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24/05/2024 | FRANCE | N°22/03053

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 24 mai 2024, 22/03053


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Adresse 4]


JUGEMENT N°24/02354 du 24 Mai 2024

Numéro de recours: N° RG 22/03053 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2WVB

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [F] [P]
né le 11 Février 1968 à [Localité 8]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
comparant en personne assisté de Me Marion ZANARINI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Aude PORTEHAULT, avocat au barreau de MARSEILLE


c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM [Localité 1]
*
[Locali

té 2]
comparante




DÉBATS : À l'audience publique du 22 Mars 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Présid...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Adresse 4]

JUGEMENT N°24/02354 du 24 Mai 2024

Numéro de recours: N° RG 22/03053 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2WVB

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [F] [P]
né le 11 Février 1968 à [Localité 8]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
comparant en personne assisté de Me Marion ZANARINI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Aude PORTEHAULT, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM [Localité 1]
*
[Localité 2]
comparante

DÉBATS : À l'audience publique du 22 Mars 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : BOUAFFASSA Myriam, Juge

Assesseurs : GIRAUD Sébastien
MARTOS Francis

L’agent du greffe lors des débats : AROUS Léa,

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 24 Mai 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Le 8 novembre 2021, Monsieur [F] [P] a formé une demande de reconnaissance de maladie professionnelle au titre d’une « tendinopathie scapulaire droite et gauche dégénératives nécessitant plusieurs chirurgies (…) coiffe des rotateurs », à l’appui d’un certificat médical initial du 10 octobre 2021 mentionnant une date de première constatation au 26 février 2021.

Par décision du 8 juin 2022, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des [Localité 1] a notifié à Monsieur [F] [P] un refus de prise en charge, au titre du tableau n° 57 ; affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail, de sa pathologie et ce, après avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de la région [Localité 7] [Localité 6].

Par requête en date du 17 novembre 2022, Monsieur [F] [P] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille aux fins de contester la décision de rejet de la commission de recours amiable de la CPAM des [Localité 1] du 20 septembre 2022.

Par ordonnance du 6 décembre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a désigné, sur le fondement de l'article L 461-1 alinéa 6 du code de la sécurité sociale, le CRRMP de [Localité 3] avec mission de :

- dire si l'affection présentée par Monsieur [F] [P] a été directement causée par son travail habituel,
- dire si cette affection devait être prise en charge sur la base de la législation relative aux maladies professionnelles au titre du tableau n° 57.

Le 28 septembre 2023, le CRRMP de la région [Localité 3] a rendu un avis défavorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée.

L’affaire a été appelée à l’audience du 22 mars 2024.

A l'audience, par voie de conclusions soutenues oralement par son avocate, Monsieur [F] [P] demande au tribunal de :

- Reconnaitre le lien de causalité entre les pathologies de Monsieur [P] et son activité professionnelle de plongeur,
- Déclarer que Monsieur [P] souffre d’une maladie qui doit être prise en charge au titre de la législation professionnelle,
- Condamner la CPAM des [Localité 1] au versement de la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner la CPAM des [Localité 1] aux entiers dépens au titre de l’article 696 du Code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, il soutient que le lien direct entre sa pathologie et ses activités de travaux sous-marins et de tender et cordiste est clairement avéré dès lors que ses tâches nécessitaient une sollicitation permanente et répétitive de ses membres supérieurs. Il ajoute que le nombre d’heures de travail accompli est bien supérieur à celui retenu par le CRRMP de [Localité 3].

Par voie de conclusions soutenues oralement par un inspecteur juridique, la CPAM des [Localité 1] conclut, à titre principal, au rejet de l'ensemble des demandes formées par Monsieur [F] [P] et à sa condamnation à la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, et à titre subsidiaire, au renvoi auprès du CRRMP de [Localité 3] pour une étude complémentaire.

A l'appui de ses prétentions, la caisse se prévaut de l'avis du CRRMP de [Localité 3] aux termes duquel le lien direct entre la pathologie déclarée par Monsieur [F] [P] et l’exposition professionnelle n'a pas été considéré comme établi.

Pour un exposé plus ample des moyens développés, le tribunal se réfère expressément aux conclusions soutenues oralement à l'audience conformément aux dispositions de l'article 446-1 du code de procédure civile.
L’affaire a été mise en délibéré au 24 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par Monsieur [F] [P]

Aux termes des dispositions de l'article L 461-1 alinéa 5 et 6 du code de la sécurité sociale :

« Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime ».

