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24/05/2024 | FRANCE | N°13/04721

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 3ème chbre cab b3, 24 mai 2024, 13/04721


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION B

JUGEMENT N°

Enrôlement : N° RG 13/04721 - N° Portalis DBW3-W-B65-PTHZ

AFFAIRE :

S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT BPI (SELARL PHARE AVOCATS)

C/

[X] [S], [R] [T] épouse [S] (Me Bruno TIRET)


Rapport oral préalablement fait

DÉBATS : A l'audience Publique du 09 Février 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats

Président : HERBONNIERE Isabelle, Première Vice-Présidente adjointe
GARNIER Patricia, Juge
B

ERBIEC Alexandre, Juge

Greffier : FAVIER Lindsay

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 24 Mai 2024

Les parties ont ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION B

JUGEMENT N°

Enrôlement : N° RG 13/04721 - N° Portalis DBW3-W-B65-PTHZ

AFFAIRE :

S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT BPI (SELARL PHARE AVOCATS)

C/

[X] [S], [R] [T] épouse [S] (Me Bruno TIRET)

Rapport oral préalablement fait

DÉBATS : A l'audience Publique du 09 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats

Président : HERBONNIERE Isabelle, Première Vice-Présidente adjointe
GARNIER Patricia, Juge
BERBIEC Alexandre, Juge

Greffier : FAVIER Lindsay

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 24 Mai 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 24 Mai 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors du délibéré :

Président : HERBONNIERE Isabelle, Première Vice-Présidente adjointe
GARNIER Patricia, Juge
BERBIEC Alexandre, Juge

Greffier lors du prononcé : FAVIER Lindsay

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT BPI
Société Anonyme au capital de 124 821 566 euros dont le siège social est [Adresse 4], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 379 502 644, agissant par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,venant aux droits de la société BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER (BPI), société Anonyme au capital de 117 386 000 euros dont le siège social était [Adresse 5], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 381 804 905, à la suite d’une fusion par absorption selon déclaration de régularité et de conformité constatant la réalisation définitive de la fusion en date du 1er mai 2017,

représentée par Maître Frédéric BERGANT de la SELARL PHARE AVOCATS, avocats au barreau de MARSEILLE et par Maître Jean-François PUGET, avocat au barreau de PARIS

C O N T R E

DEFENDEURS

Monsieur [X] [S]
né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 10]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

Madame [R] [T] épouse [S]
née le [Date naissance 3] 1946 à [Localité 7]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représentés par Me Bruno TIRET, avocat au barreau de MARSEILLE et par Maître Xavier SKOWRON-GALVEZ, avocat au barreau de PARIS

EXPOSE DU LITIGE

[X] [S] et [R] [S] née [T] ont acquis plusieurs biens dans divers ensembles immobiliers à l’aide, selon la version respective des parties, de 11 prêts souscrits auprès de 6 banques, ou de 8 prêts souscrits auprès de 7 établissements bancaires, pour un montant total, hors intérêts, de 1 665 114 €.

Afin de financer l’acquisition d’un appartement de type T2 dans une résidence à [Localité 9], [X] [S] et [R] [S] née [T] ont accepté, le 15 mai 2006, une offre de prêt n°2081858 N 01 d’un montant de 176 800€, émise par courrier du 28 avril 2006 par la SA BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER (BPI).

L’acte de prêt a été renouvelé en la forme authentique devant Me [W] [V], notaire à [Localité 6] le 18 juillet 2006.

Ils n’en ont pas honoré toutes les échéances, de sorte que l’établissement prêteur leur a notifié la déchéance du terme le 12 septembre 2011.

*

Exposant avoir été victimes d'agissements frauduleux de la société APOLLONIA, agent immobilier s'étant présenté comme gestionnaire de patrimoine immobilier et intermédiaire en opérations de banque, les ayant conduits à s'endetter de façon inconsidérée, et mettant en cause la responsabilité de plusieurs établissements bancaires, ainsi que de Maître [W] [V] et la SCP [L] [N] [V] [U] [Y], notaires intervenus dans le cadre de ces opérations, nombreux particuliers dénonçant des agissements similaires, ont déposé une plainte auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de MARSEILLE, qui a ouvert une information judiciaire, notamment, d'escroquerie en bande organisée et faux en écritures publiques.

Une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel a été rendue [U] 2022 ; elle a été partiellement confirmée par un arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE en date du 15.03.2023. La chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté les pourvois formés sur cet arrêt.

*

[X] [S] et [R] [S] née [T] ont assigné la société APOLLONIA, et plusieurs établissements bancaires, dont la SA BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER (BPI), aux droits et obligations de laquelle vient la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD), devant le tribunal de grande instance de MARSEILLE, par actes d’huissier des 9, 10 et 18 février 2010, en indemnisation des préjudices subis du fait de ces opérations et en déchéance du droit aux intérêts au taux contractuel.

Cette procédure est enregistrée sous le n° de RG 10/4087.

