TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION B
JUGEMENT N°
Enrôlement : N° RG 13/10223 - N° Portalis DBW3-W-B65-P732
AFFAIRE :
S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT BPI (SELARL AGNES SUZAN)
C/
[N] [J] (SCP GOBERT & ASSOCIES)
Rapport oral préalablement fait
DÉBATS : A l'audience Publique du 09 Février 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats
Président : HERBONNIERE Isabelle, Première Vice-Présidente adjointe
GARNIER Patricia, Juge
BERBIEC Alexandre, Juge
Greffier : FAVIER Lindsay
A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 24 Mai 2024
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 24 Mai 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors du délibéré :
Président : HERBONNIERE Isabelle, Première Vice-Présidente adjointe
GARNIER Patricia, Juge
BERBIEC Alexandre, Juge
Greffier lors du prononcé : FAVIER Lindsay
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES
DEMANDERESSE
S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT BPI
Société Anonyme au capital de 124 821 566 euros dont le siège social est [Adresse 4], [Localité 6], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 379 502 644, agissant par son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège, venant aux droits de la société BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER (BPI), société Anonyme au capital de 117 386 000 euros dont le
siège social était [Adresse 5], [Localité 6], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 381 804 905, à la suite d’une fusion par absorption selon déclaration de régularité et de conformité constatant la réalisation définitive de la fusion en date du 1er mai 2017,
représentée par Maître Agnès SUZAN de la SELARL AGNES SUZAN, avocats au barreau de MARSEILLE et par Maître Jean-François PUGET, avocat au barreau de PARIS
C O N T R E
DEFENDEUR
Monsieur [N] [J]
né le [Date naissance 3] 1962 à [Localité 10] (VIENNE)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1] - [Localité 2]
représenté par Maître Christophe JERVOLINO de la SCP GOBERT & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE
EXPOSE DU LITIGE
[N] [J] a acquis plusieurs biens à l’aide de cinq emprunts, souscrits auprès de cinq banques différentes, pour un montant total débattu par les parties, selon la chronologie suivante :
30.03.2004, enregistrement de la vente d’un T2 au sein du programme « Roi du Lac » en LMNP au prix de 139 000 € à l’aide d’un emprunt financé par le CIFRAA,02.04.2004, enregistrement de la vente d’un T2 au sein du programme « Roi du Lac » en LMNP au prix de 139 000 € à l’aide d’un emprunt financé par le Crédit Mutuel,06.05.2004, enregistrement de la vente d’un T2 au sein du programme « Roi du Lac » en LMNP au prix de 139 000 € à l’aide d’un emprunt financé par BNP LEASE,08.06.2004, enregistrement de la vente d’un T1 au sein du programme « Parc avenue » en LMP au prix de 139 500 € à l’aide d’un emprunt financé par LYONNAISE DE BANQUE,23.06.2004, enregistrement de la vente d’un bien d’un type non précisé, dans le cadre du dispositif de Robien, au sein du programme « Porte des Calades » au prix de 100 853 € à l’aide d’un emprunt financé par BPI.
Pour financer l’acquisition d’un appartement de type T2 en l’état futur d’achèvement au sein de l’ensemble immobilier « Les Portes Des Calades » situé à [Localité 11], [N] [J] a souscrit à une offre de prêt d’un montant de 100 850€ émise le 09.03.2004 par la SA BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER (BPI).
L’acte de prêt a été passé en la forme authentique le 23.06.2004 devant Maître [O], notaire à [Localité 9].
Il n’en a pas honoré toutes les échéances, de sorte que l’établissement prêteur lui a notifié la déchéance du terme le 25.10.2011.
*
Exposant avoir été victimes d'agissements frauduleux de la société APOLLONIA, agent immobilier s'étant présenté comme gestionnaire de patrimoine immobilier et intermédiaire en opérations de banque, les ayant conduits à s'endetter de façon inconsidérée, et mettant en cause la responsabilité de plusieurs établissements bancaires, ainsi que de Maître [T] [X] et la SCP RAYBAUDO DUTREVIS [X] COURANT LESTRONE, notaires intervenus dans le cadre de ces opérations, de nombreux particuliers dénonçant des agissements similaires ont déposé une plainte auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de MARSEILLE, qui a ouvert une information judiciaire, notamment, d'escroquerie en bande organisée et faux en écritures publiques.
Une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel a été rendue courant 2022 ; elle a été partiellement confirmée par un arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE en date du 15 mars 2023. La chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté les pourvois formés sur cet arrêt.
*
[N] [J] a assigné la société APOLLONIA, et plusieurs établissements bancaires, dont la BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER (BPI), aux droits de laquelle vient la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD), devant le tribunal de grande instance de MARSEILLE, par actes d’huissier du 06, 09, 13, 13 et 22 juillet 2010, en indemnisation des préjudices subis du fait de ces opérations et en déchéance du droit aux intérêts au taux contractuel.
Cette procédure est enregistrée sous le n° de RG 10/10004.
Le juge de la mise en état, par ordonnance en date du 07.03.2011, a ordonné le sursis à statuer « jusqu’à ce qu’une juridiction pénale se soit prononcée définitivement sur les faits dénoncés» et la radiation du rang des affaires en cours.
