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22/05/2024 | FRANCE | N°20/02294

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 22 mai 2024, 20/02294


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 1]


JUGEMENT N°24/02479 du 22 Mai 2024

Numéro de recours: N° RG 20/02294 - N° Portalis DBW3-W-B7E-X4JP

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Madame [J] [E]
née le 29 Juin 1981
[Adresse 12]
[Adresse 12]
[Localité 6]
représentée par Me Antoine DONSIMONI, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDEUR
Maître [M] [B], mandataire liquidateur de la société [13]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par

Me Laura TETTI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Myriam BENDAFI, avocat au barreau de MARSEILLE

Appelée en la cause:
Organism...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 1]

JUGEMENT N°24/02479 du 22 Mai 2024

Numéro de recours: N° RG 20/02294 - N° Portalis DBW3-W-B7E-X4JP

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Madame [J] [E]
née le 29 Juin 1981
[Adresse 12]
[Adresse 12]
[Localité 6]
représentée par Me Antoine DONSIMONI, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDEUR
Maître [M] [B], mandataire liquidateur de la société [13]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Laura TETTI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Myriam BENDAFI, avocat au barreau de MARSEILLE

Appelée en la cause:
Organisme CPAM DU VAR
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 5]
dispensée de comparaître

DÉBATS : À l'audience publique du 13 Mars 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : MEO Hélène, Première Vice-Présidente

Assesseurs : PESCE-CASTELLA Catherine
DICHRI Rendi

L’agent du greffe lors des débats : MULLERI Cindy

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 22 Mai 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [J] [E], salariée de la société [13] en qualité de chargée de communication, a établi une déclaration d'accident du travail qui serait survenu le 24 février 2020 dans les circonstances suivantes : " Malaise avec crise d'angoisse et de panique en réaction à un gros stress crée par un échange violent téléphonique avec le directeur administratif de la structure " ayant entrainé un " état de choc anxio-dépressif ".

La caisse primaire d'assurance maladie (ci-après la CPAM ou la caisse) du Var a pris en charge cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 septembre 2020, Madame [J] [E] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille d'un recours en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Après une phase de mise en état, l'affaire a été appelée à l'audience de plaidoirie du 13 mars 2024.

À cette audience, Madame [J] [E], représentée par son conseil qui soutient oralement ses conclusions, sollicite du tribunal de :
juger que l'accident dont elle a été victime est dû à la faute inexcusable de son employeur ;condamner la société [13] à lui verser la somme de 20.000 € à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel ; ordonner une expertise médicale aux fins d'évaluer l'indemnisation de ses préjudices corporels comportant les chefs de mission tels que précisés dans les conclusions.
À l'appui de ses demandes, Madame [J] [E] reproche à son employeur les griefs suivants, dont elle estime qu'ils sont constitutifs d'une faute inexcusable de son employeur :
ne pas lui avoir maintenu son salaire à 100 % pendant ses arrêts de travail en dépit des dispositions de la convention collective applicable ; d'avoir tenté de modifier unilatéralement son contrat de travail ;avoir refusé de déclarer l'accident du travail ;avoir refusé de reconnaître l'existence d'une inaptitude professionnelle ; ne pas lui avoir payé 47 jours de congés payés non pris au titre de l'année 2020 ; l'avoir harcelé moralement ; ne pas produire au débat le document unique d'évaluation des risques..
Maître [M] [B] pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société [13], représenté à l'audience par son conseil, demande au tribunal de :
À titre principal :
surseoir à statuer dans l'attente de la décision du tribunal judiciaire de Toulon saisi d'une contestation de la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident déclaré par Madame [J] [E];À titre subsidiaire :
débouter Madame [J] [E] de l'ensemble de ses demandes en l'absence de faute inexcusable ; condamner Madame [J] [E] à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; À titre infiniment subsidiaire :
limiter l'expertise ordonnée aux préjudices prévues par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale à l'exclusion du poste de perte de chance de promotion professionnelle ; rejeter ou réduire à de plus justes proportions la demande de provision de Madame [J] [E] ; dire et juger que la CPAM fera l'avance des condamnations ordonnées.
À titre principal, elle soutient que l'existence d'un accident du travail est un préalable à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et qu'en l'espèce, le tribunal de céans doit surseoir à statuer dans l'attente de la décision du tribunal judiciaire de Toulon relative à sa contestation du caractère professionnel de l'accident déclaré par sa salariée.
À titre subsidiaire, elle soutient que les conditions de reconnaissance de sa faute inexcusable ne sont pas réunies.
À titre infiniment subsidiaire, elle rappelle au tribunal les préjudices qui, selon elle, peuvent ou ne peuvent pas être indemnisés en cas de reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur.

