TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION B
JUGEMENT N°
Enrôlement : N° RG 21/10890 - N° Portalis DBW3-W-B7F-ZJNN
AFFAIRE :
La société M2AS S.A.R.L. (Me Benjamin CARDELLA)
C/
COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D’ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D’APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS (l’ASSOCIATION ROUSSEL- CABAYE & ASSOCIES)
Rapport oral préalablement fait
DÉBATS : A l'audience Publique du 28 Mars 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré
Président : Monsieur Alexandre BERBIEC, Juge
Greffier : Madame Sylvie PLAZA, lors des débats
A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 23 Mai 2024
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2024
PRONONCE en audience publique par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2024
Par Monsieur Alexandre BERBIEC, Juge
Assisté de Madame Sylvie PLAZA, Greffier
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES
DEMANDERESSE
La société M2AS (S.A.R.L.)
Immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le N° 377 925 052
dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son gérant Monsieur [L] [I] domicilié en cette qualité audit siège
représentée par Me Benjamin CARDELLA de l’AARPI BOISNEAULT CARDELLA, avocat au barreau de MARSEILLE
C O N T R E
DEFENDEUR
COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D’ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D’APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS - “CSEE GPAC BNP PARIBAS”
dont le siège social est sis [Adresse 3], , prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
représenté par Maître Hubert ROUSSEL de l’ASSOCIATION ROUSSEL-CABAYE & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE
EXPOSE DU LITIGE :
La société à responsabilité limitée M.2.A.S. est spécialisée dans la vente, la location et la gestion de distributeurs automatiques alimentaires, comme les distributeurs de boissons et de denrées alimentaires.
Depuis 1983, le comité d'établissement de la BNP PARIBAS (auquel succède le COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D'ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D'APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS) a confié à Monsieur [I], par l’intermédiaire de la société MAA, puis de la société à responsabilité limitée M.2.A.S., le soin d’installer des distributeurs automatiques alimentaires dans les locaux de l’entreprise et de gérer leur approvisionnement.
Le 28 octobre 2002, la société à responsabilité limitée M.2.A.S. et le COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D'ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D'APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS ont signé une nouvelle convention portant sur la mise en place des locaux de la BNP PARBIAS situés [Adresse 6] à [Localité 5] de distributeurs. Au terme de cette convention, une redevance mensuelle de 70 € était due par le COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D'ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D'APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS à la société à responsabilité limitée M.2.A.S.. En outre, les parties à la convention devaient déterminer ensemble le prix des produits proposés à la vente dans les distributeurs.
Par avenant du 12 janvier 2004, la convention a été étendue aux locaux situés dans l’immeuble du [Adresse 1] à [Localité 4] avec l’installation de deux appareils supplémentaires. La redevance a été augmentée, passant de 70 à 150 €.
L'ensemble des distributeurs ont ensuite été placés dans l'immeuble du [Adresse 1].
Par avenant du 3 juin 2019, il a été convenu entre les parties du réaménagement du système de paiement de l’ensemble des sept machines avec l’installation d’un système de paiement par badge sans contact et la fourniture de cent cinquante badges. Les matériels ont été installés le 8 octobre 2019.
Au titre de cet avenant, la convention a été prorogée pour une durée de quatre ans, devant donc prendre fin le 8 octobre 2023.
Le 9 février 2021, le COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D'ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D'APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS a adressé à la société à responsabilité limitée M.2.A.S. une lettre de résiliation, en lui demandant de récupérer les machines, en raison du déménagement de leurs locaux situés [Adresse 1] le 13 mars 2021.
Par acte d’huissier en date du 9 décembre 2021, la société à responsabilité limitée M.2.A.S. a assigné le COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D'ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D'APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS devant le Tribunal judiciaire de MARSEILLE, aux fins notamment de le voir condamner à lui verser la somme de 23.920 € au titre du préjudice causé par la rupture brutale et anticipée du contrat.
