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22/05/2024 | FRANCE | N°17/02948

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc : urssaf, 22 mai 2024, 17/02948


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]


JUGEMENT N°24/01820 du 22 Mai 2024

Numéro de recours: N° RG 17/02948 - N° Portalis DBW3-W-B7B-VQTO

AFFAIRE :

DEMANDERESSE

S.A.S. [8]
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Me Géraldine BOEUF, avocat au barreau de LYON

c/ DEFENDERESSE

Organisme URSSAF PACA
[Adresse 9]
[Localité 4]

représenté par madame [G] [W], inspectrice juridique munie d’un pouvoir régulier


D

BATS : À l'audience publique du 19 Mars 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : PASCAL Florent, Vice-Président

Assesseurs ...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]

JUGEMENT N°24/01820 du 22 Mai 2024

Numéro de recours: N° RG 17/02948 - N° Portalis DBW3-W-B7B-VQTO

AFFAIRE :

DEMANDERESSE

S.A.S. [8]
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Me Géraldine BOEUF, avocat au barreau de LYON

c/ DEFENDERESSE

Organisme URSSAF PACA
[Adresse 9]
[Localité 4]

représenté par madame [G] [W], inspectrice juridique munie d’un pouvoir régulier

DÉBATS : À l'audience publique du 19 Mars 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : PASCAL Florent, Vice-Président

Assesseurs : BALY Laurent
GARZETTI Gilles

Greffier : DALAYRAC Didier,

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 22 Mai 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SAS [8] a fait l'objet d'un contrôle sur l'application de la législation de la sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires par des inspecteurs de recouvrement de l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Provence-Alpes-Côte d’Azur (ci-après URSSAF PACA ou la caisse) au titre des années 2013 à 2015, ayant donné lieu à une lettre d’observations du 11 octobre 2016 pour seize chefs de redressement pour un montant total de 335 759 €, puis à une mise en demeure du 16 décembre 2016 d’un montant total de 308 650 €, comprenant 269 082 € en cotisations et 39 568 € en majorations de retard.

Par courrier en date du 18 janvier 2017, la SAS [8] a saisi la commission de recours amiable de l’URSSAF PACA (ci-après CRA) d’une contestation des chefs de redressement n° 1, 2, 3, 8, 9, 10, 15 et 16 de la lettre d’observations.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 avril 2017, la SAS [8] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône d’un recours à l’encontre de la décision implicite de rejet de la CRA de l’URSSAF PACA.

Par décision du 27 juin 2018, notifiée par courrier en date du 18 décembre 2018, la CRA de l’URSSAF PACA a rendu une décision explicite confirmant le maintien de la totalité des chefs de redressement contestés.

Par courrier en date du 15 février 2019, la SAS [8] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille d’un recours contre la décision explicite de rejet de la CRA de l’URSSAF PACA.

L’affaire a fait l’objet d’un dessaisissement au profit du pôle social du tribunal judiciaire de Marseille, en vertu de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle.

L’affaire a été retenue à l’audience du 19 mars 2024.

Par voie de conclusions responsives et récapitulatives n° 3, soutenues oralement par son conseil, la SAS [8] demande au tribunal de :

A titre principal :
-annuler l’ensemble des chefs de redressement contestés ainsi que la décision implicite de rejet et la décision explicite de rejet de la CRA de l’URSSAF PACA ;
En conséquence :
-ordonner le remboursement des sommes qu’elle a versées au titre de ce redressement y compris les majorations de retard ;
A titre subsidiaire :
-annuler les chefs de redressement n° 1, 8, 15 et 16 pour lesquels l’URSSAF PACA a reconstitué en brut l’assiette des cotisations servant de base à l’établissement du redressement et annuler la décision implicite de rejet et la décision explicite de rejet de la CRA de l’URSSAF PACA sur ces quatre chefs de redressement ;
En conséquence :
-ordonner le remboursement des sommes qu’elle a versées au titre de ces quatre chefs de redressement y compris les majorations de retard ;
A titre infiniment subsidiaire, si le tribunal venait à ne pas annuler les chefs de redressement n° 1, 8, 15 et 16 :
-Limiter les redressements envisagés, au titre des chefs de redressement n° 1, 8, 15 et 16, aux sommes telles qu’elle les a calculées compte tenu de l’illicéité du calcul par « rebrutalisation » opéré par l’URSSAF PACA ;
-Confirmer le crédit de cotisations à son profit pour la somme totale de 32 695 €, soit 24 949 € pour l’année 2014 et 7 747 € pour l’année 2015, avec majoration de retard jusqu’à la mise à disposition effective du crédit de cotisations sur la base d’un taux de 0,20 % par mois de retard entre la date du paiement du redressement et la date effective de mise à disposition du crédit de cotisations par l’URSSAF PACA ;
En tout état de cause :
-Ordonner le remboursement par l’URSSAF PACA de la CSG-CRDS qu’elle a indûment versée dans le cadre du chef de redressement n° 1, soit les sommes suivantes :
§ 720 € de CSG-CRDS prélevée sur l’indemnité transactionnelle d’un montant brut de 9000 € versée à Monsieur [H] [O] ;
§ 3446,16 € de CSG-CRDS prélevée sur l’indemnité transactionnelle d’un montant brut de 43 077 € versée à Monsieur [M] [I] ;
§ 3130,43 € prélevée sur l’indemnité transactionnelle d’un montant brut de 39 130,43 € versée à Madame [U] [C] ;
-Ordonner à l’URSSAF PACA le remboursement de la contribution patronale qu’elle a acquittée à tort, dans le cadre du chef de redressement n° 16 pour un montant total de 16 367 € ;
-Condamner l’URSSAF PACA à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L’URSSAF PACA, représentée par une inspectrice juridique habilitée soutenant oralement ses conclusions, sollicite pour sa part du tribunal de :
-débouter la SAS [8] de l’ensemble de ses demandes ;
-confirmer le bien-fondé de la décision de la CRA du 27 juin 2018 et de la mise en demeure subséquente ;
-constater que la SAS [8] a réglé l’ensemble des sommes dues au titre des redressements contestés ;
-constater que les cotisations relatives aux chefs de redressements n° 1, 8, 15 et 16 ont été recalculées sur une base nette et que la SAS [8] dispose d’un crédit d’un montant de 32 695 € en cotisations ;
-s’opposer à toute autre demande.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties déposées à l’audience pour un exposé plus ample de leurs moyens et prétentions.

