La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2024 | FRANCE | N°20/04700

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 3ème chbre cab b1, 16 mai 2024, 20/04700


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION B


JUGEMENT N°


Enrôlement : N° RG 20/04700 - N° Portalis DBW3-W-B7E-XSOI

AFFAIRE :

Mme [C] [S] épouse [J] (Me Christian BELLAIS)
C/
S.A.S. SOCIETE PRADO INVEST PATRIMOINE (la SELARL ABEILLE & ASSOCIES)
Madame [F] [T] (la SELARL ABEILLE & ASSOCIES)


Rapport oral préalablement fait


DÉBATS : A l'audience Publique du 14 Mars 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Patricia GARNIER,

Juge

Greffier : Madame Olivia ROUX, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 16 Mai 2024

Les parties ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION B

JUGEMENT N°

Enrôlement : N° RG 20/04700 - N° Portalis DBW3-W-B7E-XSOI

AFFAIRE :

Mme [C] [S] épouse [J] (Me Christian BELLAIS)
C/
S.A.S. SOCIETE PRADO INVEST PATRIMOINE (la SELARL ABEILLE & ASSOCIES)
Madame [F] [T] (la SELARL ABEILLE & ASSOCIES)

Rapport oral préalablement fait

DÉBATS : A l'audience Publique du 14 Mars 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Patricia GARNIER, Juge

Greffier : Madame Olivia ROUX, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 16 Mai 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 16 Mai 2024

PRONONCE en audience publique par mise à disposition au greffe le 16 Mai 2024

Par Madame Patricia GARNIER, Juge

Assistée de Madame Olivia ROUX,

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

Madame [C] [S] épouse [J]
née le [Date naissance 2] 1937
de nationalité Française, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Christian BELLAIS, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDERESSES

S.A.S. SOCIETE PRADO INVEST PATRIMOINE
immatriculé au RCS Marseille 440 538 163
pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,
dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Maître Stéphane GALLO de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

Madame [F] [T]
née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 7]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]

représentée par Maître Stéphane GALLO de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

EXPOSE DU LITIGE

La SAS PRADO INVEST PATRIMOINE (anciennement PRADO PARADIS PATRIMOINE), présidée par Madame [F] [T], est une société créée en 2002 qui exerce une activité de conseil en gestion de patrimoine et en investissements financiers.

Madame [C] [J] née [S] s’est adressée à la SAS PRADO PARADIS PATRIMOINE, laquelle lui a proposé d’investir dans la société MARANATHA.

Le 20 avril 2015, madame [C] [J] née [S] a souscrit l’offre d’investissement intitulée « CLUB [6] » pour la société SCA VIP HOTEL [8] pour un montant de 84 000 euros sur le compte courant d’associé de la société MARANATHA.

Le même jour, madame [C] [J] née [S] a fait un chèque à l’ordre de la société SKANDIA INVEST d’un montant de 66 000€ pour l’achat de parts sociales.

Le 27 septembre 2017, le Tribunal de commerce de Marseille a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société MARANATHA. Elle est en liquidation judiciaire depuis le 27 mars 2019.

Par jugement en date du 17 octobre 2018, le Tribunal de commerce de Marseille a désigné la société COLONY CAPITAL comme repreneur de l’ensemble des hôtels du groupe MARANATHA pour un montant global de 450.000.000 d'euros.

Le 6 novembre 2018 madame [J] vendait une partie de son appartement.

Le 27 mars 2019 maître [P] [O] était désigné liquidateur judiciaire de la société MARANATHA.

Par ordonnance du 5 avril 2019, le tribunal de commerce de Marseille rejetait la créance de madame [J] exposant que sa créance n’étant pas une créance en compte courant, mais en capital, considérée comme une dette hors rang dont le remboursement ne peut intervenir qu’après celui de l’intégralité des créanciers hors rang , privilègiés et chirographaires.

Par décision du 1er juillet 2019, la Commission des sanctions de l’Autorité des Marchés Financier a prononcé une sanction pécuniaire de 100.000 euros et un blâme à l’encontre de Madame [F] [T] ainsi qu’une sanction pécuniaire de 50.000 euros à l’encontre de la société PRADO PARADIS PATRIMOINE.

Par acte introductif d’instance en date du 22 mai 2020, madame [C] [J] née [S] a assigné la société SAS SOCIETE PRADO INVEST PATRIMOINE (anciennement dénommé PRADO PARADIS PATRIMOINE) et sa dirigeante Madame [F] [T], en leurs qualités de conseillers en investissement financier, devant la présente juridiction aux fins de voir leur responsabilité civile professionnelle engagée, au titre de ses investissements réalisés dans le capital des sociétés du groupe MARANATHA et d’obtenir le remboursement de leurs investissements.