Monsieur [F] [P] a présenté, par déclaration du 8 novembre 2021, une demande de reconnaissance de maladie professionnelle selon certificat médical initial du 19 octobre 2021 mentionnant une « tendinopathie de la coiffe des rotateurs droits ».

Le tableau n° 57 des maladies professionnelles est ainsi défini :

« Désignation de la maladie :
Rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM
Délai de prise en charge :
1 an (sous réserve d'une durée d'exposition d'un an).

Liste limitative des travaux susceptibles de provoquer cette maladie :
Travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction :
- avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé
ou
- avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé.

La CPAM a considéré que Monsieur [F] [P] ne remplissait pas la condition relative à la liste limitative des travaux du tableau n° 57, raison pour laquelle la CPAM des [Localité 1] a sollicité, dans le cadre de la procédure d'instruction, sur le fondement de l'article L 461-1 alinéa 6 du code de la sécurité sociale, l'avis d'un CRRMP afin qu'il se prononce sur l'existence d'un lien direct entre l'affection et l'activité professionnelle de l'assuré.

Le 25 mai 2022, le CRRMP de la région [Localité 7] Corse a rendu un avis défavorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée motivé ainsi :

« Assuré né en 1968 présentant selon le certificat médical initial du Docteur [E] en date du 19 octobre 2021 : « Poste chirurgie acromioplastie et résection ¼ distal clavicule et ténodèse long biceps droit. Tendinopathie de la coiffe des rotateurs droits.
Le comité est interrogé au titre du 6ème alinéa pour liste limitative des travaux du tableau de MP 57 non remplie.
(…)
La demande a donc été orientée en rupture de coiffe des rotateurs avec pour première constatation médicale le 26/02/2021, date de l’arrêt de travail pour syndrôme de la coiffe des rotateurs avec capsulite rétractile.
La profession exercée est celle de plongeur professionnel scaphandrier depuis mai 1998 à octobre 2020 sur des périodes discontinues, soit 379 jours selon l’enquête administrative.
Entre ces périodes, l’intéressé a occupé des postes de chargé d’affaires, agent de sécurité et garde du corps, agent de sûreté bagages, démineur, instructeur de plongée et cordiste (de 1996 à 2020).
Le début de carrière s’est effectué dans la Marine Nationale de 1987 à 1992.
L’intéressé est droitier. Il s’agit donc de l’épaule dominante.

Le poste de travail comportait :
- Préparation des équipements de plongée mais également des matériaux de chantiers et embarcations
- Travaux publics en activité hyperbare.

L’enquête administrative rapporte le port d’un équipement de plongée lourd (scaphandre) pesant sur les épaules lors de la montée et descente d’échelle sur le bateau et des travaux sous l’eau avec des mouvements d’abduction de l’épaule sans soutien lors des travaux subaquatiques en activité hyperbare.
Cependant, cette activité a été exercée en cumulé mais de façon discontinues 1 an et 14 jours pour une durée d’exposition exigée de 1 an, avec notion de poste de chef d’équipe lors des dernières missions en 2020, qui n’aurait nécessité que 1h de mouvement exposants pour l’épaule. Par ailleurs, plusieurs autres postes de travail ont été occupés durant la vie professionnelle.
En conséquence, le comité ne retient pas un lien direct entre la pathologie déclarée et la profession exercée ».

Le 8 juin 2022, la CPAM des [Localité 1] a, sur le fondement de cet avis, notifié à Monsieur [F] [P] son refus de prise en charge, au titre du tableau n° 57 des maladies professionnelles, de la pathologie déclarée le 8 novembre 2021.

Monsieur [F] [P] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable de la CPAM puis devant le pôle social, lequel a, par décision du 6 décembre 2022, désigné un second CRRMP.

Le 28 septembre 2023, le CRRMP de la région [Localité 3] a rendu un avis défavorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée motivé en ces termes :

« Après avoir étudié les pièces du dossier communiqué, le CRRMP constate en l’absence de toute pièce supplémentaire contributive fournie à l’appui du recours, qu’aucun élément ne permet d’émettre un avis contraire à celui du CRRMP précédent.

