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23/05/2024 | FRANCE | N°21/00340

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: rd/carsat, 23 mai 2024, 21/00340


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 2]


JUGEMENT N°24/02314 du 23 Mai 2024

Numéro de recours: N° RG 21/00340 - N° Portalis DBW3-W-B7F-YMQD

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [I] [M]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représenté par la SELARL TEISSONNIERE-TOPALOFF-LAFFORGUE-ANDREU, avocats au barreau de MARSEILLE


c/ DEFENDERESSE
Organisme CPR CAISSE DE PREVOYANCE ET DE RETRAITE DU PERSONNEL DE LA [9]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Sylvanna

GUGLIERMINE, avocat au barreau de MARSEILLE



DÉBATS : À l'audience publique du 07 Février 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des dé...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 2]

JUGEMENT N°24/02314 du 23 Mai 2024

Numéro de recours: N° RG 21/00340 - N° Portalis DBW3-W-B7F-YMQD

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [I] [M]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représenté par la SELARL TEISSONNIERE-TOPALOFF-LAFFORGUE-ANDREU, avocats au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
Organisme CPR CAISSE DE PREVOYANCE ET DE RETRAITE DU PERSONNEL DE LA [9]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Sylvanna GUGLIERMINE, avocat au barreau de MARSEILLE

DÉBATS : À l'audience publique du 07 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : DEPARIS Eric, Vice-Président

Assesseurs : KASBARIAN Nicolas
DICHRI Rendi

L’agent du greffe lors des débats : KALIMA Rasmia,

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 23 Mai 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

N° RG 21/00340

EXPOSE DU LITIGE :

M. [I] [M], ex-agent administratif spécialisé à la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel de la [9] (ci-après la CPRP [9]), a présenté un certificat médical initial établi par le Docteur [P] [Z] le 12 avril 2012 faisant état d’une « compression nerf cubital dans la gouttière épitrochléo-olécrânienne ». Une déclaration de maladie professionnelle a été établie le 10 mai 2012.

La demande de M. [I] [M] a été instruite par la CPRP [9], au titre du tableau n°57 des maladies professionnelles relatif aux «Affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail ». A l’issue de l’enquête administrative, la CPRP [9] lui a notifié un refus de reconnaissance du caractère professionnel de sa pathologie, par courrier du 1er octobre 2012.

M. [I] [M] a saisi la commission spéciale des accidents du travail d’une contestation de cette décision. Par courrier du 4 avril 2013, la CPRP [9] lui a notifié que cette commission avait rejeté son recours au motif qu’il n’était pas amené à effectuer dans le cadre de son activité professionnelle les travaux de la liste limitative du tableau n°57.

M. [I] [M], par l’intermédiaire de la [8] (ci-après [8]), a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 29 avril 2013.

Par jugement avant-dire droit du 29 février 2016, ce tribunal a invité la CPRP [9] à saisir le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (ci-après CRRMP) de la région Rhône-Alpes, lequel a rendu un avis défavorable en date du 22 juillet 2016 retenant l’absence de lien direct entre la maladie déclarée par M. [I] [M] et son activité professionnelle.

Après dépôt de cet avis, le tribunal, par jugement avant-dire droit du 6 avril 2018, a ordonné la saisine du CRRMP de la région Midi-Pyrénées afin de recueillir un second avis sur le caractère professionnel de l’affection déclarée par M. [I] [M] en application de l’article R.142-24-2 du code de la sécurité sociale.

Ce comité a également rendu un avis défavorable le 18 septembre 2018.

L’affaire a fait l’objet par voie de mention au dossier d’un dessaisissement au profit du pôle social du tribunal de grande instance de Marseille, devenu tribunal judiciaire au 1er janvier 2020, en vertu de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle.

Par nouveau jugement avant-dire droit du 31 mai 2021, le tribunal a annulé l’avis du CRRMP de la région Midi-Pyrénées au motif qu’il avait été rendu en l’absence de consultation du médecin du travail et a ordonné la saisine du CRRMP de la région Val-De-Loire.
Par ordonnance du 5 avril 2023, le tribunal a désigné, aux lieu et place du CRRMP de la région Val-de-Loire, dont la carence était constatée, le CRRMP de la région Grand-Est.