L’affaire a été mise en délibéré au 22 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le chef de redressement n° 1 : Rupture conventionnelle et transaction – limite d’exonération

Par application de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale, toutes sommes versées et tous avantages en argent ou en nature alloués aux travailleurs salariés en contrepartie ou à l'occasion du travail sont considérés comme rémunérations et entrent dans l'assiette des cotisations. Seules peuvent être exclues de l'assiette sociale, les indemnités présentant le caractère de dommages et intérêts.

Sont prises en compte les indemnités versées à l'occasion de la rupture conventionnelle du contrat de travail, au sens de l'article L.1237-13 du code du travail, à hauteur de la fraction de ces indemnités qui est assujettie à l'impôt sur le revenu en application de l'article 80 duodécies du code général des impôts.

Les articles L.137-15 et L. 137-16 du code de la sécurité sociale, dans leurs différentes versions applicables au litige, disposait que les rémunérations ou gains assujettis à la CSG et exclus de l’assiette des cotisations de sécurité sociale définie au premier alinéa de l’article L.242-1 du code de la sécurité sociales sont soumises au paiement d’un forfait social fixé à 20 %.

Il est de jurisprudence constante qu’afin de déterminer si une indemnité transactionnelle doit être assujettie à cotisations, il convient de distinguer selon qu’elle a pour objet de réparer un préjudice ou non.

Il appartient au juge de rechercher, quelle que soit la qualification retenue par les parties, la véritable intention des parties et si l’indemnité transactionnelle comprend des éléments de rémunérations ou non.

Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve que cette indemnité concourt à l’indemnisation d’un préjudice non soumis à cotisations.

La rupture conventionnelle, qui constitue une rupture amiable consentie entre les parties, est par définition exclusive de tout litige, n’étant pas une rupture forcée du contrat de travail.

La Cour de cassation admet toutefois que l’existence d’un différend antérieur entre les parties n’est pas incompatible avec la rupture conventionnelle. Elle a précisé que les parties ne peuvent conclure une transaction que si, d’une part, celle-ci intervient postérieurement à l'homologation de la rupture conventionnelle par l'autorité administrative et que si, d’autre part, elle a pour objet de régler un différend relatif non pas à la rupture du contrat de travail mais à son exécution sur des éléments non compris dans la convention de rupture. ( Cass. soc., 26 mars 2014, n° 12-21.136 - Cass. soc., 25 mars 2015, n° 13-23.368 ).

La convention définit les conditions de la rupture et notamment la date de cessation du contrat de travail ainsi que le montant de l'indemnité qui sera versée au salarié, laquelle ne peut pas être inférieure à l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement. Elle est soumise à l'homologation du directeur départemental du travail et de l'emploi.

1) Sur la qualification des indemnités transactionnelles

En l’espèce, sur ce chef de redressement la SAS [8], demandeur, soutient que les transactions conclues avec trois salariés visaient à mettre fin à un litige concernant un préjudice moral, porté à sa connaissance après la rupture du contrat de travail, que les salariés estimaient avoir subi du fait d’agissements de l’employeur antérieurs à la rupture de leur contrat de travail et qui, dans le cadre d’une procédure judiciaire devant le conseil de prud’hommes, aurait été indemnisé par des dommages et intérêts intégralement exonérés de cotisations sociales.

A titre subsidiaire, elle reproche à l’URSSAF PACA au titre de ce redressement (ainsi que pour les chefs de redressement n° 8, 15 et 16) d’avoir reconstitué en base brute les sommes versées aux salariés sans explication quant au mode de calcul permettant le passage du net au brut et alors qu’elle estime que cette pratique est censurée par la Cour de cassation.

A titre infiniment subsidiaire, elle demande au tribunal de limiter le montant de ce chef de redressement à la somme de 28 264 €, soit 2 953 € au titre de l’année 2014 et 25 311 € au titre de l’année 2015. 

L’URSSAF PACA de son côté soutient que les salariés ont déjà perçu une indemnité exonérée de cotisations sociales dans le cadre des ruptures conventionnelles et que les indemnités transactionnelles s’ajoutant à celles déjà exonérées doivent être soumises à cotisations.

En l’espèce, la SAS [8] ne rapporte pas la preuve de la date d’homologation des ruptures conventionnelles ni la preuve de la date effective de la rupture du contrat de travail de ses trois salariés. Il ressort toutefois de la lettre d’observation de l’URSSAF PACA du 11 octobre 2016 que « sur la période contrôlée, il a été constaté que des salariés partis dans le cadre de ruptures conventionnelles percevaient postérieurement une indemnité transactionnelle qui se rajoutait à leur indemnité exonérée. », ce qui démontre que l’URSSAF a constaté que l’indemnité transactionnelle a été versée après la rupture conventionnelle.

