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24/05/2024 | FRANCE | N°19/00651

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 24 mai 2024, 19/00651


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]


JUGEMENT N°24/02346 du 24 Mai 2024

Numéro de recours: N° RG 19/00651 - N° Portalis DBW3-W-B7D-V455

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Société [7]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Morgane COURTOIS D’ARCOLLIERES, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Juliette MILLOT, avocat au barreau de PARIS


c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
*
[Localité 3]
comparante




BATS : À l'audience publique du 22 Mars 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : BOUAFFASSA Myriam, Juge

Assesseurs : GI...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]

JUGEMENT N°24/02346 du 24 Mai 2024

Numéro de recours: N° RG 19/00651 - N° Portalis DBW3-W-B7D-V455

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Société [7]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Morgane COURTOIS D’ARCOLLIERES, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Juliette MILLOT, avocat au barreau de PARIS

c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
*
[Localité 3]
comparante

DÉBATS : À l'audience publique du 22 Mars 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : BOUAFFASSA Myriam, Juge

Assesseurs : GIRAUD Sébastien
MARTOS Francis

L’agent du greffe lors des débats : AROUS Léa,

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 24 Mai 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

La SAS [7] a régularisé, le 5 février 2016, une déclaration d’accident du travail pour le compte de son salarié, Monsieur [Z] [R], embauché en qualité d’aide et mis à disposition de la société [6], faisant état d’un accident du travail survenu le 3 février 2016 à 8h45 dans les circonstances suivantes : « selon les informations de l’entreprise utilisatrice, le salarié après avoir coffré et coulé les massifs, les semaines précédentes, devait décoffrés ces mêmes massifs situés sous un ballon circulaire. En se relevant, il aurait heurté sa tête dans le ballon ».

L’employeur a joint à cette déclaration un courrier de réserves.

Un certificat médical initial établi par le docteur [T] constate « traumatisme crânien sans PC, entorse du rachis cervical, inversion courbure C4-C5 ».

Par courrier du 15 février 2016, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) des Bouches-du-Rhône a informé la société [7], d’une part, que ses réserves étaient irrecevables faute d’avoir été motivées conformément à la jurisprudence constante et, d’autre part, que le caractère professionnel de l’accident du travail du 3 février 2016 était reconnu d’emblée.

La CPAM des Bouches-du-Rhône a pris en charge les arrêts de travails et soins de Monsieur [Z] [R] jusqu’au 31 janvier 2018, date à laquelle le médecin conseil de la caisse a fixé la consolidation de son état de santé.

Par requête expédiée le 21 décembre 2018, la société [7] a saisi, par l’intermédiaire de son conseil, le tribunal des affaires de sécurité sociale aux fins de contester la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la CPAM des Bouches-du-Rhône, saisie le 16 novembre 2018 d’une contestation de la prise en charge des arrêts de travail et des soins prescrits à Monsieur [Z] [R] consécutivement à l’accident du travail du 3 février 2016.

En application de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016, l’affaire a fait l'objet par voie de mention au dossier d'un dessaisissement au profit du pôle social du tribunal de grande instance de Marseille, devenu tribunal judiciaire le 1er janvier 2020.

Par décision du 22 janvier 2019, la commission de recours amiable de la CPAM des Bouches-du-Rhône a rejeté le recours de la société [7].

Après une phase de mise en état, l’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 22 mars 2024.

La société [7], aux termes de ses conclusions oralement soutenues par son conseil, demande au tribunal de :

- Déclarer son recours recevable et bienfondé,
- En conséquence, ordonner avant dire droit la mise en œuvre d’une expertise médicale judiciaire comportant les chefs de missions précisés dans les conclusions,
- Préciser que, dans l’hypothèse où la victime ne répondrait pas aux convocations de l’expert, l’expert désigné pourrait procéder par le biais d’une expertise médicale sur pièces,
- Faire injonction à la CPAM des Bouches-du-Rhône de communiquer à l’expert, ainsi qu’au docteur [V] [X], son médecin conseil, l’ensemble des pièces médicales justifiant la prise en charge de l’intégralité des arrêts de travail conformément aux dispositions de l’article L142-10 du code de la sécurité sociale et, de manière plus générale, tous les documents que l’expert estimera nécessaires à l’accomplissements de sa mission, conformément aux dispositions de l’article 275 du code de procédure civile.