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Par acte d’huissier du 20.12.2011, la société BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER (BPI), aux droits de laquelle vient la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD), a fait assigner [N] [J] devant le tribunal de grande instance de TARASCON, aux fins de le voir condamner, à titre principal, à lui payer la somme de 58 540,25€ due au titre du prêt n° 2067727 D 001 qu'elle lui a consenti, outre les intérêts au taux légal et leur capitalisation, la somme de 5 854€ à titre de dommages et intérêts et la somme de 5000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance en date du 01.08.2013, le juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de TARASCON a fait droit à l’exception de connexité et s’est dessaisi au profit du Tribunal de grande instance de MARSEILLE.
Cette procédure est arrivée au service de l’enrôlement le 13.08.2013 et a été enregistrée sous le n° RG 13/10223.
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Par une ordonnance en date du 18.05.2017, le juge de la mise en état a :
Joint les instances n° 10/10004 et n° 13/10223,Rejeté la demande de sursis à statuer formée par [N] [J],Rejeté la demande de provision formée par la SA BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER,Enjoint à [N] [J] de produire les déclarations fiscales de revenus fonciers pour les années 2005 à 2016 ainsi que les déclarations suivantes suivant leur établissement,Condamné [N] [J] à verser à la SA BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER la somme de 1.000,00 Euros, sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,Rejeté la demande formée par [N] [J] sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,Renvoyé la cause et les parties à l'audience de mise en état et enjoint à [N] [J] de conclure au fond pour cette date,Condamné [N] [J] aux dépens de l’incident.
Cette décision a été confirmée par la Cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE le 25.01.2018.
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Par une ordonnance du juge de la mise en état de céans en date du 07.02.2019, il a été ordonné la disjonction des instances n° 10/10004 et n°13/10223.
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Par ordonnance du 06.04.2023, le juge de la mise en état a notamment :
- Reçu l’intervention volontaire de la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT, venant aux droits et obligations de la SA BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER ;
- Constaté le désistement parfait de [N] [J], relatif à sa demande de sursis à statuer;
- Renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état électronique et avisé les parties que pour cette date, elles devraient avoir conclu au fond afin que l’affaire soit en état d’être clôturée ;
- Condamné [N] [J] à payer à la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT venant aux droits et obligations de la SA BANQUE PATRIMOINE IMMOBILIER, une somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles de l’incident ;
- Rejeté toutes les autres demandes des parties ;
- Condamné [N] [J] au paiement des dépens de l’incident.
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Par une ordonnance du juge de la mise en état en date du 16.11.2023, l’instruction de l’affaire a été clôturée et l’audience au fond fixée au 09.02.2024.
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Par conclusions au fond notifiées par RPVA le 13.11.2023, auxquelles il conviendra de se reporter pour l’exposé des motifs, la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD), SA, venant aux droits et obligations de la BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER (BPI), SA, demande au tribunal au visa des articles 1134, 1153 et 1154 du code civil, de :
« - JUGER que la créance que détient la société CIFD sur Monsieur [J] est certaine, liquide et exigible ;
- JUGER que Monsieur [J] a souscrit et exécuté le contrat de prêt litigieux de mauvaise foi ;
En conséquence,
• Sur la demande principale du CIFD
- CONDAMNER Monsieur [J] à verser à la société CIFD le capital restant dû à la date du jugement à intervenir soit la somme de 87.284,11 euros au titre du prêt n°2067727D001, qui portera intérêts au taux contractuel de 3,14% (E3M au 25/10/2011 +1,55%) à compter de la déchéance du terme et jusqu’au parfait paiement des sommes dues entre les mains de la société CIFD
- CONDAMNER Monsieur [J] au paiement du solde des sommes dues à la date de déchéance du terme hors capital et intérêts au taux contractuels soit l’indemnité contractuelle de 4.369,28 € qui produiront intérêts au taux légal à compter de la date de déchéance du terme.
- ORDONNER la capitalisation des intérêts par application de l'article 1154 du Code civil ;
- CONDAMNER Monsieur [J] à verser à la société CIFD la somme de 10.085 € à titre de dommages et intérêts ;
• Sur l’exception de nullité pour dol invoquée par Monsieur [J]
- JUGER l’exception de nullité pour dol invoquée par Monsieur [J] irrecevable comme prescrite
o Subsidiairement, si l’exception de nullité était déclarée recevable
DEBOUTER Monsieur [J] de son exception de nullité pour dol
• Sur la demande reconventionnelle de déchéance des intérêts conventionnels du contrat prêt de Monsieur [J]
- JUGER la demande reconventionnelle de Monsieur [J] de déchéance des intérêts conventionnels irrecevable.