En outre, il ressort des pièces versées aux débats par la SAS [8] que les transactions sont intervenues postérieurement à l’homologation des ruptures conventionnelles ou à la rupture définitive du contrat de travail. En effet :
-concernant le salarié [H] [O] : il a adressé à son employeur un courrier de griefs daté du 28 novembre 2014 et la transaction a été signée le 15 décembre 2014, alors que la transaction mentionne que la rupture conventionnelle a été signée le 14 octobre 2014 et a été homologuée le 1er décembre 2014 ;
-concernant le salarié [M] [I] : il a adressé à son employeur un courrier de griefs daté du 24 avril 2015 et la transaction a été signée le 22 mai 2015, alors que la transaction mentionne que la rupture définitive du contrat de travail est intervenue le 30 avril 2015 ;
-concernant la salariée [U] [C] : elle a adressé à son employeur un courrier de griefs daté du 22 octobre 2015 et la transaction a été signée le 3 novembre 2015, alors que la transaction mentionne que la rupture définitive du contrat de travail est intervenue le 16 octobre 2015.

D’autre part, dans son courrier daté du 28 novembre 2014, Monsieur [H] [O] reproche à son employeur d’avoir fixé des objectifs commerciaux inatteignables, d’avoir modifié de façon unilatérale son mode de rémunération, une détérioration de ses conditions de travail et des méthodes de management agressives ayant entraîné un burn-out.

Dans son courrier daté du 24 avril 2015, Monsieur [M] [I] reproche à son employeur d’avoir été écarté du recrutement au poste de « divisional controller » pour l’Europe centrale et que du fait de cette future organisation il allait être rétrogradé sur une mission comprenant moins de responsabilités.

Dans son courrier daté du 22 octobre 2015, Madame [U] [C] reproche à son employeur d’avoir été progressivement mise à l’écart par sa direction notamment en étant écartée d’un groupe de travail sur les améliorations à apporter sur le produit SPIT FIX.

Il ressort de ces éléments que la SAS [8] rapporte la preuve que les transactions ont toutes été conclues pour des motifs relatifs à l’exécution du travail et non pas à la rupture du contrat de travail et qu’elles ne comprenaient aucun élément de rémunération, mais seulement l’indemnisation de préjudices moraux potentiels non soumis à cotisations puisque présentant le caractère de dommages et intérêts.

Il y a donc lieu d’annuler ce chef de redressement.

2) Sur la CSG et la CRDS afférente aux indemnités transactionnelles

Il résulte des dispositions de l’article L.243-6 du code de la sécurité sociale, dans ses différentes versions applicables au litige, que la demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle lesdites cotisations ont été acquittées.

La SAS [8] sollicite le remboursement de la CSG-CRDS qu’elle estime avoir indûment payé à l’URSSAF PACA concernant les indemnités transactionnelles versées, soit :
§ 720 € de CSG-CRDS prélevée sur l’indemnité transactionnelle d’un montant brut de 9000 € versée à Monsieur [H] [O] ;
§ 3446,16 € de CSG-CRDS prélevée sur l’indemnité transactionnelle d’un montant brut de 43 077 € versée à Monsieur [M] [I] ;
§ 3130,43 € prélevée sur l’indemnité transactionnelle d’un montant brut de 39 130,43 € versée à Madame [U] [C].

La SAS [8] a demandé à l’URSSAF le remboursement de ces sommes pour la première fois dans son courrier daté du 16 novembre 2016 de contestation du redressement suite à la notification de la lettre d’observations. Elle joint une « preuve de dépôt » de ce courrier en lettre recommandée avec accusé de réception qui ne mentionne toutefois aucune date.

Elle ne rapporte pas la preuve de la date de paiement de ces cotisations. Toutefois, ces transactions ont été signées le 15 décembre 2014 avec Monsieur [H] [O], le 22 mai 2015 avec Monsieur [M] [I], et le 3 novembre 2015 avec Madame [U] [C].

Il résulte de ces éléments que la demande de remboursement de ces cotisations a nécessairement été faite dans le délai de la prescription triennale prévue à l’article L.243-6 du code de la sécurité sociale.

Sur le fond, il a été démontré que les indemnités transactionnelles versées à ces trois salariés avaient un caractère indemnitaire et étaient exonérées de cotisations sociales y compris de CSG-CRDS.

Dès lors, il convient d’ordonner à l’URSSAF PACA de rembourser à la SAS [8] la somme de 7 296,59 € (soit 720 € + 3446,16 € + 3130,43 €).

3) Sur le forfait social

L’URSSAF PACA soutient que la SAS [8] ne s’est pas acquittée du forfait social au taux de 20 % dû sur les indemnités de rupture conventionnelle.

Il ressort des bulletins de paie et des déclarations de cotisations sociales versées aux débats (pièces n° 1-4 et 1-6 de la SAS [8]) que contrairement à ce qu’énonce l’URSSAF PACA, la SAS [8] s’est bien acquittée du forfait social au taux de 20 % dû sur les indemnités de rupture conventionnelle.

Il n’y a pas lieu de statuer sur ce point qui n’a de toute façon fait l’objet d’aucun redressement de cotisations sociales.

Sur le chef de redressement n° 2 : Transaction suite à licenciement pour faute grave : préavis dû

Il appartient au juge, quelle que soit la qualification retenue par les parties, de rechercher si l’indemnité transactionnelle comprend des éléments de rémunérations ou non.

