occasion d’évènements particuliers, sont exonérés de cotisations et contributions sociales lorsque leur montant global annuel ne dépasse pas 5 % du plafond mensuel de sécurité sociale.
Ainsi, l’avantage en nature est soumis à cotisations dès lors que le cadeau attribué au salarié à l’occasion d’un évènement particulier, dont la liste est fixée limitativement, a une valeur exagérée par rapport à cet évènement.

En outre, et en application des articles R.2323-21 du code du travail, dans sa version applicable au litige, le comité d’entreprise assure ou contrôle la gestion de toutes les activités sociales et culturelles établies dans l’entreprise au bénéfice des salariés ou de leurs familles.

L’employeur ne peut en conséquence attribuer directement des cadeaux et avantages en nature exonérés de cotisations aux salariés, en se substituant au comité d’entreprise pour la réalisation des œuvres sociales.

En l’espèce, les inspecteurs du recouvrement ont relevé que la société [6] avait offert des cadeaux à ses salariés en 2014 et 2015 alors qu’il existait un comité d’entreprise en charge des activités sociales et culturelles au sein de l’entreprise.

La société [6] ne conteste pas s’être substituée à son comité d’entreprise pour la réalisation des œuvres sociales litigieuses.

Elle se borne à soutenir, d’abord, que les frais liés à l’organisation de la journée des salariés (concert Disney sur glace), d’un montant de 29.383 euros, remplissent les conditions de la circulaire DSS 2003-007 du 7 janvier 2003.

Il est cependant constant que ces frais n’ont pas fait l’objet d’un redressement.

La société fait ensuite valoir que les frais de repas de [I] [V], d’un montant de 1.104 euros, doivent être exclus de l’assiette des cotisations puisqu’il s’agit d’un repas d’affaires.

Ces allégations, qui tendent à invoquer l’existence de frais professionnels et non d’avantages en nature, ne sont aucunement justifiés.

La société [6] soutient enfin qu’un accord tacite de l’URSSAF doit être reconnu puisque ses pratiques n’ont jamais fait l’objet d’un redressement lors des contrôles antérieurs, « alors que la journée des salariés et les différentes activités sur lesquelles porte principalement ce chef de redressement a annuellement lieu ».

Faute pour elle de préciser quelles sont les pratiques qui auraient fait l’objet d’une vérification antérieure, il n’est pas permis de considérer qu’elle bénéficie d’un accord tacite de l’URSSAF.

Compte tenu de ce qui précède, ce chef de redressement ne peut être que maintenu.

Sur le chef de redressement n° 22 – réduction générale des cotisations : absence – proratisation

En application des articles L.241-13 du code de la sécurité sociale, le montant de la réduction est égal au produit de la rémunération annuelle par un coefficient déterminé en fonction du rapport entre le SMIC calculé pour un an et la rémunération annuelle du salarié.

L’article D.241-7 I du même code dispose que le coefficient est déterminé par application de la formule suivante : Coefficient = (T/0,6) × (1,6 × SMIC calculé pour un an/ rémunération annuelle brute-1).

Pour les salariés mensualisés qui ne sont pas présents toute l'année ou dont le contrat de travail est suspendu sans paiement de la rémunération ou avec paiement partiel de celle-ci par l'employeur, ainsi que pour les salariés intérimaires titulaires d’un contrat de travail à durée indéterminée, la fraction du montant du SMIC correspondant au mois où a lieu l'absence est corrigée selon le rapport entre la rémunération versée et celle qui aurait été versée si le salarié avait été présent tout le mois, hors éléments de rémunération qui ne sont pas affectés par l'absence.
Le SMIC est corrigé selon les mêmes modalités pour les salariés n'entrant pas dans le champ de la mensualisation dont le contrat de travail est suspendu avec paiement partiel de la rémunération.

Ainsi, les éléments de rémunération qui ne sont pas affectés par l’absence du salarié sont à écarter de la formule de calcul permettant de déterminer la fraction du SMIC à retenir pour le calcul de la réduction Fillon.

En l’espèce, lors des opérations de contrôle, l’examen des bulletins de salaire a permis de constater que les primes de panier, de poussière, de poste, ainsi que la majoration de nuit étaient calculées indépendamment de la présence du salarié, et que leur montant n’était pas proratisé en cas d’absence.

La société [6] considère que ces primes ne sont pas affectées par l’absence du salarié.

Elle ne fonde cependant pas cette affirmation, et se borne à produire un tableau concernant « M. [Z] [W] », qui n’est pas daté, et qui ne permet en aucune façon de justifier son raisonnement ni de remettre en cause la régularisation notifiée.
Ce moyen qui n’est pas fondé, sera rejeté, et en conséquence le chef de redressement contesté sera maintenu.

Au regard de l'ensemble de ces considérations, il convient de débouter la société [6] de sa contestation, et de valider le redressement notifié par lettre d’observations du 23 octobre 2017, pour un montant ramené à la somme de 355.832 euros, compte tenu de l’accord des parties sur le chef de redressement n°4.

Il n’y a pas lieu d’infirmer la décision de la commission de recours amiable de l’URSSAF PACA, s’agissant d’une décision administrative à laquelle le présent jugement a vocation à se substituer.

Sur la demande de remise des majorations de retard

Il appartient au cotisant de justifier, sur le fondement des articles R.243-18 et suivants du code susvisé, de la saisine préalable du directeur de l’organisme concerné ou de la commission de recours amiable compétente aux fins d’obtenir la remise des majorations de retard.

En l’espèce, la société [6] ne démontre pas avoir adressé au directeur de l’URSSAF PACA une demande de remise des majorations de retard.

Dans ces conditions, il y a lieu de déclarer cette demande irrecevable en l’état.

Sur les dépens et l’exécution provisoire

Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la société [6], qui succombe à ses prétentions, sera condamnée aux dépens de l’instance.

La nature et l’ancienneté du litige commandent d’ordonner l’exécution provisoire du présent jugement.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, et en premier ressort,

DECLARE recevable, mais mal fondé, le recours introduit le 14 mai 2018 par la SA [6] à l’encontre de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de l’URSSAF PACA relative à la mise en demeure n°63453643 du 22 décembre 2017 d’un montant de 356.384 euros pour la période des années 2014 à 2016 ;

DÉBOUTE la SA [6] de ses demandes tendant à l’annulation des chefs de redressement critiqués et de la mise en demeure n°63453643 du 22 décembre 2017 ;

DIT que l’URSSAF PACA disposait d’une créance d’un montant de 355.832 euros à l’encontre de la SA [6] au titre de la mise en demeure n°63453643 en date du 22 décembre 2017 ;

CONSTATE que les causes du litige ont été acquittées par la SA [6] ;

RAPPELLE que le présent jugement se substitue aux décisions prises par l’organisme de recouvrement et la commission de recours amiable ;

DÉCLARE irrecevable la demande de remboursement des majorations de retard ;

CONDAMNE la SA [6] aux dépens de l'instance ;

ORDONNE l’exécution provisoire du présent jugement ;

DIT que tout appel de la présente décision doit être formé, sous peine de forclusion, dans le délai d’un mois à compter de la réception de sa notification.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 4 juin 2024.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc : urssaf
Numéro d'arrêt : 18/02500
Date de la décision : 04/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-04;18.02500 ?
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