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27/05/2024 | FRANCE | N°23/06188

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 2ème chambre cab2, 27 mai 2024, 23/06188


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°


Enrôlement : N° RG 23/06188 - N° Portalis DBW3-W-B7H-3QTD

AFFAIRE : M. [U] [W] (Me Patrice CHICHE)
C/ FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES (FGAO) ( Me Etienne ABEILLE)
- CPAM DES BOUCHES DU RHONE ( )


DÉBATS : A l'audience Publique du 15 Avril 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Elsa VALENTINI

Greffier : Madame Célia SANDJIVY, lors des débats

A l'issue de laque

lle, la date du délibéré a été fixée au : 27 Mai 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°

Enrôlement : N° RG 23/06188 - N° Portalis DBW3-W-B7H-3QTD

AFFAIRE : M. [U] [W] (Me Patrice CHICHE)
C/ FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES (FGAO) ( Me Etienne ABEILLE)
- CPAM DES BOUCHES DU RHONE ( )

DÉBATS : A l'audience Publique du 15 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Elsa VALENTINI

Greffier : Madame Célia SANDJIVY, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 27 Mai 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 27 Mai 2024

PRONONCE par mise à disposition le 27 Mai 2024

Par Madame Elsa VALENTINI, Juge

Assistée de Madame Célia SANDJIVY, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

réputée contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [U] [W]
né le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 6] (13), demeurant [Adresse 4]

Immatriculé à la sécurité sociale sous le n° [Numéro identifiant 1]

représenté par Maître Patrice CHICHE de la SELARL CHICHE R, COHEN S, CHICHE P, avocats au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDERESSES

FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES (FGAO) , dont le siège social est sis LES [Adresse 5] prise en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Maître Etienne ABEILLE de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

CPAM DES BOUCHES DU RHONE, dont le siège social est sis [Adresse 3] prise en la personne de son représentant légal en exercice

défaillant

**********

Le 17 décembre 2021 à [Localité 6], Monsieur [U] [W], né le [Date naissance 2] 1988, a été victime d’un accident de la circulation impliquant un véhicule dont le conducteur a pris la fuite.

Le FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES (FGAO) a versé à Monsieur [W] une provision amiable de 5.000 euros et a mandaté le docteur [Y] afin d’examiner celui-ci.
L’expert a rendu son rapport le 20 mai 2023.

Par acte du 8 juin 2023 assignant le FGAO et la CPAM des Bouches du Rhône, Monsieur [W] demande au tribunal de :
- CONDAMNER le FGAO au paiement de la somme de 37.531 € en indemnisation de son préjudice, déduction faite de la provision versée à hauteur de 1.000 €
- CONDAMNER le FGAO au paiement de la somme de 3.000 € par application des dispositions de l’article 700 du CPC
- DIRE ET JUGER n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire du jugement à intervenir
- CONDAMNER le FGAO aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Patrice CHICHE, sur son affirmation de droit, par application des dispositions de l’article 696 du CPC.

Aux termes de conclusions notifiées le 8 février 2024, le FGAO demande au tribunal de :
- RÉDUIRE les demandes d’indemnisation formulées par Monsieur [W] et le débouter de ses demandes injustifiées
- DÉDUIRE des sommes qui seront allouées à Monsieur [W] l’indemnité provisionnelle d’un montant de 5.000 €
- DÉDUIRE des sommes qui seront allouées à Monsieur [W] les créances des tiers payeurs
- DIRE n’y avoir lieu à exécution provisoire du jugement à intervenir qu’à hauteur des sommes offertes par le FGAO
- DÉBOUTER Monsieur [W] du surplus de ses demandes, fins et conclusions
- DÉBOUTER Monsieur [W] de sa demande de condamnation du FGAO au titre de l’article 700 du CPC
- DIRE n’y avoir lieu à condamnation du FGAO aux dépens qui devront être laissés à la charge du Trésor public ou de la victime.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions quant à l’exposé détaillé des prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 19 février 2024.

L’affaire a été appelée à l’audience du 15 avril 2024 et mise en délibéré au 27 mai 2024.

La CPAM des Bouches du Rhône, régulièrement assignée, n’ayant pas constitué avocat ; le présent jugement sera réputé contradictoire à l’égard de l’ensemble des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le droit à indemnisation

En vertu des articles 1er et 4 de la loi du 5 juillet 1985, le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur blessé dans un accident de la circulation a droit à l’indemnisation des dommages qu’il a subi sauf s’il est prouvé qu’il a commis une faute ayant contribué à la survenance de son préjudice.