o Subsidiairement, si la demande de déchéance des intérêts conventionnels était déclarée recevable
- DEBOUTER Monsieur [J] de sa demande reconventionnelle de déchéance des intérêts conventionnels
- CONDAMNER Monsieur [J] à verser à la société CIFD le capital restant dû à la date du jugement à intervenir soit la somme de 87.284,11 euros au titre du prêt n°2067727D001, qui portera intérêts au taux contractuel de 3,14% (E3M au 25/10/2011 +1,55%) à compter de la déchéance du terme et jusqu’au parfait paiement des sommes dues entre les mains de la société CIFD
• Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts de Monsieur [J]
- DEBOUTER Monsieur [J] de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts
En tout état de cause
- DEBOUTER Monsieur [J] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- CONDAMNER Monsieur [J] à verser à la société CIFD somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi, qu’aux entiers dépens conformément à l’article 699 du Code de procédure civile. »
Par des conclusions notifiées par RPVA le 10.11.2023, auxquelles il conviendra de se référer pour l’exposé des moyens, [N] [J] demande au tribunal de :
« Vu l’article 2224 du Code civil ;
ORDONNER la prescription de l’action en paiement :
-des intérêts conventionnels à compter de la déchéance du terme ;
-des échéances impayées de 8247,44 €
-des intérêts au 25/10/2011
-de la capitalisation des intérêts conventionnels ;
A TITRE SUBSIDIAIRE :
Vu les articles 5 et 768 al2 et 3 du Code de Procédure Civile ;
RELEVER que le Tribunal n’est saisi d’aucune demande de condamnation de MR [J] en paiement des intérêts conventionnels ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
Vu l’article L312-10 ancien du Code de la consommation ;
DEBOUTER le CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT de son exception d’irrecevabilité de la demande reconventionnelle d’annulation de l’offre de prêt ;
ANNULER l’offre de prêt n°2067727D001 ;
En conséquence :
ANNULER les intérêts conventionnels et l’indemnité contractuelle ;
DEBOUTER le CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT de toute éventuelle demande au titre des intérêts conventionnels ;
DEBOUTER le CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT de sa demande en paiement de l’indemnité contractuelle de 4639,28 € et de sa demande en paiement de la somme de 10.085 € à titre de dommages-intérêts ;
CONDAMNER le CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT à restituer à Monsieur [J] l’intégralité des intérêts payés au titre de l’offre de prêt ;
A TITRE SUBSIDIAIRE
DEBOUTER le CREDIT IMMOBILIER DE France DEVELOPPEMENT de sa demande des intérêts au taux de 4,254 % ;
FIXER les intérêts conventionnels au taux de 3,107 % ;
DEBOUTER le CREDIT IMMOBILIER DE France DEVELOPPEMENT de sa demande en paiement de l’indemnité contractuelle de 4639,28 € ;
FIXER l’indemnité contractuelle à la somme de 1 € ;
Vu les articles L312-22 et L312-23 du Code de la consommation ;
DEBOUTER le CREDIT IMMOBILIER DE France DEVELOPPEMENT de ses demandes des intérêts conventionnels sur l’indemnité de résiliation ;
DEBOUTER le CREDIT IMMOBILIER DE France DEVELOPPEMENT de sa demande en paiement de la somme de 10.085 € à titre de dommages-intérêts ;
DEBOUTER le CREDIT IMMOBILIER DE France DEVELOPPEMENT de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
REJETER l’exécution provisoire ;
DEBOUTER le CREDIT IMMOBILIER DE France DEVELOPPEMENT de toutes ses demandes au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile et au titre des dépens. »
A l’audience en date du 09.02.24, les conseils des parties ont plaidé conformément à leurs dernières conclusions.
L’affaire a été mise en délibéré au 24.05.2024.
SUR CE :
I. Sur le périmètre de la saisine du tribunal
[N] [J] soulève que le CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT, SA n’aurait pas demandé sa condamnation au paiement des intérêts conventionnels à compter de la déchéance du terme du 25.10.2011, ni le paiement des échéances impayées et des intérêts échus au 25.10.2011, au motif qu’elles ne figurent pas au dispositif de l’assignation, ni dans des conclusions notifiées dans les 5 ans suivant l’assignation, de sorte que ces demandes seraient prescrites, d’une part, et d’autre part, il souligne que les conclusions postérieures auraient demandé de « dire » ou de « juger que ces sommes porteront intérêts […] », de sorte que, faute de demande, le tribunal n’en aurait pas été saisi.
L’assignation est ainsi rédigée :
« Sur les sommes dues au titre du remboursement du prêt souscrit par les emprunteurs :
CONDAMNER Monsieur [J] à verser à la BPI :
- La somme de 58 540,25€ au titre du prêt n°2067727 D 001,
JUGER que cette somme portera intérêt au taux légal à compter de la délivrance de la présente assignation et jusqu’au parfait paiement des sommes dues entre les mains de la BPI,
ORDONNER la capitalisation des intérêts légaux par application de l’article 1154 du Code civil
Sur les sommes dues au titre des dommages et intérêts :
CONSTATER que Monsieur [J] a causé à la BPI un préjudice financier certain du fait de son comportement.
En conséquence,
CONDAMNER Monsieur [J] à verser à la BPI des dommages et intérêts d’un montant de 5 854€
En tout état de cause
ORDONNER l’exécution provisoire
CONDAMNER Monsieur [J] à verser à la BPI la somme de 5 000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SCP DESMETTRE-GUIGET-FAUPIN, Avocats, conformément à l’article 699 du même Code ».