La CPAM du Var, dispensée de comparaitre, aux termes de ses écritures, demande au tribunal, en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, de limiter la mission de l'expert à l'évaluation des préjudices prévues aux articles L. 452-1 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale et couvert par le livre IV du code de la sécurité sociale, à l'exclusion des souffrances endurées postérieurement à la consolidation, et de limiter le préjudice d'agrément à la réparation de l'impossibilité ou de la limitation caractérisée pour la victime de pratiquer régulièrement une activité sportive ou de loisirs exercée antérieurement à l'accident, et en tout état de cause ne pas mettre à sa charge les frais occasionnés par la procédure.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé plus ample de leurs prétentions et leurs moyens.

L'affaire a été mise en délibéré au 22 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de sursis à statuer

En application des dispositions de l'article 378 du code de procédure civile, la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine.

L'article 379 du même code ajoute que le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge. À l'expiration du sursis, l'instance est poursuivie à l'initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d'ordonner, s'il y a lieu, un nouveau sursis. Le juge peut, suivant les circonstances, révoquer le sursis ou en abréger le délai.

Il appartient au juge d'apprécier souverainement l'opportunité du sursis à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, notamment au regard du caractère déterminant ou non sur l'issue du litige de l'événement dans l'attente duquel il lui est demandé d'ordonner un tel sursis.

Il est constant qu'en application du principe de l'indépendance des rapports entre la CPAM et l'employeur d'une part, et la CPAM et l'assuré d'autre part, l'employeur n'est pas recevable à soulever l'inopposabilité à son égard de la prise en charge de l'accident du travail pris en charge par la caisse dans le cadre d'une instance ouverte par un salarié en demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

En revanche, l'employeur peut soutenir, en défense à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par la victime, que l'accident n'est pas d'origine professionnelle.

L'inopposabilité à l'employeur de la reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie ou d'un accident ne prive pas le salarié ou ses ayants droit du droit de faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur.

En l'espèce, la société [13] demande au tribunal, à titre principal, de sursoir à statuer dans l'attente de la décision du tribunal judiciaire de Toulon, saisi d'une contestation de la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident du travail déclaré par Madame [J] [E].

Toutefois, force est de constater que, dans le cadre du présent recours en faute inexcusable, la société [13] ne soutient pas l'absence de caractère professionnel de l'accident déclaré par Madame [J] [E].

L'action en inopposabilité de la prise en charge de l'accident de sa salariée au titre de la législation sur les risques professionnels par la CPAM du Var devant le tribunal judiciaire de Toulon, si elle aboutit, n'aura que pour seul effet d'exonérer la société [13] des conséquences financières de l'accident du travail de sa salariée. Ainsi, l'accident ne sera pas pris en compte pour le calcul du taux des cotisations à l'assurance accident du travail/maladies professionnelles, et en cas de reconnaissance de la faute inexcusable, la CPAM du Var ne pourra pas récupérer les sommes avancées à la victime auprès de l'employeur.

Dès lors, conformément au principe de l'indépendance des rapports entre la CPAM et l'employeur d'une part et entre la victime et l'employeur d'autre part, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande de sursis à statuer, le jugement à intervenir n'ayant aucune incidence sur l'action en reconnaissance de la faute inexcusable.

Sur la faute inexcusable

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité ; le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il ressort des dispositions de l'article 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile qu'il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et de prouver les faits nécessaires au succès de ses prétentions.

Il appartient donc au salarié qui souhaite voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de l'accident d'établir que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

La simple exposition au risque ne suffit pas à caractériser la faute inexcusable de l'employeur et aucune faute ne peut être établie lorsque l'employeur a pris toutes les mesures en son pouvoir pour éviter l'apparition de la lésion compte tenu de la conscience du danger qu'il pouvait avoir.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle du salarié. Il suffit qu'elle en soit la cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.

Enfin, la conscience du danger exigée de l'employeur est analysée in abstracto et ne vise pas une connaissance effective de celui-ci. En d'autres termes, il suffit de constater que l'auteur " ne pouvait ignorer " celui-ci ou " ne pouvait pas ne pas [en] avoir conscience " ou encore qu'il aurait dû en avoir conscience. La conscience du danger s'apprécie au moment où pendant la période de l'exposition au risque.

***

En l'espèce, au soutien de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la société [13], Madame [J] [E] lui reproche six manquements à ses obligations en tant qu'employeur dont elle estime qu'ils participent à la dégradation de ses conditions de travail ayant abouti à l'accident du travail du 24 février 2020. Elle soutient également qu'en l'absence de production du document unique d'évaluation des risques et faute d'avoir évalué les risques auxquels ses salariés étaient exposés et d'avoir réagi aux alertes de l'impact sur sa santé psychique de la dégradation de ses conditions de travail, l'employeur avait conscience du danger auquel il l'exposait.

Ces griefs sont :

1)Le non-paiement des indemnités complémentaires de maladie

Madame [J] [E] fait valoir que malgré ses demandes répétées, l'employeur ne lui a pas payé l'intégralité de son salaire pendant ses arrêts de travail alors que la convention collective du sport applicable dans l'entreprise prévoit le maintien du salaire à 100 %, dont elle estime qu'il s'agit d'un premier manquement concourant à la mise en place d'un mode de management harceleur de la part de l'employeur.

2)Sur la tentative de modification unilatérale du contrat de travail

En second lieu, Madame [J] [E] reproche à son employeur d'avoir tenté de modifier unilatéralement son contrat de travail dans la mesure où, lors d'un entretien téléphonique le 24 février 2020 (jour de l'accident du travail), Monsieur [R], directeur administratif et financier, lui aurait dit que dorénavant elle devait travailler au siège de la société [8] situé à [Localité 9], puis que son employeur lui a notifié le 26 mars 2020 un avertissement pour une absence injustifiée du 13 février au 21 février 2020, alors que l'article 6 de son contrat de travail prévoyait que son lieu de travail était " principalement à son domicile compte tenu des facilités de communication et d'une disponibilité quasi permanente ".

3)Le refus par l'employeur de déclarer l'accident du travail du 24 février 2020

En troisième lieu, Madame [J] [E] reproche à son employeur de ne pas avoir établi une déclaration d'accident du travail alors qu'elle l'avait informé de cet accident à plusieurs reprises.

4)Le refus de reconnaître l'existence d'une inaptitude professionnelle

En quatrième lieu, Madame [J] [E] reproche à son employeur de ne pas avoir recherché des possibilités de reclassement suite à l'avis d'inaptitude de la médecine du travail du 1er juin 2021.

5)Le non-paiement de jours de congés payés non pris

En cinquième lieu, Madame [J] [E] reproche à son employeur de ne pas lui avoir payer 47 jours de congés payés non pris au titre des années 2019 et 2020.

6)Le harcèlement moral

Enfin, Madame [J] [E] reproche à son employeur plusieurs agissements entre septembre 2019 et le 24 février 2020 dont elle estime qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral.

Ces agissements sont décrits ainsi :
lui avoir demandé de décrire son poste et de préciser quelles seraient les préconisations à suivre afin d'améliorer la communication lors d'une réunion en présence de Monsieur [O] [A], Madame [G] [L] et Monsieur [Z] [U] en septembre 2019 ; ne pas apparaître sur l'organigramme des salariés de la société en novembre 2019, ni avoir été destinataire d'un courriel de Monsieur [O] [A] le 13 février 2020 sur les nouvelles fonctions du personnel ;d'avoir été écartée de son poste de chargée de communication au profit de Madame [G] [L], matérialisé par une série d'évènements en janvier 2020 ayant précédé l'accident du travail du 24 février 2020.
***

À titre liminaire, il convient de rappeler qu'il n'appartient pas au tribunal de céans de trancher ces griefs sur le fond qui relèvent de la compétence de la juridiction prud'homale.