En l’espèce, il ressort des éléments du débat que, le 17 décembre 2021, Monsieur [W] a été victime d’un accident de la circulation impliquant un véhicule dont le conducteur a pris la fuite.

Le droit à indemnisation de Monsieur [W] n’est pas contesté par la défenderesse et résulte tant des circonstances de l’accident que des articles 1er et 4 de la loi du 5 juillet 1985, aucune faute n’étant prouvée ni même alléguée à l’encontre de ce conducteur blessé par l’accident, seul élément susceptible d'affecter son droit à réparation indépendamment de toute faute de l'autre conducteur impliqué.

Le droit à indemnisation de Monsieur [W] étant plein et entier, le FGAO sera par conséquent condamnée à l’indemniser de l’intégralité de son préjudice.

Sur l’évaluation du préjudice

Aux termes non contestés du rapport d’expertise amiable du docteur [Y] l’accident a causé à Monsieur [W] une contusion avec fracture impaction du plateau tibial externe du genou gauche, avec rupture LCA et fissure méniscale du segment moyen du ménisque interne ainsi que des dermabrasions en regard de la fesse gauche et du genou gauche.

Les conséquences médico-légales sont les suivantes :
- ATAP du 03/01/2021 au 28/08/2022, puis mi-temps thérapeutique du 29/08/2022 au 29/11/2022
- Gêne temporaire totale : le 30/05/2022
- Gêne temporaire partielle de classe 3 du 17/12/2021 au 16/02/2022 et du 31/05/2022 au 15/06/2022, avec aide humaine de 1h30/jour
- Gêne temporaire partielle de classe 2 du 17/02/2022 au 08/03/2022 et du 16/06/2022 au 29/08/2022, avec aide humaine de 4h/sem
- Gêne temporaire partielle de classe 1 du 09/03/2022 au 29/05/2022 et du 30/08/2022 jusqu’à consolidation
- Consolidation : 12/12/2022
- Souffrances endurées : 3/7
- Dommage esthétique temporaire : pendant la GTP de classe 3
- AIPP : 7 %
- Préjudice d’agrément.

Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Monsieur [W], âgé de 33 ans lors de l’accident, sera réparé ainsi que suit.

1°) Les Préjudices Patrimoniaux

Frais d’assistance à expertise
Les frais d’assistance à expertise exposés par la victime pour se faire assister d’un médecin lors des opérations d’expertise sont nécessaires à la préservation de ses droits. En effet, le débat présentant un caractère scientifique il paraît légitime qu’elle s’entoure d’un conseil technique au même titre que la compagnie d’assurances et ce dans le respect du principe du contradictoire.

Vu la facture du docteur [I] versée au débat, il sera alloué pour ce poste de préjudice à Monsieur [W] la somme de 840 euros.

Dépenses de santé actuelles
Il ressort de la créance définitive de la CPAM des Bouches du Rhône en date du 28 juin 2023 que celle-ci a pris en charge les dépenses de santé et assimilées à hauteur de 5.478, 24 euros.

Monsieur [W] ne fait état d’aucun reste à charge et ne formule aucune demande pour ce poste de préjudice.

Perte de gains professionnels actuels
Selon la créance de la CPAM, Monsieur [W] a perçu des indemnités journalières à hauteur de 7.813, 67 euros.

Il sera alloué à Monsieur [W] la somme de 2.857 euros au titre de sa perte de gains, conformément à l’accord des parties sur ce point.

Assistance par tierce personne avant consolidation
Il convient d'indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe durant sa maladie traumatique, comme l'assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l’indemnisation s'entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.

L’expert a fixé le besoin d’assistance par une tierce personne de Monsieur [W] de la façon suivante :
- 1h30/jour du 17/12/2021 au 16/02/2022 et du 31/05/2022 au 15/06/2022
- 4h/sem. 2 du 17/02/2022 au 08/03/2022 et du 16/06/2022 au 29/08/2022.

Il convient de fixer l’indemnisation du poste de préjudice lié à la nécessité d’avoir été assisté d’une tierce personne pour les besoins de la vie courante jusqu’à la consolidation sur la base d’un taux horaire de 20 € et d’allouer, en conséquence, à ce titre à Monsieur [W], la somme de 3.425, 71 euros décomposée comme suit :
1,5h x 78j x 20 € = 2.340 €
4h x (95j/7)sem x 20 € = 1.085, 71 €.

