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30/05/2024 | FRANCE | N°21/01942

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 30 mai 2024, 21/01942


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]


JUGEMENT N°24/02490 du 30 Mai 2024

Numéro de recours: N° RG 21/01942 - N° Portalis DBW3-W-B7F-ZBDH

AFFAIRE :
DEMANDEURS
Madame [K] [G]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Sophie PANAIAS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Julie OKON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [R] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représenté par Me Sophie PANAIAS, avocat au barreau d’AIX-EN

-PROVENCE substitué par Me Julie OKON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [T] [Y]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représenté par Me S...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]

JUGEMENT N°24/02490 du 30 Mai 2024

Numéro de recours: N° RG 21/01942 - N° Portalis DBW3-W-B7F-ZBDH

AFFAIRE :
DEMANDEURS
Madame [K] [G]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Sophie PANAIAS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Julie OKON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [R] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représenté par Me Sophie PANAIAS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Julie OKON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [T] [Y]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représenté par Me Sophie PANAIAS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Julie OKON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [A] [Y]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représenté par Me Sophie PANAIAS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Julie OKON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
[Adresse 2]
représentée par Mme [H] [S] (Inspecteur juridique), munie d’un pouvoir régulier

DÉBATS : À l'audience publique du 12 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : DEPARIS Eric, Vice-Président

Assesseurs : JAUBERT Caroline
AMELLAL Ginette

Lors des débats : ELGUER Christine, Greffier

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 30 Mai 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon la déclaration du 18 juillet 2020, transmise à la caisse primaire centrale d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône, Monsieur [M] [Y] a sollicité la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie constatée par certificat médical initial du 29 juin 2020 mentionnant un syndrome du canal carpien à la main droite.

Par courrier du 16 février 2021, la CPAM des Bouches-du-Rhône a notifié à Monsieur [M] [Y] sa décision de refus de prise en charge de la maladie déclarée, prise après avis défavorable du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région PACA Corse (ci-après CRRMP) du 9 février 2021.

Monsieur [M] [Y] a contesté cette décision du 16 février 2021 devant la Commission de Recours Amiable de la CPAM des Bouches-du-Rhône (ci-après CRA), laquelle par décision du 25 mai 2021 a rejeté le recours de l’assuré.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 juillet 2021, Monsieur [M] [Y] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille d’un recours contre la décision de rejet de la CRA du 25 mai 2021.

Par ordonnance présidentielle du 10 janvier 2023, Madame la Première Vice – Présidente du tribunal judiciaire de Marseille a désigné le CRRMP de Nouvelle Aquitaine avec pour mission de dire si l’affection présentée par Monsieur [M] [Y] a été directement causée par le travail habituel et si cette affection doit être prise en charge sur la base de la législation relatives aux maladies professionnelles au titre du tableau n° 57.

Le 22 mai 2023, le CRRMP de Nouvelle Aquitaine a rendu un avis défavorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée en ne retenant pas de lien direct entre la maladie et le travail habituel de la victime.

Monsieur [M] [Y] étant décédé le 16 janvier 2023, ses héritiers poursuivent l’action.

Les parties ayant été régulièrement convoquées, l’affaire a été évoquée à l’audience du 12 février 2024.

Représentés par leur conseil à l’audience, les consorts [Y] demande au tribunal de reconnaitre le caractère professionnel de la maladie déclarée le 18 juillet 2020.

A l’appui de cette demande, ils font valoir qu’il ressort des pièces qu’ils versent aux débats que Monsieur [M] [Y] a effectué des travaux comportant de façon habituelle et quotidienne des mouvements répétés d’extension du poignet ou de préhension de la main lorsqu’il effectuait des ports de charges lourdes.

En défense, la CPAM des Bouches-du-Rhône, représentée par une inspectrice juridique, demande au tribunal d’entériner l’avis du CRRMP de la région Nouvelle Aquitaine et de débouter les consorts [Y] de leur recours et de toutes leurs demandes.

Elle fait valoir que les avis des deux CRRMP sont clairs en ce qu’ils ont conclu qu’aucun des mouvements requis par le tableau n° 57 des maladies professionnelles n’est produit de façon habituelle pour dire qu’il existe un lien entre la pathologie et le travail.

Il convient de se reporter aux conclusions respectives des parties pour un exposé plus ample de leurs prétentions et moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile.

L’affaire a été mise en délibéré au 30 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte des dispositions de l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale qu'est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau des maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

L’alinéa 6 de cet article dispose que si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau des maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Dans ce cas, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

L’article R 142-17-2 du code de la sécurité sociale dispose que lorsque le différend porte sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie dans les conditions prévues aux sixième et septième alinéas de l'article L. 461-1, le tribunal recueille préalablement l'avis d'un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse en application du huitième alinéa de l'article L. 461-1.

