La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/05/2024 | FRANCE | N°23/10789

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab2, 28 mai 2024, 23/10789


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°24/ DU 28 Mai 2024


Enrôlement : N° RG 23/10789 - N° Portalis DBW3-W-B7H-4B35

AFFAIRE : Le Comptable public du Service des Impôts des Entreprises [Adresse 5] ( l’AARPI LOMBARD-SEMELAIGNE-DUPUY-DELCROIX)
C/ M. [D] [V] (Me Michel LABI)


DÉBATS : A l'audience Publique du 09 Avril 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : BERARD Béatrice,
r>Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mis...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/ DU 28 Mai 2024

Enrôlement : N° RG 23/10789 - N° Portalis DBW3-W-B7H-4B35

AFFAIRE : Le Comptable public du Service des Impôts des Entreprises [Adresse 5] ( l’AARPI LOMBARD-SEMELAIGNE-DUPUY-DELCROIX)
C/ M. [D] [V] (Me Michel LABI)

DÉBATS : A l'audience Publique du 09 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : BERARD Béatrice,

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 28 Mai 2024

Jugement signé par JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente et par BERARD Béatrice, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

Le Comptable public du Service des Impôts des Entreprises (SIE) de [Adresse 5], qui élit domicile en ses bureaux sis [Adresse 1]

représentée par Maître Eric SEMELAIGNE de l’AARPI LOMBARD-SEMELAIGNE-DUPUY-DELCROIX, avocats au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDEUR

Monsieur [D] [V]
né le 28 Février 1965 à [Localité 3] (ALGERIE)
de nationalité Algérienne, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Michel LABI, avocat au barreau de MARSEILLE

EXPOSE DU LITIGE

Par acte en date du 19 octobre 2023, le Comptable Public du Service des Impôts des Entreprises (SIE) de [Adresse 5], autorisé par ordonnance en date du 2 octobre 2023, a fait assigner à jour fixe [D] [V] devant le Président du Tribunal judiciaire de Marseille afin de le voir déclarer personnellement et solidairement responsable du paiement des impositions dues par la société SOCIETE [6] pour un montant de 104.057 euros et de le voir condamner à payer la somme de 104.057 euros, outre la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 mars 2024, auxquelles il y a lieu de se référer pour plus ample exposé des moyens, il demande au Tribunal de :
In limine litis
- juger que le Tribunal judiciaire de Marseille est incompétent, seul le Tribunal administratif de Marseille étant compétent pour connaître des demandes relatives à la prescription de l’action en recouvrement du comptable public,
En toute hypothèse
- rejeter les demandes de [D] [V],
En conséquence ;
- déclarer [D] [V] personnellement et solidairement responsable du paiement des impositions dues par la société SOCIETE [6] pour un montant de 104.057 euros,
- condamner Monsieur [D] [V] à payer au comptable public la somme de 104.057 euros,
- le condamner à lui payer la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux dépens.

Il fait valoir que [D] [V] a commis, en sa qualité de gérant de la société SOCIETE [6], des manquements graves et répétés à ses obligations fiscales et comptables compte tenu de l’ampleur du montant de TVA non acquitté et de la répétition des manquements ; qu’en effet, la société SOCIETE [6] est débitrice à l’égard du Comptable Public du Service des Impôts des Entreprises (SIE) de [Adresse 5] de la somme de de 104.057,00 euros, constituée du non-paiement de la taxe sur la valeur ajoutée et de la défaillance déclarative chronique de la société en matière de TVA au titre des exercices 2017, 2018 et 2019 aboutissants à de multiples taxations d’office; que le 3 mai 2022, la société a fait l’objet d’une radiation d’office du registre du commerce et des sociétés de Marseille, suite à une cessation d’activité; que Monsieur [V] a volontairement omis de reverser la TVA collectée sur plusieurs mois consécutifs pour se procurer des revenus occultes et s’est abstenu de payer la CFE.
Il soutient que seul le Tribunal administratif est compétent pour statuer sur la prescription de l’action en recouvrement du comptable public, et qu’en tout état de cause, Monsieur [V] n’a pas respecté la procédure d’opposition suite à la réception des mises en demeure de payer.
Il ajoute que si effectivement les actes de recouvrement de la dette fiscale sont restés infructueux durant dix années, Monsieur [V] a effectué plusieurs paiements spontanés pour un montant total de 20.412 € entre 2011 et 2023 et s’est engagé à solder sa dette à plusieurs reprises, et dès lors, il ne peut être reproché au comptable d’avoir tardé à mettre en cause la responsabilité du gérant.

