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28/05/2024 | FRANCE | N°23/10169

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab2, 28 mai 2024, 23/10169


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°24/ DU 28 Mai 2024


Enrôlement : N° RG 23/10169 - N° Portalis DBW3-W-B7H-34IC

AFFAIRE : Mme [B] [V]-[U] ( Me Gilles NAHON)
C/ Etablissement public Direction Régionale des Finances Publiques de Provence-Alpes-Côte d’Azur


DÉBATS : A l'audience Publique du 09 Avril 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : BERARD Béatrice,

Vu le rapp

ort fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à dispositi...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/ DU 28 Mai 2024

Enrôlement : N° RG 23/10169 - N° Portalis DBW3-W-B7H-34IC

AFFAIRE : Mme [B] [V]-[U] ( Me Gilles NAHON)
C/ Etablissement public Direction Régionale des Finances Publiques de Provence-Alpes-Côte d’Azur

DÉBATS : A l'audience Publique du 09 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : BERARD Béatrice,

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 28 Mai 2024

Jugement signé par JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente et par BERARD Béatrice, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

Madame [B] [V]-[U]
née le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 5]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Gilles NAHON, avocat au barreau de NICE

C O N T R E

DEFENDERESSE

Direction Générales des Finances Publiques, poursuites et diligences de la Directrice Régionale des Finances publiques de Provence-Alpes-Côte d’Azur et des Bouches du Rhône qui élit domicile à : Division des Affaires Juridiques - Pôle Juridictionnel judiciaire d’Aix-en-Provence, [Adresse 1]

dispensé du ministère d’avocat

EXPOSE DU LITIGE

[N] [U] est décédé le [Date décès 3] 2020.

Par réclamation contentieuse en date du 21 octobre 2022 [B] [V]-[U] a contesté le montant mis à sa charge au titre des droits de succession, et a sollicité le dégrèvement de la somme de 151.036 euros

Par décision en date du 11 juillet 2023 reçue le 17 juillet 2023, le Directeur des Services Fiscaux a rejeté cette réclamation.

Par acte en date du 11 septembre 2023, [B] [V]-[U] a fait assigner la Direction Générale des Finances Publiques de Provence-Alpes Côte d’Azur et Bouches-du-Rhône devant le Tribunal judiciaire de Marseille afin d’obtenir la décharge et le dégrèvement de la somme de 151.036 € sur les droits réellement dus par elle sur la succession de [N] [U], son père biologique et adoptif.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 14 février 2024 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, elle demande au tribunal de :
- prendre acte des critiques formulées à l’encontre de la décision de rejet en date du 11 juillet 2023 du Directeur des Services Fiscaux,
- ordonner la décharge et le dégrèvement de la somme de 151.036 € sur les droits réellement dus par elle sur la succession de feu [N] [U], son père biologique et adoptif,
- condamner l’Etat à lui payer les dépens mentionnés à l’article R 207-1 du Livre des procédures fiscales, ainsi que la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Elle expose que le montant des droits de mutation à titre gratuit mis à sa charge à la suite de la déclaration de succession en date du 13 janvier 2021 de feu [N] [U] décédé le [Date décès 3] 2020 s’est élevé à 194.324 € calculé sur un assiette de 323.873 € au taux de 60 %, or elle est en droit de bénéficier du calcul des droits prévus pour les héritiers en ligne directe, soit à 43.288 €.
Elle indique qu’elle apporte la preuve de secours et soins continus et principaux prodigués par son père biologique et adoptant [N] [U] depuis sa naissance ; qu’il est avéré et reconnu de tous que [N] [U] est son père biologique; qu’il s’est toujours comporté comme un père et avait d’ailleurs mandaté un avocat pour engager une procédure d’adoption simple dès 2014, qui n’a pas pu aboutir de son vivant en raison de l’inertie de son Conseil; que cette procédure a été reprise après son décès avec l’accord et la participation de ses enfants légitimes; qu’un jugement d’adoption a été rendu le 17 novembre 2020; qu’un test ADN en date 15 septembre 2023 établit que la probabilité d’une demi-fratrie entre [Y] [U] et elle est de 99,6 %; qu’il est demandé à l’administration de tenir compte de ce jugement d’adoption et des circonstances particulières de cette procédure pour constater que les conditions prévues à l’article 786 3° du CGI sont remplies et d’ordonner le dégrèvement.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 27 novembre 2023 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la Direction Générale des Finances Publiques de Provence-Alpes Côte d’Azur et Bouches-du-Rhône demande au tribunal de confirmer la décision de rejet prononcée par l’administration fiscale et de rejeter la demande de Madame [V]-[U] visant à condamner l’Etat au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et au remboursement de frais prévus à l’article R 207-1 du Livre des procédures fiscales.
Elle soutient que la condition de continuité des secours et soins pendant les périodes requises par l’article 786 du Code général des impôts n’est pas démontrée.

