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28/05/2024 | FRANCE | N°20/01255

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 28 mai 2024, 20/01255


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Adresse 6]


JUGEMENT N°24/01673 du 28 Mai 2024

Numéro de recours: N° RG 20/01255 - N° Portalis DBW3-W-B7E-XP2U

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [S] [W]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représenté par Me Thibault POMARES, avocat au barreau de TARASCON substitué par Me Annaelle ANDRE, avocat au barreau de MARSEILLE


c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM [Localité 5]
[Localité 1]
comparante en personne


DÉBATS : À l'audience

publique du 26 Mars 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : MEO Hélène, Première Vice-Présidente

Asses...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Adresse 6]

JUGEMENT N°24/01673 du 28 Mai 2024

Numéro de recours: N° RG 20/01255 - N° Portalis DBW3-W-B7E-XP2U

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [S] [W]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représenté par Me Thibault POMARES, avocat au barreau de TARASCON substitué par Me Annaelle ANDRE, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM [Localité 5]
[Localité 1]
comparante en personne

DÉBATS : À l'audience publique du 26 Mars 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : MEO Hélène, Première Vice-Présidente

Assesseurs : KASBARIAN Nicolas
OUDANE Radia

L’agent du greffe lors des débats : LAINE Aurélie,

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 28 Mai 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE
Par requête adressée le 17 avril 2020 par lettre recommandée avec accusé de réception et reçue le 14 mai 2020, Monsieur [S] [W] a saisi le Pôle social du Tribunal judiciaire de Marseille aux fins de contester la décision rendue par la Commission de recours amiable de la Caisse Primaire Centrale d’Assurance Maladie des [Localité 5] (ci-après CPCAM des [Localité 5]) ayant rejeté sa demande de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, d’un accident qui serait survenu le 3 août 2019.
L’affaire a été appelée pour plaidoirie à l’audience du 26 mars 2024.
Monsieur [S] [W], représenté par un conseil, maintient sa demande de prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle. Il soutient que l’accident satisfait aux conditions requises par l’article L411-1 du Code de la sécurité sociale pour la reconnaissance des accidents du travail.
En défense, la Caisse Primaire Centrale d’Assurance Maladie des [Localité 5], représentée par un inspecteur juridique, conclut au rejet du recours et à la confirmation de la décision de la commission de recours amiable de la CPCAM des [Localité 5].

L’affaire a été mise en délibéré au 28 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de reconnaissance de l’accident du travail

L'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale dispose que :

« Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise ».

Les dispositions précitées instituent au profit de la victime ou de ses ayants droit, une présomption d'imputabilité au travail qui facilite la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident.

Toutefois, le salarié ne peut bénéficier de cette présomption d’imputabilité que s’il établit, autrement que par ses propres affirmations, les circonstances de l'accident et son caractère professionnel, à savoir :
La survenance d'un fait accidentel soudain au temps et au lieu du travail,L’apparition d'une lésion en relation avec ce fait accidentel.
A défaut de preuve, la victime doit établir l'existence de présomptions graves, précises et concordantes, permettant de relier la lésion au travail.

En l’espèce, par décision en date du 25 octobre 2019, la CPCAM des [Localité 5] a refusé la prise en charge de l’accident survenu le 3 aout 2019 au titre de la législation relative aux risques professionnels au motif que « la preuve d’un accident survenu au temps et au lieu du travail n’a pu être établie du fait des contradictions constatées ».

