REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
POLE SOCIAL
Caserne du Muy
CS 70302 – 21 rue Ahmed Litim
13331 Marseille cedex 03
JUGEMENT N° 24/02334 du 4 Juin 2024
Numéro de recours : N° RG 17/02049 - N° Portalis DBW3-W-B7B-U6O4
AFFAIRE :
DEMANDEUR
Organisme URSSAF PACA - DRRTI
[Adresse 5]
[Localité 3]
comparant assisté de Maître Clémence AUBRUN de la SELARL BREU-AUBRUN-GOMBERT ET ASSOCIES, avocats au barreau D’AIX-EN-PROVENCE
c/ DEFENDEUR
Monsieur [U] [S]
Chez Mr [X]
[Adresse 2]
[Localité 1]
comparant en personne
DÉBATS : À l'audience publique du 22 Février 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Présidente : PAWLOWSKI Anne-Sophie, Vice-Présidente
Assesseurs : PESCE-CASTELLA Catherine
OUDANE Radia
La greffière lors des débats : DI GIACOMO Alexia,
À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 4 Juin 2024
NATURE DU JUGEMENT
Contradictoire et en dernier ressort
EXPOSE DU LITIGE
Le directeur du Régime Social des Indépendants Provence Alpes a décerné le 17 octobre 2016 à l’encontre de Monsieur [U] [S] une contrainte pour le paiement de la somme de 1 825 € au titre de cotisations sociales et majorations de retard pour la période de l’année 2015 et du deuxième trimestre 2016.
Cette contrainte a été signifiée par exploit d'huissier en date du 28 novembre 2016.
Par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 7 décembre 2016, Monsieur [U] [S] a formé opposition à cette contrainte auprès du Tribunal des affaires de la sécurité sociale des Bouches du Rhône.
L'affaire a fait l'objet par voie de mention au dossier d'un dessaisissement au profit du Pôle social du Tribunal judiciaire de Marseille, en vertu de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle.
L’article 15 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a supprimé le Régime social des indépendants désormais géré par l’Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales depuis le 1er janvier 2020 pour le recouvrement des cotisations et des contributions sociales personnelles des travailleurs indépendants.
L’affaire a été retenue à l’audience utile du 22 février 2024.
Par voie de conclusions soutenues oralement par une inspectrice juridique, l’Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales Provence Alpes Côte d’Azur demande au Tribunal de valider la contrainte pour un montant ramené à 309 € , de condamner Monsieur [U] [S] au paiement de cette somme ainsi qu’aux frais de signification de la contrainte et aux dépens.
Par voie de conclusions soutenues oralement, Monsieur [U] [S] demande au Tribunal de faire droit à son opposition. Il rappelle en effet avoir été bénéficiaire du Revenu de Solidarité Active du 1er décembre 2015 au 1er février 2018 de sorte que les cotisations minimales n’avaient pas vocation à s’appliquer.
L'affaire a été mise en délibéré au 4 juin 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l’article L. 244-9 du Code de la sécurité sociale, la contrainte décernée par le directeur d’un organisme de sécurité sociale pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard emporte, à défaut d’opposition du débiteur devant le tribunal, dans les délais et selon les conditions fixées par décret, tous les effets d’un jugement et confère notamment le bénéfice de l’hypothèque judiciaire.
Sur la recevabilité de l’opposition
Selon l’article R. 133-3 du Code de la sécurité sociale, à défaut de règlement dans le délai d’un mois imparti par la mise en demeure, l’Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales peut délivrer une contrainte.
La contrainte est notifiée au débiteur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou lui est signifiée par acte d’huissier de justice. La lettre recommandée ou l’acte d’huissier mentionne, à peine de nullité, la référence ou la contrainte et son montant, le délai dans lequel l’opposition doit être formée, l’adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine. L’huissier avise dans les huit jours l’organisme créancier de la date de la signification.
Le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du tribunal dans le ressort duquel il est domicilié par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au secrétariat dudit tribunal dans les quinze jours à compter de la signification ou de la notification. L’opposition doit être motivée à peine d'irrecevabilité ; une copie de la contrainte contestée doit lui être jointe. Le secrétariat du tribunal informe l’organisme créancier dans les huit jours de la réception de l’opposition.
En l'espèce, Monsieur [U] [S] a formé opposition le 7 décembre 2016 à la contrainte décernée le 17 octobre 2016 et signifiée le 28 novembre 2016, soit dans le respect du délai de quinze jours imparti.
Son opposition est par conséquent recevable.
Sur la validation de la contrainte
La contrainte décernée le 17 octobre 2016 a été précédée d'une mise en demeure délivrée le 6 juin 2016, demeurée sans effet, de sorte qu'elle est régulière en la forme.
Il convient de rappeler qu'il n'appartient pas à l'organisme de recouvrement de rapporter la preuve du bien-fondé de la contrainte, mais au cotisant qui forme opposition d'établir son caractère infondé ou injustifié, en présentant des éléments de fait et de droit de nature à remettre en cause la réalité de la dette, l'assiette, ou le montant des cotisations.
Il n’est pas contesté que Monsieur [U] [S] a été affilié à la protection sociale des travailleurs indépendants pour la période du 1er décembre 2015 au 1er février 2018, en qualité de commerçant, chef d’entreprise au sein de son entreprise individuelle.
Les cotisations visées par la contrainte correspondent aux cotisations personnelles d'allocations familiales, d’assurance vieillesse et de Contribution Sociale Généralisée / Contribution au Remboursement de la Dette Sociale dues par tout travailleur indépendant.
En vertu des articles L. 131-6-2 du Code de la sécurité sociale, ces cotisations sont calculées chaque année à titre provisionnel en pourcentage du revenu professionnel de l'avant-dernière année.