Ainsi, lorsque l’indemnité transactionnelle est globale et forfaitaire, il appartient aux juges du fond, le cas échéant, de distinguer les indemnités soumises à cotisations sociales (indemnité compensatrice de préavis, indemnité compensatrice de congés payés, rappels de salaire…) des indemnités exonérées de cotisations totalement ou dans la limite d’un plafond.

Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve que cette indemnité concourt à l’indemnisation d’un préjudice non soumis à cotisations.

La Cour de cassation considère que, si le salarié a été licencié pour faute grave, l’indemnité transactionnelle comporte nécessairement pour partie une indemnité compensatrice de préavis soumise à cotisations sociales (Cass. 2e civ., 15 juin 2017, n° 16-19.441).

Elle a précisé que le fait que l'employeur confirme dans la transaction que la rupture du contrat était due à une faute grave est insuffisante pour établir le renoncement du salarié au préavis et que si l’employeur ne rapporte pas la preuve que les indemnités litigieuses viennent indemniser le préjudice subi par le salarié, une partie de l’indemnité transactionnelle (celle correspondant au montant de l’indemnité compensatrice du préavis) est réintégrée dans l’assiette de cotisations sociales (Cass. 2e civ., 23 janv. 2020, n° 19-12.225).

Par une série d’arrêts rendu à partir de 2018, la Cour de cassation a toutefois indiqué :
-d’une part, que les indemnités transactionnelles versées à la suite d’un licenciement, qui ne sont pas incluses dans la liste limitative des indemnités de rupture exonérées d’impôt sur le revenu de l’article 80 duodecies du CGI, ne peuvent pas être exonérées de cotisations de sécurité sociale à ce titre ;
-d’autre part, que ces indemnités transactionnelles peuvent, en revanche, en être exonérées dès lors que la preuve de leur nature indemnitaire est rapportée.

***

En l’espèce, le chef de redressement n° 2 porte sur la réintégration dans l’assiette des cotisations du montant d’une indemnité de préavis suite au licenciement pour faute grave de quatre salariés de la SAS [8] suivie d’une transaction.

La SAS [8] soutient que :
-dans la mesure où les salariés ont été licenciés pour faute grave, ils ne pouvaient par définition pas prétendre à une indemnité de préavis, ni à une indemnité compensatrice de préavis ;
-la conclusion d’une transaction postérieurement à un licenciement pour faute grave n’a aucunement pour effet de faire renoncer l’employeur au motif de la faute grave invoqué dans le cadre de la rupture du contrat de travail ;
-l’URSSAF ne peut requalifier le motif de la rupture du contrat de travail sans outrepasser ses compétences dans la mesure où seul le Conseil de prud’hommes est compétent pour se prononcer sur la requalification du motif de la rupture du contrat de travail ;
-l’ensemble des protocoles transactionnels sont clairs, précis et sans ambiguïté sur le fait que les parties ont clairement exprimé l’absence de contestation de l’existence d’une faute grave et la renonciation pour le salarié à toute demande résultant de l’exécution ou de la rupture de son contrat de travail.

L’URSSAF PACA soutient qu’il résulte de l’article L.242-1 du code de la sécurité sociale que sont intégralement soumises à cotisations les indemnités compensatrices de préavis dues en application de l’article L.1234-5 du code du travail lorsque le salarié est dispensé d’exécuter son préavis, peu importe que ces sommes soient versées dans le cadre d’une transaction et qu’il appartient au tribunal d’apprécier le caractère indemnitaire ou non de l’indemnité transactionnelle versée à ces salariés.

En l’espèce, la SAS [8] verse aux débats les protocoles d’accord transactionnel conclus avec les quatre salariés qui mentionnent tous qu’ils ont été licenciés pour faute grave, qu’ils envisageaient de saisir une juridiction afin de contester leur licenciement et faire valoir leurs droits, et qu’ils ont reçu une somme d’argent au titre d’une indemnité transactionnelle globale, définitive et forfaitaire en contrepartie de leur renonciation à toute contestation future concernant l’exécution et la rupture de leur contrat de travail.

En revanche, elle ne verse aucun des éléments relatifs à la preuve de :
-la notification des licenciements des quatre salariés, permettant de vérifier la réalité des motifs invoqués ;
-l'intention effective du salarié d'introduire une instance devant la juridiction prud’homale ou toute autre juridiction, permettant d’apprécier la réalité des griefs invoqués et d’évaluer leurs préjudices éventuels ;
-le versement effectif des indemnités transactionnelles et la date de l’encaissement des chèques remis aux salariés.

Dès lors, il s’ensuit que les seules transactions produites sont insuffisantes à établir ou démontrer que les indemnités forfaitaires et globales versées aux salariés concernés avaient uniquement la nature de dommages et intérêts destinés à réparer un préjudice né des circonstances de l’exécution ou de la rupture du contrat de travail.

Par voie de conséquence, la SAS [8] ne rapportant pas la preuve de sa prétention et ne contestant pas les modalités de calcul des cotisations réclamées par l’URSSAF au titre de ce chef de redressement, il sera dès lors maintenu.

Sur le chef de redressement n° 3 : avantage en nature véhicule : principe et évaluation – hors cas des constructeurs et concessionnaires et le chef de redressement n° 9 : plafond temps partiel : abattement d’assiette plafonnée

A l’appui de sa contestation au titre de ces deux chefs de redressement la SAS [8] se prévaut de l’accord tacite ou implicite de l’URSSAF sur sa pratique en matière d’évaluation de l’avantage en nature véhicule et d’abattement d’assiette plafonnée des salariés en forfait-jours réduit lors d’un précédent contrôle en 2009 qu’elle aurait remis en cause lors du contrôle de 2016. Elle soutient qu’il appartient à l’URSSAF de prouver l’absence de décision implicite en rapportant la preuve, par exemple que les situations en cause ne sont pas identiques ou qu’elle ne s’était pas prononcée précédemment en toute connaissance de cause.