A l’appui de ses prétentions, la société [7] rappelle en premier lieu que le présent jugement, qui intervient dans le cadre des rapports caisse / employeur, n’aura aucun effet sur les droits reconnus à Monsieur [Z] [R]. Sur le fond, elle se prévaut de l’avis de son médecin conseil, le docteur [V] [X], et de la notification du taux d’incapacité permanente partielle de l’assuré et soutient qu’elle rapporte la preuve de l’existence d’un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte.

La CPAM des Bouches-du-Rhône, représentée par un inspecteur juridique réitérant oralement ses écritures, demande au tribunal de :

- Confirmer la décision de la commission de recours amiable,
- Dire que les soins et arrêts de travail sont à prendre en charge au titre de l’accident du 3 février 2016, jusqu’à la date de consolidation,
- Refuser la demande d’expertise de la société [7].

Au soutien de ses prétentions, la caisse fait essentiellement valoir que l’état pathologique antérieur dont se prévaut la société [7] était muet avant l’accident, et a été révélé suite aux faits survenus le 3 février 2016, de sorte qu’il doit être pris en charge au titre de l’accident du travail du 3 février 2016. Elle ajoute que les nouvelles lésions déclarées par Monsieur [Z] [R] ne sont que des symptômes des lésions initiales de l’accident et doivent, de la même manière, faire l’objet d’une prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé plus ample de leurs prétentions et leurs moyens.

L’affaire est mise en délibéré au 24 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande d’inopposabilité

Il est désormais acquis qu’en application des articles 1353 du code civil et L411-1 du code de la sécurité sociale, la présomption d'imputabilité s'applique aux lésions initiales, à leurs complications, à l'état pathologique antérieur aggravé par l'accident du travail ou la maladie professionnelle, pendant toute la période d'incapacité, précédant la guérison complète ou la consolidation, et postérieurement aux soins destinés à prévenir une aggravation et plus généralement, à toutes les conséquences directes de l'accident du travail ou la maladie professionnelle, fait obligation à la caisse de rependre en charge au titre de la législation sur les accidents du travail les dépenses afférentes à ces lésions.

Pour renverser la présomption d'imputabilité, l'employeur doit apporter la preuve que les arrêts de travail, prestations et soins prescrits à son salarié résultent d’une cause totalement étrangère au travail.

Cette cause totalement étrangère au travail peut notamment résulter d’un état pathologique préexistant, indépendant de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle, et évoluant pour son propre compte.

En l’espèce, il ressort de la déclaration d’accident du travail que le 3 février 2016, à 8h45, Monsieur [Z] [R] a heurté sa tête contre un ballon circulaire et qu’à cette occasion il a subi des commotions et douleurs au crâne et au cou.

Le certificat médical initial fait état d’un traumatisme crânien sans perte de connaissance, d’une entorse du rachis cervical, et d’une inversion de la courbure de C4 et C5, rendant nécessaire la prescription d’un arrêt de travail du 3 février 2016 au 12 février 2016, soit pendant 10 jours.

Par conséquent la présomption d’imputabilité de l’accident du 3 février 2016, ayant rendu nécessaire la prescription d’arrêts de travail et de soins, s’étend pendant toute la durée d’incapacité de travail précédant la consolidation de l’état de santé de Monsieur [Z] [R], à moins que la société [7] ne rapporte la preuve que les lésions prises en charge résultent exclusivement d’une circonstance totalement étrangère.

Il est constant en l’espèce que Monsieur [Z] [R] souffre d’un état antérieur, consistant en un état dégénératif cervical avec discopathies étagées.

Le litige porte sur le lien de causalité entre cet état antérieur et l’accident du travail du 3 février 2016.

La société [7] soutient qu’une partie des arrêts de travail prescrits à Monsieur [Z] [R] est exclusivement imputable à son état pathologique antérieur, qui n’a été que provisoirement dolorisé par l’accident du 3 février 2016.

La CPAM des Bouches-du-Rhône considère quant à elle que l’accident du 3 février 2016 a révélé un état pathologique préexistant, qui était muet jusqu’à lors, et que l’ensemble des arrêts de travail délivrés à Monsieur [Z] [R] s’inscrivent dans la stricte continuité des lésions initiales.

