La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/05/2024 | FRANCE | N°21/00632

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 28 mai 2024, 21/00632


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]


JUGEMENT N°24/01677 du 28 Mai 2024

Numéro de recours: N° RG 21/00632 - N° Portalis DBW3-W-B7F-YRHQ

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [G] [N]
né le 26 Avril 1968 à [Localité 6] (MARNE)
[Adresse 4]
[Localité 1]
comparant en personne


c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
[Localité 3]
comparante en personne



DÉBATS : À l'audience publique du 26 Mars 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lor

s des débats et du délibéré :

Président : MEO Hélène, Première Vice-Présidente

Assesseurs : KASBARIAN Nicolas
OUDANE Radia

L’agent du greffe lors des déba...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]

JUGEMENT N°24/01677 du 28 Mai 2024

Numéro de recours: N° RG 21/00632 - N° Portalis DBW3-W-B7F-YRHQ

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [G] [N]
né le 26 Avril 1968 à [Localité 6] (MARNE)
[Adresse 4]
[Localité 1]
comparant en personne

c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
[Localité 3]
comparante en personne

DÉBATS : À l'audience publique du 26 Mars 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : MEO Hélène, Première Vice-Présidente

Assesseurs : KASBARIAN Nicolas
OUDANE Radia

L’agent du greffe lors des débats : LAINE Aurélie,

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 28 Mai 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Par courrier recommandé expédié le 3 mars 2021, [G] [N] a saisi le tribunal judiciaire de Marseille, spécialement désigné en application de l’article L.211-16 du code de l’organisation judiciaire, aux fins de contester la décision rendue par la commission de recours amiable de la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône le 5 janvier 2021 et rejetant sa demande de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, d'un accident qui serait survenu le 16 juillet 2019.

Après une mise en état, l’affaire a été plaidée à l’audience du 26 mars 20024.

[G] [N], comparait en personne, et reprend ses conclusions oralement. Il maintient sa demande de prise en charge et explique avoir été victime d’un harcèlement depuis plusieurs mois en reprochant à l’organisme et à la commission de ne pas en avoir tenu compte pour prendre en considération les seules déclarations de l’employeur et celles de ses 3 collaborateurs ayant tous un lien de dépendance avec le chef de l’entreprise. Il rappelle ainsi avoir reçu en 10 jours avant les faits 6 courriers recommandés de son employeur et estime que chacun d’entre eux constitue un événement soudain à une date connue constitutif d’un fait de harcèlement moral tout comme l’annonce orale faite par ce dernier le 16 juillet 2019 de l’envoi d’une convocation à son attention à un entretien préalable à un licenciement. Il produit des éléments médicaux depuis mai 2019 traduisant selon lui la dégradation de son état de santé.
Il se fonde sur un arrêt rendu par la Cour de cassation le 1er juillet 2003 et fait valoir que la détérioration de la santé due à un harcèlement moral peut constituer un accident du travail.
Il demande dès lors au tribunal de :
Annuler la décision prise par la CPAM et la commission de recours amiable les 10 octobre 2019 et 5 janvier 2021, Ordonner la reconnaissance du caractère professionnel de l’accident de travail lié aux faits de harcèlement moral qu’il a subis,Ordonner à la COPAM de rectifier son indemnisation à ce titre,Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
En défense, la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône, régulièrement représentée par un inspecter juridique habilité, conclut au rejet du recours et à la confirmation du refus de prise en charge de l’accident allégué au 16 juillet 2019 selon notification en date du 10 octobre 2019.
Elle estime qu’aucun évènement soudain, anormal et extérieur n’est intervenu le 16 juillet.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale, « est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise. »

Il appartient à celui qui allègue avoir été victime d'un accident du travail, quelle que soit sa bonne foi, d'établir, autrement que par ses propres affirmations, les circonstances de l'accident et son caractère professionnel, à savoir :
La survenance d'un fait accidentel soudain au temps et au lieu du travail,L’apparition d'une lésion en relation avec ce fait accidentel.
A défaut de preuve, la victime doit établir l'existence de présomptions graves, précises et concordantes, permettant de relier la lésion au travail.