En l’espèce, Monsieur [M] [Y], chef de chantier et conducteur de travaux à temps plein du 4 avril 2011 au 25 juillet 2020, a adressé à la CPCAM des Bouches-du-Rhône une demande de reconnaissance des maladie professionnelles au titre d’un syndrome du canal carpien droit.

Cette maladie est mentionnée au tableau n° 57-C des maladies professionnelles afférent à des affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail.

Le délai de prise en charge de cette maladie est de 30 jours et la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer la maladie sont les travaux comportant de façon habituelle, soit des mouvements répétés ou prolongés d'extension du poignet ou de préhension de la main, soit un appui carpien, soit une pression prolongée ou répétée sur le talon de la main.

La caisse estimant que l’ensemble des conditions du tableau n° 57 des maladies professionnelles n’étant pas réunis a saisi le CRRMP de la région PACA Corse, qui a rendu un avis défavorable le 9 février 2021 considérant que les travaux effectués par Monsieur [M] [Y] n’étaient pas ceux mentionnés dans la liste limitative des travaux prévue par ce tableau.

Cet avis est motivé ainsi : « Le comité est interrogé au titre du 6ème alinéa pour liste limitative des travaux du tableau des maladies professionnelle n°57 non remplies et pour délai de prise en charge dépassé de 1 mois et 17 jours avec
-cessation de l’exposition au risque fixée au : 16.03.2020.
-date de 1ère constatation médicale établie le : 02.06.2020.
-délai prévu par le tableau : 30 jours.

La profession exercée est celle de chef de chantiers, conducteur de travaux depuis 2011 chez le même employeur.
L’intéressé effectue à 40 % des taches administratives (saisie de données sur ordinateur) et il travaille à 60 % sur chantier en faisant de l’encadrement principalement, selon les déclarations de l’employeur.
Selon la déclaration du salarié, il effectue lui-même un certain nombre de travaux sur sites mais de façon aléatoire selon la taille du chantier et il déclare être exposé à un appui carpien lorsqu’il va dans les vides sanitaires ou dans les gaines techniques. Ceci est alors occasionnel à raison de 2 fois une heure en 4 mois. Il conduit aussi un véhicule professionnel.

Le patient est droitier, le syndrome du canal carpien droit est objectivé par EMG du 02/06/2020 : syndrome compressif canalaire sensitif et moteur bilatéral sur les nerfs médians aux poignets, ancien, décompensé et prédominant à gauche. Il existe aussi un syndrome compressif tronculaire ulnaire gauche, moteur pur au coude et non chirurgical.
Le service de médecine du travail confirme des activités de saisies de données sur clavier, une préhension lors de la conduite et des mouvements d’extension du poignet avec appui carpien lors de visites de chantiers dans les vides sanitaires sur hauteurs restreintes.

Le syndrome apparait ancien selon les résultats de l’EMG, on peut considérer que le délai n’est pas dépassé.
Cependant, l’intéressé considère que la pathologie déclarée n’est pas due aux travaux réalisés chez son dernier employeur. Il indique qu’il fait du travail administratif et des déplacements importants et qu’il ne donne qu’une aide occasionnelle à son équipe.

En conséquence, pour la liste limitative des travaux non remplie, le Comité ne retient pas un lien direct entre le syndrome du canal carpien droit et la profession exercée ».

Le CRRMP de Nouvelle Aquitaine a lui aussi rendu un avis défavorable le 22 mai 2023 considérant que le délai de prise en charge est dépassé et que les travaux effectués par Monsieur [M] [Y] n’étaient pas mentionnés dans la liste limitative des travaux prévue par ce tableau.

Cet avis est motivé ainsi : « La date de première constatation médicale est le 02/06/2020 (date indiquée sur le CMI).

Son dossier est soumis au CRRMP car il n’effectue pas les travails prévus par la liste limitative du tableau n°57 C, mais aussi pour dépassement du délai de prise en charge : fin d’exposition au risque le 16/03/2020 et première constatation médicale le 02/06/2020, soit un délai de 78 jours au lieu de 30 jours prévus par le tableau.

Le salarié déclare travailler comme chef de chantier et conducteur de travaux à temps plein du 04/04/2011 au 25/07/2020 et effectuer la gestion des chantiers sur toute la région, la vérification et le contrôle des travaux sur l’ensemble des chantiers, la gestion des livraisons du matériel, la récupération et la livraison de ceux-ci.

Il précise que travaillant dans le bâtiment depuis 1976 (16 ans) à ce jour, ses mains ont été abimées par les différents travaux manuels, port de charges lourdes (tuyaux, chaudière, chauffe-eaux, bac à douche, WC, baignoires) ; réparations, soudures, perçage au marteau piqueur, ponçage, meulage, découpage, démolition, tranchées pour enfuir des tuyauteries (en tout genre) avec ses employeurs antérieurs (comme plombier chauffagiste).