Le juge de la mise en état, par ordonnance en date du 1erdécembre 2011, a ordonné le sursis à statuer « jusqu’à ce qu’une juridiction pénale se soit prononcée définitivement sur les faits dénoncés» et ordonné le retrait du rôle.

*

Parallèlement, par acte d’huissier du 21 novembre 2011, la BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER (BPI) aux droits et obligations de laquelle vient aujourd’hui la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD), a fait assigner [X] [S] et [R] [S] née [T] devant le tribunal de grande instance de NANTERRE aux fins de les voir condamner à lui payer la somme de 142 575,92€ en principal au titre du prêt n° 2081858 N/001, outre intérêts au taux contractuel, indemnités contractuelles et dommages intérêts.

Par ordonnance en date du 19 octobre 2012, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de NANTERRE a fait droit à l’exception de connexité et s’est dessaisi au profit du tribunal de grande instance de MARSEILLE.
Cette procédure est arrivée au service de l’enrôlement du tribunal de grande instance de MARSEILLE le 15.04.2013 et a été enregistrée sous le n° RG 13/4721.

*

Par ordonnance en date du 04 mai 2017, le juge de la mise en état du tribunal de céans a :
Prononcé la jonction des instances 10/4087 et n° 13/4721,Rejeté la demande de sursis à statuer formée par [X] [S] et [R] [S] née [T],Rejeté la demande de provision formée par la SA BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER (BPI),Enjoint à [X] [S] et à [R] [T] épouse [S] de produire les déclarations fiscales de revenus fonciers pour les années 2006 à 2016, ainsi que les déclarations suivantes suivant leur établissement,Condamné in solidum [X] [S] et [R] [T] épouse [S] à verser à la SA BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER (BPI) la somme de 1.000,00 Euros, sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,Renvoyé la cause et les parties à l'audience de mise en état et enjoint à [X] [S] et à [R] [T] épouse [S] de conclure au fond,Condamné in solidum [X] [S] et [R] [T] épouse [S] aux dépens.*

Par ordonnance en date du 17 janvier 2019, le juge de la mise en état a prononcé la disjonction de l’action en paiement introduite par la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD), venant aux droits de la SA BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER (BPI) inscrite au rôle sous le n° 13/4721 de l’action en responsabilité introduite par [X] [S] et [R] [S] née [T] inscrite sous le n°10/4087.

*

Par ordonnance en date du 06 octobre 2022, le juge de la mise en état a déclaré parfait le désistement de l’incident présenté par [X] [S] et [R] [S] née [T] et les a condamnés au paiement des dépens de cet incident.

*

Par une ordonnance du juge de la mise en état en date du 09 janvier 2024, l’instruction de l’affaire a été clôturée et l’audience au fond fixée au 09 février 2024.

*

Par des conclusions en date du 31.01.2024, auxquelles il conviendra de se référer pour l’exposé des moyens, la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD), venant aux droits et obligations de la SA BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER (BPI), demande au tribunal, au visa des articles 1108, 1116, 1134,1147, 1154, 1319, 1351 et 2224 du Code civil, L.137-2 et suivants du Code de la consommation, 14, 31, 73, 100, 101, 122, 480, 700 et 771 du Code de procédure civile, de :
« - ORDONNER le rabat de clôture intervenue le 9 janvier 2024.
Sur la recevabilité de l’action de la société CIFD -[B] l’action de la société CIFD recevable
Sur la demande principale de la société CIFD- CONDAMNER Monsieur et Madame [S] à verser à la société CIFD la somme de 165.506,59 € (à parfaire) au titre du prêt n° 2081858 N 01
- JUGER que cette somme portera intérêt au taux contractuel de 3,950 % à compter de la déchéance du terme et jusqu'au parfait paiement des sommes dues entre les mains de la société CIFD
- ORDONNER la capitalisation des intérêts légaux par application de l'article 1154 du Code civil.
- CONDAMNER Monsieur et Madame [S] à verser à la société CIFD la somme de 16.550,65 € à titre de dommages et intérêts
- CONDAMNER Monsieur et Madame [S] à verser à la société CIFD la somme de 5.000 € au titre de la perte de chance de ne pas contracter
Sur l’exception de nullité pour dol invoquée par Monsieur et Madame [S] -[B] l’exception de nullité pour dol invoquée par Monsieur et Madame [S] irrecevable comme prescrite
o Subsidiairement, si l’exception de nullité était déclarée recevable
- REJETER l’exception de nullité pour dol invoquée par Monsieur et Madame [S]
Sur la demande reconventionnelle de déchéance des intérêts conventionnels du contrat prêt de Monsieur et Madame [S]- [B] la demande reconventionnelle de Monsieur et Madame [S] de déchéance des intérêts conventionnels irrecevable.
o Subsidiairement, si la demande de déchéance des intérêts conventionnels était déclarée recevable
- REJETER la demande reconventionnelle de Monsieur et Madame [S] de déchéance des intérêts conventionnels
o Davantage subsidiairement, si la demande de déchéance des intérêts conventionnels était déclarée recevable et les dispositions du Code de la consommation applicables
- REJETER la demande reconventionnelle de Monsieur et Madame [S] de déchéance des intérêts conventionnels
Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts de Monsieur et Madame [S] - DEBOUTER Monsieur et Madame [S] de leur demande reconventionnelle de dommages-intérêts
En tout état de cause- DEBOUTER Monsieur et Madame [S] de toutes leurs demandes, fins et conclusions
- ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir
- CONDAMNER Monsieur et Madame [S] à verser à la société CIFD somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi, qu’aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maitre Frédéric BERGANT, conformément à l’article 699 du Code de procédure civile ».

Par deux jeux de conclusions notifiées par RPVA le 30.01.2024, auxquelles il conviendra de se référer pour l’exposé des moyens, [X] [S] et [R] [S] née [T] demandent d’une part, le rabat de l’ordonnance de clôture, et d’autre part, au visa des articles 1108, 1116 et 1382 du code civil, en leur version applicable à l’époque, 1147 ancien du code civil, L 341-1 et suivants, et L 519-1 et suivants du code monétaire et financier, en leur version applicable à l’époque, l’arrêté du 31 mars 2005 modifiant le règlement n°97-02, 1152 et 1244-1 du code civil, en leur version applicable à l’époque, de:
« A titre principal sur la nullité des prêts :
- Constater que l’action en nullité du prêt litigieux n’est pas prescrite.
- Prononcer l’annulation du prêt pour dol.
- Condamner le CIFD à payer aux époux [S], au titre du prêt, la somme de 165 506,59 €, dont la compensation sera ordonnée avec le montant du paiement demandé.
- Condamner le CIFD à payer aux époux [S] une somme de 30.000 à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

A titre subsidiaire sur la responsabilité du CIFD
- Condamner le CIFD à verser aux époux [S] à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de ne pas contracter résultant du préjudice financier la somme de 165 506,59€, augmentée des intérêts au taux contractuel de 3,95% à compter de la déchéance du terme, dont la compensation sera ordonnée avec le montant du paiement demandé.
- Condamner le CIFD à verser aux époux [S] la somme de 30.000 euros au titre du préjudice moral.

En tout état de cause, sur la limitation des effets de la clause pénale
- Dire manifestement excessifs les effets de la clause pénale dont se prévaut le CIFD.
- En réduire le montant à 00,00 €.

En tout état de cause encore
- Débouter CIFD en toutes ses demandes, prétentions, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes.
- Si le tribunal devait entrer en voie de condamnation, octroyer les plus larges délais de paiement aux époux [S].
- Condamner le CIFD à verser aux époux [S] la somme de 15.000 euros au titre de l’article
700 du Code de procédure civile.
- Condamner CIFD aux dépens. »

A l’audience du 09.02.2024, avant l’ouverture des débats au fond, eu égard l’accord des parties entre elles, le juge de la mise en état a révoqué l’ordonnance de clôture du 09.01.24, admis les conclusions transmises après clôture et ordonné à nouveau la clôture au jour de l’audience.

L’affaire a été mise en délibéré au 24.05.2024.

SUR CE :

Sur la nullité pour dol

Sur la prescription

[X] [S] et [R] [S] née [T] se prévalent reconventionnellement d’une action en nullité des prêts pour dol.

Ils indiquent avoir déposé plainte avec constitution de partie civile le 04.02.2011, mais n’avoir pu découvrir les manœuvres qu’à l’obtention des pièces de l’instruction fin 2014 (sans plus de précision), de sorte que leur demande reconventionnelle - formulée pour la première fois par des conclusions que les parties fixent au 02.05.2019, mais en réalité notifiées par RPVA le 30.04.2019 - ne serait pas prescrite.

Le CIFD se prévaut de ce que l’exception de nullité pour dol serait prescrite en ce que les contrats auraient commencé à être exécutés. Elle souligne que l’erreur des emprunteurs leur était connue au plus tard le jour de leur plainte pénale, soit le 10.04.2008, de sorte que la prescription serait acquise depuis le 10.04.2013.

En la présente espèce, il apparait que les défendeurs se prévalent du dol d’une part à titre d’exception, face aux demandes en paiement adverse, d’autre part à titre d’action pour obtenir reconventionnellement le paiement de diverses sommes.

L'article 1304 du code civil, dans sa rédaction en vigueur du 04 juillet 1968 au 01 janvier 2009, dispose que : « Dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.
Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.
Le temps ne court, à l'égard des actes faits par un mineur, que du jour de la majorité ou de l'émancipation ; et à l'égard des actes faits par un majeur protégé, que du jour où il en a eu connaissance, alors qu'il était en situation de les refaire valablement. Il ne court contre les héritiers de l'incapable que du jour du décès, s'il n'a commencé à courir auparavant. »
Il résulte de ce texte que la règle selon laquelle l'exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte qui n'a pas encore été exécuté, ne s'applique qu'à compter de l'expiration du délai de prescription de l'action. Après cette date, l'exception n'est recevable que si l'acte n'a pas commencé à être exécuté.
Par ailleurs, l'action en nullité d'un contrat fondée sur le dol se prescrit par un délai de cinq ans à compter du jour où le contractant a découvert le vice qu'il allègue.
Il appartient aux juges du fond de rechercher la date à laquelle les emprunteurs ont eu connaissance des manœuvres frauduleuses dont ils se prétendent victimes.

De première part, les parties adoptant une version différente de la date des premières conclusions se prévalant de la nullité pour dol, il convient de préciser que les premières conclusions au fond de [X] [S] et [R] [S] née [T] ont été notifiées par RPVA le 30.04.2019 ; c’est cette date interruptive qui sera retenue.

Il est constant que le contrat a commencé à être exécuté.

Il convient de relever que dans la présente procédure, [X] [S] et [R] [S] née [T] se prévalent des mêmes faits (notamment du comportement de la société Apollonia, en termes de démarchage agressif, de mensonges répétés, sur la valeur du bien, sa valeur locative…) que dans leur plainte avec constitution de partie civile du 29.04.2009 et que dans leur action en responsabilité introduite devant cette juridiction par assignations des 09 et 10 février 2010.

C’est donc à compter du 10.02.2010 au plus tard qu’il est démontré de façon certaine que [X] [S] et [R] [S] née [T] avaient connaissance des manœuvres qu’ils allèguent à l’appui de leur demande en nullité pour dol, et qu’a donc couru le délai quinquennal de prescription de l’action comme de l’exception.

Dans ces conditions, la première demande, comme la première exception, soulevées sur ce fondement, postérieures au 10.02.2015, sont prescrites.

Sur les dispositions spécifiques de la loi Scrivener

Contrairement à ce que pourraient laisser penser les conclusions en demande, aucune demande n’est fondée sur ce texte.

Sur les demandes principales en paiement de la banque

A l’exception de l’indemnité contractuelle, qualifiée de clause pénale, aucune des sommes sollicitées en paiement n’est contestée. Les taux d’intérêts, leur capitalisation et leur point de départ ne le sont pas plus.

La banque produit dans ses conclusions un décompte de la somme due au 12.09.2011, date de la déchéance du terme, portant la créance à la somme de 165.506,59 € au titre du prêt n° 2081858 N 01, décomposée comme suit :
o Echéances impayées : 21.305,01 €
o Capital restant dû au 25 avril 2011 : 131.854,79 €
o Intérêts : 1.625,61 €
o Indemnité contractuelle : 10.721,19 €.

Les défendeurs se prévalent de ce que l’indemnité contractuelle présenterait les caractéristiques qu’une clause pénale, manifestement excessive au regard du taux d’intérêt du crédit de 3,95 %, et qu’il conviendrait de réduire à 0€.

L’article 1152 du Code civil, dans sa version applicable du 15.1.01985 au 01.10.2016, disposait que :
« Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.»

Il résulte de l’examen du contrat de prêt en cause qu’en cas de défaillance de l’emprunteur est prévue une indemnité contractuelle de 7% des sommes dues en plus de la majoration de 3 points du taux d’intérêts conventionnel en cas de défaillance de l’emprunteur, prévue à l’article IV des conditions générales.
Cette double pénalisation de la défaillance de l’emprunteur est manifestement excessive, de sorte que l’indemnité contractuelle, qui ne peut être que réduite, et pas annulée, sera portée à 1 €.

Dès lors, [X] [S] et [R] [S] née [T] seront condamnés solidairement au paiement de :
- 21.305,01 € au titre des échéances impayées,
- 131.854,79 € € au titre du capital restant dû,
- 1€ au titre de l’indemnité contractuelle,
au titre du prêt 2081858 N 01, ces sommes produisant intérêts au taux contractuel de 3,950 % à compter du 12.09.2011, date de la déchéance du terme.

L’article 1343-2 du code civil prévoit que les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts par une demande judiciaire, pourvu qu’il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière.
Il y a donc lieu de faire droit à la demande de capitalisation annuelle des intérêts.

Sur la responsabilité de la banque

Sur les manquements de la banque à ses devoirs généraux

Les demandeurs se prévalent de fautes de la banque qui justifieraient une indemnisation venant en compensation avec les condamnations en paiement.

L’établissement prêteur de deniers supporte un devoir général d'information, une obligation de mise en garde, sous certaines conditions, et un devoir de conseil, si la banque a pris un engagement en ce sens.

L'emprunteur qui a fait des déclarations inexactes ou incomplètes sur sa situation financière ne peut pas reprocher à la banque un manquement à son obligation du mettre en garde, ou de se renseigner, sauf anomalie apparente.
Sauf anomalie apparente, la banque peut se fier aux informations transmises par l'emprunteur pour évaluer sa solvabilité et son risque d'endettement excessif.

L’article 1147 du Code civil, dans sa version en vigueur du 21 mars 1804 au 01 octobre 2016, disposait que : « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. »
L’obligation de mise en garde, prévue à l’ancien article 1147 du Code civil, est subordonnée à deux conditions : la qualité d’emprunteur non averti et l’existence, au regard des capacités financières de l’emprunteur, d’un risque d’endettement né de l’octroi du prêt.

Sur le devoir d’information

Le crédit accordé en la présente espèce l’a été, d’une part sur le fondement d’une fiche de renseignement bancaire datée du 11.04.2006, signée par les deux emprunteurs, mais également sur la base d’une demande de prêt immobilier à l’en-tête de la BANQUE PATRIMOINE & IMMOBILIER ; signe par les deux emprunteurs en date du 18.04.2006.

La fiche de renseignements bancaires, versée aux débats par la banque, présente cette spécificité qu’elle est accompagnée d’une deuxième version de sa deuxième page, non datée, non signée, portant des modifications, notamment sur le montant des revenus mensuels.
Par ailleurs, la version signée de cette page présente cette particularité que les « salaires nets » de l’époux » sont reportés pour « 5068,93 €+ 1519,72€ » et les bénéfices non commerciaux « BNC net » pour « 2223,54 € + 1632,01 € », un « différentiel négatif » est mentionné pour 1281,56 €. Etonnamment, les « revenus mensuels » ne correspondent ni à la somme des quatre premiers nombres minorés du cinquième, en montants mensuels, ni au douzième de cette somme, en montants annuels.
Il résulte donc de cette fiche une erreur très évidente sur les revenus mensuels.
Il est probable que la seconde fiche, d’une autre main, et non signée, vienne corriger cette erreur de calcul, puisque le montant des revenus mensuels reporté est de 10444,20 €.
Ces fiches de renseignements bancaires, qu’il s’agisse de la version signée ou de la version non signée, portent mention, au titre des charges, du remboursement mensuel d’un emprunt pour travaux entre 2005 et 2008 pour un montant de 790,28 €, d’un crédit automobile de 428,49 € et d’un différentiel de revenus fonciers négatif de 1281,56 €.
Ces fiches portent également la mention, au titre du patrimoine immobilier, de trois biens : l’habitation principale du couple à [Localité 8], et deux revenus locatifs (« RL ») au [Localité 12] (La Réunion) (investissement Loi Paul) et à [Localité 13] (investissement De Robien), ainsi que de placements.

Il convient de relever que la demande de prêt immobilier ne porte aucune mention :
- au titre des ressources, des sommes de 1519,72 € et 1632,01 € figurant sur la fiche de renseignements,
- du patrimoine immobilier et des placements figurant sur la fiche de renseignements,
- les charges liées aux emprunts immobiliers ne figurent pas non plus en dernière page de cette demande.

Tous ces éléments sont constitutifs d’autant d’étrangetés qui auraient dû conduire l’établissement ayant accordé le prêt à s’interroger très sérieusement, et, en application de son devoir d’information, à rechercher des informations complémentaires, notamment en recevant les emprunteurs ou en les sollicitant par écrit, ce qu’elle n’a pas fait.

Par ailleurs, les défendeurs démontrent qu’un mail interne à la BPI en date du 19.10.2005, avait été adressé par [M] [H] à divers employés de la BPI, sous l’objet «LMNP APOLLONIA », comprenant la phrase « toutefois il est indispensable de préciser les éléments suivants pour établir une relation saine et durable avec cet apporteur, sachant que nous sommes en haut du cycle de l’immobilier :
-L’agence doit rencontrer les clients (sauf impossibilité avérée) […] ».

Il n’est pas contesté que ce mail est survenu avant la souscription du contrat en cause, et que ce protocole n’a pas été respecté.

L’établissement bancaire, fort de cette recommandation de prudence interne, aurait de plus fort dû rencontrer les clients dont la demande de crédit présentait des anomalies apparentes.

Elle a ainsi commis une première faute.

Sur l’obligation de mise en garde

En procédant aux vérifications, notamment en recevant ses clients, la banque se serait mise en mesure, d’une part d’éventuellement refuser l’octroi du prêt en fonction des informations complémentaires obtenues, d’autre part, d’exercer utilement son devoir de mise en garde envers les emprunteurs.

Les emprunteur et co-emprunteur apparaissent respectivement dans les fiches de renseignements bancaires comme musicien à l’opéra de [Localité 11] et sans profession. Ils y mentionnaient trois précédents crédits immobiliers, dont deux à vocation locative.
Ils se revendiquaient de la mention « LMNP », location de meublés non professionnelle.
L’extrait K-bis versé aux débats démontre que [X] [S] n’a été inscrit au registre du commerce et des sociétés en qualité de loueur en meublé professionnel qu’à compter du 19.09.2006, soit postérieurement.

Il n’apparaît donc pas que, lorsqu’ils ont souscrit le crédit en cause, ils disposaient d’une compétence et d’une expérience en matière économique et financière leur permettant de mesurer les risques attachés à leurs engagements.
Ils doivent donc être considérés comme des emprunteurs non avertis.

En la présente espèce, il appartenait à la banque d’évaluer la potentialité d’un endettement excessif.

Sur la base de la fiche de renseignements bancaires du 11.04.2006 et de la demande de prêt du 18.04.2006 [X] [S] et [R] [S] née [T] avaient :
des revenus mensuels maximum de 10444€ des charges mensuelles de 2071,84 € par mois avant crédit, majorées d’un crédit automobile de 428,49 €,des charges mensuelles supplémentaires, liées au crédit contracté, de 632,05 (sur la base de la mensualité d’emprunt la plus basse, applicable les deux premières années du crédit).Dans ces conditions, les charges mensuelles, prenant en compte la mensualité la plus basse du crédit nouvellement souscrit, étaient de 3132,45 €, soit un taux d’endettement de 29,99%, sur la base de revenus mensuels de 10 444€.

Toutefois, il apparaît que :
[X] [S] était le seul membre du couple à bénéficier de revenus, son épouse étant sans emploi, il est né en 1947 et avait donc 59 ans lors de la souscription du crédit en cause, si le crédit auto et le crédit travaux avaient vocation à trouver leur terme en 2007 et 2008, tel n’était pas le cas des crédits immobilier déjà souscrits, dont le terme était 2024 pour le bien à [Localité 13] et 2016 pour le bien au [Localité 12],le crédit sollicité était d’une durée de 12 ans,le crédit sollicité portait les échéances mensuelles, à compter de la troisième année de remboursement, à 1 593,73€.
Dans ces conditions, il était simple pour l’établissement bancaire d’anticiper une prise de retraite de l’emprunteur principal, et par voie de conséquence une diminution de ses revenus, à tout le moins pour ce qui concerne les primes et 13ème mois déclarés à hauteur de 2223,54 € mensuels.

Si la banque avait été normalement diligente, elle aurait ainsi été en mesure de découvrir que dans les 5 ans suivant la souscription du crédit, les revenus de l’emprunteur principal auraient diminué, dans le meilleur des cas, à 8220,46 €, et que les charges liées aux emprunts auraient, quand à elles, été portées à 2875,29 €, nonobstant la fin des crédits travaux et automobile.
Dans ces conditions, le taux d’endettement à s’élevait, dans le meilleur des cas, à 34,97%.

Au regard de ces informations, il appartenait à la banque de recevoir les emprunteurs pour les alerter sur la dangerosité potentielle de l’opération en fonction de leur situation réelle.

Elle a ainsi, de nouveau, commis une faute en manquant à son obligation de mise en garde.

Sur le manquement à l’obligation de bonne foi dans la relation contractuelle

DF se prévalent de ce que la SA BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER (BPI) aurait manqué à son obligation de bonne foi dans la relation contractuelle en ne les informant pas de ce que les biens financés dans le cadre des opérations APOLLONIA étaient surévalués, de ce que les opérations étaient déséquilibrées, le coût du crédit étant particulièrement onéreux et les emprunts portant sur l’intégralité du prix du bien, TVA comprise, et de ce qu’APOLLONIA mentait aux investisseurs.

L’article 1134 alinéa 3 du Code civil, dans sa version applicable lors de la souscription du contrat, devenu 1104, disposait que les conventions légalement formées « doivent être exécutées de bonne foi ». Elle ne se présume pas et doit être prouvée par celui qui l’allègue.
Par ailleurs, les établissements de crédit sont tenus d’un devoir de non-ingérence dans les affaires de leurs clients.
Dès lors, manquerait à son obligation de bonne foi un établissement prêteur, qui serait conscient de ce qu’une opération financée serait notoirement et inévitablement dangereuse pour l’emprunteur, sans l’en avertir.

En la présente espèce, la faute pénale de la SA BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER (BPI) a été écartée par le juge d’instruction.

En outre, d’une part, il résulte de l’argumentation même des défendeurs que la différence entre le prix de vente des biens et leur valeur vénale n’a été démontrée que par une expertise durant l’instruction, de sorte qu’il ne saurait être reproché au prêteur de ne pas en avoir avisé les emprunteurs lors de la souscription du contrat.

D’autre part, la politique de la banque visant à assurer que la rétrocession de la TVA serait affectée au paiement des échéances mensuelles, tout comme celle visant à vérifier le caractère sérieux et pérenne des opérations immobilières financées, au niveau de son siège, sont à porter à son crédit. En effet, la seconde lui permettait de s’assurer, en amont, de ne pas financer des opérations considérées comme fragiles ou trop périlleuses, tant à son bénéfice qu’à celui des emprunteurs. La première était simplement logique au regard d’une opération où le remboursement de la TVA, postérieur à l’achat, avait vocation à financier le paiement du prêt durant la période ou le bien acquis était encore en construction et ne pouvait donc être financé par ses loyers.

Enfin, il n’est pas démontré que l’établissement préteur avait conscience de ce que l’opération financée présentait spécifiquement une véritable dangerosité, et pas un simple aléa, qui aurait justifié qu’elle passe outre son devoir de non immixtion.

Il ne saurait donc lui être reproché un comportement déloyal à ce titre.

Sur les préjudices

Sur le préjudice financier

Le préjudice des emprunteurs, résultant des fautes de la banque, s’analyse en la perte de chance de ne pas contracter.

Il convient donc d’évaluer la probabilité que [X] [S] et [R] [S] née [T] aient renoncé à l’emprunt en cause si la BPI les avait avisés d’un risque d’endettement excessif au regard du montant du prêt, de ses échéances successives dans le temps, de l’évolution prévisible leurs revenus et de leur taux d’endettement.

Pour ce faire, il convient de se replacer au moment de la souscription du contrat, et de prendre en compte les éléments de faits à la disposition du tribunal pour évaluer au plus près la solution la plus probable.

Au regard des éléments résultant de l’ordonnance de renvoi citée plus haut, il apparaît qu’en 2006, date de l’octroi des crédits en cause, les comportements douteux d’APOLLONIA n’avaient pas encore été diffusés dans le public par la presse. Il résulte de l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel du juge d’instruction en date du 15.04.2022 (p.190, 191) que ce n’est qu’à partir de 2007 que les banques ont dû faire face à des impayés de clients «apportés » par APOLLONIA.

Les défendeurs justifient toutefois que la BPI commençait à mettre en œuvre des mesures internes de prudence relatives à l’équilibre des opérations « apportées » par APOLLONIA.

Dans ces conditions, les éléments d’informations qui auraient pu être communiqués à [X] [S] et [R] [S] née [T] par la BPI n’auraient porté que sur un risque d’endettement excessif.

Par ailleurs, il résulte de l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel que le mécanisme mis en œuvre par APOLLONIA, qui reposait sur le silence et l’enfermement, créait ce qui peut s’apparenter à une sorte d’emprise sur les emprunteurs, qui non seulement étaient dissuadés d’en parler aux professionnels, mais qui, dès lors, étaient peu réceptifs à recevoir un avis contraire extérieur.

Par ailleurs, la BPI n’était pas le banquier habituel de [X] [S] et [R] [S] née [T], de sorte qu’il n’existait pas entre eux une relation de confiance ancienne et ancrée de nature à mettre à mal ce verrouillage.

Il résulte de la fiche de renseignements bancaires qu’il ne s’agissait pas du premier emprunt de [X] [S] et [R] [S] née [T], qui étaient propriétaires de leur logement et de deux biens dans le cadre d’investissement, et que les emprunteurs ne pouvaient ignorer leur âge et l’âge légal de la retraite, ainsi que la baisse prévisible des revenus qui y est attachée.
Ils n’en on pas moins souscrit, en quelques mois un nombre important de crédits, pour un montant total de plus de 1,6 millions d’euros.

Il peut donc être évalué que la probabilité que les emprunteurs aient été tentés de passer outre un avis relatif à un risque de déséquilibre du budget familial était relativement faible. Elle sera ainsi justement évaluée à 25% du préjudice occasionné par cet emprunt.

L’assiette du préjudice correspond au montant de la condamnation au titre de l’emprunt, minoré de la valeur vénale du bien immobilier acquis à l’aide de cet emprunt -dont ils disposent dans leur patrimoine- et la somme perçue au titre du crédit de TVA remboursé.
Il pourrait être envisagé de retrancher de l’assiette du préjudice les loyers perçus dans le cadre de la location du bien acquis à l’aide du crédit en cause, mais aucun élément n’est versé aux débats permettant de les évaluer.

La valeur du biens acquis à l’aide du crédit en cause était évaluée à cette date à 162 000 €.
[X] [S] et [R] [S] née [T] se prévalent de ce que des biens identiques au leur se négocieraient actuellement sur le marché à 93 169 €, sur la base de publications d’agences immobilières sur des sites internet.
La BPI ne conteste pas la valeur vénale proposé et ne formule pas de proposition alternative.
Dans ces conditions, c’est une valeur vénale de 93 169 € qui sera retenue.

Le montant de la TVA remboursée est de 28 974 € en ce qui concerne cette opération.

Dès lors, la BPI sera condamnée à payer à [X] [S] et [R] [S] née [T] la somme de 13 664,25 € (soit 25% x [176 800 – (93 169+ 28 974)]).

Sur le préjudice moral

[X] [S] et [R] [S] née [T] sollicitent l’octroi d’une somme de 30 000 € au titre d’un préjudice moral qu’ils qualifient d’« important », sans pour autant apporter aucun autre précision.

Ils défaillent ainsi à rapporter la preuve du préjudice dont ils se prévalent, et seront donc déboutés de cette demande.

Sur la demande de dommages et intérêts de la banque

A titre préliminaire, il convient de relever que la BPI sollicite « 16 550,65 € à titre de dommages et intérêts » et « 5 000 € au titre de la perte de chance de ne pas contracter ».

Ces demandes sont motivées par la rétention d’informations sur l’empilement de crédits ayant privé la banque de la possibilité de ne pas contracter et par la déloyauté du comportement des emprunteurs, qui se sont abstenus de rembourser la somme empruntée pendant plus de dix ans.

