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30/05/2024 | FRANCE | N°20/00248

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 30 mai 2024, 20/00248


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 1]


JUGEMENT N°24/02488 du 30 Mai 2024

Numéro de recours: N° RG 20/00248 - N° Portalis DBW3-W-B7E-XF24

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [J] [A]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Maître Cedric HEULIN de la SELARL SELARL CEDRIC HEULIN, avocats au barreau de MARSEILLE


c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
[Localité 2]
représentée par Mme [O] [H] (Inspecteur juridique), munie d’un pouvoir régulier
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DÉBATS : À l'audience publique du 12 Février 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : DEPARIS Eric, Vic...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 1]

JUGEMENT N°24/02488 du 30 Mai 2024

Numéro de recours: N° RG 20/00248 - N° Portalis DBW3-W-B7E-XF24

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [J] [A]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Maître Cedric HEULIN de la SELARL SELARL CEDRIC HEULIN, avocats au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
[Localité 2]
représentée par Mme [O] [H] (Inspecteur juridique), munie d’un pouvoir régulier

DÉBATS : À l'audience publique du 12 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : DEPARIS Eric, Vice-Président

Assesseurs : JAUBERT Caroline
AMELLAL Ginette

Lors des débats : ELGUER Christine, Greffier

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 30 Mai 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

M. [A] [J] a présenté un certificat médical initial en date du 06/10/2014 établissant qu’il souffrait d’une « pneumopathie interstitielle après travail en aciérie-sidérurgie- haut fourneau-cokerie. Trouble ventilatoire restrictif – trouble de la diffusion ».

Une déclaration de maladie professionnelle a été établie le 05/11/2014.

La demande de M. [A] [J] a été instruite par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des Bouches-du-Rhône en une maladie hors tableau et a été transmise au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de [Localité 9]. Ce dernier a rendu un avis le 24/06/2015 au titre de l’alinéa 4 de l’article L461-1 du code de sécurité sociale suivant lequel il ne retenait pas de lien direct et essentiel entre la pathologie déclarée et la profession exercée.

La CPAM a notifié un refus de reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie par courrier du 11/03/2016.

M. [A] [J] a saisi la commission de recours amiable qui a rejeté sa demande dans une décision du 21/06/2016.

Par courrier en date du 08/05/2016, M. [A] [J] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale pour contester le refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle de son affection.

Par jugement du 18 mai 2017 auquel il convient de se référer, ce tribunal a ordonné la saisine du CRRMP de la Région MIDI-PYRENEES.

Par jugement du 07/01/2020 auquel il convient de se référer, ce tribunal a annulé l’avis du CRRMP de la Région MIDI-PYRENEES et a ordonné la saisine du CRRMP de la Région RHÔNE-ALPES, remplacé par le CRRMP de la Région CENTRE-VAL DE LOIRE par ordonnance présidentielle du 26 octobre 2021 au motif que le CRRMP de la Région RHÔNE-ALPES était dans l’impossibilité de rendre son avis en l’absence du médecin inspecteur régional du travail.

Par jugement du 11 mai 2023 auquel il convient de se référer, ce tribunal a annulé l’avis du CRRMP de la Région CENTRE-VAL DE LOIRE et a ordonné la saisine du CRRMP de la Région GRAND EST.

Suivant avis du 14 septembre 2023, le CRRMP de la région GRAND EST a émis un avis défavorable à la reconnaissance en maladie professionnelle, selon la motivation, que « les éléments de preuve d’un lien direct et essentiel entre la pneumopathie interstitielle présentée par M. [A] et son activité professionnelle ne sont pas réunis dans ce dossier».

Suivant avis du 14 septembre 2023, le CRRMP de la région GRAND EST a conclu à l’absence de lien direct et essentiel entre la pneumopathie interstitielle présentée par M. [A] et son activité professionnelle.

L’affaire a été appelée à l’audience du 12 février 2024.

Au terme de ses conclusions, soutenues oralement à l'audience par son conseil, M. [A] [J] demande au tribunal de :

-à titre principal, d’annuler l’avis du CRRMP de la région GRAND EST, d’annuler la décision de la CPAM du 11/03/2016 et celle de la commission de recours amiable du 27/05/2016.
-reconnaitre le caractère de la pathologie de M. [A]
ou
- désigner un « second » CRRMP,
à titre subsidiaire, d’ordonner à la CPAM de rouvrir l’instruction du dossier de M. [A] [J] sur la base de l’alinéa 3 de l’article L 461-1 du code de la sécurité sociale (MP n°44) en sollicitant l’avis d’un CRRMP sur le critère relatif à la liste des travaux et sur le lien entre les travaux habituels du salarié et sa maladie,
- en tout état de cause, condamner la CPAM à lui verser la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

A l’appui de ses prétentions, il indique que l’avis du CRRMP de la région GRAND EST n’est pas motivé alors qu’il produit pour sa part des justificatifs.

La CPCAM, représentée par une inspectrice juridique et reprenant ses dernières écritures déposées à l’audience, ne s’oppose pas à la désignation d’un nouveau CRRMP et conclut au rejet de toutes les autres demandes de M. [A].

Pour un exposé plus ample des moyens, le tribunal se réfère expressément aux écritures soutenues oralement à l’audience, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’affaire est mise en délibéré au 30 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

L’article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale dispose que :

«(…) Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.
Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.
Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.
Les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d'origine professionnelle, dans les conditions prévues aux septième et avant-dernier alinéas du présent article. Les modalités spécifiques de traitement de ces dossiers sont fixées par voie réglementaire ».

Il convient de rappeler que le tribunal n’est pas tenu par les avis rendus par les Comités Régionaux de Reconnaissance des Maladies Professionnelles dont il apprécie souverainement la motivation.

En l’espèce, la motivation de cet avis du CRRMP de la région GRAND EST ne tient qu’en une phrase, non démonstrative, mais simplement péremptoire, pour ne pas dire stéréotypée de ce que « Toutefois, la pathologie déclarée n’a pas d’origine professionnelle connue et peut tout à fait être expliquée par le tabagisme » sans autre considération de littérature médicale et de circonstances de fait justifiant de cette affirmation alors qu’il est constaté dans la phrase précédente : « M. [A] a travaillé comme aciériste dans la sidérurgie et les hauts fourneaux. Il a été exposé à diverses poussières (silice, oxydes de fer, métaux etc.…)

Il s’agit d’une affirmation effectuée en terme généraux, et non d’une motivation précise et circonstanciée fondée sur les caractéristiques de la situation médicale et professionnelle de Monsieur [A].
Dès lors, une motivation trop générale équivalant à l’absence de motivation, cette exigence énoncée à l’article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale n’est pas satisfaite.

En conséquence, l’avis du CRRMP de la région GRAND EST en date du 14 septembre 2023 ne s’avère pas régulier et ne peut qu’être écarté.

M. [A] justifie de trois attestations de salariés ayant travaillé à ses côtés de 2006 à 2014, et notamment M. [V] [Z] relatant avoir travaillé avec lui à l’aciérie de [Localité 7] de 2006 à 2011 « au service poches ou (…) chalumant les poches après leur coulée d’acier et fait diverses tâches de nettoyage. » et M. [N] [M] aux hauts fourneaux de [Localité 8] : « Sur les planchers de coulée, nous devions faire couler la fonte des hauts fourneaux, prendre la température des échantillons de fonte et de laitiers, mais aussi faire les nettoyages des trous de coulée et des abords où coule la fonte. Notre travail consistait aussi à changer des tuyères et des tympes lors des arrêts de hauts fourneaux ».

Par ailleurs, M. [A] produit des justificatifs médicaux précis et étayés reliant sa pathologie à une cause unique provenant de cette activité professionnelle.
Ainsi, le certificat en date du 16 juillet 2014 du Professeur de médecine [T] [U] au service pneumologie à l’[5] évoque « une pneumoconiose chez un homme jeune qui a été exposé dans le cadre de son travail en cokerie. Actuellement, ses symptômes sont stables. (…) Le problème majeur est représenté par son exposition actuelle dans un contexte d’utilisation d’hydrocarbures, il est nécessaire qu’il soit revu par la médecine du travail pour que son poste soit aménagé. L’absence de toute exposition toxique me semble être la meilleure solution pour cet homme (…) Il est nécessaire qu’une demande de maladie professionnelle soit réalisée ».
De même, l’attestation de la médecin du travail la Docteure [F] [I] en date du 15 décembre 2014 relate que M. [A] est atteint de pneumoconiose – maladie infiltrative diffuse – comprenant un emphysème mixte avec surcharge bronchitique. Elle pointe comme origine l’exposition aux poussières d’aciérie de 2006 à 2012 à [Localité 7] et hauts fourneaux de 2012 à 2014 à [Localité 8], à savoir graphite, silice, fumées d’oxyde fer, chaux, chalumage de manganèse, titane, cuivre, fibres de laitier, SO2. En commentaires, la médecin rappelle la radio pulmonaire de 2011 avec une image d’hyperdensité du parenchyme pulmonaire. TBM juin 2013 : bronchiolite bilatérale associée à des bulles d’emphysème.

Il n’est dès lors pas sérieusement contestable que M. [A] a été exposé au plus près à de très nombreux agents nocifs directement et très régulièrement dans le cadre de l’activité professionnelle en question de 2006 à 2014 et en a développé directement et essentiellement une pathologie pulmonaire invalidante, aucune autre hypothèse sérieusement étayée n’étant rapportée : les praticiens relatant les imageries médicales ne rapportent par ailleurs aucun élément paraissant lié au tabagisme.

De surcroit, M. [A] toujours en poste jusqu’au 30 septembre 2022, bénéficie par décision du 22 septembre 2023 de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des Bouches-du-Rhône de la prise en charge, sans que n’apparaisse l’opposition d’un tabagisme, d’une maladie professionnelle affectant la même région corporelle, soit un cancer broncho-pulmonaire primitif prévu au tableau 16 bis.

Dans ces conditions, le caractère professionnel de la maladie de M. [A] [J] sera reconnu et ce dernier sera renvoyé devant la CPAM des Bouches-du-Rhône afin d’être remplie de ses droits.

Sur les demandes accessoires

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la CPAM des Bouches-du-Rhône, qui succombe en ses prétentions, sera condamnée aux entiers dépens de l'instance.

Enfin, M. [A] ayant dû engager la présente instance pour faire valoir ses droits, l’équité commande qu’il lui soit alloué à la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats publics par jugement contradictoire et en premier ressort mis à disposition au greffe,

DECLARE recevable le recours de M. [A] [J],

DIT que la « pneumopathie interstitielle après travail en aciérie-sidérurgie-haut fourneau-cokerie. Trouble ventilatoire restrictif – trouble de la diffusion » de M. [A] [J], déclarée le 05/11/2014 suivant certificat médical initial du 06/10/2014, est essentiellement et directement causée par son travail habituel ;

RAPPELLE que la présente décision a vocation à se substituer aux décisions de la CPAM des Bouches-du-Rhône ;

RENVOIE M. [A] [J] devant la CPAM des Bouches-du-Rhône afin d’être rempli de ses droits ;

CONDAMNE la CPAM des Bouches-du-Rhône à verser à M. [A] [J] la somme de 800 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE la CPAM des Bouches-du-Rhône aux dépens de l’instance.

DIT que tout appel de la présente décision doit être formé, sous peine de forclusion, dans le délai d’un mois à compter de la réception de sa notification, conformément aux dispositions de l'article 538 du Code de procédure civile.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 30 mai 2024.

Notifié le :

LA GREFFIERE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 20/00248
Date de la décision : 30/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-30;20.00248 ?
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