Les conclusions au fond notifiées par RPVA le 27.09.2019, portent la demande suivante : « CONDAMNER Monsieur [J] à verser à la société CIFD la somme de 66.787,69 € (à parfaire) au titre du prêt n°2067727D00l ;
JUGER que cette somme portera intérêt au taux contractuel de 4.254 % à compter de la déchéance du terme et jusqu'au parfait paiement des sommes dues entre les mains de la société CIFD »
Les dernières conclusions au fond notifiées le 13.11.2023 par le CIFD sont ainsi rédigées :
« CONDAMNER Monsieur [J] à verser à la société CIFD le capital restant dû à la date du jugement à intervenir soit la somme de 87.284,11 euros au titre du prêt n°2067727D001, qui portera intérêts au taux contractuel de 3,14% (E3M au 25/10/2011 +1,55%) à compter de la déchéance du terme et jusqu’au parfait paiement des sommes dues entre les mains de la société CIFD »
Sur les demandes résultant de l’assignation
Au titre de l’article 753 du code de procédure civile, dans sa version en vigueur du 01 mars 1999 au 11 mai 2017 : « Les conclusions doivent formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée. Un bordereau énumérant les pièces justifiant ces prétentions est annexé aux conclusions. Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le tribunal ne statue que sur les dernières conclusions déposées. Les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées par l'avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie ; en cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, elles doivent l'être à tous les avocats constitués. Copie des conclusions est remise au greffe avec la justification de leur notification.»
Il en résulte qu’en ce qui concerne les procédures introduites sous l’empire de ce texte, le tribunal était saisi des demandes abordées dans toute l’assignation (et à termes dans l’intégralité des conclusions récapitulatives), même s’il avait été omis de les récapituler dans le dispositif de l’assignation ou des conclusions.
La discussion de l’assignation est ainsi rédigée :
p. 6 : « Au regard de la déchéance du terme prononcée, la créance que la BPI détient à l'encontre de Monsieur [J] s'élève à : • La somme de 66 787.69 € au titre du prêt n°2067727 D 001, composée comme suit:
Echéances impayées: 8 247.44 € Capital restant dû au 25/10/11 : 54 170.97 € Intérêts dus au 25/10/11 : mémoire Indemnité contractuelle: 4 369.28 € »,p.9 : « C'est dans ces conditions que la BPI demande à la Juridiction de céans de bien vouloir constater l'existence de sa créance et condamner - en l'état - l'emprunteur à lui verser la somme suivante - dont le quantum ne peut faire l'objet d'aucune contestation: La somme de 58 540,25 euros au titre du prêt n°2067727 D 001, décomposée comme suit: Capital restant dû au 25/10/11 : 54 170.97 € Indemnité contractuelle: 4 369.28 €. En outre, cette prétention sera augmentée de la somme de 5 854 €, versée à la BPI à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier certain qu'elle subit du fait du comportement de l'emprunteur. »
Il en résulte que si la banque se considère créditrice des échéances impayées, elle ne demande la condamnation qu’au paiement de la somme dont elle estime le quantum comme incontestable, soit le capital restant dû et les indemnités contractuelles.
Aucune somme n’est demandée, ni dans la discussion, ni dans le dispositif, au titre des mensualités impayées.
Le total de ces dernières n’a été demandé pour la première fois que dans les conclusions au fond notifiées par RPVA le 27.09.2019, soit un peu moins de huit ans après la notification de la déchéance du terme, le 25.10.2011.
L’article 2262 du Code civil, dans sa version applicable du 25 mars 1804 au 19 juin 2008, disposait que : « Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi. »
La loi n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, a réduit cette prescription à 5 ans et dispose, dans son article 26 II : « les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ». Cette a été publiée au Journal Officiel de la République Française le 18 juin 2008 et est entrée en vigueur le 19 juin 2008. Le nouveau délai de prescription de 5 ans (prévu aux articles 2224 et 2234 du Code civil) court donc à compter de cette date, et donc jusqu’au 19 juin 2013.
Sont interruptifs de prescription, aux termes des articles 2240 à 2244 du Code civil, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait, la demande en justice, même en référé, même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure, et ce jusqu'à l'extinction de l'instance, par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée.
Aux termes de l’article 2231 : « l'interruption efface le délai de prescription acquis. Elle fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien. »
Il en résulte qu’à la date du contrat, en 2004, le délai de prescription était trentenaire, mais qu’à la date de la notification de la déchéance du terme, le 25.10.2011, le délai de prescription était devenu quinquennal, de sorte qu’il appartenait à la banque de recourir à un acte interruptif de prescription relatif aux sommes dues au titre des échéances impayées au plus tard le 25.10.2016.
Dès lors, la demande portant sur les sommes demandées au titre des échéances impayées est prescrite.
Sur la demande relative aux intérêts conventionnels
Le défendeur se prévaut de ce qu’aucune demande relative aux intérêts conventionnels n’aurait été formée avant les conclusions de novembre 2023, d’une part en ce que l’assignation porterait sur les intérêts au taux légal, d’autre part en ce que l’assignation et les conclusions antérieures porteraient sur le fait de « juger » et ne constituerait pas une prétention.