Il est indifférent à la prise en charge d'un accident du travail que l'événement causal n'ait entraîné aucune lésion physique, celle-ci pouvant être d'ordre psychique ou psychologique.

Cependant, lorsque les lésions sont constituées par un trouble psychologique, l’accident du travail ne peut être caractérisé que par la soudaineté de l’événement à l’origine de la lésion, la notion d’anormalité n’étant pas nécessaire à la caractérisation dudit fait puisque subjective et d’ordre moral mais également de nature à induire un caractère fautif non nécessaire.

Pour bénéficier de la présomption d’accident du travail telle que prévue par le texte, il appartient à celui qui s’en prévaut de prouver que l’arrêt de travail a été causé par une brusque altération psychique en relation avec les événements invoqués, ce qui induit l’existence d’une manifestation immédiate des signes d’une altération d’ordre psychologique.

Il est constant en l’espèce que [G] [N] était employé en qualité de consultant senior par la société [7] depuis le 8 février 2018.
Une déclaration d'accident du travail a été établie le 22 juillet 2019 par [Y] [B], gérant de la société, ainsi libellée :
« Activité de la victime lors de l’accident : inconnu
Nature de l’accident : inconnu
Objet dans le contact a blessé la victime : inconnu
Siège des lésions : inconnu
Nature des lésions : inconnu
Accident connu le 18 juillet 2019 à 15h par ses préposés
1ère personne avisée : [V] [D] [I] »

Un certificat médical initial a été établi le 17 juillet 2019 par le Docteur [T] avec prescription d’un arrêt de travail jusqu’au 2 août 2019, mentionnant « anxiété trouble du sommeil difficultés de concentration syndrome anxieux réactionnel ».

En complément de la déclaration d’accident du travail, l’employeur a émis des réserves dans un courrier daté du 22 juillet 2019 et adressé à la CPAM, en indiquant qu’il n’a été avisé de l’accident que deux jours après sa survenue, qu’aucun salarié n’a été témoin ou informé du prétendu accident puisque M. [N] a travaillé normalement le 16 juillet mais également le 17 juillet. Il a conclu son courrier en indiquant que cet accident constitue vraisemblablement une réaction à une convocation à un entretien préalable à licenciement dont M. [N] avait eu connaissance de vive voix le 16 juillet.

Compte-tenu de ces éléments, l’organisme a diligenté une enquête administrative.

L’employeur, dans le questionnaire adressé par la Caisse, a précisé avoir été informé des faits par un SMS du salarié en date du 17 juillet à 20h14 lui annonçant que son médecin l’avait placé en arrêt maladie et qu’en raison du caractère professionnel il fallait faire une déclaration

M. [N], dans le questionnaire qui lui a été adressé par la Caisse, a décrit ainsi les circonstances de l’accident : « cela dure depuis plus d’1 an 16 juillet 2019 à 16h40, je viens de finir de rédiger un document de synthèse complexe sous Excel pour remettre à un client pour des réunions du lendemain [] j’envoie le document par mail au gérant qui pilote cette mission 17h10 le gérant me répond par mail et me demande de tout changer au nouveau format texte basique. Je me suis exécuté à réaliser cette tâche de secrétariat. Ce n’était pas la 1ère fois qu’on me réclame de faire des tâches de base pour lesquelles je suis surqualifié […] 20h j’arrive chez moi dans ma boite aux lettres : un nouvel avis de passage de la Poste pour recommandé envoyé par la société : le 4ème en 2 semaines, 4ème recommandé alors que je suis au travail et que le gérant peut me parler directement tous les jours. Je n’en ai quasiment pas dormi de la nuit, impossible de dormir jusqu’au moins 3h du matin 17 juillet – je reçois un 5ème avis pour un recommandé envoyé par l’entreprise – j’ai travaillé normalement comme d’habitude arrivant monter un visage et une attitude normaux. L’après-midi, je me sentais totalement isolé, j’ai essayé de finir mon travail pour ne pas pénaliser l’équipe. Je suis ensuite allé consulter mon médecin qui a prescrit un arrêt de travail. « 
Dans la suite du questionnaire, Monsieur [N] confirmera et précisera que la situation de harcèlement moral dont il s’estime victime dure depuis plus d’un an et résulte de dénigrements et de menaces.