La procédure a été clôturée à la date du 27 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l’article 786 du Code général des impôts,
“Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il n'est pas tenu compte du lien de parenté résultant de l'adoption simple.
Cette disposition n'est pas applicable aux transmissions (...) faites en faveur: (...)
3o D'adoptés mineurs au moment du décès de l'adoptant ou d'adoptés mineurs au moment de la donation consentie par l'adoptant qui, pendant cinq ans au moins, ont reçu de celui-ci des secours et des soins non interrompus au titre d'une prise en charge continue et principale;
3o bis D'adoptés majeurs qui, soit dans leur minorité et pendant cinq ans au moins, soit dans leur minorité et leur majorité et pendant dix ans au moins, auront reçu de l'adoptant des secours et des soins non interrompus au titre d'une prise en charge continue et principale;”.

Ainsi, l’adopté simple bénéficie du tarif en ligne directe lorsqu'il a reçu de l'adoptant des secours et des soins ininterrompus. Cette notion n'impose pas une prise en charge exclusive mais seulement continue et principale, de l'adopté simple par l'adoptant.

Il est établi et non contesté que [N] [U] était le père biologique de [B] [V]-[U], et qu’il l’a toujours considéré comme sa fille. Ses enfants légitimes en ont également attesté et ont d’ailleurs repris après son décès l’instance en adoption simple initiée par leur père à l’égard de [B] [V].
Cependant, cela ne suffit pas pour exonérer cette dernière des droits au taux applicable aux tiers; elle doit en effet démontrer qu’elle remplit les conditions fixées par l’article 786 3° du Code général des impôts, et donc qu’elle a, soit pendant sa minorité et pendant cinq ans au moins, soit pendant sa minorité et sa majorité et pendant dix ans au moins, reçu de l'adoptant des secours et des soins non interrompus.

Elle verse aux débats de nombreuses attestations et le jugement d’adoption simple.

Ce dernier ne permet pas d’établir qu’elle a reçu de l'adoptant des secours et des soins non interrompus, et ne constate pas que les conditions de l’article 786 3° sont remplies.
Il indique en effet : « Dans la mesure où leur père avait de son vivant, valablement saisi le Tribunal de sa demande d’adoption simple de la fille de sacompagne, ses deux héritiers, venants aux droits de leur père, ont par requête reçue au greffe le 21 juillet 2020 manifesté leur volonté de reprendre l’instance à leur compte, souhaitant qu’il soit donné suite favorable à la requête en adoption simple de Madame [B] [V] qui est en réalité la fille biologique de Monsieur [N] [U] qu’il n’a pas été en droit de reconnaître au regard des règles d’établissement des filiations en vigueur en 1973 » et que « l’ensemble des membres de la famille était d’accord avec cette démarche dans la mesure où les liens affectifs entre l’adoptant et l’adopté ont été réels».

Il ressort des attestations versées aux débats que pendant sa minorité, la demanderesse n’était pas hébergée par [N] [U].