En défense, dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 février 2024, auxquelles il y a lieu de se référer pour plus ample exposé des moyens, [D] [V] demande au Tribunal de :
In limine litis,
- prononcer la prescription des impositions dues par la SOCIETE [6] à défaut pour le comptable public d’avoir engagé des poursuites dans le délai de 4 ans,
En conséquence,
- rejeter les demandes, fins et conclusions du Comptable Public du Service des Impôts des Entreprises de [Adresse 5] ;
A titre subsidiaire, si le Tribunal déclarait les impositions non prescrites,
- rejeter les demandes, fins et conclusions du Comptable Public du Service des Impôts des Entreprises de [Adresse 5] à défaut d’avoir agi contre Monsieur [V] dans un délai satisfaisant,
- condamner le Comptable Public du Service des Impôts des Entreprises de [Adresse 5] au paiement de la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Il soutient qu’il appartient au comptable public de justifier de l’engagement de poursuites ayant fait suspendre ou interrompre la prescription à l’égard de toutes les créances dont il réclame le paiement, et qu’en tout état de cause, à défaut d’avoir agi dans un délai satisfaisant, l’action du comptable public à son encontre est irrecevable.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l’article L267 du livre des procédures fiscales, lorsqu'un dirigeant d'une société, d'une personne morale ou de tout autre groupement, est responsable des manœuvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société, la personne morale ou le groupement, ce dirigeant peut, s'il n'est pas déjà tenu au paiement des dettes sociales en application d'une autre disposition, être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités par le président du tribunal judiaire. A cette fin, le comptable public compétent assigne le dirigeant devant le président du tribunal judiciaire du lieu du siège social. Cette disposition est applicable à toute personne exerçant en droit ou en fait, directement ou indirectement, la direction effective de la société, de la personne morale ou du groupement.

L'article L267 ne comportant aucun délai pour la mise en œuvre de la procédure qu'il prévoit, l'action ouverte au comptable peut être exercée tant que les poursuites tendant au recouvrement des créances fiscales ne sont pas atteintes par la prescription, telle que fixée par l'article L275 ou l'article L 274 LPF.

Ainsi, sous réserve d'être introduite dans un délai satisfaisant, l'action en responsabilité solidaire du dirigeant d'une société, ouverte au comptable public, peut être exercée tant que les poursuites tendant au recouvrement de la dette fiscale de la société ne sont pas atteintes par la prescription.

Il appartient donc au Tribunal de vérifier que les poursuites en sont pas atteintes pas la prescription; cette question relève de la compétence du présent Tribunal; en effet, seule la contestation de la régularité d’un acte interrompant la prescription, par exemple un commandement de payer, relèverait de la compétence du Tribunal administratif, or ce n’est pas ce qui est soulevé en l’espèce.