Aux termes de ses conclusions communiquées par le réseau privé virtuel des avocats le 23 octobre 2023, au visa des articles 1103, 12104, 1190, 1212 et 1218 du code civil, la société à responsabilité limitée M.2.A.S. sollicite de voir :
- rejeter toutes les demandes du COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D’ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D’APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS ;
- condamner le COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D’ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D’APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS à verser à la Société M2AS la somme de 23 920 euros, en réparation du préjudice subi en raison de la rupture anticipée du contrat à durée déterminée ;
- le condamner à verser à la société M2AS la somme de 10.000 €, en réparation du préjudice moral subi en raison de la rupture brutale et vexatoire de la rupture ;
- le condamner à verser à la Société M2AS la somme de 10.000 euros, en réparation du préjudice subi en raison de sa mauvaise foi contractuelle ;
- le condamner à verser à la Société M2AS la somme de 5.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- le condamner aux dépens distraits au profit de Maître Benjamin CARDELLA de l’AARPI BOISNEAULT-CARDELLA, Avocat au Barreau de MARSEILLE.
Au soutien de ses prétentions, la société à responsabilité limitée M.2.A.S. affirme que la rupture anticipée constitue une faute contractuelle. Cette rupture anticipée cause à la demanderesse un préjudice égal à la perte de marge bénéficiaire injustement perdue jusqu’à l’échéance contractuellement fixée. Il résulte d’une attestation de l’expert-comptable de la Société M2AS, que la moyenne de la marge brute réalisée s’élève à 9 259 € par an, soit, sur la période pertinente, 23.920 €.
Par ailleurs, après quarante ans de relations contractuelles, le défendeur a laissé un mois à la demanderesse pour enlever ses machines. Il y a là un préjudice moral pour la demanderesse.
Enfin, cette rupture anticipée du contrat établit la mauvaise foi du comité SOCIAL ET ECONOMIQUE D'ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D'APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS ouvrant droit à indemnisation.
Contrairement aux affirmations du défendeur, il n'y a pas eu de cas de force majeure. Le défendeur aurait pu simplement, à l'occasion du déménagement, déplacer les machines. Le déménagement a eu lieu dans la même rue.
Par ailleurs, la société BNP PARIBAS n'avait pas le pouvoir d'imposer au défendeur, doté de la personnalité morale, ses cocontractants ni les modalités d'exécution des contrats. Là encore, il n'y a pas de cas de force majeure.
La demanderesse rapporte la preuve de ses préjudices. A l'inverse, les allégations du défendeur sur le télétravail qui aurait conduit à une baisse de la marge bénéficiaire de la société à responsabilité limitée M.2.A.S. ne sont pas établies.
Aux termes de ses conclusions communiquées par le réseau privé virtuel des avocats le 8 novembre 2023, le COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D'ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D'APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS sollicite de voir :
- débouter la société à responsabilité limitée M.2.A.S. de toutes ses prétentions ;
- condamner la société à responsabilité limitée M.2.A.S. à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, le COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D'ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D'APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS fait valoir que le déménagement a été décidé par la BNP PARIBAS, entité distincte du comité SOCIAL ET ECONOMIQUE D'ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D'APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS. Celui-ci a subi cette décision. Elle revêt à son égard le caractère de la force majeure. La BNP a même imposé de nouveaux distributeurs sous gestion IMEX.
Par ailleurs, le préjudice allégué par la demanderesse est insuffisamment démontré. La demanderesse ne démontre pas que les machines, objets du contrat, n'ont pas pu être redistribuées dans d'autres entreprises. Il incombe à la demanderesse de prouver la réalité de son préjudice en versant aux débats ses résultats économiques pour la période durant laquelle la convention aurait dû se poursuivre.
Au demeurant, la généralisation du télétravail rend les chiffres de la demanderesse incertains sur ses perspectives bénéficiaires, quant à la période considérée.
Même à considérer que la demanderesse établirait la réalité d'un préjudice, celui-ci ne pourrait s'apprécier que comme la perte d'une chance.
S'agissant des préjudices complémentaires, la demanderesse est une société. Il lui incombe d'expliquer en quoi consiste son « préjudice moral ». Quant au second préjudice, il n'est pas même détaillé. Il n'existe pas en droit français de dommages et intérêts punitifs.
