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23/05/2024 | FRANCE | N°22/08951

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab2, 23 mai 2024, 22/08951


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°24/ DU 23 Mai 2024


Enrôlement : N° RG 22/08951 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2MER

AFFAIRE : M. [K] [S]( Me Constance RUDLOFF)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE


DÉBATS : A l'audience Publique du 14 Mars 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL:

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente (juge rapporteur)
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : ALLION

E Bernadette

En présence de PORELLI Emmanuelle, Vice-Procureur, Procureur de la République

Vu le rapport fait à l’audience ;

A ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/ DU 23 Mai 2024

Enrôlement : N° RG 22/08951 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2MER

AFFAIRE : M. [K] [S]( Me Constance RUDLOFF)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE

DÉBATS : A l'audience Publique du 14 Mars 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL:

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente (juge rapporteur)
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette

En présence de PORELLI Emmanuelle, Vice-Procureur, Procureur de la République

Vu le rapport fait à l’audience ;

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 23 Mai 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BERARD Béatrice, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [K] [S]
né le 13 Mai 2004 à [Localité 2] [Localité 1]
de nationalité Guinéenne, demeurant [Adresse 3]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 130550012022006357 du 01/04/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Marseille)
représenté par Me Constance RUDLOFF, avocat au barreau de MARSEILLE,

C O N T R E

DEFENDERESSE

M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE, près le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE en son parquet- Place Monthyon - 6, Rue Joseph Autran - 13281 MARSEILLE CEDEX 6

dispensé du ministère d’avocat

EXPOSE DU LITIGE

[K] [S], né le 13 mai 2004 à [Localité 2] [Localité 1] (Guinée), a souscrit le 29 septembre 2021 une déclaration d’acquisition de la nationalité française sur le fondement de l’article 21-12 du Code civil, à raison de son placement à l’ASE depuis le 6 décembre 2017.

Par décision du 9 mars 2022, le directeur des services de greffe judiciaires du Tribunal judiciaire de Toulon a refusé cet enregistrement au motif qu’il était titulaire de deux actes de naissance (n°6408 et n°2624) et de deux jugements supplétifs (n°15251 et 8217), que le jugement rectificatif n°945 avait rectifié son acte de naissance n°6408 et ordonné que soit rendu un nouveau jugement supplétif alors que l’intéressé avait déjà un acte de naissance et un jugement supplétif, que le jugement supplétif n°8217 n’avait pas été délivré en expédition conforme, que l’acte de naissance n°2624 et le jugement supplétif n°8217 n’avaient pas été valablement légalisés.

Par acte en date du 9 septembre 2022, [K] [S] a fait assigner le Procureur de la République devant le Tribunal judiciaire de Marseille pour voir enregistrer sa déclaration d’acquisition de la nationalité française.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 octobre 2023 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des moyens, il demande au Tribunal de :
- constater qu’il a souscrit une déclaration de nationalité française devant le Tribunal judiciaire de Toulon sur le fondement de l'article 21-12 1° du Code civil ;
- déclarer non avenu le refus d'enregistrement de la déclaration de nationalité française opposé par décision du 25 février 2022 ;
- déclarer nul et non avenu le refus de certificat de nationalité française opposé par décision du 25 février 2022 ;
- constater qu’il remplissait l’ensemble des conditions posées au terme des dispositions de l'article 21-12 1° du Code civil lorsqu’il a souscrit une déclaration de nationalité ;
- ordonner l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite le 29 septembre 2021 ;
- ordonner la remise au demandeur de la copie de sa déclaration de nationalité française;
- dire et juger qu’il est français, et ce rétroactivement à compter de la souscription de sa déclaration de nationalité française, soit depuis le 29 septembre 2021;
- ordonner la mention prévue à l'article 28 du Code civil ;
- condamner le Trésor Public à payer la somme de 1.500 euros au titre des dispositions combinées de l'article 700 du Code de procédure civile et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
- laisser les dépens de l’instance à la charge du Trésor.