Il convient également de rappeler que seuls les faits à l'origine de l'accident du travail du 24 février 2020 sont susceptibles d'entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

En l'espèce, la déclaration d'accident du travail établie par Madame [J] [E] mentionne les circonstances suivantes : " Malaise avec crise d'angoisse et de panique en réaction à un gros stress crée par un échange violent téléphonique avec le directeur administratif de la structure ".

Seul ce fait est susceptible d'entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de la société [13].

Dans cette déclaration d'accident du travail, Madame [J] [E] mentionne deux témoins : Madame [Y] [N] et Monsieur [H] [D].

Elle verse aux débats les attestations de ces deux personnes. Ainsi, Monsieur [H] [D], agent courrier à [10], atteste le 6 mars 2020 que " […] C'est à ce moment que j'ai aperçu Madame [J] [E] en discussion au téléphone avec la direction de [8]. Elle me dira plus tard qu'il s'agissait de Monsieur [R], le Directeur financier. Alors en fin de discussion, je l'ai vu s'effondrer en pleurs, se trouvant mal, le teint livide […] ".

Madame [Y] [N], salariée de la société [13] en qualité d'assistante administrative et comptable, atteste le 26 mai 2020, que "[…] En début d'après- midi vers 15 h au terme d'une conversation téléphonique elle fut prise d'un malaise […] elle ne cessait de trembler de pleurer et ne parvenait pas à reprendre une respiration normale, les mains étaient glacées. […] En sanglot, elle nous a livré que son état physique et psychologique étaient fortement mis à l'épreuve depuis la fin de l'année 2019 par [O] [A] et son équipe. Elle nous avoua que la conversation téléphonique était bien avec Mr [R] [P], le Directeur administratif et financier de [8] et aussi de [13], que des propos et des comportement incorrects et vulgaires à son égard l'avait mise en état de choc en la faisant craquer littéralement. […]".

Elle verse également un certificat médical du 24 novembre 2020 du Docteur [S] [I] qui indique qu'elle " présente toujours la même pathologie psychiatrique réactionnelle à l'agression verbale dont elle a été victime de la part du directeur administratif et financier de la société [13]. Elle n'a donc aucun moyen de pouvoir retourner au travail dans ces conditions sachant qu'une procédure prud'hommale est en cours à l'encontre de ses employeurs. Elle est donc inapte définitivement à son poste et à tout autre poste de la société [13] ".

La société [13], pour sa part, verse aux débats trois attestations. Ainsi, Madame [G] [L] atteste le 15 juin 2020 que " Mr [P] [R] et Mr [Z] [U] ont toujours travaillé en bonne entente. A aucun moment Mr [U] n'a évoqué de problèmes personnels concernant Mme [U] avec Mr [R] et n'a pas alerté lors de nos réunions d'un comportement ou des paroles déplacées envers son épouse ".

Monsieur [W] [V] atteste le 15 juin 2020 que " […] Ce 24 février 2020, j'étais dans le bureau d'[P] [R] lorsqu'il a dû contacter Madame [J] [E]. Travaillant sur un sujet annuel important l'échange fut bref et courtois avec Madame [E] afin que nous puissions continuer notre travail en cours ".

Madame [T] [K] atteste que " Adjointe de M. [P] [R] j'ai été amenée à travailler à ses côtés sur le dossier de Mme [E]. Lors de leurs échanges écrits et téléphoniques, M. [R] est toujours resté professionnel et n'a fait preuve d'aucune agressivité à son encontre. Durant la journée du 24 janvier 2020, j'ai à de nombreuses reprises eu l'occasion de discuter des dossiers en cours avec M. [R] et M. [U]. Ce dernier n'a, à aucun moment, fait état de la situation personnelle et professionnelle de son épouse : Mme [E], ni de son arrêt de travail. Les rapports de travail sont restés courtois tout au long de la journée et les jours suivants ".