Dans un souci de lisibilité du jugement, les mentions du dispositif des conclusions demandant au tribunal de donner acte, constater, dire, dire et juger, rappeler qui ne s'analyseraient pas comme des demandes au sens de l'article 4 du code de procédure civile mais comme des moyens n'appelant pas de décision spécifique n'ont pas été rappelées dans l'exposé des demandes des parties.
Au-delà de ce qui a été repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, le Tribunal entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessus.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur le caractère fautif de la résiliation :
Au titre de l'article 1212 alinea 1 du code civil, « lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l'exécuter jusqu'à son terme ».
Il est constant, en jurisprudence, que la résiliation unilatérale d'un contrat à durée déterminée par l'une des parties constitue une faute dans l'exécution du contrat, donnant lieu à indemnisation pour l'autre partie.
Par avenant du 3 juin 2019, au contrat qui les unissait depuis de longues années, les parties ont convenu de prolonger leur engagement contractuel à compter de l'installation d'un nouveau système de paiement.
Selon bon de livraison tamponné par le COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D'ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D'APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS, le système de paiement a été livré le 8 octobre 2019.
Le contrat aurait donc dû se poursuivre jusqu'au 8 octobre 2023, selon l'accord des parties.
Or, il est constant que, le 9 février 2021, le COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D'ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D'APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS a résilié le contrat par courrier.
Cette résiliation unilatérale constitue donc, en principe, une faute contractuelle.
Le COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D'ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D'APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS fait état d'un cas de force majeure, en ce que la résiliation serait motivée par une décision de la direction de BNP PARIBAS. Toutefois, il n'est pas allégué par le défendeur que la société BNP PARIBAS et lui seraient la même personne morale. D'ailleurs, puisque le défendeur fait valoir le cas de force majeure, il retient nécessairement que l'injonction de la BNP PARIBAS à résilier les contrats constitue une circonstance extérieure à lui, donc émanant d'une personne tierce. Dès lors, puisque le COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D'ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D'APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS a une personnalité morale distincte de la société BNP PARIBAS, il n'explique pas à quel titre, cette injonction à résilier le contrat litigieux était irrésistible. C'est d'ailleurs à bon droit que la demanderesse fait valoir que le déménagement a eu lieu à cent soixante-cinq mètres du précédent établissement, de sorte qu'il ne saurait pas davantage être allégué que le déménagement des distributeurs litigieux était impossible.
Le défendeur est donc mal fondé à invoquer la force majeure pour s'exonérer de sa faute, résultant de la résiliation unilatérale du contrat litigieux.
Sur le préjudice matériel :
Le COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D'ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D'APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS fait valoir que la société à responsabilité limitée M.2.A.S. aurait pu, suite à la résiliation du contrat, replacer ses machines dans un autre établissement, et ainsi ne subir aucune perte.
Sur ce point, il y a lieu de rappeler qu'il est constant, en jurisprudence, que ne pèse pas sur la victime d'un préjudice, l'obligation de minimiser l'ampleur de celui-ci. Dès lors, il n'incombait pas à la société à responsabilité limitée M.2.A.S. de minimiser son préjudice, en faisant des efforts supplémentaires pour rechercher un client nouveau en remplacement du défendeur, qui a fautivement résilié le contrat deux ans et demi avant le terme.
Le COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D'ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D'APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS fait valoir que l'attestation de l'expert-comptable ne saurait rapporter la preuve du préjudice subi par la société à responsabilité limitée M.2.A.S., en ce qu'elle émane « du professionnel qu’elle rémunère pour faire ses comptes ».
Il convient de rappeler, qu'au titre de l'ordonnance n°45-2138 du 19 septembre 1945, l'expert comptable est un professionnel indépendant. Il n'est pas lié à son client par un contrat de travail (article 22), ni par un contrat de mandat, de sorte qu'il n'agit pas au nom ni pour le compte de son client. Dès lors, ce moyen du défendeur n'est pas de nature à écarter la valeur probante de l'attestation d'expert-comptable versée aux débats.
Au surplus, la société à responsabilité limitée M.2.A.S. verse aux débats ses bilans comptables pour les années 2017 à 2020, années couvertes par l'attestation du cabinet ARNAUD d'experts-comptables. Le COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D'ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D'APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS, qui conteste la force probante de l'attestation, s'abstient de mentionner ou de commenter ces bilans. Elle s'abstient également de commenter l'attestation de la société DISTRILOG du 5 septembre 2023, confirmant l'exactitude des recettes.