L’argumentaire médical du docteur [V] [X], dont se prévaut la société [7], est contradictoire puisqu‘il retient à la fois :

- que « [les documents d’imagerie contemporains de l’accident du travail] mettent en évidence un état traumatique chronique dégénératif cervical avec discopathies étagées dès le 18 février 2016, sans rapport médicalement possible avec un accident du travail survenu 9 jours avant la réalisation de l’IRM le 18 février 2016 »,
- et que « Sur le plan médico-légal, Monsieur [Z] [R] qui présente un état vertébral avec hernies discales étagées C5-C6 et C6-C7, mises en évidence par une IRM réalisée le 18 février 2018, a vu cet état antérieur réactivé par un traumatisme crânien mineur survenu le 3 février 2016 ».

Le docteur [V] [X] se contredit donc en considérant d’une part que l’accident du 3 février 2016 a réactivé un état antérieur, et d’autre part que cet état chronique dégénératif est sans rapport avec l’accident du travail.

Le rapport du docteur [V] [X] retient également :

- que « Ce n'est que 2 mois plus tard, le 19 avril 2016, qu'a été décrite, à tort, une irradiation brachiale gauche mal systématisée qui a été déclarée au titre d'une lésion imputable à l'accident litigieux et reconnue comme telle par la CPAM.
Le 17 mai 2016, ce sont des douleurs fonctionnelles du membre supérieur droit qui étaient à leur tour déclarées au titre de l'accident litigieux et prises en charge à ce titre par la CPAM des Bouches-du-Rhône sans que l'organisme n'établisse de relation de causalité avec l'accident du 3 février 2016.
Ces brachialgies bilatérales n'ont pas nécessité de traitement chirurgical décompressif et leur caractère intermittent ne permet pas de les rattacher à une hernie discale de constitution récente.
Elles résultent de l'activation traumatique par l'accident du travail du 3 février 2016 d'un état antérieur vertébral ancien et complexe »,
- et que « En conséquence les lésions nouvelles décrites respectivement les 19 avril 2016 et 17 mai 2016 sont sans rapport avec l'accident du travail du 12 février 2016, elles sont la conséquence exclusive de l'évolution pour son propre compte d'un état antérieur cervical dégénératif étagé ».

Une nouvelle fois, le docteur [V] [X] se dédit en retenant que les lésions constatées les 19 avril 2016 et 17 mai 2016 résultent de l’activation traumatique d’un état antérieur par l’accident du travail, et à la fois que ces lésions sont sans rapport avec l’accident litigieux.

Le tribunal observe en outre que le rapport du docteur [V] [X] ne contredit pas l'absence de mise en évidence, antérieurement à l'accident du travail, de l’état pathologique de Monsieur [Z] [R].

Dans ces conditions, il n’est pas permis de considérer que la société [7] rapporte un commencement de preuve suffisant de l’existence d’un état antérieur évoluant pour son propre compte, et donc sans lien avec l’accident du travail du 3 février 2016.

L'expertise sollicitée aux fins de décrire principalement les lésions en relation de causalité directe et certaine avec l’accident et déterminer la durée des arrêts de travail en relation directe avec l’accident initial est dépourvue de pertinence en l’absence d’élément suffisamment probant, l'article 146 alinéa 2 du code de procédure civile posant le principe qu'en aucun cas, une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.

Il convient en conséquence de rejeter le recours de la société [7].
Il n’y a pas lieu de confirmer la décision de la commission de recours amiable de la CPAM des Bouches-du-Rhône en date du 22 janvier 2019, s’agissant d’une décision administrative à laquelle le présent jugement a vocation à se substituer.

Sur les demandes accessoires

Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la société [7], qui succombe, sera condamnée aux dépens de l’instance.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par après en avoir délibéré, par jugement contradictoire, et en premier ressort,

DECLARE recevable le recours de la SAS [7],

DEBOUTE la SAS [7] de l’intégralité de ses demandes,

DECLARE opposables à la SAS [7] l’ensemble des arrêts, soins et prestations relatifs à l’accident du travail dont a été victime Monsieur [Z] [R] le 3 février 2016,

RAPPELLE que le présent jugement se substitue aux décisions prises par l’organisme et la commission de recours amiable,

CONDAMNE la SAS [7] aux dépens de l’instance,

DIT que tout appel de la présente décision doit être formé, à peine de forclusion, dans le délai d’un mois à compter de sa notification, conformément aux dispositions de l'article 538 du Code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE
LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 19/00651
Date de la décision : 24/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-24;19.00651 ?
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