Les demandes visant à « dire » ou « juger » ou « dire et juger » ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31, 768 et 954 du code de procédure civile, mais des moyens et arguments au soutien des véritables prétentions, de sorte que le tribunal n’est pas nécessairement tenu d’y répondre, sauf lorsqu’elles visent à obtenir une décision sur un point précis en litige.
Aux termes des articles 2240 à 2244 du Code civil, la demande en justice est interruptive de prescription, jusqu’à l'extinction de l'instance.
Aux termes de l’article 2231 : « l'interruption efface le délai de prescription acquis. Elle fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien. »
Il résulte incontestablement de l’assignation qu’une demande relative aux intérêts de la dette a été formulée. La question du taux d’intérêts constitue une modalité de cette demande, de sorte que la prétention telle que formulée dans l’assignation emporte interruption des délais de prescription en ce qui concerne les intérêts, qu’ils soient conventionnels ou contractuels.
II. Sur les fins de non-recevoir tirées de la prescription
Sur la recevabilité des demandes de « dire et juger »
Le défendeur se prévaut de la prescription de la demande en paiement des intérêts conventionnels, en ce que dans ses conclusions du 22 septembre 2023, contrairement à ses dernières conclusions, le CIFD aurait seulement demandé de « JUGER que la somme de 66.787,69 € produira intérêts au taux conventionnels », et qu’il ne s’agirait donc pas de demandes de condamnation.
Pour les mêmes motivations de droit, il ne résulte aucune ambiguïté d’une demande de condamnation au paiement d’une somme représentant le capital, suivie de la demande visant à « dire » ou à « juger » que « cette somme » ou « cette demande » portera intérêts à un certain taux.
Les demandes d’intérêts des conclusions successives revêtent de façon claire et précise les caractéristiques d’une prétention, sur laquelle le tribunal est tenu de statuer.
Dès lors, cette demande, dans le débat depuis l’assignation initiale, a bien été interruptive des délais de prescription.
Sur les demandes fondées sur la violation du code de la consommation
L’établissement préteur sollicite la condamnation à un certain nombre de sommes, contestées par l’emprunteur sur le fondement des dispositions d’ordre public du code de la consommation.
Le recours de l’emprunteur à ce fondement est constitutif d’une défense au fond, au sens de l’article 71 du Code de procédure civile, de sorte qu’il échappe à la prescription.
Sur la demande de nullité du prêt
[N] [J] se prévaut reconventionnellement d’une action en nullité du prêt sur le fondement du code de la consommation, aux fins d’obtenir la restitution des intérêts déjà versés. Il ne se prévaut plus de la nullité pour dol.
La banque excipe de la prescription de ce moyen, soulevé pour la première fois par conclusions du 16.12.2021.
[N] [J] souligne que cette demande aurait en réalité été formulée pour la première fois par des conclusions du 21.03.2013, soit dans le délai de prescription.
L’examen des conclusions du 21.03.2013 démontre que la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD) s’est prévalu de la nullité du prêt pour dol, et notamment de la violation du devoir d’information, de mise en garde, de vigilance et de recherches et du défaut d’envoi direct de l’offre de prêt, au titre des manœuvres frauduleuses constitutives du dol, de la violation des dispositions du code de la consommation.
Dès lors, tous ces éléments étaient déjà dans le débat, et seul le raisonnement les organisant a été modifié.
Dans ces conditions, la demande de nullité fondée sur ces dispositions du code de la consommation ne sont pas prescrites.
III. Sur le fond
Sur l’application légale du code de la consommation
Les parties débattent de l’applicabilité du Code de la consommation à la situation du défendeur, au regard notamment de la qualification d’activité professionnelle accessoire ou non de sa location de biens, dans des complexes para-hôteliers pour 4 d’entre eux et vide dans le cas du bien acquis à l’aide du prêt en cause.
Le code de la consommation, dans sa version en vigueur en 2004, prévoyait en son titre 1er relatif au crédit une chapitre 2 relatif au crédit immobilier, dont la section relative au champ d'application comportait les trois articles suivants :
Article L312-1 : « Au sens du présent chapitre, est considérée comme :a) Acquéreur, toute personne qui acquiert, souscrit ou commande au moyen des prêts mentionnés à l'article L. 312-2 ;
b) Vendeur, l'autre partie à ces mêmes opérations. »
- Article L312-2 : « Les dispositions du présent chapitre s'appliquent aux prêts qui, quelle que soit leur qualification ou leur technique, sont consentis de manière habituelle par toute personne physique ou morale en vue de financer les opérations suivantes :
1° Pour les immeubles à usage d'habitation ou à usage professionnel d'habitation :
a) Leur acquisition en propriété ou en jouissance ;
b) La souscription ou l'achat de parts ou actions de sociétés donnant vocation à leur attribution en propriété ou en jouissance ;
c) Les dépenses relatives à leur construction, leur réparation, leur amélioration ou leur entretien lorsque le montant de ces dépenses est supérieur à celui fixé en exécution du dernier alinéa de l'article L. 311-3 ;
2° L'achat de terrains destinés à la construction des immeubles mentionnés au 1° ci-dessus. »
Article L312-3 : « Sont exclus du champ d'application du présent chapitre :1° Les prêts consentis à des personnes morales de droit public ;
2° Ceux destinés, sous quelque forme que ce soit, à financer une activité professionnelle, notamment celle des personnes physiques ou morales qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, ou en vertu de leur objet social, procurent, sous quelque forme que ce soit, des immeubles ou fractions d'immeubles, bâtis ou non, achevés ou non, collectifs ou individuels, en propriété ou en jouissance ;
3° Les opérations de crédit différé régies par la loi n° 52-332 du 24 mars 1952 relative aux entreprises de crédit différé lorsqu'elles ne sont pas associées à un crédit d'anticipation. »
Il est incontestable que la présente espèce remplit les conditions alternatives fixées à l’article L312-2.