Le 2 octobre 2023, ce comité a également rendu un avis défavorable.

Les parties ayant été régulièrement convoquées, l’affaire a été appelée à l'audience du 7 février 2024.

En demande, M. [I] [M], reprenant oralement les termes de ses dernières écritures par l’intermédiaire de son conseil, sollicite le tribunal aux fins de :

Dire que la pathologie (compression du nerf cubital de la gouttière épitrochléo-olécrânienne) dont il est atteint a été directement causée par son travail habituel ;Dire que la CPRP [9] doit prendre en charge cette pathologie au titre de la législation professionnelle et régulariser les droits afférents ;Condamner la CPRP [9] à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, M. [I] [M] soutient rapporter la preuve d’une exposition habituelle au risque tout au long de sa carrière professionnelle de sorte que les avis défavorables des deux CRRMP sont infondés et que le caractère professionnel de son affection doit être reconnu.

En défense, la CPRP [9], représentée à l’audience par son conseil, reprend oralement les termes de ses dernières conclusions et demande au tribunal de bien vouloir :

Débouter M. [I] [M] de l’ensemble de ses demandes ;Homologuer l’avis du CRRMP du Grand Est ;Dire et juger que la maladie déclarée par certificat médical du 12 avril 2012 ne peut faire l’objet d’une prise en charge au titre de la législation professionnelle.
Au soutien de ses prétentions, la CPRP [9] fait valoir que les avis des deux CRRMP consultés sont concordants s’agissant de l’absence de lien direct entre la maladie de M. [M] et son activité professionnelle de sorte que sa décision de refus initiale était bien fondée et devra être confirmée.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé plus ample de leurs moyens et prétentions.

L'affaire a été mise en délibéré au 23 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le caractère professionnel de la maladie de M. [M]

Il résulte des dispositions de l'article L.461-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige qu'est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Aux termes de l’alinéa 3, si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Dans ce cas, la caisse reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un CRRMP.

Le tableau du régime général n°57 concerne la prise en charge des affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail.

S’agissant du syndrome de la gouttière épitrochléo-olécrânienne, le tableau prévoit, dans sa rédaction applicable au litige, un délai de prise en charge de 90 jours à la condition que soit démontrée la réalisation de travaux comportant habituellement un appui prolongé sur la face postérieure du coude.

Il est constant que si l’avis d’un CRRMP s’impose toujours à la caisse, il ne saurait s’imposer au juge du fond dans son appréciation souveraine du caractère professionnel de la pathologie en cause.

En l’espèce, dans le cadre de l’enquête administrative diligentée par ses soins, la CPRP [9] a considéré qu’il n’était pas démontré que M. [M] avait réalisé, de manière habituelle, les travaux tels que limitativement énumérés par le tableau n°57 du régime général.

Le CRRMP de la Région Rhône-Alpes, premier CRRMP consulté en l’espèce en application de l’article L.461-1 alinéa 3 du code de la sécurité sociale, a rendu un avis défavorable sur le lien direct pouvant exister entre l’affection litigieuse et l’activité professionnelle de M. [M] au motif que :

« Il a travaillé à la [9] comme agent courrier et au service des archives.

L’étude du dossier ne permet pas de retenir de gestes suffisamment nocifs au niveau du coude gauche, en termes de répétitivité, amplitudes ou résistance. »

Dans le cadre du présent litige, le tribunal a recueilli l’avis du CRRMP de la région Grand-Est qui a également retenu une absence de lien direct entre l’activité professionnelle de M. [M] et sa pathologie au motif que :

« L’intéressé occupe un poste d’archiviste depuis 2007, dans le cadre entre autres de la gestion des dossiers retraite. Cette activité le conduit à gérer des dossiers d’un poids variable à un rythme, a priori, non contraint (sachant qu’aucune information quantitative n’a été fournie à ce titre) ne pouvant expliquer l’apparition de la maladie déclarée. »

M. [M] soutient que si, à la date de sa déclaration de maladie professionnelle, seul l’appui prolongé sur la face interne du coude était reconnu comme posture nocive, le décret n°2012-937 du 1er août 2012 est venu, trois mois plus tard, compléter la liste limitative des travaux du tableau n°57 pour y ajouter, s’agissant du syndrome de la gouttière épitrochléo-olécrânienne, les « travaux comportant habituellement des mouvements répétitifs et/ou des postures maintenues en flexion forcée ».

Il indique qu’au vu des données médicales disponibles au moment de leur consultation, les deux CRRMP n’ont pas mis en œuvre d’analyse sérieuse de son activité professionnelle.

A l’appui de cette affirmation, il verse aux débats un commentaire du décret n°2012-937 rédigé par le Docteur [D] du département Etudes et assistance médicale de l’Institut National de Recherche et de Sécurité et établi « sur la base des rapports présentés à la Commission spécialisée relative aux pathologies professionnelles du Comité d’orientation sur les conditions de travail ».

S’agissant du syndrome canalaire du nerf ulnaire dans la gouttière épitrochléo-olécrânienne, le Docteur [D] écrit :

« Également appelé syndrome du tunnel cubital au coude, il s’agit d’une atteinte neurologique sensitivomotrice beaucoup plus liée au mouvement de flexion-extension qu’à l’appui prolongé sur la face postérieure du coude.

[…]

La survenue de ce syndrome est favorisée par l’étirement du nerf lors de la flexion du coude associée à celle du poignet ou lors de la flexion rapide du coude (dans les mouvements de lancer), par la posture prolongée le coude fléchi, l’appui sur le coude ou une pression externe dans la gouttière épitrochléo-olécrânienne, les vibrations et, très probablement, les facteurs organisationnels et psychosociaux ».

M. [M] fait valoir que tant ses activités de tri de courrier que ses activités d’archivage l’ont exposé de manière habituelle à des mouvements répétés de flexion ainsi que des postures maintenues en flexion forcée et ce, durant toute sa carrière professionnelle soit depuis 1976.

Dans le cadre de sa déclaration de maladie professionnelle, M. [M] a en effet détaillé sa carrière comme suit :

« 1976 à 1991 – Tri courrier avec manipulation de sacs PTT et sacs de service intérieur nécessitant des mouvements de préhension, mouvements des avant-bras vers les bras, empoigne des sacs, les lever, les disposer sur les tables de tri. Lorsque les lettres étaient mises en boîte et coupées pour être triées, notre travail consistait à les dépouiller. Le dépouillement s’effectuait assis devant un grand meuble remplit de casiers dont chacun représentait un bureau de classification. Chaque boîte à trier contenait 500 lettres environ et nous en dépouillions environ 6 boîtes par jour. Des mouvements répétitifs au niveau des poignets, des bras, des coudes étaient sans cesse sollicités. […]

1991 à 1997 – VTE – Manutention de caisses orange remplies de dossiers destinés aux facilités de circulation des retraités [9] […] Mon travail consistait à trier toutes les lettres et à les acheminer de mon bureau vers les FC. J’assumais ce travail de tri à temps plein. Ce travail réparti sur plusieurs mois a nécessité beaucoup de mouvements répétitifs […] Autres travaux assez lourds que nous avons faits dans ce service : lors de la création de la CSG et de la CRDS nous avons trié et mis en archivage des feuilles d’imposition […] La manipulation de cartons pleins de dossiers fatiguait le dos, les bras, les épaules, les poignets et les coudes […] J’étais chargé d’effectuer une dizaine de recherches par semaine et il fallait déplacer les cartons entassés les uns sur les autres dans une salle à proximité de notre bureau à bout de bras pour trouver les bonnes numérotations de cartons de recherche […] chaque carton devait peser entre 35 et 40 kilos sachant que 60 cartons représentaient la totalité du travail CSG et 25 cartons pour la CRDS.
1997 à 2012 – Travaux d’archives - Chargement et déchargement de structures nécessitant des mouvements répétitifs et constants au niveau des poignets, des bras, des coudes […] La mise en rayonnage de ces structures n’était pas pratique […] Deux fois par semaine, l’après-midi j’effectuais ce travail. Manipuler ces structures une fois pleines nécessitait de l’empoigne et une certaine maîtrise de conduite d’où toutes les articulations sur le haut du corps étaient sollicitées. Trois structures étaient nécessaires sauf le vendredi avec la ramasse de la salle C qui s’effectuait que ce jour-là, ce qui ramenait à quatre structures. Sachant qu’une structure pleine pesait environ 130 kilos ;
J’ai quitté les archives maladie avec perte de ma prime pour les archives vieillesse en mars 2007 […] J’ai effectué le travail de classement […] et les derniers mois, ne pouvant plus faire le travail de pilon pour cause de lombalgie chronique, j’ai remis en état les terminaisons 7 et 8 en plus de ma journée de travail, ce qui représente des milliers de dossiers à reclasser […]

Mes responsables […] pourront vous confirmer qu’avant mon départ en retraite, j’ai pu remettre en état ces deux terminaisons, ce qui a nécessité beaucoup de travail occasionnant des mouvements répétés au niveau des bras, des avant-bras, des coudes, des poignets et aussi du dos […] ».

Le tribunal relève que la CPRP [9] ne conteste pas le descriptif de carrière de M. [M] tel que reproduit ci-dessus.
En outre, M. [M] verse aux débats plusieurs attestations détaillées et chiffrées de collègues de travail qui confirment tant l’évolution de carrière de M. [M] que les travaux effectués par ce dernier sur ses différents postes de travail.

M. [F] [B] atteste ainsi :

« Entré et affecté au CPR de la [9] en 1977, j’ai donc bien connu M. [M].
Je peux témoigner l’avoir vu régulièrement collecter le courrier d’archivage de ces bureaux.
Ce travail consistait à « ramasser » des dossiers maladies dans des cartables et des cartons.
M. [M] chargeait de lourdes structures métalliques roulantes, qu’il déplaçait à tous les étages du bâtiment. Ce travail répété plusieurs fois par semaine représentait une importante manipulation.

J’ai été muté ensuite aux archives « vieillesse » en 2000, au [Adresse 6] où étaient situés ces bureaux ainsi que la partie archives « maladie » où travaillait M. [M].

Je peux témoigner encore qu’une grande partie de son activité était là aussi très physique.
En effet, il était chargé d’évacuer d’énormes paquets de dossiers au rebus. Des containers roulants extrêmement lourds étaient chargés puis acheminés et vidés dans un camion benne qui les évacuait. Cette tâche était attribuée aux garçons « forts » de la section car les efforts soutenus sollicitaient toute la partie haute du corps (dos, épaules, poignets et bras).

M. [M] a toujours tenu ce poste à temps complet, en obtenant toutefois quelques aménagements médicaux temporaires. »

M. [X] [S] déclare quant à lui :

« Avant que M. [M] arrive aux archives vieillesse à partir de 2006, celui-ci était affecté aux archives maladie dont il se consacrait dans ce service à des tâches comme sortir des dossiers maladie afin de les adresser aux CPR et les reclasser en rentrée de dossier lorsque ceux-ci revenaient en archivage.
Il s’est toujours occupé du travail du pilon, du recyclage des pochettes ainsi que de la mise en benne des containers. Déchargement des structures dossiers vitale afin de les disposer en rayonnage. Travail consécutif à un archivage journalier.
De mars 2007 à 2012, date de son départ à la retraite, M. [M] est venu nous rejoindre aux archives vieillesse […].

Nous sommes tenus à équilibrer nos terminaisons, l’équilibrage consiste à resserrer tous les dossiers du début de terminaison du fait de nombreux dossiers partent en extinction et ne seront plus reclassés à cet endroit. Nous consacrons environ, voir le temps prévu 1h + 1h30 par jour pour ce travail.

En contrepartie, à partir des années 50 des dossiers « nouveaux retraités » sont à classer en terminaisons et à partir de ce moment, nous devons desserrer les dossiers sur nos étagères pour pouvoir les intégrer.
A noter qu’un dossier vieillesse pèse de 100g à plusieurs kilos, pouvant même peser 8 kilos et plus en ce qui concerne les « gros dossiers » …

Le travail de M. [M] consistait à nous suppléer lorsque l’un de nous était en congé ou en maladie.
Lorsque le personnel était au complet, nous lui mettions de côté tout ce qui concerne les nouveaux dossiers « cotisant », les sous chemises et sous dossiers à classer aux dossiers…
Cela représentait environ 200 entrées par jour, ce qui nécessitait beaucoup de mouvements au niveau des bras, des avant-bras, sur les coudes et les poignets… »