Il soutient que son acte de naissance n°2624 du 31 mars 2021, extrait du registre de l’état civil, et le jugement supplétif n°8217/2021 du 15 mars 2021 tenant lieu d’acte de naissance sont valablement légalisés par le ministère des affaires étrangères et par l’ambassade de Guinée en France; qu’il verse aux débats son passeport qui a fait l’objet d’un avis favorable de la PAF le 20 juin 2018, tel que cela ressort du jugement de maintien du placement du 20 juin 2018: qu’il a versé en toute transparence le jugement du 25 février 2021 procédant à la rectification de l’erreur matérielle entachant l’acte de naissance du 3 juillet 2017 n°15251, l’officier d’état civil ayant au moment de la transcription modifié le numéro du jugement en écrivant n°15261 en lieu et place du n°15251; que la seule mention selon laquelle il existerait plusieurs jugements supplétifs ne suffit pas à démontrer que les actes produits seraient irréguliers, falsifiés ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité; que le fait d’avoir deux jugements supplétifs tenant lieu d’acte de naissance est une pratique courante en Guinée et il appartient au parquet de rapporter la preuve qu’elle ne serait pas conforme au droit local; que par ailleurs, l’erreur matérielle corrigée par le jugement du 25 février 2021 ne vient nullement remettre en cause la cohérence des informations contenues ni leur conformité aux déclarations de l’intéressé; que ni de l’article 21-12 du Code civil, ni les dispositions du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 tel que modifié par les dispositions du décret n°2019-1507 du 30 décembre 2019, n’exigent que le jugement supplétif soit délivré en expédition conforme à l’original; qu’il est fait grief à l’acte de ne pas préciser les dates et lieux de naissance ou l’âge des parents, ni leur profession, ni leur domicile en méconnaissance de l’article 175 du code civil guinéen, mais le Procureur fait référence à un article abrogé par le nouveau code civil entré en vigueur en août 2019, et seul l’article 201 du Code civil s’applique aux extraits de registre des transcriptions, comme fréquemment rappelé par la jurisprudence; que le jugement supplétif est motivé; que la mention du nom du représentant du ministère public n’est prescrite que lorsqu’il assiste à l’audience; que l’exigence d’un certificat de non-appel est superfétatoire, la production de la transcription du jugement en date du 31 mars 2021 étant suffisante à démontrer son caractère exécutoire; qu’il a souscrit une déclaration de nationalité lorsqu’il était encore mineur, et justifie d’une prise en charge auprès des services de l’aide sociale à l’enfance depuis plus de trois ans, soit depuis le 6 décembre 2017.

En défense, dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 17 mai 2023 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des moyens, le Procureur de la République demande au Tribunal de :
- dire que le récépissé prévu par l'article 1040 du Code de procédure civile a été délivré;
- débouter l’intéressé de sa demande d'enregistrement de la déclaration souscrite et constater l'extranéité de l'intéressé, les conditions de l’article 21-12 n’étant pas réunies;
- ordonner la mention prévue par l'article 28 du Code civil.

Il soutient que la copie de l’acte de naissance et la copie du jugement supplétif ne sont pas valablement légalisées et sont donc inopposables en France; qu’il s’agit en outre d’une simple copie du jugement supplétif et non d’une expédition conforme de la décision; que par ailleurs, l’acte de naissance n°2624 ne précise pas l’heure de son établissement, ni les dates et lieux de naissance, ou au moins l’âge des parents, ni leur profession, ni leur domicile contrairement aux prescriptions de l’article 175 du Code civil guinéen; que le jugement supplétif n’est pas opposable en France car il n’est pas motivé et ne mentionne pas le nom du représentant du ministère public qui aurait pris des observations sur la requête, en violation de l’article 115 du Code de procédure civile guinéen; que ce jugement est douteux en ce qu’il précise que [Localité 1] se trouve en “République de Guinée” alors que la devise de la Guinée et la mention “République de Guinée” sont déjà portées en tête du jugement; que d’ailleurs, ce jugement n’est pas produit en “expédition conforme” datée et délivrée par le greffier du tribunal au vu des minutes dont il est dépositaire, mais en simple “copie” sans aucune garantie d’authenticité; qu’aucun certificat de non appel n’est produit; qu’en tout état de cause, il ressort du jugement n°495 du 25 février 2021 que l’intéressé, en 2021, était déjà titulaire d’un acte de naissance n° 6408 dressé le 17 juillet 2017 suivant jugement supplétif n° 15251 du 3 juillet 2017; que dès lors, il n’était nul besoin pour l’intéressé d’obtenir un nouveau jugement supplétif le 15 mars 2021 ni un nouvel acte de naissance le 31 mars 2021; qu’en possession de deux actes de naissance, dressés suivant des jugements non opposables en France, l’intéressé ne justifie donc pas d’un état civil fiable, ni de sa minorité.

