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30/05/2024 | FRANCE | N°23/02912

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Référés cabinet 2, 30 mai 2024, 23/02912


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE



JUGEMENT N°24/
PROCEDURE ACCÉLÉRÉE AU FOND

Référés Cabinet 2

JUGEMENT DU : 30 Mai 2024
Président :Madame BENDELAC, Juge
Greffier :Madame DUFOURGNIAUD, Greffier
Débats en audience publique le : 17 Avril 2024



GROSSE :
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à Me ...............................................
EXPEDITION :
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE

JUGEMENT N°24/
PROCEDURE ACCÉLÉRÉE AU FOND

Référés Cabinet 2

JUGEMENT DU : 30 Mai 2024
Président :Madame BENDELAC, Juge
Greffier :Madame DUFOURGNIAUD, Greffier
Débats en audience publique le : 17 Avril 2024

GROSSE :
Le ...................................................
à Me ...............................................
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EXPEDITION :
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N° RG 23/02912 - N° Portalis DBW3-W-B7H-3QRY

PARTIES :

DEMANDERESSE

L’ASSOCIATION FOUQUE
pris en la personne de son représentant légal dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Maître Maxime DE MARGERIE de la SELARL 1830 - AVOCATS, avocats au barreau de MARSEILLE

DEFENDERESSES

Madame [D] [Y]
es qualité de secrétaire du Comité Social et Economique d’Etablissement LES ECUREUILS de l’association FOUQUE.
demeurant [Adresse 1]

LE COMITÉ SOCIAL ET ECONOMIQUE D’ETABLISSEMENT LES ECUREUILS DE L’ASSOCIATION FOUQUE
dont le siège social est sis [Adresse 2]
pris en la personne de son représentant légal

représentés par Maître Nathalie CAMPAGNOLO de la SELARL NCAMPAGNOLO, avocats au barreau de MARSEILLE

EXPOSE DU LITIGE
L’association FOUQUE a pour mission l’accompagnement et l’accueil des enfants en difficultés. Son activité s’exerce au sein de divers établissements dont l’institut des ECUREUILS .
L’institut des ECUREUILS dispose d’un Comité social et économique d’établissement.
Le 23 mai 2023, le comité social et économique de l’établissement LES ECUREUILS de l’association FOUQUE a voté le recours à une expertise sur l’existence d’un risque grave au sein de l’établissement sur le fondement de l’article L 2315-94 du code du travail.
Le cabinet EMERGENCES a été désigné.
Par acte de commissaire de justice en date du 2 juin 2023, l’association FOUQUE a fait attraire le comité social et économique d’établissement LES ECUREUILS de l’association FOUQUE devant le Président du tribunal judiciaire de Marseille statuant selon la procédure accélérée au fond aux fins de :
A titre principal, annuler la délibération du 23 mai 2023 décidant de recourir à une expertise, et le condamner à lui verser la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles ;A titre subsidiaire, constater que le recours à l’expertise s’inscrit dans le cadre de l’article L 2315-81 du code du travail et qu’elle doit être rémunérée par les seuls soins du CSE, En tout état de cause, lui laisser la charge de ses frais d’avocat. A l’audience du 17 avril 2024, l’association FOUQUE, par l’intermédiaire de son conseil, faisant valoir ses moyens tels qu’exprimés dans ses conclusions, soutenues oralement, auxquelles il convient de se reporter, maintient ses demandes.
Elle fait valoir que son action est recevable puisque l’assignation a été délivrée dans le délai de 10 jours conformément à l’article L 2315-86 du code du travail.
Au fond, elle affirme que la désignation d’un expert n’a pas été inscrite à l’ordre du jour et est donc illicite. En outre, elle précise sur le fondement de l’article L 2314-94 du code du travail que le CSE peut faire appel à un expert habilité lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, non démontré. Elle mentionne que les faits évoqués par le CSE sont isolés et anciens et que l’objet de l’expertise porte sur des risques potentiels et non avérés.
Dans ses dernières conclusions soutenues oralement le comité social et économique d’établissement LES ECUREUILS de l’association FOUQUE, par l’intermédiaire de son conseil, faisant valoir ses moyens tels qu’exprimés dans ses conclusions auxquelles il convient de se reporter, sollicite le rejet des demandes adverses. A titre reconventionnel, il demande la condamnation de l’association FOUQUE au versement de la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles et sa condamnation aux entiers dépens.
Elle fait valoir que la demande est irrecevable car il n’est pas démontré que la saisine du tribunal, caractérisée par l’enrôlement de l’assignation est intervenue avant le délai de 10 jours.
Il considère que la délibération est régulière et valable car elle est liée à un point figurant à l’ordre du jour. Enfin, elle indique que le risque grave résulte notamment des alertes sur le registre danger grave et imminent qui n’ont jamais fait l’objet d’enquête conjointe, des conflits interprofessionnels au sein de plusieurs services, de la multiplication des accidents du travail et arrêts pour maladie professionnelle, des ruptures conventionnelles, de la mise en difficulté des représentants du personnel dans leurs missions, de l’augmentation de personnels intérimaires mis en difficulté, une déménagement de l’I2P reporté à plusieurs reprises créant une insécurité pour les salariés.
L’affaire a été mise en délibéré au 30 mai 2024.