A l’inverse, l’emprunteur a souscrit le prêt litigieux afin d'acquérir un appartement destiné à la location, la fiche de renseignements bancaires signée par ses soins mentionne des revenus mensuels de 6 750 € au titre des revenus de l’année 2003 (BNC Net), et au titre des charges un crédit voiture pour 407,35 € mensuel, un loyer de 632,42€ et un différentiel de revenus fonciers négatif de 422,14 € ainsi que l’existence d’un patrimoine comprenant deux résidences locatives à [Localité 8] (130 000€) et [Localité 7] (136 000€) et des placements financiers pour un montant de 45 000€.
Il résulte des pièces versées aux débats que le bien acquis est chronologiquement le cinquième crédit souscrit par l’emprunteur en 2004 auprès de 5 banques différentes ; que tous étaient destinés à financer des immeubles de rapport locatif.
Le document récapitulatif versé par le défendeur sous l’intitulé « liste des investissements effectués par les plaignants avec mention des conditions d’emprunt » établit que le montant total des biens financés était de 657.353 € et que le coût total des crédits était estimé à 1 042 609 €.
La part totale de revenus locatifs qui en était escomptée (24 004 € annuels selon ce document), ajoutée aux revenus locatifs dont il disposait déjà (1400 € mensuels), était de nature à constituer ainsi un apport de revenus non négligeable au regard de ceux tirés de la seule activité professionnelle de l’emprunteur.
Les activités financées par les prêts litigieux doivent, en conséquence, être replacées dans le contexte d’une activité immobilière locative, dont l’ampleur résulte du nombre des acquisitions destinées à la location et du montant des revenus devant en être tirés ; cette activité doit être qualifiée de professionnelle, accessoire à l’activité principale de médecin de l’emprunteur.
Le prêt en cause ne saurait donc relever, de droit, des dispositions du code de la consommation.
Le crédit a donc été souscrit pour financer une activité professionnelle accessoire, de sorte qu’il est exclu du champ d’application du code de la consommation.
Sur la demande de nullité du contrat
[N] [J] se prévaut de la nullité du prêt en raison du non-respect des dispositions du code de la consommation.
Le code de la consommation n’étant pas applicable au contrat en cause, la demande de nullité de [N] [J] sera rejetée.
Sur les demandes principales en paiement de la banque
Dans ses dernières conclusions en date du 13.11.2023 la banque produit le décompte actualisé suivant :
Capital restant dû au 25.10.11: 54 170,97€
Echéances impayées à la même date :8 247,44€
Intérêts échus à la même date : Mémoire
Indemnité contractuelle de 7% : 4 369,28€.
Total :66 787,69€
Intérêts échus du 26.10.11 au 13.11.2023 soit 4401 jours : 20 496,42€
au taux de 3.14% (E3M au 25.10.11+1.55%) :
Intérêts à échoir jusqu’au parfait paiement : Mémoire
au taux de 3,14% (E3M au 25.10.11+1.55%)
Règlement client : 0€
Frais de procédure : Mémoire
TOTAL GENERAL dû au 13.11.2023 outre mémoire : 87 284,11€
A ce stade, le débat ne porte plus que sur la demande de réduction de l’indemnité contractuelle, les intérêts et leur capitalisation.
Sur la demande de réduction de l’indemnité contractuelle
La banque sollicite la condamnation de l’emprunteur au paiement de l’indemnité de résiliation contractuelle.
Le défendeur se prévaut de ce que l’indemnité de résiliation présenterait les caractéristiques d’une clause pénale, et en demande la réduction à 1€.
L’article 1152 du Code civil, dans sa version applicable du 15.10.1985 au 01.10.2016, disposait que :
« Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.»
L’article IV des conditions générales annexées aux conditions particulières du contrat stipule: « En cas de défaillance de l'emprunteur ou de retard dans le paiement à son échéance de toute somme due, le taux contractuel sera majoré de plein droit de 3 points, jusqu'à ce que l'emprunteur ait soldé Intégralement son retard et repris le cours normal des échéances contractuelles.