Cette attestation est complétée par un second témoignage qui précise que :

« Une terminaison est constituée environ de 70 meubles comprenant chacun 5 étagères, ce qui constituait une quantité de 30 à 35.000 dossiers environ par terminaison […]. »

Enfin, M. [U] [K] témoigne en ces termes :

« Je certifie sur l’honneur que j’ai connu M. [M] [I], employé [9] service CPR depuis janvier 1976.
J’ai pu le côtoyer au service du courrier bureau à [terme illisible] nécessitant beaucoup de manutention et ce jusqu’à 1986. […]

A partir de 1996 à 2007, il a travaillé sur le site des archives G/SI maladie où je le côtoyais également car son travail consistait à collecter les pochettes d’archivage aux bureaux PR. Ce ramassage se faisait environ 2 fois par semaine avec de gros chariots métalliques d’environ 170 kg nécessitant de gros efforts de manutention.

Personnellement, j’ai pu travailler à partir de 2002 à 2007 car j’étais affecté au même service que M. [M] aux archives (vieillesse et maladie) où nous nous côtoyons dans la même fonction mais différente car son poste aux archives maladie nécessitait plus de manutention et de postures pénibles, consistant à déplacer de lourdes charges (mise au pilon de certains documents périmés environ 10 000 kg tous les 15 jours).

A partir de 2007 date de mon départ, il a dû renoncer à sa prime et accepter un travail moins contraignant au niveau pénibilité qu’au service maladie, c’est donc aux archives vieillesse. Pensant que ses douleurs dues au rythme imposé pourraient s’atténuer avec le temps.
M. [M] verse également aux débats une photographie permettant de visualiser l’environnement de travail tel que décrit par ses collègues et lui-même.

Il résulte également des pièces du demandeur que ce dernier a, sur la fin de sa carrière, était contraint de réduire progressivement son temps de travail ; le médecin du travail lui interdisant, dès 2003, la manutention répétée ainsi que le travail de pilon et mentionnant que le reclassement devait être envisagé.

S’il ressort effectivement de l’étude de poste, réalisée par la médecine du travail dans le cadre de l’enquête d’exposition au risque diligentée par la CPRP, que
M. [M] n’a pas réalisé les travaux limitativement énumérés par le tableau n°57, le tribunal observe que la seule posture recherchée lors de cette étude était celle de l’appui prolongé sur la face postérieure du coude en application des textes alors en vigueur.

Or, il a été vu plus que haut que le pouvoir règlementaire a reconnu, quelques mois après la déclaration de maladie professionnelle du demandeur, le lien direct entre l’accomplissement habituel de mouvements répétés de flexion du coude ainsi que la tenue de postures forcées de flexion et la survenance d’un syndrome canalaire du nerf ulnaire dans la gouttière épitrochléo-olécrânienne.

Il s’évince de la combinaison de l’ensemble de ces éléments que, nonobstant l’absence d’appui prolongé sur la face postérieure du coude au cours de sa carrière professionnelle, la survenance de la pathologie de M. [M] – une épicondylite du coude gauche – est en lien direct avec le travail de ce dernier.

Dans ces conditions, le caractère professionnel de ladite maladie sera reconnu et M. [M] sera renvoyé devant la CPRP [9] afin qu’il soit rempli de ses droits.

Sur les demandes accessoires

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la CPRP [9], qui succombe en ses prétentions, sera condamnée aux entiers dépens de l'instance.

Enfin, en raison de motifs tirés de considérations d’équité, il sera dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant après débats publics par jugement contradictoire et en premier ressort mis à disposition au greffe,

DECLARE recevable et bien fondé le recours de M. [I] [M] ;

DIT que la maladie de M. [I] [M], déclarée le 10 mai 2012 suivant certificat médical initial du 12 avril 2012, est d’origine professionnelle ;

RAPPELLE que la présente décision à vocation à se substituer aux décisions de la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel de la [9] et de la commission spéciale des accidents du travail ;

RENVOIE M. [I] [M] devant la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel de la [9] afin qu’il soit rempli de ses droits ;

DIT n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel de la [9] aux dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024

LA GREFFIERE
LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: rd/carsat
Numéro d'arrêt : 21/00340
Date de la décision : 23/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-23;21.00340 ?
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