Activité discontinue de scaphandrier ; la durée d’exercice de cette activité professionnelle (379 jours en 22 ans) est insuffisante pour que l’on puisse considérer qu’elle est responsable de la survenue de la pathologie. Pour toutes ces raisons, il ne peut être retenu de lien direct entre l’affection présentée et l’exposition professionnelle ».

En l’espèce, est contestée le lien direct avec l’activité professionnelle.

Les deux CRRMP ont rendu un avis défavorable à la demande de reconnaissance de maladie professionnelle, estimant que l’activité de scaphandrier de Monsieur [F] [P], discontinue, était insuffisante pour considérer qu’elle a pu causer la pathologie.

Le tribunal n'étant pas lié par ces avis, il appartient à Monsieur [F] [P] de démontrer que sa pathologie est en lien direct avec son travail habituel.

Le lien direct s'entend de l'exposition constante et habituelle au risque qui a causé la maladie.

En l’espèce, il résulte des pièces du dossier, et en particulier de l’enquête administrative que Monsieur [P] a exercé une activité de scaphandrier à compter de l’année 1988 dans la marine national, puis ensuite, à son compte et qu’il a également exercé une activité de formateur de plongée et de cordiste.

Il n’est pas contesté par les parties que l’activité de scaphandrier impliquait :
- Des Travaux liés aux activités hyperbares de travaux publics,
- Une préparation logistique des équipements, embarcations et matériaux liés au chantier, les différents matériels de plongée, compresseur, bouteilles HP, casques, valises de communication, narguilés, outils.
- Une gestion des différentes tâches de surfaces et sous-marins en fonction des travaux et du terrain.

Il sera relevé que les deux CRRMP ont motivé leurs avis défavorables par le caractère insuffisant de l’activité de scaphandrier, évaluée à 379 jours par la CPAM, au regard des certificats de travail et contrats de travail en sa possession.

Or, le carnet de bord produit par Monsieur [P] ainsi que les fiches d’enregistrement des plongées permettent de constater que l’activité de plongée aux fins de travaux publics qui impliquait des ports de charges (matériaux et outils) était régulière et qu’elle a constitué l’activité principale, ou à tout le moins la plus récurrente, des activités de Monsieur [P] entre 1998 et 2020, étant précisé qu’il s’agissait de la dernière activité exercée par celui-ci.

En outre, les deux CRRMP, tout comme l’enquête administrative réalisée par la CPAM, n’ont pas pris en compte les autres activités de Monsieur [P], en particulier celle de formateur de plongée, impliquant également des ports de charge, et celle de cordiste, impliquant des mouvements de nature à exposer particulièrement les épaules.

Enfin, les différents certificats médicaux produits établissent un lien avec l’activité professionnelle de plongeur professionnel.
Il sera rappelé que l'article L 461-1 du code de sécurité sociale n'exige pas que le travail habituel soit la cause unique ou essentielle de la maladie.

Au regard de ces éléments, il convient de retenir une exposition constante et habituelle au risque.

Il y a donc lieu de considérer que la pathologie déclarée par Monsieur [P] se trouve en lien direct avec son travail habituel.

En conséquence, le caractère professionnel de la maladie déclarée le 8 novembre 2021 sur la base d'un certificat médical initial du 19 octobre 2021 établi par le docteur [E] et décrivant une tendinopathie de la coiffe des rotateurs droits, figurant au tableau n° 57 des maladies professionnelles sera reconnu.

Sur les demandes accessoires

Les dépens seront laissés à la charge de la CPAM des [Localité 1] en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

L'équité ne justifie pas de condamner la CPAM sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant en audience publique par mise à disposition au secrétariat, par jugement contradictoire et en premier ressort,

FAIT DROIT au recours introduit par Monsieur [F] [P] et reconnaît le caractère professionnel de sa maladie déclarée le 8 novembre 2021 sur la base d'un certificat médical initial du 19 octobre 2021 établi par le docteur [E] et décrivant un « une tendinopathie de la coiffe des rotateurs droits » figurant au tableau n° 57 des maladies professionnelles,

DEBOUTE Monsieur [F] [P] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

LAISSE les dépens à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 1],

DIT que tout appel de la présente décision doit être formé, à peine de forclusion, dans le délai d’un mois à compter de sa notification, conformément aux dispositions de l'article 538 du Code de procédure civile.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 22/03053
Date de la décision : 24/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-24;22.03053 ?
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