En vertu du Code de la Consommation et des directives du Comité de la Réglementation Bancaire, la Banque confirme qu'elle déclarera à la Banque de France les Incidents de paiement caractérisés pour Inscription au fichier national des Incidents de remboursements des crédits aux particuliers.»
L’article VI. III des conditions générales du contrat prévoit, en cas d’exigibilité anticipée du contrat, une indemnité de 7%.
Cette double pénalisation de la défaillance de l’emprunteur est manifestement excessive, de sorte que l’indemnité contractuelle, qui ne peut être que réduite, et pas annulée, sera portée à 1€.
Sur l’assiette des intérêts
En application de l’article VI. III des conditions générales du contrat, les intérêts contractuels ne sont pas applicables à l’indemnité de 7%.
L’indemnité contractuelle, ramenée à 1€, n’ouvrira donc pas droit à intérêts au taux contractuel.
Sur le régime des intérêts
En l’état de ses dernières conclusions, l’établissement prêteur demande la condamnation aux intérêts au taux contractuel à compter de la déchéance du terme, sans qu’aucun subsidiaire ne soit formulé.
L’emprunteur sera donc condamné au paiement des intérêts au taux contractuels à compter de la déchéance du terme.
Sur le taux applicable
Les parties conviennent, conformément aux stipulations figurant en page 3 des conditions particulières du contrat, de ce que le taux contractuel est la dernière moyenne mensuelle du taux EURIBOR 3 mois majoré de 1.55 points. Elles sont toutefois en désaccord sur le quantum dudit taux 3,14% ou 1,557%.
La date de la déchéance du terme est le 25.10.2011. Le taux Euribor 3 mois, tel que justifié par le défendeur, est de 1,557% au 01.10.2011. La demanderesse ne justifie en rien de la justesse de son calcul. Dans ces conditions, c’est un taux contractuel de 3.107% qui sera appliqué à compter du 25.10.2011.
Sur la capitalisation des intérêts.
La banque demande d’« ORDONNER la capitalisation des intérêts par application de l'article 1154 du Code civil» . Il se prévaut de ce que la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu’elle fait l’objet d’une demande en justice et que les intérêts sont dus pour une année entière.
L’emprunteur se prévaut de la prescription de cette demande en ce que dans l’assignation initiale du CIFD portait sur la capitalisation des intérêts légaux, de sorte qu’il serait prescrit à demander aujourd’hui la capitalisation des intérêts conventionnels.
La demande figurant dans l’assignation porte sur la capitalisation des intérêts, quels qu’ils soient, de sorte que cette demande n’est pas prescrite.
L’article 1343-2 du code civil prévoit que les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts par une demande judiciaire, pourvu qu’il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière.
L’équité commande de rejeter cette demande.
Récapitulatif
Dès lors, [N] [J] sera condamné au paiement de :
Capital restant dû au 25.10.11:
- 54 170,97€, majorés des intérêts au taux contractuel de 3.107% à compter du 25.10.2011, sans capitalisation des intérêts,
- Indemnité contractuelle : 1€.
Sur la demande indemnitaire de l’établissement préteur
A titre préliminaire, il convient de relever que la banque sollicite « 10.085 € à titre de dommages et intérêts ».
Ces demandes sont motivées par la rétention d’informations sur l’empilement de crédits ayant privé la banque de la possibilité de ne pas contracter et par la déloyauté du comportement de l’emprunteur, qui se serait abstenu de rembourser la somme empruntée pendant plus de dix ans.
[N] [J] se prévaut de ce que cette demande devrait être rejetée en ce que la banque ne rapporterait pas la preuve de son préjudice, ni dans son principe, ni dans son quantum.
Il n’est pas contesté que le demandeur a sollicité plusieurs prêts sans en informer son cocontractant, et cessé de rembourser ce crédit en 2011, ce qui constitue un manquement à son obligation contractuelle de loyauté.
Il résulte toutefois de l’ordonnance relative à l’octroi du statut de témoin assisté des juges d’instruction en date du 13.09.2013 que :
- durant la première série de crédits, durant laquelle se situe le crédit en cause, « le processus d’instruction des demandes de pré-accord et de prêt […] ne recèle pas d’irrégularités telles que l’on puisse considérer que la banque se dispensait, avec l’apporteur Apollonia, de se livrer à une étude scrupuleuse de l’ensemble des pièces habituellement exigées par le calcul du taux d’endettement.
En l'état des éléments qui lui étaient fournis, à la faveur non seulement de la fiche de renseignements bancaires mais également des pièces que le service commercial pouvaient exiger en complément […], aucun élément suffisamment probant ne laisse à penser que les employés chargés de l'instruction ou de la validation des demandes de financement, aient eu conscience d'avoir à faire à des dossiers falsifiés occultant le volume des placements immobiliers envisagés, le statut de loueur en meublé professionnel revendiqué […] et l'existence de charges d'emprunts non comptabilisées. »
- « S'il est certain que la BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER s'est abstenue, cette fois-ci volontairement et contrairement à ce que prévoyait son guide des engagements […], de prendre attache avec chacun des clients concernés […]en se pliant ainsi à l'exigence inacceptable d'une société à vocation commerciale, et en se privant surtout de prendre connaissance de la nature exacte de l'investissement projeté (s' agissant d'un produit de placement reposant sur une économie particulièrement complexe), d'exercer pleinement son devoir de conseil et de mettre en garde son co-contractant sur le risque inhérent à la récupération fiscale et locative escomptée, aucun élément extérieur ne vient corroborer la thèse selon laquelle une telle herméticité ait été volontairement organisée par la banque dans le but d' encourager la constitution et la validation de dossiers de crédit falsifiés. »
- « 1'étude des pièces composant les dossiers de crédit BPI incriminés, ajoutée aux déclarations constantes, précises et circonstanciées des employés concernés, […] tend à établir, avec une force probante suffisante, que les offres de prêt étaient effectivement adressées au client, par la voie postale et au domicile de ce dernier.