Les créances dont se prévaut l’administration fiscale résultent des titres exécutoires suivants :
- avis de mise en recouvrement (AMR) n° 120200277 au titre de l’acompte de TVA de décembre 2011 pour un montant de 5.954 euros ;
- AMR n°160807523 / AMR n°11105137 au titre de la TVA du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010 pour un montant de 2.237 euros ;
- AMR n°101100194 au titre de la TVA du 1er octobre 2010 au 31 octobre 2010 pour un montant de 1.023 euros ;
- AMR n°20131005142 au titre de la TVA du 1er décembre 2011 au 31 décembre 2011 pour un montant de 5.490 euros ;
- AMR n° 120652204 au titre de l’acompte de TVA d’avril 2012 pour un montant de 868 euros;
- AMR n° 120900149 au titre de l’acompte de TVA de juillet 2012 pour un montant de 4.359 euros ;
- AMR n°121200132 au titre de l’acompte de TVA d’octobre 2012 pour un montant de 4.359 euros ;
- AMR n° 130200169 au titre de l’acompte de décembre 2012 pour un montant de 3.487 euros;
- AMR n°141205155 au titre de la TVA de janvier 2013 au 31 décembre 2013 pour un montant de 8.326 euros ;
- AMR n° 150605093 au titre de la TVA de janvier 2014 au 31 décembre 2014 pour un montant de 4.400 euros ;
- AMR n° 160605197 au titre de la TVA de janvier 2015 au 31 décembre 2015 pour un montant de 3.840 euros ;
- AMR n°170605329 au titre de la TVA de janvier 2016 au 31 décembre 2016 pour un montant de 3.645 euros ;
- AMR n°170200339 au titre de la TVA du 1er décembre 2016 au 31 décembre 2016
pour un montant de 1.536 euros ;
AMR n° 180805228 au titre de la TVA du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2017 pour un montant de 1.200 euros ;
- AMR n° 18100534 au titre de la TVA du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2017 pour un montant de 2.874 euros ;
- AMR n°170900234 au titre de la TVA du 1er décembre 2017 au 31 décembre 2017 pour un montant de 2.675 euros ;
- AMR n°180200238 au titre de l’acompte de TVA de décembre 2017 pour un montant de 1.946 euros ;
- AMR n°1809002664 au titre de la TVA du 1er juillet 2018 au 31 juillet 2018 pour un montant de 2.675 euros ;
- AMR n°190200298 au titre de la TVA du 1er décembre 2018 au 31 décembre 2018 pour un montant de 1.946 euros ;
- AMR n°20190900321 au titre de l’acompte de TVA de 1er juillet 2020 au 31 juillet 2020 pour un montant de 2.675 euros ;
- AMR n° 20200200364 au titre de la TVA du 1er décembre 2019 au 31 décembre 2019 d’un montant de 1.946 euros ;
- AMR n°121005122 au titre de la TVA du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2011 pour un montant de montant de 4.160 euros ;
- AMR n° 160702521 au titre de la CFE 2011 pour un montant de 237 euros.
Le comptable public produit également un avis à tiers détenteur délivré le 31 janvier 2011 et deux mises en demeure de payer valant commandement adressées à la SARL SOCIETE [6] le 11 juin 2020, réceptionnées le 23 juin 2020, reprenant l’intégralité de ces impositions.

Contrairement à ce que soutient le comptable public, le fait pour la SARL SOCIETE [6] de ne pas avoir formulé de réclamation dans le délai de deux mois suivant la notification de ces mises en demeure n’empêche pas Monsieur [V] d’invoquer la prescription résultant de l’article L 274 du livre des procédures fiscales.

L’assignation a été délivrée le 19 octobre 2023

Il ressort des pièces versées aux débats que des versements ont été effectuées les 13 juillet 2011, 30 mai 2016, 6 juillet 2016, 31 août 2023, 13 mars 2017, 14 mars 2017, 31 octobre 2020.

Deux mises en demeure valant commandement ont été adressées le 11 juin 2020 et reçues le 23 juin 2020.

Des procès-verbaux de carence des 4 mars 2013, 3 mai 2016 et 18 octobre 2018 ont été notifiés au gérant qui a formulé des propositions de paiement et un procès-verbal de perquisition a été établi le 5 mai 2022.

Il en résulte que les poursuites n’étaient pas prescrites à la date de délivrance de l’assignation.

