La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/05/2024 | FRANCE | N°23/06189

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 2ème chambre cab2, 27 mai 2024, 23/06189


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°


Enrôlement : N° RG 23/06189 - N° Portalis DBW3-W-B7H-3QTQ

AFFAIRE : Mme [N] [K] (Me William TAIEB)
C/ Compagnie d’assurance GENERALI (Me Stéphane GALLO)
- MUTUELLE GENERALE DE L’EDUCATION NATIONALE (MGEN) ( )
- CPAM DES [Localité 10] ( )


DÉBATS : A l'audience Publique du 15 Avril 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Elsa VALENTINI

Greffier : Madame Célia SANDJIVY, lors des débats



A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 27 Mai 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aur...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°

Enrôlement : N° RG 23/06189 - N° Portalis DBW3-W-B7H-3QTQ

AFFAIRE : Mme [N] [K] (Me William TAIEB)
C/ Compagnie d’assurance GENERALI (Me Stéphane GALLO)
- MUTUELLE GENERALE DE L’EDUCATION NATIONALE (MGEN) ( )
- CPAM DES [Localité 10] ( )

DÉBATS : A l'audience Publique du 15 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Elsa VALENTINI

Greffier : Madame Célia SANDJIVY, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 27 Mai 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 27 Mai 2024

PRONONCE par mise à disposition le 27 Mai 2024

Par Madame Elsa VALENTINI, Juge

Assistée de Madame Célia SANDJIVY, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

réputée contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

Madame [N] [K], agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité de représentant légal de son filsM. [E] [W], né le [Date naissance 2] 2006 à [Localité 12] (Chili), de nationalité française, collégien, demeurant et domicilié [Adresse 3] ;née le [Date naissance 1] 1971 à [X], demeurant [Adresse 3]

Immatriculée à la sécurité sociale sous le n°[Numéro identifiant 5]

représentée par Me William TAIEB, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDERESSES

Compagnie d’assurance GENERALI, dont le siège social est sis [Adresse 9], prise en da délégation sis [Adresse 6] prise en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Maître Stéphane GALLO de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

MUTUELLE GENERALE DE L’EDUCATION NATIONALE (MGEN), dont le siège social est sis [Adresse 8] prise en la personne de son représentant légal en exercice

défaillant

CPAM DES [Localité 10], dont le siège social est sis [Adresse 7] prise en la personne de son représentant légal en exercice

défaillant

************

Par actes des 8 et 9 juin 2023, Madame [N] [K], née le [Date naissance 1] 1971, agissant en son nom personnel et ès qualité de représentante légale de son fils mineur [E] [W], né le [Date naissance 2] 2006, a assigné devant le tribunal de céans la société GENERALI, la MUTUELLE GENERALE DE L’EDUCATION NATIONALE (MGEN) et la CPAM des [Localité 10], sur le fondement de l’article 1242 alinéa 2 du code civil.

Madame [K] expose qu’elle était locataire d’un appartement situé [Adresse 4] ; que dans la nuit du 16 au 17 novembre 2020 un incendie est survenu dans l’immeuble ce qui a conduit à son évacuation ; que suite à cet événement, elle et son fils ont été très choqués et ont dû suivre un traitement et un suivi psychiatriques ; que l’expertise réalisée a établi que la cause de l’incendie tenait dans le fait que Madame [Z], occupant l’appartement du 4ème étage, s’était endormie avec une cigarette ce qui avait mis le feu à son lit. Elle précise que Madame [Z] est assuré auprès de la société GENERALI.

Par ordonnance en date du 11 janvier 2022, le juge des référés a ordonné deux expertises médicales, a désigné le docteur [M] afin de les réaliser et a condamné la société GENERALI à verser à Madame [K] et à son fils une provision de 1.5000 euros chacun à valoir sur la réparation de leur préjudice corporel et à Madame [K] une provision de 6.422, 07 euros à valoir sur la réparation de son préjudice corporel.

L’expert a procédé à sa mission et a dépose ses rapports le 14 octobre 2022 pour Madame [K] et le 17 octobre 2022 pour [E] [K].

Par arrêt en date du 30 mars 2023, la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE a infirmé l’ordonnance et a dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de provision.