Pour les deux premières années d’activité, les cotisations provisionnelles sont calculées sur la base d'un revenu forfaitaire fixé par décret après consultation des conseils d'administration des organismes de sécurité sociale concernés.
Lorsque le revenu d'activité de la dernière année écoulée est définitivement connu, les cotisations provisionnelles, à l'exception de celles dues au titre de la première année d'activité, sont recalculées sur la base de ce revenu.
Lorsque le revenu d'activité de l'année au titre de laquelle elles sont dues est définitivement connu, les cotisations font l'objet d'une régularisation sur la base de ce revenu.
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En l’espèce, l’Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales rappelle que les cotisations de l’année 2015 ont été calculées sur la base des revenus suivants :
Année 2013 : forfait première année d’activité compte tenu de l’affiliation de l’assuré au 1er décembre 2015
Année 2015 : 1 450 € de revenus et 580 € de charges sociales tels que déclarés au titre de l’année 2015 ( selon avis d’impôt 2015 versée par le défendeur ) .
L’organisme précise que les cotisations 2015 d’un montant total de 367 € ont été appelées en trois fois et que la contrainte litigieuse concerne uniquement le premier appel de cotisations pour un montant de 122 € en principal ( hors majorations de retard ) .
L’Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales ajoute que les cotisations de l’année 2016 ont été calculées sur la base des revenus suivants :
Année 2014 : forfait deuxième année d’activité
Année 2015 : 1 450 € de revenus et 580 € de charges sociales
Année 2016 : 0 € de revenus et 0 € de charges sociales ( déclarés dans le cadre de la présente instance ) .
L’organisme soutient que l’assuré reste redevable de cotisations sociales minimales, calculées sur la base d’une assiette de cotisations minimale, conformément aux dispositions de l’article D. 612-5 du Code de la sécurité sociale.
Il en déduit que, pour le deuxième trimestre 2016, Monsieur [U] [S] reste redevable de la somme de 95 € au titre des cotisations ( hors majorations de retard ) .
Au total, il réclame la validation de la contrainte pour un montant ramené à 309 € décomposé comme suit :
Année 2015 : 122 € de cotisations et 6 € de majorations de retard
Deuxième trimestre 2016 : 95 € de cotisations et 86 € de majorations de retard
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Monsieur [U] [S] fait valoir que les revenus figurant sur son avis d’impôt 2016 ( 1 450 € ) correspondent, non pas à l’activité effectuée en tant que travailleur indépendant au cours du mois de décembre 2015, mais à l’activité salariée qu’il justifie avoir occupée jusqu’au 31 janvier 2015 en produisant un certificat de travail attestant de son emploi en tant que directeur commercial du 15 novembre 2012 au 31 janvier 2015 au sein de la société [4].
Il soutient par ailleurs qu’en tant que bénéficiaire du Revenu de Solidarité Active, il ne devait pas se voir appliquer les cotisations minimales.
A l’audience, l’Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales rappelle que Monsieur [U] [S] n’a justifié qu’au mois d’octobre 2023, à la faveur de sa première présentation devant le Tribunal, de ses revenus réels pour les années 2015 à 2018 d’une part et de la perception du Revenu de Solidarité Active sur cette période d’autre part.
L’organisme précise que cette communication tardive ne lui a pas permis de ne pas appliquer à l’assuré les cotisations minimales.
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Il convient de rappeler toutefois que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 a réformé un certain nombre de dispositions visant à uniformiser et à simplifier substantiellement le barème des cotisations des travailleurs indépendants.
Le décret n° 2015-1856 du 30 décembre 2015 – applicable aux cotisations et aux contributions de sécurité sociale dues au titre de la période courant à compter du 1er janvier 2016 – prévoit notamment les conditions d’option pour l’application des cotisations minimales pour les bénéficiaires de la prime d’activité et du Revenu de Solidarité Active.
Il en ressort qu’à compter du 1er janvier 2016, les bénéficiaires du Revenu de Solidarité Active et de la prime d’activité ne sont plus soumis aux règles relatives à l’application des cotisations minimales, sauf demande contraire de leur part.
En l’espèce, Monsieur [U] [S] – bénéficiaire du Revenu de Solidarité Active – n’a pas demandé expressément à se voir appliquer les cotisations minimales.
Il n’en était donc pas redevable pour l’année 2016 et ce, étant précisé que l’article D. 612-5 du Code de la sécurité sociale sur lequel s’appuie l’Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales ne trouve aucune version en vigueur entre le 1er janvier 2016 et le 11 mars 2017.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, il convient de faire droit à l’opposition formée par Monsieur [U] [S] et de débouter l’Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales Provence Alpes Côte d’Azur de l’ensemble de ses demandes.
Sur les demandes accessoires
En application des dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, les dépens seront laissés à la charge de l’Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales Provence Alpes Côte d’Azur.
En application des dispositions de l’article R. 133-6 du Code de la sécurité sociale, les frais de signification de la contrainte seront laissés à la charge de l’Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales Provence Alpes Côte d’Azur.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant par jugement contradictoire et en dernier ressort,
DÉCLARE recevable l’opposition de Monsieur [U] [S] à la contrainte décernée le 17 octobre 2016 par le directeur du Régime Social des Indépendants Provence Alpes, et signifiée le 28 novembre 2016 ;
FAIT DROIT à l’opposition formée par Monsieur [U] [S] le 7 décembre 2016 ;
DEBOUTE l’Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales Provence Alpes Côte d’Azur de l’ensemble de ses demandes ;
CONDAMNE l’Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales Provence Alpes Côte d’Azur aux dépens de l’instance en ce compris les frais de signification.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 4 juin 2024.
LA GREFFIERELA PRÉSIDENTE
Notifié le :