Le fait que l'offre de prêt était envoyée en copie par courriel au centre investissement et analyse d’Apollonia, justifiée par la possibilité qui était laissée à "l'apporteur" de vérifier la conformité des conditions financières proposées, ne postule pas que la banque avait nécessairement conscience de l'utilisation malicieuse qui pouvait en être faite pour contourner le délai d'analyse et de réflexion offert à l'emprunteur.
A ce sujet, il ne ressort d'aucune pièce de la procédure que l'un quelconque des employés de la BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER […] avait connaissance du processus consistant pour les commerciaux à soumettre frauduleusement leurs clients, après apposition des dates de réception et d'acceptation prévues par les dispositions légales du code de la consommation, à des séances expéditives de signature d'offres de prêt multiples présentées sous forme de liasses. »
- « S'il apparaît que l'acceptation de fait par la BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER des conditions de célérité imposées par Apollonia dans l'instruction des demandes de prêts pouvait être de nature à limiter le caractère approfondi du contrôle qui aurait dû être exercé, la seule instrumentalisation de la banque mue par une recherche concurrentielle de profit, ne suffit pas à constituer un indice grave de commission d'un délit pénal, aucun élément en l'état du dossier ne permettant de considérer que la BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER connaissait ou pouvait même en déduire l'existence des montages pyramidaux de crédits auxquels Apollonia exposait ses clients. »
S’il est ainsi démontré que la banque n’a pas sciemment participé aux faits qualifiés pénalement, dont il a été victime, [N] [J] souligne qu’alors que la fiche de renseignements bancaires concernait une demande de prêt sur 20 ans, l’offre a été établie sur 12 ans, augmentant significativement les mensualités de remboursement du prêt et accentuant le risque d’endettement et de non remboursement.
Il est peu douteux que si [N] [J] avait été reçu en personne, comme prévu par ses process internes, la banque aurait été mise à même de le questionner et de découvrir que les conditions du prêt différaient entre la fiche de renseignement bancaire et l’offre de prêt, et aurait pu prévenir la défaillance de l’emprunteur. La banque aurait par ailleurs pu découvrir que plusieurs crédits avaient été sollicités simultanément, et ainsi que le taux d’endettement, prenant en compte toutes les demandes de crédit simultanées, excédait très largement ce que l’emprunteur était en mesure de rembourser.
Dans ces conditions, par sa négligence, la banque a concouru à son préjudice à un tel point qu’il n’est pas envisageable d’indemniser sa perte de chance de ne pas contracter.
Sa demande indemnitaire sera donc rejetée.
IV. Sur les demandes accessoires
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Il résulte des dispositions combinées des articles 696 et 700 du Code de procédure civile que les dépens sont à la charge de la partie succombant et que les frais irrépétibles en suivent le sort, sauf considérations tirées de l’équité ou de la différence de situation économique entre les parties.
[N] [J], qui succombe, sera condamné au paiement de 6000 € au titre des frais irrépétibles, outre les dépens de l’instance.
Sur l’exécution provisoire
Conformément à l’article 515 du code de procédure civile, dans sa version applicable à la date de l’assignation, il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire du présent jugement, celle-ci n’étant ni nécessaire en l’état.
PAR CES MOTIFS
Par jugement contradictoire, rendu collégialement, en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
Constate que la demande formée au titre des échéances impayées est couverte par la prescription ;
Rejette toutes les autres fins de non-recevoir fondées sur la prescription ;
Rejette la demande d’annulation du contrat de prêt n° 2067727 D 001 ;
Condamne [N] [J] à payer à la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD), SA, venant aux droits et obligations de la BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER (BPI), SA, les sommes suivantes, au titre du contrat de prêt n° 2067727 D 001 :
Capital restant dû au 25.10.11: 54 170,97€, majorés des intérêts au taux contractuel de 3.107% à compter du 25.10.2011, Indemnité contractuelle : 1€,
Rejette la demande de capitalisation annuelle des intérêts ;
Déboute la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD), SA, venant aux droits et obligations de la BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER (BPI), SA, de sa demande indemnitaire ;
Condamne [N] [J] à verser à la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD), venant aux droits et obligations de la SA BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER (BPI), la somme de 6000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande relative à l’exécution provisoire ;
Rejette toutes les autres demandes des parties ;
Condamne [N] [J] aux dépens de l’instance.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT