TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION B
JUGEMENT N°
Enrôlement : N° RG 12/03663 - N° Portalis DBW3-W-B64-ORYO
AFFAIRE :
S.A. BANQUE PRIVEE EUROPEENNE (la SELARL CABINET BISMUTH)
C/
[R] [G], [N] [Y] épouse [G] (la SCP GOBERT & ASSOCIES)
S.E.L.A.R.L. ARCHIBALD Liquidateur de la société de Mr [G](défaillant)
Rapport oral préalablement fait
DÉBATS : A l'audience Publique du 15 Mars 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats
Président : HERBONNIERE Isabelle, Première Vice-Présidente adjointe
GARNIER Patricia, Juge
BERBIEC Alexandre, Juge
Greffier : FAVIER Lindsay
A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 24 Mai 2024
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 24 Mai 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors du délibéré :
Président : HERBONNIERE Isabelle, Première Vice-Présidente adjointe
GARNIER Patricia, Juge
BERBIEC Alexandre, Juge
NATURE DU JUGEMENT
réputée contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES
DEMANDERESSE
S.A. LOUVRE BANQUE PRIVEE
Société anonyme au capital de 190 138 494€ €, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 384 282 968, dont le siège social est situé [Adresse 5], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
anciennement Banque Privée Européenne
représentée par Maître Michaël BISMUTH de la SELARL CABINET BISMUTH, avocats au barreau de MARSEILLE et par Maître Pierre-François VEIL, avocat au barreau de PARIS
C O N T R E
DEFENDEURS
Monsieur [R] [G]
né le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 9], demeurant [Adresse 3]
Madame [N] [Y] épouse [G]
née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 9], demeurant [Adresse 3]
représentés tous deux par Maître Christophe JERVOLINO de la SCP GOBERT & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE
S.E.L.A.R.L. ARCHIBALD Liquidateur de la société de Mr [G]
immatriculée au RCS de MELUN sous le n° 453 758 567, dont le siège social est sis [Adresse 6], prise en la personne de Maître [E] [D], ès qualités de liquidateur de la société de Monsieur [R] [G], immatriculée au RCS de MELUN sous le n° 382 770 485, dont le siège social est situé [Adresse 4], conférées par jugement du tribunal de commerce de MELUN en date du 13 juillet 2022
défaillant
EXPOSE DU LITIGE
[R] [G] et [N] [G] née [Y] ont acquis dix biens immobiliers à l’aide de dix emprunts, souscrits auprès de huit banques différentes, pour un montant total de 1 611 715€, outre les intérêts.
Pour financer l’acquisition d’un appartement à usage locatif en l’état futur d’achèvement au sein d’un ensemble immobilier situé à [Localité 7] (34), [R] [G] et [N] [G] née [Y] ont accepté le 16.11.2005 une offre de prêt n°04965801099 01 d’un montant de 86 678€ émise le 02.11.2005 par la BANQUE PRIVEE EUROPEENNE (BPE).
En garantie de remboursement dudit prêt [R] [G] et [N] [G] née [Y] ont consenti à la BANQUE PRIVEE EUROPEENNE une garantie hypothécaire sur le bien objet du financement.
L’acte de prêt a été renouvelé en la forme authentique le 27.02.2006, devant Me [M], notaire à [Localité 8].
Ils n’en ont pas honoré toutes les échéances, de sorte que l’établissement prêteur leur a notifié la déchéance du terme le 12.03.2009.
*
Exposant avoir été victimes d'agissements frauduleux de la société APOLLONIA, agent immobilier s'étant présenté comme gestionnaire de patrimoine immobilier et intermédiaire en opérations de banque, et de la société FRENCH RIVIERA INVEST (FRI), les ayant conduits à s'endetter de façon inconsidérée, et mettant en cause la responsabilité de plusieurs établissements bancaires, ainsi que de Maître [V] [H] et la SCP RAYBAUDO DUTREVIS [H] COURANT LESTRONE, notaires intervenus dans le cadre de ces opérations, nombreux particuliers dénonçant des agissements similaires, ils ont déposé une plainte auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de MARSEILLE, qui a ouvert une information judiciaire, notamment, d'escroquerie en bande organisée et faux en écritures publiques.
Une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel a été rendue courant 2022 ; elle a été partiellement confirmée par un arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE en date du 15.03.2023. La chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté les pourvois formés sur cet arrêt.
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[R] [G] et [N] [G] née [Y] ont assigné plusieurs établissements bancaires, devant le tribunal de grande instance de MARSEILLE, par acte d’huissier des 24, 25 27 novembre 2009 et 03 décembre 2009 en indemnisation des préjudices subis du fait de ces opérations.
Cette procédure est enregistrée sous le n° de RG 09/14661.
Le juge de la mise en état, par ordonnance en date du 19.04.2010, a ordonné le sursis à statuer « jusqu’à ce qu’une juridiction pénale se soit prononcée définitivement sur les faits dénoncés » et ordonné la radiation de l’affaire du rang des affaires en cours.
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[R] [G] et [N] [G] née [Y] ont assigné la société APOLLONIA et plusieurs établissements bancaires la BANQUE PRIVEE EUROPEENNE, devant le tribunal de grande instance de MARSEILLE par acte d’huissier des 27, 29 et 30 septembre 2010 en indemnisation des préjudices subis du fait de ces opérations.
Cette procédure a été enregistrée sous le n° de RG 10/14695.
Par ordonnance du 07.03.2011 le juge de la mise en état a prononcé le sursis à statuer jusqu'à ce qu'une juridiction pénale se soit prononcée définitivement sur les faits dénoncés et que l'affaire principale n° 09/14661 ait été réenrôlée et ordonné la radiation de l’affaire.
Par ordonnance du juge de la mise en état en date du 21.12.2017, la procédure enregistrée sous le n° de RG 10/14696 a été jointe à celle enregistrée sous le n° de RG 09/14661.
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Par acte d’huissier du 31.05.2010, la SA BANQUE PRIVEE EUROPEENNE, a fait assigner [R] [G] et [N] [G] née [Y] devant le tribunal de grande instance de FONTAINEBLEAU, aux fins de les voir solidairement condamner, à titre principal, à lui payer au titre du prêt consenti, les sommes de 90 562,07€ due au 30.03.2010 outre les intérêts au taux contractuel sur un principal de 79 472,54€ correspondant au capital restant dû au 11.03.2009 à compter de la mise en demeure par LRAR du 12.03.2009.
Par ordonnance en date du 31.03.2011, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de FONTAINEBLEAU a rejeté l’exception de connexité et la demande de dessaisissement au profit du tribunal de grande instance de MARSEILLE.
Par ordonnance en date du 15.12.2011, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de FONTAINEBLEAU s’est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de sursis à statuer dans l’attente de la décision de la cour d’appel de PARIS statuant sur l’appel interjeté à l’encontre de l’ordonnance du 31.03.2011.
Par arrêt 25.01.2012 la cour d’appel de PARIS a infirmé l’ordonnance du 31.03.2011, fait droit à l’exception de connexité et ordonné le dessaisissement du tribunal de grande instance de FONTAINEBLEAU au profit du tribunal de grande instance de MARSEILLE.
Cette procédure est arrivée au service de l’enrôlement le 14.02.12 et a été enregistrée sous le n°12/3663.
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Par ordonnance du juge de la mise en état en date du 16.03.2017, il a été :
Rejeté la demande de sursis à statuer formée par [R] [G] et [N] [G] née [Y], Rejeté la demande formée par [R] [G] et [N] [G] née [Y] sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,Condamné [R] [G] et [N] [G] née [Y] à verser à la SA BANQUE PRIVEE EUROPEENNE la somme de 2.000,00 Euros, sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,Renvoyé la cause et les parties à l'audience de mise en état,Enjoint à [R] [G] et [N] [G] née [Y] de conclure au fond pour cette date,Condamné in solidum [R] [G] et [N] [G] née [Y] aux dépens.Cette décision a été confirmée par la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE le 19.04.2018.
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Par une ordonnance en date du 15.03.2018, le juge de la mise en état a :
- Sursis à statuer sur l’action en paiement jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été rendue sur l’appel interjeté à l’encontre de l’ordonnance du 16.03.2017,
- Réservé les dépens.
Par un arrêt du 17.05.2018 la cour d’appel d’AIX EN PROVENCE a confirmé l’ordonnance rendue le 29.06.2017 rendue par le juge de la mise en état du tribunal de céans.
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Par une ordonnance en date du 07.07.2022, le juge de la mise en état a :
- Déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer formée par [R] [G] et [N] [Y] épouse [G],
- Dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer d'office,
- Condamné in solidum [R] [G] et [N] [Y] épouse [G] à verser à la SA BANQUE PRIVEE EUROPEENNE la somme de 1.000,00 Euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- Rejeté la demande formée par [R] [G] et [N] [Y] épouse [G] sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- Renvoyé la cause et les parties à l’audience de mise en état et enjoint à [R] [G] et à [N] [Y] épouse [G] de conclure pour cette date,
- Condamné in solidum [R] [G] et [N] [Y] épouse [G] aux dépens du présent incident, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
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Le 27 juin 2022, le tribunal judiciaire de Pontoise a jugé irrecevable la demandes des époux [G] visant à bénéficier d’une procédure de surendettement des particuliers, leur endettement étant lié à leur « activité de loueur professionnel ».
Par jugement du tribunal de commerce de Melun du 13 juillet 2022, il a été ordonné l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’égard [R] [G].
Le 9 août 2022, Louvre Banque Privée a déclaré sa créance privilégiée d’un montant de 149.779,52 euros à la date du jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire, outre les intérêts à échoir au taux annuel de 6,06%.
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Par acte de commissaire de justice en date du 08.03.2023, la société Louvre Banque Privée, anciennement dénommée BPE, SA, a assigné la SELARL ARCHIBALD, prise en la personne de Maître [E] [D], en qualité de liquidateur de la société de [R] [G], selon
jugement du Tribunal de commerce de Melun du 13 juillet 2022, au visa des articles 369, 373 et 374 du code de procédure civile, L. 622-21 à L. 622-23 du code de commerce, aux fins de :
« • DÉCLARER la société Louvre Banque Privée recevable et bien fondée en son assignation en intervention forcée et reprise d’instance à l’encontre de la SELARL Archibald ;
• VOIR intervenir la SELARL Archibald, prise en la personne de Maître [E] [D], es-qualités de liquidateur de la société de M. [R] [G] immatriculée au RCS de Melun sous le n° 382 770 485 dont le siège social est situé [Adresse 4], conférées par jugement du Tribunal de commerce de Melun en date du 13 juillet 2022 ;
• CONSTATER la reprise de l’instance en l’état où elle se trouvait au moment où elle a été interrompue, son objet étant la condamnation solidaire de M. [R] [G] et Mme [N] [Y], épouse [G], à verser à Louvre Banque Privée la somme de 90.562,07 euros due au 30 mars 2010, outre intérêts au taux conventionnel de 6,06% jusqu’au complet paiement ;
• INSCRIRE au passif de la société de M. [R] [G] une créance d’un montant de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
• ORDONNER l’emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective. »
Cette procédure a été enregistrée sous le numéro de RG 23/2901.
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Par ordonnance du 06.07.2023, le juge de la mise en état a prononcé la jonction des instances enregistrées sous les RG n° 23/2901 et 12/3663.
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Par une ordonnance du juge de la mise en état en date du 01.02.2024, l’instruction de l’affaire a été clôturée et l’audience au fond fixée au 15.03.2024.
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Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 16.01.2024, auxquelles il conviendra de se reporter pour l’exposé des motifs, la BANQUE PRIVEE EUROPEENNE (BPE), devenue LOUVRE BANQUE PRIVEE, demande au tribunal au visa des articles 1134 et 1146 anciens du code civil de :
« - Déclarer Louvre Banque Privée recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes, fins, moyens et prétentions.
- Condamner solidairement Monsieur et Madame [G], sur le fondement de l’offre de prêt immobilier n° 0496 5801099 01, à payer à Louvre Banque Privée la somme de 149.779,52 euros due au 13 juillet 2022, outre les intérêts au taux conventionnel jusqu’à la date effective du complet paiement et la capitalisation des intérêts au taux conventionnel de 6,06% en application de l’article IX-9) B des conditions générales de l’offre de prêt immobilier.
- Inscrire au passif de Monsieur [G] une créance privilégiée de 149.779,52 euros due au 13 juillet 2022, date du jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire, outre les intérêts au taux conventionnel jusqu’à la date effective du complet paiement et la capitalisation des intérêts au taux conventionnel de 6,06% en application de l’article IX-9) B des conditions générales de l’offre de prêt immobilier.
- Ordonner la capitalisation des intérêts échus pour une année entière et consécutive.
- Débouter Monsieur et Madame [G] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
- Condamner in solidum Monsieur et Madame [G] à payer à Louvre Banque Privée la somme de 8.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
- Inscrire au passif de Monsieur [G] une créance d’un montant de 8.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
- Condamner in solidum Monsieur et Madame [G] aux entiers dépens.
- Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir. »
Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 07.01.2021, auxquelles il conviendra de se reporter pour l’exposé des motifs, [R] [G] et [N] [G] née [Y] demandent au tribunal au visa des articles 1128 (ancien 1108) et 1137 (ancien 1116) du code civil et des articles L 312-7 et L 312-10 du code de la consommation (devenus L 313-3 et L 313-19) de :
« DIRE ET JUGER que le consentement des époux [G] a été vicié
ANNULER le prêt 0496 5801099 01 consenti par la BPE
En conséquence :
ANNULER les intérêts au taux conventionnels, frais de rejets, et les indemnités contractuelles au titre de ces prêts ;
CONDAMNER la BPE au paiement de la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts
Subsidiairement
Débouter la BPE de sa demande de paiement des pénalités de résiliation
Ordonner la déchéance des intérêts au taux conventionnels, y compris les intérêts intercalaires, pénalités de retard, majorations, indemnité de résiliation, capitalisation.
En tout état de cause
Vu les articles 1128 et 1240 et suivants (anciens 1108, 1382 et 1384) du Code civil ;
CONDAMNER la BPE au paiement de la somme de 50.000 € à titre de dommages-intérêts ;
ORDONNER la compensation entre les sommes dues de part et d’autre
DEBOUTER la BPE de sa demande de dommages et intérêts
CONDAMNER la BPE à payer aux époux [G] une somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile
CONDAMNER la BPE aux entiers dépens »
Le postulant du conseil des défendeurs a informé le tribunal qu’il n’avait plus de nouvelles de son dominus litis et se désintéressait donc de l’affaire.
La SELARL ARCHIBALD, prise en la personne de Maître [E] [D], en qualité de liquidateur de la société de [R] [G], n’a pas comparu.
A l’audience du 15.03.2024, le conseil de Louvre Banque Privée, anciennement dénommée BPE, a plaidé conformément à ses conclusions. Les défendeurs n’étaient pas représentés à l’audience.
L’affaire a été mise en délibéré au 24.05.2024.
MOTIVATION
Sur l’application du code de la consommation
La banque se prévaut de ce que le code de la consommation ne pourrait s’appliquer ni de plein droit, ni de la volonté mutuelle des parties.
Sur l’application de plein droit du code de la consommation
Le code de la consommation, dans sa version en vigueur en 2005, prévoyait en son titre 1er relatif au crédit un chapitre 2 relatif au crédit immobilier, dont la section relative au champ d'application comportait les trois articles suivants :
-Article L312-1 : « Au sens du présent chapitre, est considérée comme :
a) Acquéreur, toute personne qui acquiert, souscrit ou commande au moyen des prêts mentionnés à l'article L. 312-2 ;
b) Vendeur, l'autre partie à ces mêmes opérations. »
- Article L312-2 : « Les dispositions du présent chapitre s'appliquent aux prêts qui, quelle que soit leur qualification ou leur technique, sont consentis de manière habituelle par toute personne physique ou morale en vue de financer les opérations suivantes :
1° Pour les immeubles à usage d'habitation ou à usage professionnel d'habitation :
a) Leur acquisition en propriété ou en jouissance ;
b) La souscription ou l'achat de parts ou actions de sociétés donnant vocation à leur attribution en propriété ou en jouissance ;
c) Les dépenses relatives à leur construction, leur réparation, leur amélioration ou leur entretien lorsque le montant de ces dépenses est supérieur à celui fixé en exécution du dernier alinéa de l'article L. 311-3 ;
2° L'achat de terrains destinés à la construction des immeubles mentionnés au 1° ci-dessus. »
-Article L312-3 : « Sont exclus du champ d'application du présent chapitre :
1° Les prêts consentis à des personnes morales de droit public ;
2° Ceux destinés, sous quelque forme que ce soit, à financer une activité professionnelle, notamment celle des personnes physiques ou morales qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, ou en vertu de leur objet social, procurent, sous quelque forme que ce soit, des immeubles ou fractions d'immeubles, bâtis ou non, achevés ou non, collectifs ou individuels, en propriété ou en jouissance ;
3° Les opérations de crédit différé régies par la loi n° 52-332 du 24 mars 1952 relative aux entreprises de crédit différé lorsqu'elles ne sont pas associées à un crédit d'anticipation. »
En outre, il est constant que les emprunteurs ont souscrit le prêt litigieux afin d'acquérir un bien destiné à la location, et qu’ils ont acquis dix biens immobiliers à l’aide de dix emprunts, souscrits auprès de huit banques différentes, pour un montant total de 1 611 715€, dans un temps restreint.
La fiche de renseignement bancaire n’est pas versée dans ce dossier, ni aucun document versé au titre de la demande de prêt, toutefois, il résulte de l’acte notarié que l’époux était docteur en médecine et l’épouse sans profession. Il résulte également de l’ordonnance de non-lieu du 25.02.2022, dans le dossier dit SCRIVENER, désormais définitive, qu’aux termes de la plainte initiale du 10.04.2008, le dispositif de loueur en meublé professionnel, sur lequel se base l’escroquerie aggravée par ailleurs pendante devant le tribunal correctionnel, n’était susceptible de procurer des avantages fiscaux qu’à condition que les revenus annuels tirés de cette activité soient supérieurs à 23 000 € et représentent plus de la moitié des ressources du foyer.
Dans de telles conditions, il apparaît que la part de revenus locatifs escomptée de la location du bien acquis à l’aide du crédit en cause était de nature à constituer ainsi un apport de revenus supérieur à ceux tirés de la seule activité professionnelle des emprunteurs.
Les activités financées par le prêt litigieux doivent, en conséquence, être replacées dans le contexte de la mise en place d’une activité immobilière locative, dont l’ampleur résulte du nombre des acquisitions destinées à la location et du montant des revenus devant en être tirés ; cette activité doit être qualifiée de professionnelle accessoire à l’activité principale des époux.
Le prêt en cause ne saurait donc relever de plein droit des dispositions du code de la consommation.
Sur la soumission volontaire de la banque au code de la consommation
La soumission volontaire de la banque, dans le cadre des conditions des prêts, au code de la consommation, ne peut être présumée et les emprunteurs, qui s’en prévalent, doivent démontrer que la référence au code de la consommation figurant sur les contrats de prêt a été faite de façon volontaire, expresse et éclairée par la banque, alors que les prêts n’y étaient pas soumis de plein droit.
La simple mention pré-imprimée visant les dispositions du code de la consommation sur les prêts et dans les conditions générales ne caractérise pas une soumission volontaire de la banque aux dispositions de ce code.
En revanche, l’absence d’indications relative à l’ampleur des acquisitions déjà faites et à venir sont de nature à induire la banque en erreur et à l’empêcher d’apprécier si le prêt souscrit remplissait les conditions d’application du Code de la consommation.
En l’espèce, [R] [G] et [N] [G] née [Y] , sur qui repose la charge de la preuve, n’ont pas conclu sur ce point ni remis de pièces, de sorte qu’ils défaillent à rapporter la preuve d’une soumission volontaire de la banque au code de la consommation.
Dès lors, le code de la consommation n’est pas applicable à la relation contractuelle entre les parties.
Sur la nullité pour dol
[K] [S] et [I] [S] née [J] se prévalent du dol afin de voir annuler le prêt en cause.
La banque se prévaut de ce que l’exception de nullité pour dol serait prescrite en ce que le contrat aurait commencé à être exécuté. Elle souligne que l’erreur des emprunteurs leur était connue au plus tard le jour de leur plainte pénale, soit le 29.04.2009, de sorte que la prescription serait acquise depuis le 30.04.2014. Or, le moyen tiré du dol n’aurait été soulevé pour la première fois que par conclusions au fond du 07.01.2021.
L'article 1304 du code civil, dans sa rédaction en vigueur du 04 juillet 1968 au 01 janvier 2009, dispose que : « Dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.
Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.
Le temps ne court, à l'égard des actes faits par un mineur, que du jour de la majorité ou de l'émancipation ; et à l'égard des actes faits par un majeur protégé, que du jour où il en a eu connaissance, alors qu'il était en situation de les refaire valablement. Il ne court contre les héritiers de l'incapable que du jour du décès, s'il n'a commencé à courir auparavant. »
Il résulte de ce texte que la règle selon laquelle l'exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte qui n'a pas encore été exécuté, ne s'applique qu'à compter de l'expiration du délai de prescription de l'action. Après cette date, l'exception n'est recevable que si l'acte n'a pas commencé à être exécuté.
Par ailleurs, l'action en nullité d'un contrat fondée sur le dol se prescrit par un délai de cinq ans à compter du jour où le contractant a découvert le vice qu'il allègue.
Il appartient aux juges du fond de rechercher la date à laquelle les emprunteurs ont eu connaissance des manœuvres frauduleuses dont ils se prétendent victimes.
Il est constant que le contrat a commencé à être exécuté, d’une part, et que les premières conclusions visant le dol sont les seules conclusions au fond, notifiées par RPVA le 07.01.2021.
Il convient de relever que dans la présente procédure, [R] [G] et [N] [G] née [Y] se prévalent des mêmes faits (notamment du comportement de la société Apollonia et de FRI, en termes de démarchage agressif, de mensonges répétés, sur la valeur du bien, sa valeur locative…) que dans leur plainte avec constitution de partie civile du 29.04.2009.
C’est donc à compter de cette date qu’il est démontré de façon certaine que [R] [G] et [N] [G] née [Y] avaient connaissance des manœuvres qu’ils allèguent à l’appui de leur demande en nullité pour dol, et qu’a donc couru le délai quinquennal de prescription de l’action comme de l’exception.
Dans ces conditions, la première demande, comme la première exception, soulevées sur ce fondement, postérieures au 30.042014, sont prescrites.
Sur le crédit
Il est constant que la banque a émis le 2 novembre 2005 une offre de prêt d’un montant de 86.678 euros remboursable en 204 mensualités (comprenant une première période de 3 mois à taux fixe de 3,950% hors assurance et une seconde période d’une durée de 201 mois à taux variable sur la base d’EURIBOR 3 mois majoré de 1,850 points) eu que cette offre a été acceptée par [R] [G] et [N] [G] née [Y] le 16 novembre 2005.
Il n’est pas non plus contesté que la banque a versé les sommes dûes au titre du crédit en cause et qu’à compter du 10 janvier 2009, [R] [G] et [N] [G] née [Y] ont cessé d’en honorer les échéances.
Le contrat prévoit en son IX-9 une clause d’exigibilité anticipée de plein droit en cas de non-paiement d’une échéance.
Par lettre RAR du 12 mars 2009, Louvre Banque Privée a notifié à [R] [G] et [N] [G] née [Y] la déchéance du terme et les a mis en demeure de procéder sous huit jours au paiement de la somme de 86.681,72 euros.
Il résulte du décompte versé aux débats en date du 13.07.2022 que la somme due au titre de ce crédit serait de 149.779,52 euros due au 13 juillet 2022, ventilée comme suit :
Capital restant du à échoir : 78 900, 43 €Capital impayé : 572,11 €« intérêts normaux impayés » 1237,18 €Intérêts de retard impayés 320,81 €Assurance impayée : 61,72 €Indemnité d’exigibilité de 7% : 5563,08 €,Intérêts normaux : 446,52Intérêts contentieux :64 297,38 €.
Sur la demande de déchéance des intérêts au taux conventionnel
[R] [G] et [N] [G] née [Y] se prévalent de la violation des articles L612-7 et 312-10 du code de la consommation applicable lors des faits au soutien de cette demande.
Toutefois, l’application du code de la consommation a été écarté plus haut, de sorte que ce moyen ne saurait prospérer.
Sur la clause pénale
Les défendeurs se prévalent de ce que l’indemnité d’exigibilité de 7% contractuelle présenterait les caractéristiques qu’une clause pénale, manifestement excessive au regard de l’absence de préjudice de la banque et de l’endettement des emprunteurs.
L’article 1152 du Code civil, dans sa version applicable du 15.1.01985 au 01.10.2016, disposait que :
« Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.»
Il résulte de l’examen du contrat de prêt en cause qu’en cas de défaillance de l’emprunteur est prévue une indemnité contractuelle de 7% des sommes dues en plus de la majoration de 3 points du taux d’intérêts conventionnel en cas de défaillance de l’emprunteur, prévue à l’article 9 B des conditions générales.
Cette double pénalisation de la défaillance de l’emprunteur est manifestement excessive, de sorte que l’indemnité contractuelle, qui ne peut être que réduite, sera portée à 1 €.
Conséquences
En outre, les demandes formulées au titre des « intérêts normaux » ou intérêts de retard ne présentent pas la clarté suffisante pour condamner quiconque à les payer.
Le taux d’intérêt et son point de départ ne sont pas débattus.
L’article 1231-7 du code civil dispose qu’en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l’absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement.
Dès lors, [N] [G] née [Y] sera condamnée à payer à Louvre Banque Privée, anciennement dénommée BPE, les sommes suivantes :
-Capital restant dû : 79 472,54 €, assortis des intérêts au taux contractuel de 6,06 % à compter de la déchéance du terme, du 12.03.2009,
-intérêts échus impayés : 1237,18 €, assortis des intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
-Assurance impayée : 61,72 €, assortis des intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
-Indemnité d’exigibilité : 1 €, assortis des intérêts au taux légal à compter du présent jugement.
Ces mêmes sommes seront inscrites au passif de [R] [G].
Il n’appartient pas à ce tribunal d’établir l’ordre entre les créanciers de ce dernier.