Ainsi, [D] [M] épouse [J], sœur de [P] [V], indique : « Lorsque ma sœur [P] [V] a eu sa fille [B] née en 1973, j’habitais encore chez mes parents M et Mme [M] qui ont élevé à temps complet [B] à partir de 1973. [B] a été scolarisée à [Localité 6] et s’est installée seule à [Localité 6] à l’âge de 17 ans.
Ma sœur pendant ce temps-là habitait avec [N] [U] dont nous savions très bien qu’il était le père biologique de [B]. (...) [N] subvenait régulièrement aux frais de scolarité, de santé et d’habillement que mes parents avançaient ».
Il ressort également de cette attestation qu’il n’est pas établi que [N] [U] prenait en charge les frais d’entretien et d’éducation de sa fille, exposés par les grands-parents de cette dernière. Prendant sa minorité, elle habitait avec ses grands-parents qui pourvoyaient à titre principal à son éducation, à son entretien et à ses soins.

L’attestation de [R] [G], collègue de travail de [N] [U], confirme qu’il ne l’hébergeait pas et la voyait le week-ends lorsqu’il se rendait à [Localité 6].
Si cette dernière précise « qu’il était très attentif au bien être de sa fille dont il finançait l’éducation, (...) Il ne manquait pas, au-delà des moyens matériels, d’intervenir face à ses autres besoins et soutiens dans son éducation en bon père de famille. », cela ne suffit pas à établir une prise en charge continue et principale.

[Y] [U] épouse [K] indique que son père [N] [U] «s’est toujours occupé de [B] [V] (...) au même titre que mon frère et moi ». Son frère [X] [U] déclare : « depuis la naissance de ma demi-sœur [B] en 1973, mon père [N] [U] s’est toujours occupé de sa fille [B], il a subvenu à tous ses besoins d’études et financièrement. Il l’a même aidée financièrement à acheter son premier magasin. Quand [B] a été maman, mon père était très proche de ses petits-enfants, les 4 enfants de [B]. »
[P] [V] mère de la demanderesse indique : “[N] a subvenu le plus souvent à ses besoins financiers (habillement, frais de scolarité, distraction)”.
[A] [F] ( père des quatre enfants de la requérante) atteste : « je vivais à l’époque avec [B] [V], que [B] a acheté un fonds de commerce rue de la préfecture à [Localité 6] en janvier 1990 et que pour payer ce fonds de commerce , [N] [U] lui a donné le montant de cette mise de fonds.
Quand nous avons commencé à vivre ensemble, [B] était toujours étudiante et le loyer de notre appartement était payé par Monsieur [U].
Il est intervenu maintes fois pour nous aider dans notre entreprise car les débuts de nos activités n’étaient pas suffisants pour nous permettre de vivre correctement ».

Ces attestations non corroborées par d’autres pièces justificatives sont insuffisantes pour établir des secours et des soins non interrompus reçus par [B] [V] de la part de [N] [U] pendant dix années au moins.

En effet, les seuls documents produits pour justifier d’une prise en charge financière sont un courrier du 10 décembre 2004 adressé par [N] [U] à sa banque, lui demandant de virer à [B] [V] une somme de 5.000 euros, et la copie d’un chèque de 15.000 euros à l’ordre de [B] [V] daté du 15 mai 2009, accompagné d’une mention manuscrite ; “le 15 mai 2009, j’ai fait un chèque de 15.000 euros en remboursement d’une partie des sommes qu’elle a avancé à B et F”.

Enfin, les attestations des petits-enfants qui concernent leurs relations avec [N] [U] et les versements effectués en leur faveur sont inopérantes pour établir une prise en charge continue et principale de [B] [V]-[U] par [N] [U].

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que [B] [V]-[U] ne démontre pas avoir reçu, pendant dix ans durant sa minorité et sa majorité, des soins ininterrompus de la part de l'adoptant; elle ne peut donc pas bénéficier du tarif applicable aux successions en ligne directe.

Elle sera donc déboutée de ses demandes.

Succombant, [B] [V]-[U] sera condamnée aux dépens.

Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et de l’article R 207-1 du Livre des procédures fiscales.

Le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort

Déboute [B] [V]-[U] de l’intégralité de ses demandes,

Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et de l’article R 207-1 du Livre des procédures fiscales,

Condamne [B] [V]-[U] aux dépens.

AINSI JUGE ET PRONONCE ET MIS A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 28 MAI 2024.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab2
Numéro d'arrêt : 23/10169
Date de la décision : 28/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 03/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-28;23.10169 ?
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