Toutefois, la perte de chance n’est que le préjudice résultant de la même faute alléguée, tirée de l’absence de déclaration de l’empilement de crédits et de l’absence de remboursement intégral du crédit.
L’existence même de plusieurs préjudices n’est pas démontrée.
Aucune de ces demandes n’est mentionnée comme subsidiaire de l’autre, de sorte que ces demandes seront traitées comme une demande unique.

Il résulte de la fiche de renseignements bancaires que les emprunteurs ont déclaré la souscription de 3 crédits antérieurs.
En la présente espèce, aucune des parties n’a pris soin de démontrer la chronologie des autres crédits souscrits par les défendeurs ; les parties ne sont même pas d’accord sur le nombre total de crédits souscrits.
La charge de la preuve du déroulement chronologique des emprunts repose sur la banque, qui s’en prévaut.
Elle sera donc déboutée de ses demandes indemnitaires.
Surabondamment, il a été démontré plus haut que par sa négligence, la banque a concouru à son préjudice à un tel point qu’il n’est pas envisageable d’indemniser une quelconque perte de chance de ne pas contracter, à supposer qu’elle existe en l’espèce.

Sa demande indemnitaire sera donc rejetée.

Sur la demande de compensation

Les articles 1347 à 1347-7 du Code civil (nouvelle codification), prévoient que lorsque les parties se trouvent débitrices l’une envers l’autre de sommes d’argent également liquides, certaines et exigibles, la compensation s’opère de plein droit par la seule force de la loi, jusqu’à concurrence de leurs quotités respectives.

Sur la demande de délais de paiement

L’article 1343-5 du Code civil dispose en son premier alinéa que : « Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. »

[X] [S] et [R] [S] née [T] sollicitent les plus larges délais de paiement. Toutefois, ils ne donnent aucun élément précis relatif à leur situation financière, sauf à indiquer qu’ils « sont exsangues financièrement », sans apporter aucun élément justificatif.
Ils indiquent simplement compter sur l’issue de la procédure en responsabilité pour pouvoir à leur tour acquitter les sommes auxquelles ils sont condamnés.
Toutefois, l’action en responsabilité étant subordonnée à l’action pénale, a fait l’objet d’un sursis à statuer dans l’attente de son issue.
L’audience correctionnelle est annoncée au printemps 2025, de sorte que cette argumentation semble quelque peu illusoire.

Le fait que l’établissement préteur ait pris des garanties est sans lien avec les délais de paiement.

Enfin, il convient de relever que, de fait, [X] [S] et [R] [S] née [T] ont bénéficié, depuis la déchéance du terme en 2011, de 13 années de délais de paiement, alors que les délais légaux maximaux sont fixés à 24 mois.
Cette demande sera donc rejetée.

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il résulte des dispositions combinées des articles 696 et 700 du Code de procédure civile que les dépens sont à la charge de la partie succombante et que les frais irrépétibles en suivent le sort, sauf considérations tirées de l’équité ou de la différence de situation économique entre les parties.

[X] [S] et [R] [S] née [T], qui succombent au moins partiellement, seront condamnés au paiement de 5000 € au titre des frais irrépétibles, outre les dépens de l’instance.

Sur l’exécution provisoire

Conformément à l’article 515 du code de procédure civile, dans sa version applicable à la date de l’assignation, il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire du présent jugement, celle-ci n’étant pas nécessaire en l’état.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant après audience publique, collégialement, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à la disposition des parties au greffe,

Constate la prescription de l’action comme de l’exception tirée de la nullité des contrats ;

Condamne solidairement [X] [S] et [R] [S] née [T] à payer à la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD), venant aux droits et obligations de la SA BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER (BPI), les sommes suivantes:
- 21.305,01 € au titre des échéances impayées,
- 131.854,79 € € au titre du capital restant dû,
- 1€ au titre de l’indemnité contractuelle,
au titre du prêt 2081858 N 01 ;

Dit que ces sommes produiront intérêts au taux contractuel de 3,950 % à compter du 12.09.2011 ;

Ordonne la capitalisation annuelle des intérêts ;

Condamne la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD), venant aux droits et obligations de la SA BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER (BPI), à payer à [X] [S] et [R] [S] née [T] la somme de 13 664,25 € à titre de dommages et intérêts ;

Rejette la demande formulée par [X] [S] et [R] [S] née [T] au titre de leur préjudice moral ;

Rejette la demande indemnitaire de la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD), venant aux droits et obligations de la SA BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER (BPI) ;

Rejette la demande de délais de paiement ;

Dit qu’il sera procédé à la compensation des sommes objets des précédentes condamnations conformément à la loi, jusqu’à concurrence de leurs quotités respectives ;

Condamne solidairement [X] [S] et [R] [S] née [T] à payer à la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD), venant aux droits et obligations de la SA BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER (BPI), la somme de 5000 € au titre des frais irrépétibles ;

Rejette la demande relative à l’exécution provisoire ;

Rejette toutes les autres demandes des parties ;

Condamne in solidum [X] [S] et [R] [S] née [T] au paiement des dépens de l’instance.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 3ème chbre cab b3
Numéro d'arrêt : 13/04721
Date de la décision : 24/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-24;13.04721 ?
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