Il sera donc retenu que l'attestation du 21 octobre 2021 vaut preuve de ce que la société à responsabilité limitée M.2.A.S. a généré une marge brute moyenne hors taxes de 8.258 € sur la période 2017-2020 pour un ensemble de sept distributeurs. Le COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D'ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D'APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS ne conteste pas que les sept machines référencées dans l'attestation du cabinet ARNAUD sont bien celles qui se trouvaient dans ses locaux. La marge brute moyenne mentionnée à l'attestation sera donc retenue comme étant celle générée par le contrat entre la société à responsabilité limitée M.2.A.S. et le défendeur.
C'est en revanche, à juste titre, que le défendeur fait valoir que le préjudice de la demanderesse ne peut s'évaluer que comme une perte de chance.
Il appartient donc au Tribunal, non pas de débouter la demanderesse, mais bien d'évaluer ladite perte de chance de percevoir une marge bénéficiaire au titre de la période courant du 9 février 2021 au 8 octobre 2023.
Le défendeur fait valoir que, pour la période de 2021 à 2023 dont la demanderesse sollicite l'indemnisation, le télétravail s'est généralisé, de sorte que le préjudice de la demanderesse n'est pas évaluable. Le défendeur indique que le télétravail a conduit à une réduction de la présence des effectifs sur son site. Il indique que sont désormais présents 60 % des employés sur site, contre 100 % auparavant.
Toutefois, si le défendeur verse aux débats un plan d'organisation du télétravail, la preuve du pourcentage de 60 % ne résulte que d'un e-mel interne émanant d'une personne, M. [P], qui écrit depuis une adresse mail « @bnpparibas.com ». Ce document, à lui seul, est insuffisant. Le COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D'ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D'APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS ne peut pas sérieusement remettre en cause la force probante d'une attestation d'expert-comptable, au seul motif que ce cet expert serait payé par la partie adverse, tout en produisant à son bénéfice des attestations de ses propres salariés (qui, eux, soumis à un contrat de travail, ne présentent pas suffisamment de garantie d'indépendance vis à vis de leur employeur). Aucun autre document ne vient corroborer le pourcentage de 60 % de travailleurs sur site. Le COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D'ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D'APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS ne rapporte donc pas suffisamment la preuve de ce qu'une baisse de rentabilité aurait affecté les machines de la société à responsabilité limitée M.2.A.S., du fait de la mise en place du télétravail.
Au surplus, le défendeur fait valoir qu'il existe un aléa dans la rentabilité de la société à responsabilité limitée M.2.A.S., à savoir la faim variable de ses salariés.
Sur ce point, le juge relève que le nombre de 8.258 € de marge hors taxe fourni par l'évaluation du cabinet ARNAUD constitue d'ores-et-déjà une prise en compte de cet aléa : ce nombre est une moyenne de la marge bénéficiaire sur quatre années. Le recours à moyenne mathématique a précisément, pour bénéfice, de lisser les variations circonstancielles des différentes valeurs utilisées pour calculer ladite moyenne.
Dès lors, le défendeur ne rapporte la preuve d'aucun facteur de nature à diminuer l'évaluation de 8.258 € par an au titre de la perte de chance. La perte de chance sera donc évaluée à 100 % de la valeur de la moyenne de la marge annuelle pour la période ayant précédé.
La société à responsabilité limitée M.2.A.S. sollicite une indemnisation sur deux ans et sept mois, ce qui est établi. Il convient donc de lui allouer la somme suivante :
2 x 8.258 + (7 x 8.258 / 12) = 21.333,17 €.
Par suite, le COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D'ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D'APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS sera condamné à verser à la société à responsabilité limitée M.2.A.S. la somme de 21.233,17 € au titre de son préjudice de perte de chance de percevoir une marge bénéficiaire pour la période courant de la rupture du contrat jusqu'au 8 octobre 2023.