En réponse, l’URSSAF PACA soutient que c’est à l’employeur de rapporter la preuve d’un accord tacite sur la pratique litigieuse, l’identité de situation et sur le fait que l’inspecteur a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause lors du précédent contrôle, ce que la SAS [8] ne fait pas en l’espèce en ne versant que quelques bulletins de paie des années 2006 à 2008 et le décompte annuel de l’évaluation de l’avantage en nature de l’année 2008.

L’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans ses différentes versions applicables au litige, dispose que l’absence d'observations vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l'organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause. Le redressement ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l'objet d'un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement, n'ont pas donné lieu à observations de la part de cet organisme.

Selon une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation, l’employeur doit, pour prouver l’existence d’un accord implicite de l’URSSAF, établir l’existence d’un accord antérieur de l’URSSAF de nature à faire obstacle au caractère rétroactif du redressement. Ainsi, la pratique litigieuse doit avoir été appliquée dans des conditions identiques lors du premier et du second contrôle, la législation applicable ne doit pas avoir été modifiée depuis le précédent contrôle et elle doit avoir été vérifiée par le précédent inspecteur du recouvrement sans observation de sa part. Enfin, le précédent inspecteur doit avoir examiné le point litigieux et reçu toutes les informations nécessaires pour sa vérification.

En l’espèce, la SAS [8] verse aux débats :
-une lettre d’observation datée du 5 novembre 2009 portant sur un contrôle au titre des années 2006 à 2008 et ayant abouti à un redressement afférent à l’application du coefficient de réduction de la loi « Fillon » jusqu’au 30 septembre 2007 ;
-quelques bulletins de paie de trois salariés (Monsieur [S] [A] de janvier 2008, Madame [Z] [K] de septembre 2006, septembre 2007 et septembre 2008, Madame [B] [X] de septembre 2006, septembre 2007 et septembre 2008) ;
-un décompte du calcul des avantages en nature au titre de l’année 2008.

Or, d’une part, rien n’indique que lors du précédent contrôle en 2009, l’URSSAF ait procédé à la vérification des modalités d’évaluation des avantages en nature ni de l’abattement d’assiette plafonnée des salariés en forfait-jours réduit. D’autre part, la SAS [8] ne rapporte pas la preuve que la législation applicable n’a pas été modifiée depuis le précédent contrôle ; et enfin, les éléments versés aux débats sont insuffisants à établir l’existence d’un accord antérieur implicite de l’URSSAF de nature à faire obstacle au caractère rétroactif des redressements opérés en 2016 au titre de ces deux chefs de redressement.

Dès lors, la SAS [8] étant défaillante dans l’administration de la preuve d’un accord tacite de l’URSSAF PACA et les chefs de redressement n’étant pas contestés par un autre moyen, sa demande d’annulation du redressement relatif à ces deux chefs de redressement sera rejetée.

Sur le chef de redressement n° 8 : Frais professionnels non justifiés – indemnités kilométriques de Monsieur [J]

A l’appui de sa contestation au titre de ce chef de redressement la SAS [8] soutient que Monsieur [J] en sa qualité d’agent technico-commercial s’est trouvé contraint d’utiliser son véhicule personnel d’une puissance fiscale de 7 CV pour ses déplacements professionnels sur les départements 14, 22, 27, 28, 29, 35, 44, 49,50, 53, 56, 61, 72, 76, 85, et qu’il a adressé à la société un décompte des kilomètres effectués chaque mois avec son véhicule personnel dans le cadre de son activité professionnelle et que dans la mesure où elle a appliqué un barème d’indemnités kilométriques inférieur à celui fixé par l’administration fiscale au titre des années 2013 à 2015 ces indemnités sont réputées utilisée conformément à leur objet.

De son côté, l’URSSAF PACA soutient que la SAS [8] ne rapporte pas la preuve que Monsieur [J] utilisait son véhicule personnel pour effectuer ses déplacements professionnels et que dans la mesure où aucun état détaillé indiquant les dates, lieux et motifs de déplacement par journée d’activité, ni aucune carte grise n’ayant été présenté, il n’était pas possible d’établir que les indemnités kilométriques alloués l’ont été conformément à leur objet.

Selon l'article 4 de l’arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, lorsque le travailleur salarié ou assimilé est contraint d'utiliser son véhicule personnel à des fins professionnelles, l'indemnité forfaitaire kilométrique est réputée utilisée conformément à son objet dans les limites fixées par les barèmes kilométriques annuellement publiés par l'administration fiscale.

Dès lors que cette situation de fait a été démontrée, cette déduction reste conditionnée selon les dispositions de la circulaire ministérielle DSS/SDFSS/5 B n° 2003-07 du 7 janvier 2003 à la production par l’employeur des justificatifs suivants :
-le moyen de transport utilisé,
-la distance effectuée,
-la puissance fiscale du véhicule,
-le nombre de trajets indemnisés.

La fourniture de ses justificatifs répond à l’obligation qui incombe à l’employeur de rapporter la preuve de l’existence et de la réalité des frais professionnels, celles-ci ne pouvant résulter de la seule invocation d’un usage ou de considérations générales sur la nature des fonctions exercées par les bénéficiaires, afin d’établir que les conditions prévues pour bénéficier d’une exonération des cotisations sont remplies.