Confirmant la décision de la Caisse, la Commission de Recours Amiable de la CPCAM des [Localité 5] a précisément relevé qu’« il existe des contradictions importantes entre les déclarations de l’assuré et les propos de l’employeur concernant la réalité même d’une altercation physique et verbale les ayants opposés.
L’employeur et deux témoins affirment qu’une altercation a eu lieu en dehors du restaurant entre le salarié et un client du bar voisin (violence étrangère au travail et absence de lien de subordination avec l’employeur) alors que l’assuré et un second témoin déclarent qu’il a été agressé à plusieurs reprises par le père du gérant, en dehors et dans l’établissement ».
Les éléments suivants ressortent du certificat médical initial établi le 4 août 2019 par le Docteur [F] [O] :
« Accident survenu le 03 aout 2019 »
« Constatations détaillées : troubles anxio-dépressifs avec bourdonnements d’oreille avec tympan gauche percé post-traumatique ».
Aux termes du « questionnaire assuré AT » renseigné en ligne le 12 septembre 2019, Monsieur [W] mentionne la présence d’un témoin de l’accident en la personne de Mademoiselle [N] [X] dont les déclarations ont été recueillies dans un procès-verbal de contact téléphonique dressé le 18 octobre 2019 dans le cadre de l’enquête administrative menée par la Caisse.
Ce témoin indique :
« J’ai été employée en tant que serveuse au [4] pour la saison estivale.
Le 03/08/2019, après sa pause, vers 18h30, M. [W] [S] faisait la mise en place en terrasse du bistrot. Il part saluer une connaissance, située sur la terrasse à quelques pas de notre bistrot. Le père du gérant, M. [J] [T] assis en terrasse du [4], lui demande en hurlant de reprendre sa place et M. [W] lui dit OK. Et d’un coup, M [J] s’est levé, et il est allé mettre une forte gifle sur son oreille gauche. Il s’est allé dans la ruelle pour appeler la police mais le père du patron l’en a empêché en le ramenant à la terrasse de notre restaurant en continuant de le frapper. Puis, il l’a fait rentrer en salle et il a été encore frappé, le laissant au sol ».
La déclaration d’accident du travail établie par l’employeur le 09 aout 2019 fait état des éléments suivants :
« Heure de l’accident 22h 30 »
« Précisions complémentaires sur le lieu de l’accident et/ ou le temps
Lieu de travail habituel »
« Activité de la victime lors de l’accident : Service »
« Nature de l’accident : Altercation avec un client »
« Horaire de travail de la victime le jour de l’accident : de 10 h 30 et de 18h 30 à 23 h »
Aux termes du questionnaire renseigné en ligne le 16 septembre 2019, l’employeur indique par ailleurs :
« Je n’ai aucune information, étant absent au moment du dit accident de travail, le salarié ne s’est plus présenté sur son lieu de travail et n’a donné aucune explication à ma connaissance. La directrice de l’établissement lui a téléphoné pour convenir d’un rendez vous afin d’expliquer son absence, Mr [W] a refusé de venir me rencontrer pour me relater les faits. Dans ce cas, je suis dans l’impossibilité de qualifier son absence en accident du travail ».
A la question « pouvez-vous préciser les circonstances de l’accident et les modalités de la demande d’établissement de DAT », l’employeur répond :
« Altercation avec un client le samedi 03 aout 2019, [4], [Adresse 2] ».
Le questionnaire renseigné par l’employeur ne fait état d’aucun écrit transmis à la Caisse attestant des faits.
L’employeur a toutefois cité un témoin dans le cadre de l’enquête administrative mené par la Caisse, en la personne de Madame [H] [C] dont les déclarations ont été recueillies par procès-verbal téléphonique du 21 octobre 2019.
Madame [H] [C] déclare dans son témoignage :
« Le service s’est déroulé tant bien que mal et vers 22 h 00, j’ai entendu des cris sur la terrasse du restaurant à coté de « mon bar ». Je suis sortie et j’ai vu M [W] se disputer avec un client de l’autre établissement. Ils criaient très fort. Ensuite le père du patron lui a demandé de se calmer. M. [W] s’est éloigné dans une ruelle avec son téléphone et ensuite je n’ai plus rien vu, jusqu’à son retour au restaurant. Il a rendu son tablier de caisse et il est parti. Je n’ai pas vu d’altercation physique ni à l’extérieur ni à l’intérieur du restaurant mais je tiens à vous dire que M. [W] a rendu sa caisse sans se faire frapper ni bousculer ».
