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16/05/2024 | FRANCE | N°21/11389

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 3ème chbre cab a2, 16 mai 2024, 21/11389


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

JUGEMENT N° 2024/
du 16 Mai 2024


Enrôlement : N° RG 21/11389 - N° Portalis DBW3-W-B7F-ZQI2


AFFAIRE :S.A.S. ICADE PROMOTION ( la SELARL DE LA GRANGE ET FITOUSSI AVOCATS)
C/S.A.R.L. NOUVELLE VIGNA P.A.C.A (la SELARL CABINET FOURMEAUX-LAMBERT ASSOCIES)




DÉBATS : A l'audience Publique du 15 Février 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats

Président : Madame Marion POTIER, Vice Présidente

Greffier : Madame Michelle SARTORI, G

reffier


A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 16 Mai 2024


PRONONCE : Par mise à disposition au greffe le 16...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

JUGEMENT N° 2024/
du 16 Mai 2024

Enrôlement : N° RG 21/11389 - N° Portalis DBW3-W-B7F-ZQI2

AFFAIRE :S.A.S. ICADE PROMOTION ( la SELARL DE LA GRANGE ET FITOUSSI AVOCATS)
C/S.A.R.L. NOUVELLE VIGNA P.A.C.A (la SELARL CABINET FOURMEAUX-LAMBERT ASSOCIES)

DÉBATS : A l'audience Publique du 15 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats

Président : Madame Marion POTIER, Vice Présidente

Greffier : Madame Michelle SARTORI, Greffier

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 16 Mai 2024

PRONONCE : Par mise à disposition au greffe le 16 Mai 2024

Par Madame Marion POTIER, Vice Présidente

Assistée de Madame Michelle SARTORI, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

La S.A.S. ICADE PROMOTION, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 784 606 576, dont le siège social est sis[Adresse 9]s - [Localité 8], prise en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Maître Patrick DE LA GRANGE de la SELARL DE LA GRANGE ET FITOUSSI AVOCATS, avocats au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDERESSES

La société NOUVELLE VIGNA PACA, immatriculée au RCS de FREJUS sous le n° 440 264 521, dont le siège social est sis[Adresse 4]a, [Localité 7], prise en la personne de son représentant légal en exercice

La SELARL [S] ET ASSOCIES, ès-qualités d’administrateur judicaire de la SARL NOUVELLE VIGNA P.A.C.A., dont le siège social est sis [Adresse 2] - [Localité 1]

La S.C.P. [T] ès-qualités de mandataire judiciaire de la société NOUVELLE VIGNA PACA, dont le siège social est sis[Adresse 11]s - [Localité 6]

toutes trois représentées par Maître Aurélien LEROUX, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat postulant, et Maître Benoît LAMBERT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, avocat plaidant

* * * * *

EXPOSE DU LITIGE

La SAS ICADE PROMOTION a réalisé, en qualité de maitre d’ouvrage, une opération de construction immobilière dénommée « Esprit 9ème », située au [Adresse 5] – [Localité 3].

Elle a confié à la SARL NOUVELLE VIGNA PACA le lot « Gros Œuvre » de cette opération selon devis établi le 27 juin 2018, pour un montant de 1.950.000 euros HT.

La maîtrise d’œuvre d’exécution a été confiée à la société SIGMA INGENIERIE.

En cours de chantier, la société ICADE PROMOTION s’est plainte de difficultés liées notamment à des retards dans l’exécution des travaux confiés à la société NOUVELLE VIGNA PACA.

Le 20 janvier 2020, la société NOUVELLE VIGNA PACA a été placée en redressement judiciaire.

Maître [U] [S] a été désigné en qualité d’administrateur judiciaire et Maître [R] [T] en qualité de mandataire judiciaire.

La société ICADE PROMOTION a déclaré entre les mains du mandataire judiciaire une créance à hauteur de 91.000 euros au titre de pénalités provisionnelles, puis, suivant courrier en date du 29 juin 2020, a notifié à la société NOUVELLE VIGNA PACA la résiliation du marché à ses torts exclusifs, en raison du retard et de divers manquements.

La déclaration de créance de la société ICADE PROMOTION a été contestée par la société NOUVELLE VIGNA PACA, conduisant à la saisine du juge-commissaire près le tribunal de commerce de Fréjus.

Suivant ordonnance en date du 24 novembre 2021, le juge-commissaire a constaté son défaut de pouvoir juridictionnel et a invité la société ICADE PROMOTION à saisir la juridiction compétente dans le délai d’un mois à compter de la notification de l’ordonnance.

Suivant assignation en date du 20 décembre 2021, la société ICADE PROMOTION a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Marseille la société NOUVELLE VIGNA PACA, ainsi que la S.C.P [T] représentée par Maître [R] [T] et la SELARL [U] [S] représentée par Maître [U] [S], aux fins de voir fixée et inscrite au passif sa créance à hauteur de 91.000 euros au titre de pénalités provisionnelles.

La procédure a été enrôlée sous le numéro RG 21/11389.

Aux termes de ses dernières conclusions régulièrement notifiées au RPVA le 4 octobre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société ICADE PROMOTION demande au tribunal, au visa des articles 1217, 1231 et suivants du Code civil, de l’article B 3.2.9.2.1 du CCAP établi le 28 mai 2018 et mis à jour le 28 juin 2018, et de la déclaration de créance du 18 mars 2020, de :

Constatant que la prestation de la société NOUVELLE VIGNA PACA a été lourdement défaillante,
Constatant la résiliation du marché intervenue le 29 juin 2021,
Constatant que le montant total des pénalités exigibles s’élève à 281 000 €,

En conséquence
- FIXER la créance de la société ICADE PROMOTION à la somme de 91 000€ au titre de pénalités provisionnelles.
- ORDONNER que la créance de la société ICADE PROMOTION soit inscrite au passif de la société Nouvelle VIGNA PACA.
- DEBOUTER la société NOUVELLE VIGNA PACA de ses demandes reconventionnelles
- CONDAMNER la société NOUVELLE VIGNA P.A.C.A à verser à la société ICADE PROMOTION la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL GF Avocats, par Me Patrick de la Grange, conformément aux dispositions de l’article 699 du CODE DE PROCEDURE CIVILE.

Aux termes de leurs dernières conclusions régulièrement notifiées au RPVA le 15 novembre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société NOUVELLE VIGNA PACA, la SCP [T] représentée par Maître [R] [T] prise en sa qualité de mandataire judiciaire de la société NOUVELLE VIGNA PACA, ainsi que la SELARL [U] [S] représentée par Maître [U] [S] pris en sa qualité d’administrateur judiciaire de la société NOUVELLE VIGNA PACA, demandent au tribunal, au visa des articles 1348, 1353, 1217 et 1231 du Code Civil, de :

- DEBOUTER la Société ICADE PROMOTION de l’ensemble de ses demandes de fixation au passif de la Société NOUVELLE VIGNA PACA, la réalité des retards n’étant pas prouvée, la crise sanitaire ayant affecté les délais d’exécution et le maître d’ouvrage ayant en tout état de cause renoncé à l’application des pénalités dans le cadre du certificat de paiement du 09 octobre 2019 alors que le prétendu justificatif de la maîtrise d’œuvre versés aux débats concerne des périodes antérieures.

A titre reconventionnel,
- CONDAMNER la Société ICADE PROMOTION à payer à la Société NOUVELLE VIGNA PACA le montant du décompte général définitif qui lui a été notifié le 16 février 2021 à hauteur de 120.293,32 € outre le montant du compte prorata au réel soit 73.101,10 € et les factures de nettoyage de chantier inhérentes à la problématique de la crise sanitaire soit la somme de 13.444,66 € TTC.

A titre subsidiaire,
- PRONONCER la compensation judiciaire entre le montant de la fixation au passif et les sommes dues à la Société NOUVELLE VIGNA PACA étant observé que le coût allégué de l’intervention en substitution de la Société OVATIS, non déclaré au passif, ne pourra pas faire l’objet d’une compensation.

En tout état de cause,
- CONDAMNER la Société ICADE PROMOTION à payer à la Société NOUVELLE VIGNA PACA la somme de 5.000,00 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’en tous les dépens.
- DIRE n’y avoir lieu à exécution provisoire de droit au titre de la fixation au passif, ce en l’état de l’existence d’un plan de continuation au bénéfice de la Société VIGNA PACA dont l’exécution pourrait être remise en cause par l’exigibilité immédiate des dividendes versés antérieurement à la décision à intervenir.

La clôture de la procédure a été prononcée le 18 janvier 2024.

L’affaire a été plaidée à l’audience du 15 février 2024.

La décision a été mise en délibéré au 16 mai 2024.

***
MOTIFS

Sur la créance de la société ICADE PROMOTION

En vertu des articles 1103 et 1104 du Code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

A cet égard, l’article 1217 du Code Civil dispose que la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut, notamment, provoquer la résolution du contrat et demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Aux termes de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur d’une obligation contractuelle est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
Enfin, l’article 1353 du code civil énonce que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l’espèce, la société ICADE PROMOTION se prévaut de retards dans l’exécution des travaux confiés à la société NOUVELLE VIGNA PACA pour solliciter l’application de pénalités contractuelles de retard et la reconnaissance d’une créance à ce titre d’un montant de 91.000 euros.

La société NOUVELLE VIGNA PACA conteste quant à elle le bien-fondé de cette créance en soulignant l’absence de justification des retards allégués, de leur réalité et de leur importance, et en se prévalant par ailleurs d’une renonciation de la société ICADE PROMOTION à l’application de ces pénalités.

Il résulte du CCAP du 18 juin 2018, dont l’application dans le cadre du présent litige n’est pas contestée en son principe, que des pénalités de retard sont contractuellement prévues à la charge de l’entreprise titulaire du marché.

Le CCAP précise à ce titre, de manière générale, que les pénalités sont applicables de plein droit sans mise en demeure préalable dès la constatation du retard par le maitre d’œuvre (article B.3.2.9). Il détaille également les différentes pénalités de retard pouvant être appliquées, à savoir notamment des pénalités pour retard dans l’exécution du marché (article B.3.2.9.1), pour retard dans la remise des projets de décomptes finaux (article B.3.9.2.2.1), pour retard dans la libération, le nettoiement et la remise en état du chantier (article B.3.2.9.2.2), pour absence aux réunions de chantier (article B.3.9.2.2.3), pour retard dans la levée des réserves (article B.3.9.2.2.5) et pour retard dans la remise des documents à fournir pendant ou après exécution (article B.3.9.2.2.6). Le montant ou mode de calcul de ces pénalités est mentionné pour chacune d’entre elles.

Il est démontré que la société ICADE PROMOTION et/ou le maitre d’œuvre de l’opération, la société SIGMA INGENIERIE, ont adressé à plusieurs reprises à la société NOUVELLE VIGNA PACA des courriers faisant état de son retard dans l’exécution des travaux, le 4 avril 2019, le 10 juillet 2019 et le 16 septembre 2019. Par courrier en date du 26 septembre 2019, elle a été mise en demeure de respecter les délais d’achèvement des travaux auxquels elle s’était engagée. Un nouveau courrier a ensuite de nouveau été adressé par le maitre d’œuvre le 5 mars 2020, puis encore le 2 juin 2020, faisant état du non-achèvement des travaux et de la persistance des retards d’exécution.

L’existence d’un retard imputable à la société NOUVELLE VIGNA PACA dans l’exécution de ses travaux ressort également de certains courriers en réponse adressés par la défenderesse elle-même, mais également de comptes-rendus de chantier qu’elle verse aux débats (le CR du 10 décembre 2019 mentionnant par exemple expressément le retard dans l’achèvement des façades).