En vertu des règles de preuve applicables aux vérifications de l’URSSAF, il est rappelé que les constatations des agents chargés du contrôle, agréés et assermentés, font foi jusqu’à preuve contraire, et que les employeurs sont tenus de présenter tout document et de permettre l’accès à tous supports d’information qui leur sont demandés par ces agents comme nécessaires à l’exercice du contrôle.

Ainsi, l’absence de production des pièces justificatives nécessaires à la vérification de l’application des règles de déduction des frais professionnels à l’occasion des opérations de contrôle, et avant la fin de la période contradictoire, prive l’employeur contrôlé de la possibilité d’apporter ultérieurement des éléments contraires aux constatations de l’inspecteur.

En l’espèce, il ressort de la lettre d’observation du 11 octobre 2016, que les inspecteurs du recouvrement de l’URSSAF ont retenu que « lors du contrôle, la société n’a pas été en mesure de fournir un état d’activité détaillé indiquant les dates, lieux et motifs de déplacement par journée d’activité pour lesquels Monsieur [J] a été indemnisé. Il convient également de préciser qu’aucune carte grise n’a été présentée et que la société ne démontre pas que Monsieur [J] utilisait son véhicule personnel pour effectuer ses déplacements professionnels. »

A l’occasion du présent recours, la SAS [8] verse aux débats :
-le contrat de travail de Monsieur [J] avec la société [6] signée le 8 février 1993 dont elle indique qu’elle l’a repris lors du transfert de son contrat de travail, et qui comporte une annexe VII relative au remboursement des frais d’automobile,
-un certificat d’immatriculation du véhicule personnel de Monsieur [J] un Nissan Qashqai immatriculé le 26 février 2015,
-des exemples de décomptes des indemnités kilométriques et du barème appliqué par la société pour les mois de juillet et novembre 2014, octobre et décembre 2015.

Or, ces documents sont insuffisants à rapporter la preuve qui incombe à la SAS [8] de l’existence et de la réalité des frais professionnels ainsi que de l’utilisation conforme à leur objet du véhicule personnel de Monsieur [J] au titre de ses déplacements professionnels.

En effet, d’une part, la SAS [8] n’est pas en mesure de rapporter la preuve de l’usage de son véhicule personnel par Monsieur [J] avant le 26 février 2015 et, d’autre part, le certificat d’immatriculation ne mentionne pas la puissance fiscale du véhicule personnel de Monsieur [J].

En outre, les décomptes versés aux débats ne portent que sur les mois de juillet et novembre 2014, octobre et décembre 2015 alors que le redressement opéré portait sur les années 2014 et 2015, et ils se contentent d’indiquer le nombre de kilomètres global parcourus chaque mois et le barème d’indemnités kilométriques retenu. Or, la SAS [8] aurait dû verser aux débats, et dès le contrôle, des décomptes beaucoup plus précis mentionnant le nombre de trajets indemnisés ainsi que les dates, lieux et motifs de déplacement par journée d’activité et sur l’ensemble de la période contrôlée.

En l’absence d’éléments probants suffisants de la part de la SAS [8], sa demande d’annulation du redressement relatif à ce chef de redressement sera rejetée.

Sur le chef de redressement n° 10 : Comité d’entreprise : règles de droit commun et dérogations

A l’appui de sa contestation de ce chef de redressement, la SAS [8] soutient que les bons cadeaux permettant aux salariés de bénéficier de réductions tarifaires dans des établissements proposant des prestations de bien-être relèvent de la catégorie des activités sociales et culturelles dans la mesure où leur distribution ne résulte d’aucune obligation légale, qu’ils contribuent à l’amélioration des conditions de vie du personnel et profitent à l’ensemble des salariés et leurs familles.

L’URSSAF PACA considère pour sa part que les bons d’achat versés par le comité d’entreprise permettant aux salariés de bénéficier de soins esthétiques (massages, soins, produits de beauté, etc …) ne constituent pas une activité sociale au sens de l’article R.2323-20 du code du travail et doivent être soumis à cotisations conformément aux dispositions de l’alinéa 1 de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale sans pouvoir bénéficier de la tolérance administrative sur l’exonération de cotisations lorsque des bons d’achat ou cadeaux attribués à un salarié ne dépassent pas le seuil de 5 % du plafond mensuel de la sécurité sociale.

L’article R.2323-20 du code du travail tel qu’en vigueur au moment du litige dispose que :
« Les activités sociales et culturelles établies dans l'entreprise au bénéfice des salariés ou anciens salariés de l'entreprise et de leur famille comprennent :
1° Des institutions sociales de prévoyance et d'entraide, telles que les institutions de retraites et les sociétés de secours mutuels ;
2° Les activités sociales et culturelles tendant à l'amélioration des conditions de bien-être, telles que les cantines, les coopératives de consommation, les logements, les jardins familiaux, les crèches, les colonies de vacances ;
3° Les activités sociales et culturelles ayant pour objet l'utilisation des loisirs et l'organisation sportive ;
4° Les institutions d'ordre professionnel ou éducatif attachées à l'entreprise ou dépendant d'elle, telles que les centres d'apprentissage et de formation professionnelle, les bibliothèques, les cercles d'études, les cours de culture générale ;
5° Les services sociaux chargés :
a) De veiller au bien-être du salarié dans l'entreprise, de faciliter son adaptation à son travail et de collaborer avec le service de santé au travail de l'entreprise ;
b) De coordonner et de promouvoir les réalisations sociales décidées par le comité d'entreprise et par l'employeur ;
6° Le service de santé au travail institué dans l'entreprise. »

Cette liste n’est pas exhaustive. Dans un arrêt de 1975, la chambre sociale de la Cour de cassation a décidé que devait être considérée comme œuvre sociale (dénomination retenue à l'époque) “toute activité non obligatoire légalement, quels que soient sa dénomination, la date de sa création et son mode de financement, exercée principalement au bénéfice du personnel de l'entreprise, sans discrimination, en vue d'améliorer les conditions collectives d'emploi, de travail et de vie du personnel au sein de l'entreprise” (Cass. soc., 13 nov. 1975  : JurisData n° 1975-000533  ; Bull. civ. 1975, V, n° 533).