Enfin, l'action en responsabilité solidaire a été introduite dans un délai satisfaisant, compte tenu des versements effectués par le gérant, le dernier datant du 31 août 2023 pour un montant de 6.073 euros, la société ayant été radiée le 3 mai 2022.

Il ressort des pièces versées aux débats que la SARL SOCIETE [6] s’est abstenue de payer la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au titre des périodes suivantes : octobre 2010, décembre 2010, décembre 2011, avril 2012, juillet 2012, octobre 2012, décembre 2012, décembre 2013, décembre 2014, décembre 2015, décembre 2016, juillet 2017, décembre 2017, juillet 2018, décembre 2017, décembre 2018, juillet 2019, décembre 2019, juillet 2020 et décembre 2020.
Elle a également manqué à ses obligations déclaratives en matière de TVA au titre des exercices 2017, 2018 et 2019 aboutissants à de multiples taxations d’office, et n’a pas réglé la cotisation foncière des entreprises de 2011 à 2021.

[D] [V] était le gérant de cette société depuis sa création.

Le comptable public a fait notifier à la société 15 mises en demeure de payer entre le 14 décembre 2017 et 24 avril 2022 et a également procédé à deux avis à tiers détenteurs sur les comptes de la société les 31 janvier et 2 mars 2011.
De même, le SIE a diligenté plusieurs saisies qui ont abouti les 4 mars 2013, 3 mai 2016 et 18 octobre 2018 à des procès-verbaux de carence ainsi qu’à un procès-verbal de perquisition le 5 mai 2022.
Monsieur [V] s’est engagé à plusieurs reprises en 2013, 2016, 2018 et 2019 auprès du comptable public et de l’huissier des finances publiques à régler la dette en plusieurs échéances.
Il a ainsi a effectué plusieurs versements spontanés en 2011, 2016, 2017, 2020, 2023 pour un montant total de 20.412 euros.
Enfin, le comptable public a procédé à des inscriptions de privilège du Trésor de 2012 à 2018.
La radiation d’office de la société a été effectuée le 3 mai 2022 au terme du délai de trois mois après la cessation d’activité en application de l’article R123-125 du Code de commerce.

Le comptable public démontre ainsi que l'administration a mis en œuvre des actes de poursuites pour obtenir le paiement des impositions par la personne morale, et que cette action s'est révélée vaine.

Au regard de la nature des impôts concernés et de la durée de ces manquements qui se sont étalés sur plusieurs années, il y a lieu de considérer que l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales rendant impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société est établie.

Dès lors, il convient de faire droit à la requête du Pôle de Recouvrement Spécialisé de [Localité 4] et de déclarer [D] [V] solidairement responsable du paiement des impositions restant dues par la SARL SOCIETE [6] à hauteur de 104.057 euros.

[D] [V] sera donc condamé à lui payer la somme 104.057 euros.

[D] [V], qui succombe à la présente instance, sera condamné aux dépens.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge du Comptable Public du Service des Impôts des Entreprises (SIE) de [Adresse 5] l’intégralité des frais irrépétibles qu’il a exposés. [D] [V] sera donc condamné à lui payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

Déclare [D] [V] solidairement responsable du paiement des impositions restant dues par la SARL SOCIETE [6] à hauteur de 104.057 euros,

Condamne [D] [V] à payer au Comptable Public du Service des Impôts des Entreprises (SIE) de [Adresse 5] la somme de 104.057 euros,

Condamne [D] [V] à payer au Comptable Public du Service des Impôts des Entreprises (SIE) de [Adresse 5] la somme de 3.000 euros au titre de l'artic1e 700 du Code de procédure civile,

Condamne [D] [V] aux dépens.

AINSI JUGE ET MIS À DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 28 MAI 2024.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab2
Numéro d'arrêt : 23/10789
Date de la décision : 28/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 03/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-28;23.10789 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award