La réalité de ce retard n’est ainsi pas contestable et n’est d’ailleurs pas discutée dans son principe par la défenderesse.

Pour autant, il y a lieu de rappeler qu’il appartient à la société ICADE PROMOTION de rapporter la preuve non seulement de la réalité du retard justifiant l’application des pénalités contractuelles, mais également de son quantum et du détail de la somme qu’elle réclame à ce titre.

Or, le tribunal ne peut que constater qu’elle est défaillante à établir de manière précise le nombre de jours de retard constatés dans l’exécution de ses travaux par la société NOUVELLE VIGNA PACA et à justifier ainsi du montant des pénalités qu’elle sollicite.

En effet, l’article B.3.2.91 du CCAP indique s’agissant des pénalités pour retard dans l’exécution du marché que celles-ci sont calculées par l’application d’un montant forfaitaire de 500 euros HT par jour calendaire de retard si celui-ci concerne les ouvrages témoins, et d’un montant forfaitaire de 1.000 euros HT et 1/500ème du montant global du marché par jour calendaire de retard si celui-ci concerne l’exécution des travaux.

La note établie en mars 2020 par le maitre d’œuvre SIGMA INGENIERIE intitulée « note justificative – Montant des pénalités VIGNA PACA » reprend ce calcul en retenant l’existence de 60 jours calendaires de retard cumulés au 26 juillet 2019.

Toutefois, aucune pièce n’est produite qui vient justifier de ce nombre de jours de retard cumulés. Aucun décompte détaillé ni planning prévisionnel des travaux confiés à la société NOUVELLE VIGNA PACA n’est notamment communiqué, qui reprendrait les dates d’achèvement des travaux auxquels elle s’était engagée ainsi que le retard pris pour chaque poste. Le courrier adressé par la société SIGMA INGENIERIE à la défenderesse le 4 avril 2019 évoque un retard de 15 jours sans autre précision, tandis que le courrier du 10 juillet 2019 rédigé par la société ICADE PROMOTION fait quant à lui état d’un retard de 3 jours pour l’achèvement de la cage d’escalier A et d’une demande générale faite au maitre d’œuvre d’appliquer des pénalités pour 60 jours calendaires sans aucun autre détail, en mentionnant un planning détaillé en pièce jointe qui n’est pas produit dans le cadre de la présente instance. Le courrier du 16 septembre 2019 évoque quant à lui un « retard important » et « impactant sur la livraison de l’opération » sans plus de précision.

Par ailleurs, la note justificative des pénalités établie par la société SIGMA INGENIERIE ajoute, à la suite des mentions précédemment rappelées : « En conséquence, le montant applicable est de 281.800,00 € TTC. A fin novembre 2019, date de la dernière situation de travaux présenté par l’entreprise VIGNA PACA, il a été appliqué un montant provisoire de 91.000 € TTC de pénalités de retard ».

Aucune explication n’est donnée quant à ce montant « provisoire » arrêté à novembre 2019 et réclamé à hauteur de 91.000 euros, ni quant à son mode de calcul. Rien n’est notamment précisé à ce titre au sein de ladite note, ni dans le certificat de paiement en date du 15 janvier 2020 qui le mentionne. Les précédents certificats de paiement produits indiquent par ailleurs au titre des pénalités de retard des montants différents et non expliqués (pénalités de retard de 20.000 euros TTC mentionnées dans le certificat du 5 septembre 2019 et de 75.000 euros TTC dans le certificat du 13 janvier 2020). Aucun autre document émanant de la maitrise d’œuvre et qui justifierait cette somme n’est produit.

Dans ces conditions, le tribunal n’est pas en mesure de vérifier le caractère certain de cette créance réclamée au titre des pénalités contractuelles de retard ni son montant, de sorte que la demande visant à la fixer à cette somme de 91.000 euros et à ordonner son inscription au passif de la société NOUVELLE VIGNA PACA sera rejetée.

