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30/05/2024 | FRANCE | N°22/01698

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 30 mai 2024, 22/01698


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]


JUGEMENT N°24/02493 du 30 Mai 2024

Numéro de recours: N° RG 22/01698 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2F72

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Madame [A] [FF] épouse [E]
née le 13 Février 1978 à [Localité 10] (ALGÉRIE)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Paul MIMRAN, avocat au barreau de MARSEILLE


c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
[Localité 4]
représentée par Mme [N] [X] (Inspecteur juri

dique), munie d’un pouvoir régulier


DÉBATS : À l'audience publique du 12 Février 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibér...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]

JUGEMENT N°24/02493 du 30 Mai 2024

Numéro de recours: N° RG 22/01698 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2F72

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Madame [A] [FF] épouse [E]
née le 13 Février 1978 à [Localité 10] (ALGÉRIE)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Paul MIMRAN, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
[Localité 4]
représentée par Mme [N] [X] (Inspecteur juridique), munie d’un pouvoir régulier

DÉBATS : À l'audience publique du 12 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : DEPARIS Eric, Vice-Président

Assesseurs : JAUBERT Caroline
AMELLAL Ginette

Lors des débats : ELGUER Christine, Greffier

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 30 Mai 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

Par courrier en date du 27 décembre 2021, la caisse primaire centrale d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône (ci-après CPCAM) a notifié à Madame [A] [E] sa décision de refus de prise en charge de sa maladie « sciatique par hernie discale L4-L5 » inscrite dans le tableau n° 98 des maladies professionnelles, après avis défavorable du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (ci-après CRRMP) de la région PACA Corse.

Par requête du 27 juin 2022, Madame [A] [E] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille d’un recours contre la décision implicite de rejet de la Commission de Recours Amiable de la CPAM des Bouches-du-Rhône (ci-après CRA).

Par décision du 28 juin 2022, la CRA de la CPAM des Bouches-du-Rhône a rejeté de façon explicite le recours de Madame [A] [E] et a confirmé le refus de prise en charge de sa maladie au titre de la législation relative aux risques professionnels.

Par ordonnance présidentielle du 26 juillet 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a désigné le CRRMP Nouvelle Aquitaine en application de l'article R.142-17-2 du code de la sécurité sociale avec mission de dire si l'affection présentée par Madame [A] [E] a été directement causée par son activité professionnelle habituelle et dire si cette affection doit être prise en charge sur la base du tableau n° 98 des maladies professionnelles.

Le 7 août 2023, le CRRMP Nouvelle Aquitaine a rendu un avis défavorable en ne retenant pas de lien de causalité direct entre la pathologie déclarée et l’exposition professionnelle.

L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 12 février 2024.

Madame [A] [E], représentée à l’audience par son conseil, demande au tribunal:

-à titre principal : de reconnaitre le caractère professionnel de la maladie déclarée et d’annuler la décision de la CPAM des Bouches-du-Rhône du 27 décembre 2021 et la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable,

-à titre subsidiaire : d’ordonner une expertise médicale,

-en tout état de cause : de condamner la CPAM des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que l’ensemble des pièces qu’elle verse aux débats démontrent que son travail habituel est directement en lien avec la pathologie déclarée et que la dégradation de son état de santé est en lien direct avec les conditions de travail imposées par son employeur.

La CPAM des Bouches-du-Rhône, représentée à l'audience par un inspecteur juridique habilité, sollicite oralement l'entérinement de l'avis du second CRRMP et de débouter Madame [A] [E] de l’ensemble de ses demandes.

Il convient de se rapporter pour un plus ample exposé du litige aux conclusions respectives des parties visées à l'audience conformément à l'article 455 du Code de procédure Civile.

L'affaire a été mise en délibéré au 30 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il résulte des dispositions de l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale qu'est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Dans ce cas, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Le tableau n° 98 des maladies professionnelles concerne les affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes.

Il ressort des éléments du dossier que la CPAM des Bouches-du-Rhône a refusé de reconnaitre l’origine professionnelle de la maladie déclarée par Madame [A] [E] au motif que la condition relative à la liste limitative des travaux prévue par ce tableau n’était pas remplie.

Le CRRMP PACA Corse a rendu un avis défavorable en refusant de reconnaitre le lien direct entre la maladie déclarée et le travail habituel de la victime. Cet avis est motivé ainsi:
« (…) Concernant la manutention manuelle, l’assurée déclare déballer des marchandises à raison de 1 à 2 livraisons par semaine avec en moyenne 16 rolls métalliques par semaine composés des cartons de divers produits. Les cartons sont stockés dans la réserve en empruntant des escaliers. Par la suite ils sont déballés dans le magasin en fonction des directives de ventes.

Une observation du poste a été réalisé le 14/10/2021 : les cartons manutentionnés pèsent entre 2,7 et 9 kgs.
Les cartons sont portés du point d’approvisionnement au rayon, à l’unité ou de façon groupée lorsqu’ils sont plus légers. Dans le rayon, les produits sont déballés un par un.
Cette activité représente 4 heures par semaine.
En dehors des livraisons, le réassort est quotidien en fonction des ventes réalisées.

Le comité a pris connaissance de l’avis du médecin du travail.

Selon la description et l’observation du poste de travail, la manutention manuelle n’est pas assimilable à celle des travaux décrits dans le tableau n°98 et la durée hebdomadaire est très inférieure à la durée minimale mentionnée dans les référentiels sur les seuils de pénibilité pour la manutention manuelle ».

Le CRRMP Nouvelle Aquitaine a également rendu un avis défavorable en refusant, lui aussi, de reconnaitre le lien direct entre la maladie déclarée et le travail habituel de la victime. Cet avis est motivé ainsi : « (…) Les tâches décrites par l’assurée consistent à déballer des marchandises (livraison deux fois par semaine) en moyenne 16 Rolls métalliques par semaine composé des cartons divers produits d’hygiène et ménage, déco maison, vêtements ; à descendre les cartons dans la réserve qui se trouve au RDC en empruntant des escaliers pour les stocker ; à sortir les rolls métalliques au parking et les faire entrer avant l’arrivée de la livraison ; à réapprovisionner des rayons en prenant des cartons depuis la réserve ; à encaisser les paiements, station debout pendant plusieurs heures ; à nettoyer le sol à chaque fermeture du magasin ; à accueillir et conseiller les clients ; à comptabiliser la caisse.
L’employeur précise que le temps de caisse est de l’ordre de 70 %.
Le Comité a pris connaissance du courrier du médecin du travail, daté du 30/09/2021.
L’ingénieur conseil ayant été entendu.
Il n’est pas apporté d’élément nouveau par l’assurée.
Au vu des éléments fournis aux membres du CRRMP, le Comité considère que l’activité professionnelle réalisée à temps partiel ne met pas en évidence de manutention manuelle habituelle de charges lourdes au sens du tableau n° 98, les poids unitaires manipulés sont largement inférieurs à la norme AFNOR X35-109 qui fait référence en la matière.
En conséquence, le CRRMP considère que les éléments de preuve d’un lien de causalité direct entre la pathologie déclarée et l’exposition professionnelle incriminée ne sont pas réunis dans ce dossier ».

La norme AFNOR X35-109 est relative à la manutention manuelle de charge pour soulever, déplacer et pousser/tirer.

Cette norme défini le port de charge occasionnel comme une « activité répétée une fois au plus par période de 5 minutes » et le port de charge répétitif comme une « activité régulière, répétée plus d’une fois toutes les 5 minutes pendant plusieurs heures ».

En matière de recommandations ergonomiques, dans les conditions de référence, elle préconise pour le port de charges répétitif une limitation de la masse unitaire à 12,50 kg pour une femme âgée de 18 ans à 45 ans, et pour le port de charges occasionnel, elle préconise de ne pas dépasser 15 kg pour une femme âgée de 18 ans à 45 ans.

En l’espèce, il ressort de l’enquête administrative de la CPAM, que :

-concernant l’action de lever ou porter, l’activité de mise en rayon représente en moyenne 2 heures par jours à raison de 2 fois par semaine, soit 4 heures par semaine,
-concernant l’action de pousser ou tirer, elle est quotidienne, ponctuelle et de l’ordre de quelques secondes compte tenu de la petite surface du magasin,
-les cartons manutentionnés pèsent minimum 2,7kg (pour un carton de textiles) et maximum 9 kg (pour un carton de bouteilles d’adoucissant), soit bien moins que la charge maximale de la norme AFNOR X35-109,
-les attestations de Madame [K] et Madame [R] ont été prise en compte.

A l’appui de sa contestation, Madame [A] [E] verse aux débats plusieurs pièces:

-l’avis de la médecine du travail du 4 décembre 2018 qui mentionne qu’elle doit bénéficier d’un siège ergonomique en caisse et n’est donc pas afférent au port de charges,
-dans son attestation, Madame [V] [S], fait référence à la manutention de 16 à 18 rolls par semaine, sans préciser le poids des cartons manutentionnés,
-dans son attestation, Madame [C] [R] n’évoque que le poids de la chaise mise à la disposition de Madame [A] [E],

-les très nombreux documents médicaux versées aux débats par Madame [A] [E] démontrent l’étendue de ses douleurs et traitements ainsi que des pathologies dont elle est atteinte mais n’établissent pas le lien avec l’activité professionnelle.
Ces documents sont (dans l’ordre du bordereau des pièces) :