Il résulte de ces éléments contradictoires que Madame [J] [E] ne rapporte pas la preuve qu'elle a été victime d'une agression verbale de la part de Monsieur [P] [R] lors de leur échange téléphonique du 24 février 2020.

En outre, si l'absence ou l'insuffisance du document unique d'évaluation des risques, sanctionné par une amende de 5ème classe selon les dispositions de l'article R. 4741-1 du code du travail, peut caractériser la faute inexcusable de l'employeur, encore faut-il que le risque se soit matérialisé. Or, en l'espèce, aucun élément ne démontre que Madame [J] [E] a été victime de harcèlement moral ni même d'une dégradation de ses conditions de travail.

En premier lieu, elle ne verse aux débats aucun élément démontrant qu'elle a alerté son employeur de la dégradation de ses conditions de travail avant l'accident du travail du 24 février 2020 alors qu'elle prétend que celle-ci a commencé dès septembre 2019.

En second lieu, il résulte des pièces versées aux débats par les parties que les demandes de la société [13], notamment les échanges de courriels entre Madame [J] [E] et Madame [G] [L], ont toujours été courtois et qu'elles étaient légitimes et justifiées pour des raisons professionnelles sans volonté de harceler la salariée, ni de l'écarter de ses fonctions de chargée de communication. Dans son courrier du 13 février 2020, [O] [A] se contente de présenter aux salariés de la " Team [11] " les différents responsables (financier, déplacement et logistique, communication, sportifs et sponsors) de cette équipe, sans écarter Madame [J] [E].

Concernant la prétendue " tentative de transfert frauduleux " du contrat de travail de Madame [J] [E], s'il est exact que l'article 6 dudit contrat dispose que le lieu de travail est " principalement à son domicile compte tenu des facilités de communication et d'une disponibilité quasi permanente " il dispose toutefois que " Le lieu de travail est situé au Siège sociale de l'entreprise si nécessaire ". Surtout, ce contrat de travail prévoit en son article 10 une clause de mobilité qui dispose que " Compte tenu de la nature de ses fonctions, Mme [E] [J] prend l'engagement d'accepter tout changement de lieu de travail nécessité par l'intérêt du fonctionnement de l'entreprise ". Dès lors, Madame [J] [E] ne saurait valablement affirmer que l'employeur a tenté de modifier unilatéralement son contrat de travail puisque celui-ci prévoyait déjà la possibilité d'un transfert du lieu de travail. De même, cette demande ne relève pas d'un agissement de harcèlement moral.

Enfin, s'il est possible que la société [13] ait commis des manquements à ses obligations en tant qu'employeur dans sa relation contractuelle avec Madame [J] [E], aucun de ces éventuels manquements ne sont susceptibles d'être qualifiés de faute inexcusable et ne relève pas d'une situation de harcèlement moral.

Dès lors, Madame [J] [E] ne verse aux débats aucun élément probant permettant de rapporter la preuve, qui lui incombe, que son employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel elle prétend avoir été exposée, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il convient de la débouter de son recours et de l'ensemble de ses demandes.

Sur les demandes accessoires

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, Madame [J] [E] qui succombe dans ses prétentions sera condamnée aux dépens.

L'équité ne justifie pas de faire droit à la demande de la société [13] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort, et après en avoir délibéré :

REJETTE la demande de la société [13] de sursoir à statuer dans l'attente de la décision du tribunal judiciaire de Toulon afférente à son recours en inopposabilité de la prise en charge par la CPAM du Var de l'accident du travail dont Madame [J] [E] dit avoir été victime le 24 février 2020 ;

DÉBOUTE Madame [J] [E] de l'ensemble de ses demandes;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [J] [E] aux dépens de l'instance ;

DIT que tout appel de la présente décision doit, à peine de forclusion, être formé dans le mois de la réception de sa notification.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 20/02294
Date de la décision : 22/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-22;20.02294 ?
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