Aux termes de son assignation, Madame [K] demande au tribunal de :
- CONDAMNER la société GENERALI au paiement d’une somme de 7.150, 76 € au titre de l’indemnisation de son préjudice matériel
- CONDAMNER la société GENERALI au paiement d’une somme de 12.698, 33 € au titre de l’indemnisation de son préjudice corporel, déduction faite de la provision de 1.500 €
- CONDAMNER la société GENERALI au paiement d’une somme de 11.650 € au titre de l’indemnisation du préjudice corporel de [E] [W], déduction faite de la provision de 1.500 €
- CONDAMNER la société GENERALI au paiement d’une somme de 3.000 € à chacune des victimes au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
- DIRE ET JUGER n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire
- CONDAMNER la société GENERALI aux dépens, distraits au profit de Maître William TAIEB, sur son affirmation de droit, par application des disposition de l’article 696 du CPC.

Par conclusions notifiées le 8 février 2024, la société GENERALI IARD demande au tribunal de :
- JUGER que la responsabilité de la compagnie GENERALI, assureur de Madame [Z] ne peut être engagée
- DEBOUTER Madame [K] de l’intégralité de ses demandes indemnitaires formulées tant en son nom personnel qu’es qualité de représentant légal de son fils [E] [W]
A titre subsidiaire
- DEDUIRE du montant alloué au titre du préjudice matériel allégué, les sommes versées par son assureur habitation, la compagnie PACIFICA
- REDUIRE les demandes d’indemnisation du préjudice corporel formulées par la requérante tant en son nom personnel qu’es qualité de représentant légal de son fils [E] [W]
- La DEBOUTER de ses demandes injustifiées et excessives
- DEDUIRE des sommes qui seront alloués la créance de la CPCAM et organisme complémentaire

- DEDUIRE des sommes qui seront allouées les indemnités provisionnelles allouées à Madame [K] ainsi qu’à son fils d’un montant respectif de 1.500 € chacun
En tout état de cause
- DIRE n’avoir lieu à exécution provisoire du jugement à intervenir
Subsidiairement : si par impossible le Tribunal de céans devait ordonner l’exécution provisoire
- SUBORDONNER l’exécution provisoire à la constitution d'une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations au sens des dispositions de l’article 514-5 du Code de procédure civile
- DEBOUTER Madame [K] de sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens
- DEBOUTER les parties requérantes du surplus de leurs demandes, fins et conclusions,
A titre reconventionnel
- CONDAMNER Madame [K] au paiement de la somme de 2.500 € au visa de l’article 700 du Code de procédure civile.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions quant à l’exposé détaillé des prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 19 février 2024.

L’affaire a été appelée à l’audience du 15 avril 2024 et mise en délibéré au 27 mai 2024.

La CPAM des [Localité 10] et la MGEN, régulièrement assignées, n’ayant pas constitué avocat ; le présent jugement sera réputé contradictoire à l’égard de l’ensemble des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la responsabilité

L’article 1242 alinéa 2 dispose que :
“Celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable”.

Madame [K] fait valoir que le rapport d’expertise du cabinet ELEX, expert mandaté par son assureur, mentionne qu’un mégot de cigarette serait à l’origine de l’incendie, ce que Madame [Z] a reconnu, de manière non équivoque. Elle soutient qu’il s’agit d’une négligence fautive qui engage la responsabilité de celle-ci.
La demanderesse précise que malgré de nombreux courriers adressé par le conseil des victimes aux différents acteurs du dossier, aucun autre rapport d’expertise n’a été adressé.
Au soutien de sa demande, Madame [K] produit notamment au débat :
- l’attestation d’intervention des marins-pompiers
- un arrêt de la Commune de [Localité 11] en date du 10/02/2021
- le rapport d’expertise du cabinet ELEX
- un constat d’huissier en date du 18/05/2021
- une attestation de Monsieur [H] [Y], locataire d’un appartement situé au 3ème étage de l’immeuble concerné, mentionnant “Le 16 novembre 2020 en début de soirée (5-10 minutes avant l’arrivée des pompiers) Mme [Z] habitant le 4ème étage face ascenseur du [Adresse 4] s’est présentée à la porte de mon logement situé au 3ème étage pour nous informer ma compagne et moi-même qu’un incendie s’était déclaré chez elle suite à l’oubli d’une cigarette allumée dans son lui....”
- une attestation de Monsieur [J] [I] indiquant : “Je vivais au [Adresse 4] lorsqu’un incendie s’est déclaré au 4ème étage de mon immeuble le 16/11/2020. Evacué et pris en charge par les pompiers j’ai entendu la voisine (Mme [Z]) du 4ème étage déclarer au pompier que le feu s’était déclarée chez elle du fait d’une cigarette tombant sur son drap. Dans l’incapacité de réagir, ce dernier a pris feu. S’en est suivi l’incendie du 4ème étage”
- une attestation de Madame [R] [O] dans laquelle elle relate : “ Aux alentours de 19h/19h30 lundi 16 novembre 2020 une fumée dense et les pompiers m’ont fait sortir du 4ème étage où je me trouvais. Arrivée en bas, du monde s’était déjà attroupé devant l’immeuble. Madame [Z], qui occupe l’appartement au 4ème étage du milieu, était quasiment en face de la porte d’entrée du [Adresse 4] dans la rue. Voyant alors les flammes sortir des fenêtres du 4ème étage, je luis demandais si elle savait ce qui s’était passé. Madame [Z] m’a dit avoir fait tomber sa cigarette sur son lit et que ça aurait pris feu. Ainsi l’incendie aurait démarré jusqu’à ravager son appartement et le toit”
- une attestation de Madame [A] [P] indiquant : “Le lundi 16 novembre 2020 un incendie a eu lieu au 4ème étage de l’immeuble du [Adresse 4]. Je me trouvais dans l’appartement voisin. Lorsque je suis sortie dans la rue, évacuée par les pompiers, Madame [Z], dont l’appartement est le foyer de l’incendie, m’a dit qu’elle avait fait tomber sa cigarette sur ses draps, d’où l’origine de l’incendie...”
- une attestation de Monsieur [B] [X] mentionnant : “Lors de l’incendie survenu au [Adresse 4] le 16 novembre 2020, j’ai bien entendu Madame [Z] dire à toutes les personnes présentes (voisins, policiers, pompiers) qu’elle avait fait tomber sa cigarette sur ses draps et que le feu aurait alors rapidement démarré”.
- des échanges de courriers et mail avec le cabinet EXA.