Enfin, il sera prononcé la solidarité de ces créances entre [N] [G] née [Y] et [R] [G].
Sur la capitalisation des intérêts
Louvre Banque Privée, anciennement dénommée BPE, demande d’ordonner la capitalisation des intérêts légaux, ce que contestent les défendeurs ; aucune motivation ne vient au soutien de cette demande.
Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter cette demande.
Sur la demande indemnitaire formulée à titre reconventionnel
[R] [G] et [N] [G] née [Y] se prévalent de ce qu’ils se sont retrouvés dans un état de surendettement consécutif aux agissements de la banque, d’une part, de la violation de son obligation de mise en garde et de conseil, d’autre part.
Les articles 9 et 10, et 143 à 146 du code de procédure civile disposent qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Les défendeurs, qui ne comparaissent pas, ne démontrent en rien les fraudes et manquements qu’ils allèguent, qui ne peuvent en aucun cas se présumer.
En revanche, et surabondamment, la banque produit les ordonnances de règlement, tant dans le dossier d’escroquerie aggravée que dans le dossier dit Scrivener, dont il résulte que la plainte initiale des emprunteurs mettait en exergue que le mécanisme de l’escroquerie dénoncée reposait sur la signature simultanée de multiples demandes, présentées aux banques sans leur préciser ce mécanisme d’empilement de crédit pour obtenir leur accord.
Dans ces conditions, c’est à bon droit que la banque indique qu’elle n’avait pas connaissance du risque d’endettement excessif et que ce risque résultait, au moins partiellement, du comportement des emprunteurs.
Cette demande sera donc rejetée.
Dans de telles conditions, la demande de compensation est dépourvue d’objet.
Sur les demandes accessoires
Il résulte des dispositions combinées des articles 696 et 700 du Code de procédure civile que les dépens sont à la charge de la partie succombante et que les frais irrépétibles en suivent le sort, sauf considérations tirées de l’équité ou de la différence de situation économique entre les parties.
[R] [G] et [N] [G] née [Y], qui succombent, seront solidairement condamnés au paiement de 8000 € au titre des frais irrépétibles, outre les dépens de l’instance.
Conformément à l’article 515 du code de procédure civile, dans sa version applicable à la date de l’assignation, il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire du présent jugement, celle-ci n’étant pas nécessaire en l’état.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant après audience publique, collégialement, par jugement réputé contradictoire, en premier ressort, mis à la disposition des parties au greffe,
Constate la prescription de l’exception tirée de la nullité des contrats ;
Condamne [N] [G] née [Y] à payer à Louvre Banque Privée, anciennement dénommée BPE, les sommes suivantes :
-Capital restant dû : 79 472,54 €, assortis des intérêts au taux contractuel de 6,06 % à compter de la déchéance du terme, du 12.03.2009,
-intérêts échus impayés : 1237,18 €, assortis des intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
-Assurance impayée : 61,72 €, assortis des intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
-Indemnité d’exigibilité : 1 €, assortis des intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
Ordonne l’inscription au passif de [R] [G] des sommes suivantes :
-Capital restant dû : 79 472,54 €, assortis des intérêts au taux contractuel de 6,06 % à compter de la déchéance du terme, du 12.03.2009,
-intérêts échus impayés : 1237,18 €, assortis des intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
-Assurance impayée : 61,72 €, assortis des intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
-Indemnité d’exigibilité : 1 €, assortis des intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
Prononce la solidarité entre [R] [G] et [N] [G] née [Y] ;
Condamne solidairement [R] [G] et [N] [G] née [Y] à payer à Louvre Banque Privée, anciennement dénommée BPE, la somme de 8000 € au titre des frais irrépétibles ;
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, notamment relatives aux dommages et intérêts et à la capitalisation des intérêts ;
Condamne in solidum [R] [G] et [N] [G] née [Y] au paiement des dépens de l’instance.
LE GREFFIERLE MAGISTRAT