Sur les demandes reconventionnelles de la société NOUVELLE VIGNA PACA

La société NOUVELLE VIGNA PACA sollicite reconventionnellement la condamnation de la Société ICADE PROMOTION à lui payer :
- la somme de 120.293,32 euros au titre du montant du « décompte général définitif » (ci-après le DGD) notifié le 16 février 2021 ;
- la somme de 73.101,10 € au titre du montant du compte prorata au réel ;
- la somme de 13.444,66 € TTC au titre des factures de nettoyage de chantier inhérentes à la problématique de la crise sanitaire.

S’agissant de la demande formulée au titre du montant du DGD, elle s’appuie sur un document établi de manière unilatérale par ses soins au 31 décembre 2020 et notifié le 16 février 2021, soit plus de six mois après la résiliation du marché à l’initiative de la société ICADE PROMOTION. Aucun détail ne figure sur ce document, ni s’agissant du nouveau montant du marché à hauteur de 1.937.312 euros HT, auquel aurait été soustrait le montant de travaux non exécutés, ni concernant précisément les travaux réalisés dont le paiement est réclamé. Il n’est par ailleurs signé ni par le maitre d’œuvre, ni par le maitre d’ouvrage, dont il n’est pas contesté qu’il avait parallèlement résilié le marché le liant à la société NOUVELLE VIGNA PACA depuis le 29 juin 2020 et avait fait appel à une société tierce pour terminer le chantier. Le CCAP prévoit que le paiement des situations émises par l’entreprise et le paiement du projet de décompte est soumis à validation préalable du maitre d’œuvre. Par courrier du 12 avril 2021, la société SIGMA INGENIERIE a expressément indiqué qu’elle refusait de valider ce document. En l’état de ces éléments, la société NOUVELLE VIGNA PACA ne démontre pas que la somme réclamée à ce titre correspondrait à des travaux effectivement réalisés par ses soins qui n’auraient pas été payés. La demande formée à ce titre sera donc rejetée.

S’agissant de la demande concernant le compte prorata, il résulte de l’article B.5.3.6 du CCAP que l’entrepreneur titulaire du lot Gros-Œuvre est chargé de faire l’avance des frais nécessaires à l’organisation matérielle et collective du chantier et de gérer le compte prorata sous le contrôle du maitre d’œuvre. Il n’est pas contesté que cette tâche incombait à la société NOUVELLE VIGNA PACA qui a donc avancé ces frais au cours du chantier. La somme réclamée correspond selon les écritures de la défenderesse à 50 % du montant des sommes qu’elle a engagées au titre de ce compte, d’un montant total de 126.036,38 euros, outre sa rémunération à hauteur de 8 % de ce même montant, prévu par la convention de gestion du compte prorata, soit une somme totale réclamée de 73.101,10 euros.

La société ICADE PROMOTION réfute être redevable de cette somme au motif que la situation transmise au maitre d’œuvre au titre du compte prorata le 30 mars 2020 n’aurait pas été validée par ce dernier car non justifiée par des factures et comprenant des sommes ne relevant pas de ce compte. Elle semble également soutenir que les sommes réclamées à ce titre seraient incluses dans le montant global et forfaitaire du marché.

Ce dernier argument ne peut toutefois qu’être écarté au regard du CCAP et de la convention de gestion du compte prorata versée aux débats, qui prévoient expressément une comptabilisation des dépenses aux frais réels et une rémunération du gestionnaire au pourcentage.

Dans le cadre du présent litige, la société VIGNA PACA produit par ailleurs un décompte détaillé des factures payées par ses soins au titre du compte prorata pour un montant total de 126.036,38 euros, ainsi que les factures correspondantes, payées à la société ALS pour la location de modules et sanitaires de chantier, à la société BPA pour la location d’une benne, à la société CVM pour la location de divers matériels de chantier, à la société EASYMAT SERVICES pour la location de groupes électrogènes, à la société MAT’ILD pour les déchets, à la société WOJCIK pour la pose ou la location de divers matériaux, ainsi que les factures de la Société des Eaux de [Localité 10], d’EDF ENTREPRISE, d’ENEDIS au titre des consommations d’énergie et SFR pour les télécommunications. Des factures de la société SN VIGNA et VIGNA MEDITERRANEE sont également produites pour la location de divers matériels de levage et de coffrage notamment.