La société GENERALI considère que la faute de son assurée n’est pas démontrée. Elle fait valoir que l’expertise produite a été commandée par l’assureur de la requérante et ne respecte pas le principe du contradictoire puisque ni elle, ni son assurée n’a été convoqué aux opérations. Elle souligne que l’expert a employé le conditionnel pour évoquer la prétendue origine du départ de feu ce qui démontrerait l’incertitude quant à l’origine du départ de feu.
La société GENERALI estime que même si son assurée a évoqué la possibilité d’avoir causé l’incendie, cela ne pourrait constituer une preuve dans la mesure où ces déclarations ont été faites la nuit de l’incendie, alors qu’elle était en état de choc et sans réelle certitude d’être à l’origine de l’incendie.

Il y a lieu de relever que dans le rapport d’expertise du cabinet ELEX il est mentionné : “un incendie s’est déclaré dans un des appartements du 4ème étage occupé par M et Mme [Z]. Selon les renseignements communiqués, l’incendie aurait pris naissance au niveau d’un matelas dans une des chambres de l’appartement. Une cigarette serait à l’origine de l’incendie”.
Outre l’emploi du conditionnel qui implique par définition le caractère incertain de l’indication, il sera noté que sur la côte du rapport il est porté la mention “ à déterminer” dans la case correspondant à la cause du sinistre.
De plus, il ressort de ce rapport que l’expert n’est pas intervenu dans l’appartement du 4ème étage, siège supposé de l’incendie, celui-ci ayant eu pour mission d’évaluer le préjudice matériel dans l’appartement de Madame [K]. Ainsi, l’hypothèse formulée sur l’origine de l’incendie repose nécessairement sur des éléments indirects qualifiés de “renseignements” dont il est très probable qu’ils émanent des personnes ayant rédigé les attestations.
Ces attestations relatent de façon concordante le fait que Madame [Z] a indiqué le soir même des faits avoir fait tombé une cigarette dans son lit. Cependant, aucun élément ne permet de retenir que Madame [Z] a réitéré cette reconnaissance. Aucune pièce versée au débat ne permet de confirmer que le comportement de Madame [Z] est bien à l’origine de l’incendie.
Par conséquent, la responsabilité de celle-ci n’est pas démontrée. Dès lors, la requérante sera déboutée de l’intégralité de ses demandes.

Sur les demandes accessoires

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, Madame [K], succombante, sera condamnée aux entiers dépens.

En revanche, l’équité commande de dire n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

DÉBOUTE Madame [N] [K] de l’intégralité des demandes formées en son nom personnel et ès qualité de représentante légale de son fils mineur [E] [W] ;

DIT le jugement commun à la CPAM des [Localité 10] et à la MGEN ;

DIT n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et déboute la société GENERALI IARD de sa demande à ce titre ;

DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire ;

CONDAMNE Madame [N] [K] aux dépens ;

AINSI JUGE ET PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA DEUXIEME CHAMBRE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE
27 MAI 2024

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 2ème chambre cab2
Numéro d'arrêt : 23/06189
Date de la décision : 27/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-27;23.06189 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award