* une radiographie du rachis lombaire du 8 juillet 2014,
* un scanner lombaire du 8 août 2014,
* les certificats médicaux du 30 novembre 2018 et du 11 juin 2021 et la prescription médicale du 8 juin 2019 du docteur [L] [F],
*le certificat médical et la prescription médicale du 8 juin 2019 du Docteur [O] [T],
*les certificats médicaux du 28 juin 2021 et du 1er juillet 2021 ainsi que les prescriptions médicales du 20 août 2021, du 10 décembre 2021, du 25 janvier 2022, du 22 mars 2022, du 18 mai 2021, du 19 mai 2019 du Docteur [G] [W],
* une radiographie du rachis lombaire et du bassin du 21 novembre 2017,
* un scanner lombaire du 12 janvier 2018,
*la synthèse du passage au service des urgences de l’hôpital [9] du 16 mars 2019,
* une IRM du rachis lombaire du 4 mai 2019,
*la prescription de rééducation fonctionnelle du Docteur [J] [Z] du 29 janvier 2021,
*l’attestation de Madame [M] [TN], masseur kinésithérapeute, du 22 juin 2021,
*la synthèse du passage au service des urgences de l’hôpital [9] du 26 et 27 avril 2021,
*un scanner du rachis lombaire du 21 mai 2021,
*la consultation d’ostéopathie du 25 mai 2021,
*la prescription médicale du Docteur [I] du 26 mai 2021,
*la synthèse du passage au service des urgences de l’hôpital [9] du 27 mai 2021,
*un compte-rendu de consultation par l’interne [P] [D] au sein des urgences du CHU - [6] du 31 mai 2021,
*la lettre de liaison d’hospitalisation au sein du service des urgences de l’hôpital [13] 2 du 6 juin 2021,
*la lettre de liaison d’hospitalisation au sein du service rhumatologie du CHU [Localité 12] du 6 juin 2021 au 14 juin 2021,
*la lettre de liaison d’hospitalisation au sein du service neurochirurgie du CHU [8] du 14 juin 2021 au 24 juin 2021,
*le compte – rendu d’hospitalisation dans la clinique [11] du 24 juin 2021 au 6 août 2021,
*le compte-rendu de consultation au sein du service de neurochirurgie de l’hôpital [8] du 4 août 2022,
*le compte-rendu de consultation au sein du service de neurochirurgie de l’hôpital [8] du 8 décembre 2021,
*le compte-rendu d’hospitalisation à l’[7] du 12 août 2021 au 3 décembre 2021,
*un certificat médical du Docteur [Y] [H] du 28 juillet 2021,
*un compte rendu d’un électromyogramme du 28 juillet 2021,
*les prescriptions médicales du Docteur [B] [U] du 2 novembre 2021, du 17 novembre 2021, du 30 novembre 2021 et du 1er décembre 2021.

S’il est constant que le juge n’est pas lié par les avis des CRRMP dont il apprécie souverainement la valeur et la portée, les pièces versées aux débats par Madame [A] [E] ne permettent pas au tribunal de remettre en cause l’avis de ces deux CRRMP qui sont clairs, concordants, motivés et sans équivoque.

Il convient donc d’entériner les avis du CRRMP PACA-Corse du 21 décembre 2021 et du CRRMP Nouvelle Aquitaine du 7 août 2023 et de confirmer la décision de la Commission de Recours Amiable de la CPAM des Bouches-du-Rhône du 28 juin 2022, ayant rejeté le recours de Madame [A] [E] contre la décision de la caisse de refus de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée.

Madame [A] [E] sera déboutée de l’intégralité de ses demandes.

Au regard de la nature du litige, chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par décision contradictoire, rendue en premier ressort,

DIT que la pathologie « hernie discale L4-L5 lombosciatal » déclarée par Madame [A] [E] le 26 mai 2021 ne peut être prise en charge au titre de la législation sur les maladies professionnelles ;

DÉBOUTE Madame [A] [E] de son recours à l’encontre de la décision implicite de rejet et de la décision explicite de rejet rendu le 28 juin 2022 par la commission de recours amiable de la caisse primaire centrale d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône;

DÉBOUTE Madame [A] [E] du surplus de ses demandes et prétentions ;

DIT que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

DIT que tout appel de la présente décision doit être formé, sous peine de forclusion, dans le délai d’un mois à compter de la réception de sa notification, conformément aux dispositions de l'article 538 du Code de procédure civile.

Notifié le :

LA GREFFIERE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 22/01698
Date de la décision : 30/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-30;22.01698 ?
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