2°) Les Préjudices Extra Patrimoniaux :

Déficit fonctionnel temporaire
Ce poste de préjudice indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

L’expert retient les éléments suivants :
- Gêne temporaire totale : le 30/05/2022
- Gêne temporaire partielle de classe 3 du 17/12/2021 au 16/02/2022 et du 31/05/2022 au 15/06/2022
- Gêne temporaire partielle de classe 2 du 17/02/2022 au 08/03/2022 et du 16/06/2022 au 29/08/2022
- Gêne temporaire partielle de classe 1 du 09/03/2022 au 29/05/2022 et du 30/08/2022 au 12/12/2022

Sur la base d’une indemnisation de 30 € par jour pour un déficit total, les troubles dans les conditions d'existence subis par Monsieur [W] jusqu'à la consolidation, pourrait justifier l'octroi d'une somme de 2.488, 50 euros, calculée comme suit :
1j x 30 € = 30 €
78j x 30 € x 50 % = 1.170 €
95j x 30 € x 25 % = 712, 50 €
192j x 30 € x 10 % = 576 €.

Le tribunal ne pouvant statuer ultra petita, il sera alloué à Monsieur [W] la somme de 2.200 euros qu’il sollicite.

Souffrances endurées
Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.

En l'espèce, elles sont caractérisées par le traumatisme initial et les traitements subis s’agissant notamment de l’intervention chirurgicale, de l’immobilisation par attelle, du traitement médicamenteux et de la kinésithérapie. Cotées à 3/7 par l’expert, elles seront réparées par l'allocation de la somme de 7.000 euros.

Préjudice esthétique temporaire
L’expert a retenu l’existence d’un préjudice esthétique pendant la gêne temporaire de classe 3, ce qui correspond à l’immobilisation par attelle.

Au regard de cet élément, des dermabrasions et pansements, il sera alloué à Monsieur [W] la somme de 2.000 euros pour ce poste de préjudice.

Déficit fonctionnel permanent
Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d'existence.

La victime souffrant d’un déficit fonctionnel permanent évalué à 7 % par l’expert compte-tenu des séquelles relevées et étant âgée de 34 ans lors de la consolidation de son état, il lui sera alloué la somme de 14.245 euros, soit 2.035 euros la valeur du point.

Préjudice d'agrément
Ce préjudice vise exclusivement à réparer le préjudice spécifique “lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs”.
La jurisprudence des cours d'appel ne limite pas l’indemnisation du préjudice d’agrément à l’impossibilité de pratiquer une activité sportive ou de loisirs exercée antérieurement à l’accident.
Elle indemnise également les limitations ou les difficultés à poursuivre ces activités.

L’expert a retenu une gêne à la course à pied.

Monsieur [W] soutient qu’il pratiquait assidûment cette activité avant l’accident. Il sollicite la somme de 5.000 euros pour ce poste de préjudice.

Le FGAO s’oppose à cette demande en l’absence de justificatif. Subsidiairement, elle évalue ce poste de préjudice à 3.000 euros.

Le demandeur ne produit aucune pièce établissant qu’il pratiquait régulièrement la course à pied avant l’accident. Dès lors, il ne justifie pas d’un préjudice d’agrément distinct de la diminution des plaisirs de la vie notamment du fait de l’impossibilité de se livrer à certaines activités d’agrément déjà indemnisée au titre du déficit fonctionnel permanent. Sa demande sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

Dans le dispositif de ses conclusions, Monsieur [W] mentionne une provision versée de seulement 1.000 euros. Le FGAO ne produit pas de quittance provisionnelle. Le jugement sera donc prononcé en deniers ou quittances, provision non déduite.

Les dépens ne figurant pas au rang des charges que le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) est tenu d'assurer, ils seront supportés par le Trésor public.

Monsieur [W] ayant été contraint d’exposer des frais pour obtenir la reconnaissance de ses droits, il est équitable de condamner le FGAO à lui payer la somme de 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

CONDAMNE le FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES à payer à Monsieur [U] [W] les sommes suivantes, en deniers ou quittances, provision non déduite, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, en réparation des préjudices suivants :

- 840 euros au titre des frais d’assistance à expertise
- 2.857 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels
- 3.425, 71 euros au titre de l’assistance par tierce personne avant consolidation
- 2.200 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire
- 7.000 euros au titre des souffrances endurées
- 2.000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire
- 14.245 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

REJETTE la demande au titre du préjudice d’agrément ;

DIT le présent jugement commun à la CPAM des Bouches du Rhône ;

CONDAMNE le FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES à payer à Monsieur [U] [W] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire ;

LAISSE les dépens à la charge du Trésor public, dont distraction au profit de Maître Patrice CHICHE.

AINSI JUGE ET PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA DEUXIEME CHAMBRE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 27 MAI 2024

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 2ème chambre cab2
Numéro d'arrêt : 23/06188
Date de la décision : 27/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-27;23.06188 ?
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