Le tribunal constate que la société ICADE PROMOTION ne formule aucune remarque sur le décompte fourni dans le cadre du présent litige par la société NOUVELLE VIGNA PACA au titre du compte prorata ni sur les factures produites. L’ensemble des sommes inscrites au décompte est dument justifié par les factures, y compris celles postérieures à la résiliation du marché de la défenderesse. La société ICADE PROMOTION ne précise pas les sommes qui, selon elles, devraient être exclues de ce décompte. De la même manière, elle ne critique aucunement le pourcentage retenu à hauteur de 50 % fondant la demande de la société NOUVELLE VIGNA PACA, qui explique l’avoir fixé de manière forfaitaire en l’absence de justification par la société ICADE PROMOTION des sommes réglées par ses soins à chacune des sociétés parties au compte prorata.

Dans ces conditions, il y a lieu de faire droit à la demande de la société NOUVELLE VIGNA PACA formulée à ce titre à hauteur de 73.101,10 euros.

S’agissant enfin de la demande formée au titre des frais supplémentaires induits par la crise sanitaire en lien avec nettoyage du chantier, la défenderesse démontre que cette prestation a bien été commandée par ses soins en accord avec la société ICADE PROMOTION selon devis accepté par le maitre d’ouvrage. Elle justifie du paiement du prestataire par la production des factures de la société LANPY. La société ICADE PROMOTION n’émet aucune remarque sur ce point. Il sera par conséquent fait droit à cette demande et la société ICADE sera condamnée à lui payer à ce titre la somme de 11.203,88 euros HT (13.444,66 euros TTC).

Sur les demandes accessoires

Aux termes de l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Aux termes de l’article 700 (1°) du Code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

La société ICADE PROMOTION, qui succombe à la présente instance, sera condamnée aux dépens.

Elle sera également condamnée à verser à la société NOUVELLE VIGNA PACA la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Conformément à l’article 514 du code de procédure civile, l’exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition des parties au greffe,

DEBOUTE la SAS ICADE PROMOTION de ses demandes visant à fixer sa créance à l’égard de la SARL NOUVELLE VIGNA PACA à la somme de 91.000 euros au titre de pénalités de retard provisionnelles et à ordonner son inscription au passif de cette société ;
DEBOUTE la SARL NOUVELLE VIGNA PACA de sa demande reconventionnelle de condamnation de la SAS ICADE PROMOTION au paiement de la somme de 120.293,32 euros au titre du montant du document intitulé « décompte général définitif » notifié le 16 février 2021 ; 

CONDAMNE la SAS ICADE PROMOTION à payer à la SARL NOUVELLE VIGNA PACA la somme de 73.101,10 euros HT au titre du montant du compte prorata avancé par ses soins ;

CONDAMNE la SAS ICADE PROMOTION à payer à la SARL NOUVELLE VIGNA PACA la somme de 11.203,88 euros HT au titre des factures de nettoyage de chantier inhérentes à la problématique de la crise sanitaire avancées par ses soins ;

CONDAMNE la SAS ICADE PROMOTION à payer à la SARL NOUVELLE VIGNA PACA la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS ICADE PROMOTION aux dépens de la présente instance ;

REJETTE toute demande plus ample ou contraire ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire par provision de plein droit.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe de la troisième chambre civile section A du tribunal judiciaire de Marseille le seize mai deux mille vingt quatre

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 3ème chbre cab a2
Numéro d'arrêt : 21/11389
Date de la décision : 16/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-16;21.11389 ?
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