SUR CE,

Sur la régularité de l’assignation :
L’article L 2315-86 du code du travail dispose que « Sauf dans le cas prévu à l'article L. 1233-35-1, l'employeur saisit le juge judiciaire dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat de :
1° La délibération du comité social et économique décidant le recours à l'expertise s'il entend contester la nécessité de l'expertise ;
(…)
Le juge statue, dans les cas 1° à 3°, suivant la procédure accélérée au fond dans les dix jours suivant sa saisine. Cette saisine suspend l'exécution de la décision du comité, ainsi que les délais dans lesquels il est consulté en application de l'article L. 2312-15, jusqu'à la notification du jugement. Cette décision n'est pas susceptible d'appel. »
L’article R 2314-49 du même code précise que pour chacun des cas de recours prévus à l'article L. 2315-86, l'employeur saisit le juge dans un délai de dix jours.
Il est constant que la demande en justice devant le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond étant formée par assignation, la date de saisine du juge est celle de l’assignation.
En l’espèce, la délibération contestée datant du 23 mai 2023, l’association FOUQUE disposait de 10 jours à compter du 24 mai 2023, soit jusqu’au 2 juin 2023. Or l’assignation a été délivrée à cette date, conformément aux dispositions légales.
La procédure est donc régulière et il y a lieu de rejeter la demande formulée par le comité social et économique d’établissement LES ECUREUILS de l’association FOUQUE.

Sur la demande principale d’annulation de la délibération du 23 mai 2023 ayant voté le recours à une expertise :
L’article L 2315-94 du code du travail dispose que comité social et économique peut faire appel à un expert habilité dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat : Lorsqu'un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement.
Le lien de l’expertise avec un point de l’ordre du jour
Le CSE ne peut valablement délibérer que sur une question en lien avec l’ordre du jour.
L’ordre du jour de la réunion du 23 mai 2023 mentionne l’alerte sur registre des dangers graves et imminents qui n’ont pas fait l’objet d’une enquête, les conflits interprofessionnels sur plusieurs services et notamment la mise en difficulté de professionnel du paramédical par la direction, la mise en difficulté de l’équipe ASI par la non gestion et la non réorganisation du responsable hiérarchique, le courrier de délation de harcèlement de 2 salariés, la mise en difficulté des représentants du personnel, l’augmentation du recours aux intérimaires, le déménagement administratif et les 2 Platanes constamment reporté créant de l’insécurité pour les salariés.
L’expertise a été votée notamment compte tenu de conflits interprofessionnels et de problèmes de management sur plusieurs services et notamment l’équipe d’encadrement, l’équipe pole jeunesse, l’équipe du pôle paramédical et l’équipe ASI. Il est également évoqué de nombreuses alertes pour danger grave et imminent ou enquêtes des représentants du personnel, qui constatent un nombre élevé d’indicateurs de souffrance et une désorganisation de l’activité et par voie de conséquence un climat anxiogène et une dégradation des conditions de travail se traduisant par un sentiment de perte de confiance dans la hiérarchie et l’encadrement, une absence de reconnaissance au travail, un manque de soutien de la hiérarchie, une démotivation du personnel, des ruptures conventionnelles ou démissions, des arrêts maladies et accident du travail.
Il en résulte que le vote de l’expertise, s’il n’a pas été prévu expressément à l’ordre du jour, présente un lien avec un des points de l’ordre du jour.
En conséquence, le moyen tiré de l’absence de lien entre l’ordre du jour et le vote de l’expertise est inopérant.