Par lettre circulaire n° 2010-011 du 21 janvier 2010, l’ACOSS a établi une présomption de non-assujettissement aux cotisations sociales de l'ensemble des bons d’achat et des cadeaux en nature octroyés par les comités d’entreprise à chaque salarié par année civile, dès lors que leur montant n’excède pas 5 % du plafond mensuel de la sécurité sociale.

En cas de dépassement de ce seuil, l'attribution de bons d’achat et de cadeaux peut être exonérée de cotisations et de contributions sociales si trois conditions sont réunies simultanément :
1° une allocation du bon d'achat à l'occasion en rapport avec un événement précis : naissance, mariage ou adoption, retraite, fête des mères et des pères, Sainte Catherine et Saint Nicolas, Noël, rentrée scolaire ;
2° avoir une utilisation déterminée ;
3° être d’un montant conforme aux usages, soit 5 % du plafond mensuel de sécurité sociale par événement et par année civile.

En l’espèce, les bons d’achat à valoir dans des centres de soins peuvent constituer une activité rentrant dans la catégorie des œuvres sociales et culturelles d’un comité d’entreprise.

En revanche, la SAS [8] ne rapporte pas la preuve que les bons d’achats alloués par le comité d’entreprise aux salariés étaient d’un montant n’excédant pas 5 % du plafond mensuel de sécurité sociale par salarié et année civile, soit 154,30 € pour l’année 2013 (5 % de 3086 €), 156,45 € pour l’année 2014 (5 % de 3129 €) et 158,50 € pour l’année 2015 (soit 5 % de 3 170 €), de sorte qu’elle ne saurait se prévaloir de la tolérance administrative.

Elle ne rapporte également pas la preuve que ces bons d’achat se rapportent à un des événements précis pour une utilisation en lien avec cet événement et dans la limite conforme aux usages.

Dès lors, il convient de débouter la SAS [8] de sa demande d’annulation de ce chef de redressement.

Sur le chef de redressement n° 15 – actionnariat : attributions d’actions gratuites – conditions d’exonération

La SAS [8] soutient que le plan d’attribution d’actions 2011 de sa société mère de droit américain [7]. et son « sous - plan 2011 » prévoyant des règles dérogatoires au « plan 2011 » pour les bénéficiaires en France est conforme à la législation française en vigueur notamment de l’article L.242-1 alinéa 11 du code de la sécurité sociale et aux dispositions du code de commerce puisque les actions ne peuvent être reçues avant deux ans, que l’article III.2 du « sous plan 2011 » prévoit que des ajustements aux termes et conditions du « plan 2011 » sont possibles en observant les règles fiscales et sociales applicables en France, et qu’aucun ajustement aux termes et conditions du « plan 2011 » n’a été réalisé.

En réponse, l’URSSAF PACA soutient que les mesures prévues par le « sous plan 2011 » ne sont pas en conformité avec le droit français dans la mesure où son paragraphe III.2 prévoit que « le comité pourra à son entière discrétion apporter des ajustements dans le cas d’opérations pour lesquelles le droit français n’autorise pas d’ajustement … », peu importe que la société n’ait effectué aucun ajustement.

Conformément aux dispositions de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l’espèce, il est regrettable que la SAS [8] ne verse aux débats ni le « plan 2011 », ni le « sous – plan 2011 » (quand bien même ils seraient rédigés en anglais), ce qui aurait permis au tribunal de vérifier leurs dispositions.

En l’absence de production de ces éléments, il convient de considérer que la SAS [8] ne rapporte pas la preuve que son plan de distribution d’actions gratuites est conforme aux dispositions légales et réglementaires du droit français.

En outre, il ressort du chef de redressement n° 16 intitulé « non fourniture de documents : fixation forfaitaire de l’assiette – actions gratuites acquises en 2013 » que lors du contrôle la SAS [8] n’a pas fourni à l’URSSAF l’ensemble des règlements des plans ainsi que les avenants relatifs aux attributions d’actions gratuites attribuées en 2010, 2011, 2013 et 2014 dans une version traduite en langue française, ni les décisions émanant de l’organe habilité à autoriser les plans d’attributions dans une version traduite en langue française.

En conséquence, la SAS [8] sera déboutée de sa demande d’annulation ce chef de redressement.

Chef de redressement n° 16 – Non fourniture de documents : fixation forfaitaire de l’assiette – actions gratuites acquises en 2013

Il ressort de la lettre d’observations du 11 octobre 2016 que l’URSSAF a réintégré dans l’assiette des cotisations des actions attribuées en 2010 et acquises en 2013 (page 50/55) ou en 2014 (page 49/55) pour un montant de 210 038 € que l’URSSAF a considéré comme nette et a donc reconstitué une base de cotisation brute de 261 677 €. Au titre de ce chef de redressement l’URSSAF a réclamé à la SAS [8] la somme de 83 407 € en cotisations.