Il s’évince de l’enquête diligentée par la Caisse que les déclarations du salarié et de l’employeur s’opposent quant à la cause de l’accident survenu le 3 aout 2019. Si le salarié affirme avoir été victime d’une agression dans le cadre de l’exercice de sa profession de serveur, l’employeur dénie en revanche tout caractère professionnel à l’accident, l’imputant à une altercation entre le client d’un bar voisin et le salarié, altercation qui se serait produite hors de tout lien de subordination avec l’employeur.
La version des faits rapportée par l’employeur est toutefois contredite par l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix en Provence du 16 avril 2021 que Monsieur [W] verse aux débats. Cet arrêt confirme un jugement du Tribunal de Police de Tarascon en date du 5 octobre 2020 ayant reconnu coupable Monsieur [T] [J] pour des faits de violence ayant entrainé une ITT n’excédant pas 8 jours, commis le 03 aout 2019 à Arles au préjudice de Monsieur [S] [W].
Il ressort de la motivation de l’arrêt précité que Monsieur [T] [J] reconnait a minima avoir asséné une gifle à Monsieur [W], admettant par ailleurs « que c’était certainement cette gifle qui était à l’origine des blessures présentées par [S] [W] ».
La déclaration d’accident du travail établi par l’employeur le 9 août 2019 indique que l’accident est survenu à 22h 30, soit dans les horaires de travail, étant rappelé que, selon les propres renseignements fournis par l’employeur, la journée de travail de la victime se termine à 23 h.
Enfin, il est constant que l’agression subie par Monsieur [W] est survenue alors qu’il regagnait son lieu de travail sur instruction de Monsieur [T] [J], et ce, après qu’il ait salué un ami se trouvant sur la terrasse d’un restaurant voisin. Dès lors, il ne peut être soutenu que Monsieur [W] avait définitivement abandonné son poste de travail et que le fait accidentel s’est produit hors de tout lien de subordination avec l’employeur. Une courte absence ne place pas le salarié hors la dépendance de l’employeur et ne peut être qualifiée d’abandon de poste dès lors que, comme en l’espèce, le salarié a immédiatement satisfait à l’injonction qui lui a été adressée de reprendre le travail.
L’accident du travail se définit par la survenance d’un événement soudain aux temps et au lieu du travail, dont il est résulté une lésion corporelle ou psychique.
Compte tenu des éléments factuels précédemment énoncés, il apparait que l’agression dont Monsieur [W] a été victime présente tous les caractères d’un accident du travail étant précisé que la lésion constatée par le certificat médical correspond aux déclarations de la victime et corrobore le témoignage de Madame [X].
En conséquence, il convient de faire droit à la demande de Monsieur [S] [W] de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l’accident survenu le 3 août 2019.

Sur les demandes accessoires

Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la caisse primaire centrale d’assurance maladie des [Localité 5], qui succombe, sera condamnée aux dépens de l’instance.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, après en avoir délibéré, par mise à disposition au greffe, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort,

DIT que l'accident dont Monsieur [S] [W] a été victime le 3 août 2019 doit être pris en charge par la Caisse Primaire Centrale d'Assurance Maladie des [Localité 5] au titre de la législation sur les risques professionnels ;

DÉBOUTE la Caisse Primaire Centrale d'Assurance Maladie des [Localité 5] de ses demandes ;

RENVOIE Monsieur [S] [W] devant les services de la Caisse Primaire Centrale d'Assurance Maladie des [Localité 5] afin d'être rempli de ses droits;

LAISSE la charge des dépens de l'instance à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des [Localité 5] ;

DIT que tout appel de la présente décision doit, à peine de forclusion, être formé dans le mois de la réception de sa notification.

LA GREFFIERELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 20/01255
Date de la décision : 28/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-28;20.01255 ?
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