Sur le risque grave, identifié et actuel :
Pour qu’une délibération vote valablement une expertise pour risque grave, le CSE doit démontrer l’existence d’un risque grave, identifié et actuel.
Le risque identifié est celui qui est non pas seulement hypothétique mais constaté dans l’établissement et se déduit d’éléments objectifs et concrets comme des attestations ou courriers de salariés ou des indicateurs de santé comme le taux d’absentéisme.
Le risque actuel signifie que le risque doit précéder l’expertise. Le recours à l’expertise n’est ainsi plus justifié s’il est démontré qu’au jour de la délibération du CSE l’employeur a pris toutes les mesures propres à faire cesser le risque.
Le comité social et économique d’établissement LES ECUREUILS de l’association FOUQUE produit au soutien du vote de l’expertise pour risque grave des procès verbaux de réunion du Comité Social et Economique ainsi que des courriers envoyés par les salariés à la direction de l’établissement et le rapport du 20 décembre 2019 effectué par le cabinet Alto.
Dans plusieurs procès verbaux de réunion, et notamment ceux du 27 décembre 2021 et 16 novembre 2023 le CSE évoque des alertes sur le registre danger grave et imminent qui n’ont pas fait l’objet d’une enquête conjointe ainsi qu’un traitement très aléatoire des alertes dénoncées.
S’agissant des conflits interprofessionnels au sein de plusieurs services, les procès verbaux de réunion du CSEE produits mettent en exergue des difficultés d’accueil et de sécurité des professionnels intérimaires.
Par ailleurs, dans le procès-verbal de CSE du 26 janvier 2023 il est mis en exergue des difficultés subies par un professionnel au sujet des heures de délégation, de la planification de l’emploi du temps, la récupération ou le paiement des heures supplémentaires. Il est précisé que l’absence de réponse par la direction met en difficultés psychologiques les salariés et les élus concernés, et que la situation crée une angoisse et favorise les situations conflictuelles.
En outre, dans son rapport du 20 décembre 2019, le cabinet ALTEO indique « Notre enquête de terrain nous a permis de relever de graves dysfonctionnements ainsi que de la violence interne qui perturbent fortement l’organisation du travail au sein de l’établissement les Ecureuils comme au siège de l’association Fouque », ajoutant que « de nombreux salariés ont témoigné du manque de soutien hiérarchique face aux difficultés et situations limites auxquelles ils sont confrontés et de la façon dont la mauvaise organisation peut conduire à mettre les jeunes en difficulté ».
Si ce rapport date de plusieurs années, aucun élément transmis ne permet de déterminer que ces difficultés relevées ont été prises en charge et que les problèmes ont été résolus, d’autant plus que des difficultés similaires sont relevées dans les procès-verbaux de réunion ultérieurs.
Il est également fait état à plusieurs reprises dans les procès verbaux de réunion du CSE d’un déménagement de l’administratif et des 2 Platanes reporté à plusieurs reprises, et créant une situation de stress pour les salariés.
En outre, il est évoqué des ruptures conventionnelles nombreuses, sans toutefois qu’il en soit justifié. Les courriers envoyés à la direction par les salariés, s’ils dénoncent des situations inquiétantes, ne sont pas signés et ne sont donc pas suffisants pour établir un risque grave.
Cependant, il résulte de ce qui précède que le CSE démontre la mise en évidence et la persistance de risques psychosociaux compromettant la santé des travailleurs, générés par des conflits entre professionnels fréquents, un climat anxiogène et une dégradation des conditions de travail en raison notamment d’un manque de soutien de la hiérarchie permettant de faire face aux difficultés inhérente au domaine d’activité de l’association et des moyens humains insuffisants. L’association ne démontre pas avoir pris les mesures propres à faire cesser le risque.
Ainsi l’existence d’un risque identifié et actuel est démontré par le CSE.
En conséquence l’expertise risque grave votée apparait nécessaire et la demande d’annulation de la délibération est rejetée.
Dès lors, il n’y a pas lieu de considérer qu’elle s’inscrit dans le cadre de l’article L 2315-81 du code du travail.

Sur les demandes accessoires
Les dépens :
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, l’association FOUQUE conservera la charge des dépens de l’instance.
L’article 700 du code de procédure civile :
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer 1° à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
En l’espèce, il y a lieu de faire droit à la demande du comité social et économique d’établissement LES ECUREUILS de l’association FOUQUE présentée au titre des frais irrépétibles à hauteur de 1000 euros.

PAR CES MOTIFS, STATUANT PAR JUGEMENT PRONONCÉ PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE, CONTRADICTOIRE ET EN DERNIER RESSORT,

REJETTE la demande d’annulation de la délibération du comité social et économique d’établissement LES ECUREUILS de l’association FOUQUE en date du 23 mai 2023 présentée par l’association FOUQUE ;
CONDAMNE l’association FOUQUE à payer au comité social et économique d’établissement LES ECUREUILS de l’association FOUQUE la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
LAISSE les dépens de l’instance à la charge de l’association FOUQUE;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Référés cabinet 2
Numéro d'arrêt : 23/02912
Date de la décision : 30/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-30;23.02912 ?
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