La SAS [8] sollicite que soit déduite de cette somme de 83 407 €, la contribution patronale afférente à l’attribution gratuite d’actions effectuée en 2010 qu’elle estime avoir acquittée à tort pour un montant de 16 367 € dans la mesure où elle a considéré, de bonne foi, que les conditions du plan étaient conformes aux dispositions du code du commerce.

En réponse, l’URSSAF PACA soutient que les cotisations ayant été acquittées en 2010, la demande de remboursement est prescrite.

Il résulte des dispositions de l’article L.243-6 du code de la sécurité sociale que la demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle lesdites cotisations ont été acquittées.

L’alinéa 2 de ce même article dispose que lorsque l'obligation de remboursement desdites cotisations naît d'une décision juridictionnelle qui révèle la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure, la demande de remboursement ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue.

En l’espèce, la décision révélant la non-conformité est la lettre d’observations du 11 octobre 2016. La SAS [8] pourrait donc prétendre au remboursement des sommes versées à tort de 2013 à 2015.

Dans ses écritures, la SAS [8] indique que ces contributions patronales ont été payées à tort en 2010.

Dès lors, il convient de déclarer irrecevable la demande de remboursement de la SAS [8] à ce titre, cette contribution patronale étant prescrite.

Sur l’assiette des chefs de redressement n° 1, 8, 15 et 16 et le crédit de cotisations y afférent

Il résulte de plusieurs arrêts de la Cour de cassation du 18 février 2021 (n°20-14.262 et n°20-14.263) qu’en cas de réintégration d’une indemnité transactionnelle et de frais professionnels dans l’assiette des cotisations sociales à l’occasion d’un redressement, et si la société n'avait pas procédé au précompte de la part des cotisations et contributions due par les salariés, il n’y a pas lieu de reconstituer une assiette de rémunération brute mais de réintégrer directement le montant de l’indemnité transactionnelle litigieuse et des frais professionnels litigieux qui sont soumis à cotisations et réintégrés dans l’assiette.

En l’espèce, à titre subsidiaire, la SAS [8] demande au tribunal d’annuler les chefs de redressement n° 1, 8, 15 et 16 ou, tout au moins, de limiter les redressements envisagés au titre de ces quatre chefs de redressement aux sommes qu’elle a recalculées elle-même et d’ordonner en conséquence à l’URSSAF de lui rembourser la somme de 32 965 €, soit 24 949 € au titre de l’année 2014 et 7 747 € au titre de l’année 2015. Elle sollicite que le remboursement de ces cotisations soit assorti d’intérêts de retard au taux de 0,2 % par mois de retard depuis le paiement de la somme jusqu’à la date de mise à disposition du crédit de cotisations.

Dans ses écritures, l’URSSAF PACA indique que conformément aux demandes de la société, les sommes ont fait l’objet d’un recalcul, et que la SAS [8] dispose d’un crédit de cotisations d’un montant de 32 695 € puisque les redressements ont été ramenés à :
-Chef de redressement n° 1 :
Année 2014 : 2953 €
Année 2015 : 25311 €

-Chef de redressement n° 8
Année 2014 : 1317 €
Année 2015 : 5 729 €

-Chef de redressement n° 15
Année 2014 : 39 890 €

-Chef de redressement n° 16
Année 2013 : 68 438 €

Le chef de redressement n° 1 est annulé par le tribunal de céans. Les chefs de redressement n° 8, 15 et 16 sont confirmés dans leur principe.

Le tribunal prend acte que les parties s’accordent sur le fait que la SAS [8] dispose d’un crédit de cotisations d’un montant de 32 695 €.

S’agissant d’un crédit de cotisations, il n’y a pas lieu de l’assortir d’intérêts de retard.

Sur les demandes accessoires

L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la SAS [8].

Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, les dépens de l’instance seront supportés par la SAS [8].

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort,

Déclare recevable en la forme le recours de la SAS [8] à l’encontre de la mise en demeure du 16 décembre 2016 de l’URSSAF PACA consécutive au redressement opéré pour les années 2013 à 2015 ;

Déclare irrecevable la demande de remboursement de la SAS [8] au titre de la contribution patronale afférente à l’attribution gratuite d’actions effectuée en 2010 ;

Annule le chef de redressement n°1 de la lettre d’observations du 11 octobre 2016 relatif aux « Rupture conventionnelle et transaction – limite d’exonération » ;

Ordonne à l’URSSAF PACA de rembourser à la SAS [8] la somme de 7 296,59€ payée à tort par la SAS [8] au titre de la CSG et de la CRDS afférente aux indemnités transactionnelles objet du litige relatif au chef de redressement n° 1 ;

Déboute la SAS [8] de sa demande d’annulation des chefs de redressement n° 2, 3, 8, 9, 10, 15 et 16 ;

Constate néanmoins que la SAS [8] dispose d’un crédit de cotisations d’un montant de 32 695 €, soit 24 949 € au titre de l’année 2014 et 7 747 € au titre de l’année 2015, afférent au recalcul par les parties des assiettes de cotisations afférentes aux chefs de redressement n° 1, 8, 15 et 16 ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Laisse les dépens de l’instance à la charge de la SAS [8] ;

Rappelle que tout appel de la présente décision doit être formé, à peine de forclusion, dans le délai d’un mois à compter de sa notification.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 22 mai 2024

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc : urssaf
Numéro d'arrêt : 17/02948
Date de la décision : 22/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-22;17.02948 ?
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