Les salariés, dans leur témoignage, ont indiqué qu’ils n’avaient rien constaté d’anormal les 16 et 17 juillet concernant Monsieur [N].

L’exigence d’un événement soudain ou d’une « série d’événements survenus à des dates certaines  par le fait ou à l’occasion du travail dont il est résulté une lésion corporelle » exclut la prise en considération d’une apparition progressive de la lésion.

Par contre, un événement soudain et une lésion médicalement constée suffisent, sans qu’il soit besoin de caractériser un événement anormal contrairement à ce que soutient la CPAM, à condition toutefois que soit établie la dégradation brutale des facultés ou de l’état de santé.

Or, il résulte de la relation même des faits par M. [N] qu’il n’y a eu aucun événement soudain le 16 juillet aux temps et au lieu du travail. Il précisera d’ailleurs dans le questionnaire que ses conditions de travail étaient habituelles et qu’aucune altercation n’a eu lieu ni avec ses collègues de travail ni avec des clients. La découverte d’un avis pour une lettre recommandée de son employeur à son domicile ne peut non plus être qualifiée d’événement soudain, d’autant qu’il s’agit du 5ème avis reçu par le salarié.

Ce n’est que dans un second temps, quand l’employeur suggérera à l’organisme que l’arrêt de travail de son salarié constitue pour lui une réaction à l’annonce orale qui lui a été faite le 16 juillet 2019, de sa convocation à un entretien préalable de licenciement, que M. [N] fera valoir que la menace d’un licenciement constitue un événement soudain à l’origine de son accident du travail.

Or, toutes ses déclarations antérieures consignées dans le questionnaire particulièrement détaillées et précises montrent que la lésion résulte de l’existence d’une souffrance au travail consécutive à l’allégation d’agissements répétés dans la durée ce qui exclut toute action soudaine mais relève au contraire d’une action lente et progressive davantage compatible avec une maladie professionnelle.

Par ailleurs, s’il est admis que la lésion puisse se manifester après la survenue de l’accident, notamment en cas de troubles psychiques, encore faut-il pour qu’un accident du travail soit retenu que cette affection ne soit pas apparue progressivement mais résulte d’une dégradation brutale de l’état de santé.

Contrairement à ce qu’indique M. [N], la Cour de cassation, notamment dans l’arrêt du 1er juillet 2003 qu’il cite expressément dans ses écritures, a considéré que la Cour d’appel était fondée à retenir l’existence d’un accident du travail dès lors qu’elle avait constaté qu’une dépression nerveuse était apparue soudainement deux jours après un entretien d’évaluation.

Or, en l’espèce, le certificat médical initial fait état d’une anxiété, de troubles du sommeil, de difficultés de concentration, d’un syndrome anxieux réactionnel.
Ces constats ne caractérisent nullement l’apparition d’une lésion soudaine ou d’une dégradation brutale de l’état de santé de M. [N] alors que ce dernier expose dans ses écritures que dès le mois de mai 2019, son médecin traitant lui avait prescrit des anxiolytiques, compte tenu du cadre anxiogène de son travail.

Force est ainsi de constater que [G] [N] ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'existence d'un événement soudain survenu au temps et au lieu du travail ayant entraîné une lésion brutale.

Il conviendra donc de rejeter le recours formé à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable du 5 janvier 2021.

Monsieur [N] qui succombe supportera la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS

Le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille statuant par décision contradictoire, rendue en premier ressort,

Déboute [G] [N] du recours formé à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable du 5 janvier 2021 ;

Condamne [G] [N] aux dépens ;

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal le 28 mai 2024 et signé par la présidente et la greffière.

LA GREFFIÈRELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 21/00632
Date de la décision : 28/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-28;21.00632 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award