Selon le dernier employeur, il effectue en moyenne un temps de travail de 40 % au bureau et de 60 % sur chantiers. Mais sur chantiers, le salarié ne faisait pas de travail manuel, il faisait de l’encadrement.

Le Comité a pris connaissance du courrier du médecin du travail, daté du 07/10/2020.
Le Comité n’a retrouvé aucun élément nouveau dans le dossier depuis la conclusion du CRRMP de PACA.

L’ingénieur conseil ayant été entendu.

Le comité considère que le délai de prise en charge est dépassé d’autant plus que les activités de la dernière période travaillée entre 2011 et 2020 ne mettent pas en évidence d’hyper sollicitation significative des mains et poignets par rapport à la pathologie déclarée.

En conséquence le CRRMP considère que les éléments de preuve d’un lien de causalité direct entre la pathologie déclarée et l’exposition professionnelle incriminée ne sont pas réunis dans ce dossier ».

Les consorts [Y] versent aux débats plusieurs éléments afin de démontrer que Monsieur [M] [Y] remplissait les conditions de prise en charge mentionnées dans le tableau n° 57-C.

Ainsi dans l’attestation qu’il a rédigé le 21 septembre 2023, Monsieur [C] [I] indique avoir connu Monsieur [M] [Y] en 1996 et qu’à cette époque « son rôle consistait à superviser les travaux et à approvisionner en matériel et matériaux les intervenants sur site, pour cela il devait se rendre chez les fournisseurs, charger son véhicule et livrer l’ensemble sur le lieu des travaux.
Ces livraisons pouvaient être de simples paquets de vis, mais la plupart du temps celles-ci comprenaient des sacs de ciment ou de plâtre, des climatiseurs, des clapets coupe – feu, des échelles, divers tubes, des caisses à outils (liste non exhaustive), et cela tous les jours sur plusieurs chantiers en parallèles.
De plus, il aidait à la manutention et à la mise en place de matériels lourds tel que : groupe froid, centrale de traitement d’air, ventilateur, échangeur à plaque et tout ce qui constitue une installation de climatisation et de chauffage ».

Le Docteur [X] [B], dans un courrier du 13 octobre 2020, affirme avoir opéré Monsieur [M] [Y] et que le syndrome du canal carpien « peut être la conséquence de son activité professionnelle » et « alléguant être manuel ++, conducteur de travaux en CVC sans antécédent de diabète, exposé à des travaux professionnels parfois de force comportant de façon habituelle des mouvements répétés et prolongés des tendons extenseurs et fléchisseurs de la main, des doigts et des poignets».

Le Docteur [N] [W] dans un courrier du 25 septembre 2023, indique que Monsieur [M] [Y] a présenté plusieurs pathologies dont un syndrome du canal carpien droit et que ses pathologies articulaires multiples peuvent être rattachées à son travail avec manipulation d’objets lourds avec des mouvements de rotation flexion des poignets (prédominant à droite car droitier) répétitive ayant amené à une intervention chirurgicale.

Enfin, ils indiquent que dans le procès-verbal dressé par la CPAM des Bouches-du-Rhône l’employeur confirme que Monsieur [M] [Y] pouvait conduire durant une à trois heures par jour.

S’il est constant que le juge n’est pas lié par les avis des CRRMP dont il apprécie souverainement la valeur et la portée, les pièces versées aux débats par les consorts [Y] ne permettent pas au tribunal, compte-tenu du temps de supervision des chantier relaté dans l’attestation et du certificat médical qui se limite à considérer une hypothèse sans démontrer de certitude, de remettre en cause les avis du CRRMP PACA Corse et du CRRMP de Nouvelle Aquitaine qui sont clairs, concordants, motivés et sans équivoque.

Il convient donc d’entériner ce dernier avis et de débouter les consorts [Y] de leur demande de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée le 18 juillet 2020 par Monsieur [M] [Y].

Au regard de la nature du litige, chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par décision contradictoire, rendue en premier ressort,

ENTÉRINE l’avis du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles de Nouvelle Aquitaine du 22 mai 2023 ;

DIT que la pathologie « syndrome compressif canalaire du canal carpien droit » déclarée par Monsieur [M] [Y] le 18 juillet 2020 ne peut être prise en charge au titre de la législation sur les maladies professionnelles ;

DÉBOUTE les consorts [Y], venant aux droits de Monsieur [M] [Y], de leur recours à l’encontre de la décision explicite de rejet rendu le 25 mai 2021 par la commission de recours amiable de la caisse primaire centrale d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône ;

DIT que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

DIT que tout appel de la présente décision doit être formé, sous peine de forclusion, dans le délai d’un mois à compter de la réception de sa notification, conformément aux dispositions de l'article 538 du Code de procédure civile.

Notifié le :

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 21/01942
Date de la décision : 30/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-30;21.01942 ?
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