La procédure a été clôturée à la date du 23 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Le récépissé prévu à l’article 1040 du Code de procédure civile a été délivré.

L’article 30 du Code civil dispose que lorsque l’individu qui revendique la nationalité française n’est pas lui même titulaire d’un certificat de nationalité française, la charge de la preuve de sa nationalité lui incombe.

En l’espèce, [K] [S] n’est pas titulaire d’un certificat de nationalité française, de sorte qu’il lui appartient de rapporter la preuve qu’il remplit les conditions pour prétendre à la nationalité française.

Le requérant doit produire des pièces d’état civil fiables au sens de l’article 47 du Code civil selon lequel tout acte de l’état civil des français et des étrangers faits en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenues, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondant pas à la réalité.

Sauf convention internationale, les copies ou extraits d’actes de l’état civil établis par les autorités étrangères, doivent, pour recevoir effet en France, être légalisés. La France n’a conclu aucune convention avec la Guinée afin de dispenser ce pays de telles formalités.

La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. Elle donne lieu à l'apposition d'un cachet dont les caractéristiques sont définies par arrêté conjoint des ministres chargés de la justice et des affaires étrangères. La légalisation doit émaner des ambassadeurs et chefs de poste consulaires français en poste dans le pays d’établissement de l’acte, ou émaner en application de la coutume internationale de l’ambassadeur ou autorité consulaire de ce pays en France.

En l’espèce, pour justifier de son état civil, [K] [S] produit l’extrait du registre de l’état civil de son acte de naissance n°2624, dressé le 31 janvier 2021 suivant jugement supplétif n°8217 du 15 mars 2021 du Tribunal de première instance de Dixinn Conakry II, aux termes duquel il est né le 13 mai 2004 à [Localité 1], de [B] [S] et de [O] [E].
Il produit également une copie du jugement supplétif n°8217 rendu le 15 mars 2021 par le tribunal de première instance de Conakry II qui, sur requête du père, juge que l’intéressé est né le 13 mais 2004 à [Localité 1], de [B] [S] et de [O] [E], et ordonne à l’officier civil de transcrire le dispositif de ce jugement en marge du registre de l’année en cours.

Cette copie n’est pas certifiée conforme à l’original par le greffier en chef qui a délivré cette copie, et la légalisation porte sur la signature du président qui a signé la décision, et non sur celle du greffier en chef qui a délivré la copie de la décision.

Or seule la légalisation de la signature de l’autorité qui a délivré la copie du jugement en indiquant précisément son identité est de nature à démontrer son authenticité.

Si Monsieur [S] soutient avoir produit l’original du jugement supplétif de naissance, il n’explique pas comment il a pu obtenir ce jugement original; il est d’usage que seule une copie conforme soit délivré par le greffier en chef. La seule légalisation de l’extrait d’acte de naissance portant transcription du jugement supplétif d’acte de naissance est insuffisante à défaut de production du jugement supplétif dûment légalisé.

Ne disposant pas d’un état civil fiable, [K] [S] doit être débouté de ses demandes.

Son extranéité sera donc constatée.

Il y a lieu d’ordonner la mention prévue par l’article 28 du Code civil.

Succombant, [K] [S] sera condamné aux dépens, qui seront recouvrés selon les règles applicables en matière d’aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort

Constate que le récépissé prévu par l’article 1040 du Code de procédure civile a été délivré ;

Déboute [K] [S] de ses demandes ;

Constate l’extranéité de [K] [S], né le 13 mai 2004 à [Localité 2] [Localité 1] (Guinée);

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du Code civil ;

Condamne [K] [S] aux dépens, qui seront recouvrés selon les règles applicables en matière d’aide juridictionnelle.

AINSI JUGE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 23 MAI 2024.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab2
Numéro d'arrêt : 22/08951
Date de la décision : 23/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-23;22.08951 ?
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