Sur le préjudice moral subi par la société à responsabilité limitée M.2.A.S. :
S'il est constant en jurisprudence qu'une personne morale peut prétendre à la réparation d'un préjudice moral (voir par exemple en ce sens C. cass., ch. com., 15 mai 2012, n°11-10.278), il est nécessaire de distinguer selon la nature du préjudice invoqué. En effet, une personne morale est une fiction juridique créée pour qu'un groupe de personnes puisse défendre, en tant que groupe, des intérêts qui lui sont propres. De ce chef, la jurisprudence admet qu'une personne morale puisse avoir une réputation, de sorte que l'atteinte à cette réputation, nécessairement immatérielle, constitue effectivement un préjudice moral indemnisable. En revanche, il est exclu qu'une personne morale, fiction juridique, puisse faire état d'une souffrance émotionnelle, d'une tristesse, d'une vexation, toutes choses propres aux personnes physiques.
Or, la société à responsabilité limitée M.2.A.S. ne sollicite pas l'indemnisation d'une atteinte à sa réputation, mais uniquement de la vexation causée par la brutalité de la rupture. En sa qualité de personne morale, elle ne peut solliciter l'indemnisation d'un tel préjudice. Cette prétention sera rejetée.
Sur la « mauvaise foi contractuelle » :
La société à responsabilité limitée M.2.A.S. sollicite l'indemnisation de 10.000 € au titre de la « mauvaise foi contractuelle » du COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D'ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D'APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS.
S'il a effectivement été établi la faute du défendeur dans la résiliation anticipée du contrat, il convient de rappeler qu'une partie ne peut se borner à invoquer la faute de son cocontractant pour obtenir une indemnisation : elle doit rapporter la preuve de la réalité du préjudice qu'elle invoque.
Or, la société à responsabilité limitée M.2.A.S. se borne ici à déduire de l'existence de la faute du COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D'ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D'APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS, la nécessité de l'indemniser à hauteur de 10.000 €. Ni le principe, ni le quantum de cette demande ne sont justifiés par des preuves.
Par suite, la société à responsabilité limitée M.2.A.S. sera déboutée de cette prétention.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Il y a lieu de condamner le COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D'ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D'APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS, qui succombe aux demandes de la société à responsabilité limitée M.2.A.S., aux entiers dépens.
La condamnation aux dépens sera assortie du droit pour Me Benjamin CARDELLA de l’AARPI BOISNEAULT CARDELLA, avocat de la société à responsabilité limitée M.2.A.S. de recouvrer directement contre le COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D'ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D'APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS ceux des dépens dont il a fait l'avance, sans avoir reçu provision.
Il y a lieu de condamner le COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D'ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D'APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS à verser à la société à responsabilité limitée M.2.A.S. la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur l’exécution provisoire :
L’article 514 du code de procédure civile dispose que « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. »
La présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant publiquement par mise à disposition de la décision au greffe après débats en audience publique, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort :
CONDAMNE le COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D'ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D'APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS à verser à la société à responsabilité limitée M.2.A.S. la somme de vingt-et-un mille deux cent trente-trois euros et dix-sept centimes (21.233,17 €) au titre de son préjudice de perte de chance de percevoir une marge bénéficiaire, pour la période courant de la rupture du contre jusqu'au 8 octobre 2023 ;
DEBOUTE la société à responsabilité limitée M.2.A.S. de sa prétention à la somme de 10.000 € au titre du préjudice moral ;
DEBOUTE la société à responsabilité limitée M.2.A.S. de sa prétention à la somme de 10.000 € au titre de la mauvaise foi contractuelle ;
CONDAMNE le COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D'ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D'APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS aux entiers dépens ;
DIT que la condamnation aux dépens sera assortie du droit pour Me Benjamin CARDELLA de l’AARPI BOISNEAULT CARDELLA, avocat de la société à responsabilité limitée M.2.A.S. de recouvrer directement contre le COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D'ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D'APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS, ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision ;
CONDAMNE le COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D'ENTREPRISES DES GROUPES DE PRODUCTION ET D'APPUI COMMERCIAL BNP PARIBAS à verser à la société à responsabilité limitée M.2.A.S. la somme de trois mille cinq cents euros (3.500 €) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire à titre provisoire ;
REJETTE les prétentions pour le surplus.
Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an susdits.
LA GREFFIERELE PRESIDENT