Selon conclusions notifiées par RPVA le 12 juillet 2023, madame [C] [J] née [S] demande au Tribunal de :

Avant dire droit :
ORDONNER à la société PRADO INVEST PATRIMOINE et à sa présidente Madame [F] [T] la communication des coordonnées de leur assureur professionnel afin qu’il puisse être mis dans la cause ;

ORDONNER à la société PRADO INVEST PATRIMOINE et à sa présidente Madame [F] [T] de mettre en cause le dit assureur professionnel ;

Sur le fond :

DIRE que la société PRADO INVEST PATRMOINE et sa présidente Madame [F] [T] ont violé plusieurs obligations professionnelles auxquelles elles étaient soumises en vertu des articles L.541-1 du Code monétaire financier, ses fautes ayant engagé leurs responsabilités civiles professionnelles à l’égard de Madame [J] ;

CONDAMNER en conséquence solidairement la société PRADO INVEST PATRMOINE et sa présidente Madame [F] [T] à verser à Madame [J] :

o La somme de 150 000 euros au titre du préjudice matériel subi par la perte totale de l’investissement réalisé en avril 2015 dans la société MARANATHA (achat de parts sociales + versement sur le compte courant d’associés), et subsidiairement au titre de la perte de chance

o La somme de 30 000 euros au titre du préjudice de jouissance subi par Madame [J] du fait de la vente d’une partie de son appartement personnel ;

o La somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral subi par Madame [J] du fait de la perte de ses économies, et de la trahison de la confiance qu’elle pouvait attendre d’une professionnelle aguerrie.

CONDAMNER en conséquence solidairement la société PRADO INVEST PATRMOINE et sa présidente Madame [F] [T] à verser à Madame [J] à verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à venir ;

Par conclusions notifiées au RPVA le 8 mars 2023, la SAS PRADO INVEST PATRIMOINE (anciennement dénommée PRADO PARADIS PATRIMOINE) et Madame [F] [T] demandent au Tribunal de:

A titre principal,

Vu les articles 1103 et 1231-1 du Code civil du Code civil,

Juger que PIP et Madame [T] n’ont pas commis de faute dans l’exercice de leurs fonctions,

Juger que Madame [J] ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un préjudice indemnisable, ni du lien de causalité entre ce préjudice et les fautes alléguées,

Débouter en conséquence Madame [J] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l’encontre de PIP et Madame [T],

A titre subsidiaire,

Ecarter l’exécution provisoire,

En tout état de cause, Vu l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamner Madame [J] à payer à PIP et Madame [T] la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, le Tribunal entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessus.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 octobre 2023, l’affaire a été fixée à l’audience du 14 mars 2024 et a été mise en délibéré au 16 mai 2024.

MOTIFS :

Sur la demande de communication du nom de l’assureur de la SAS PRADO INVEST PATRIMOINE :

En application des dispositions de l’article 788 du Code de Procédure Civile, le juge de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l'obtention et à la production des pièces.

Cette demande est irrecevable devant le juge du fond, elle doit être soulevée devant le Juge de la Mise en Etat.

Sur la responsabilité de la SAS PRADO INVEST PATRIMOINE :

En vertu des dispositions de l'article 1231-1 du code de civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

- Sur les obligations de la SAS PRADO INVEST PATRIMOINE à l'endroit de ses clients et leur respect :

Il est constant que le conseil en gestion de patrimoine, tenu d'une obligation de moyens, doit guider son client dans les choix des différents placements qui s'offrent à lui, l'éclairer sur les conséquences juridiques et fiscales de ceux-ci et les risques comparés de tel ou tel investissement. Toutefois, il n'est pas tenu de garantir à son client la rentabilité à long terme du placement choisi ni de le prémunir de tout aléa financier et n'engage sa responsabilité que dans la mesure où il a donné des informations juridiques et fiscales erronées, ou conseillé à son client des placements hasardeux ou extrêmement risqués sans l'informer complètement sur la nature de ceux-ci.

Celui qui est tenu d'une obligation particulière d'information ou d'un devoir de conseil doit rapporter la preuve de son exécution.

Il est constant que ces obligations doivent être appréciées de manière différente en fonction de la qualité du client notamment lorsque ce dernier dispose de qualités particulières démontrant qu’il n’a pas besoin d’information ou de conseil de la part du professionnel, ou alors dans des conditions moindres par rapport à un investisseur profane.

En l'espèce, la SAS PRADO INVEST PATRIMOINE doit rapporter la preuve d'avoir informé sur les inconvénients et les risques résultants de l'investissement effectué.

Madame [J] fait valoir avoir reçu des informations trompeuses et erronées au moment de la souscription de cet investissement. En effet, cet investissement était à haut risque et ne correspondait pas aux demandes de madame [C] [J].

Madame [T] et la SAS PRADO INVEST PATRIMOINE exposent l’avoir parfaitement informée du risque qu’elle encourrait tel qu’il en découle de la documentation produite lors de la souscription du contrat. Dans tous les cas, elles expliquent que leur obligation de conseil et d’information ne sont que des obligations de moyens et doit s’apprécier en fonction de la qualité de l’emprunteur, averti ou non, au regard des investissements financiers. Le préjudice de perte de chance ne peut jamais être égal à 100 % du préjudice subi.

De plus, elles considèrent que la SAS PRADO PATRIMOINE n’a commis aucune faute.

Concernant madame [T], il esrt soutenu qu’elle n’a pas commis de faute détachable du service et que de ce fait sa responsabilité personnelle ne peut pas être engagée.

-Sur la détermination du profil de l’investisseur :

Il est constant que l'engagement ou non de la responsabilité de la SAS PRADO INVEST PATRIMOINE doit se faire au regard du profil des investisseurs.
Plusieurs éléments peuvent donner des indications sur le niveau de compétence madame [C] [J] née [S] en matière d'investissement financier.
Tout d'abord, il ressort des documents intitulés « profil de risque personne physique de madame [C] [J] née [S]  », datés du 27 avril 2015, que sur une échelle de risque allant de « moins de risque possible, risque faible, risque moyen et risque important » ils s'engageaient sur un risque moyen « en investissant sur des actifs peu risqués et risqués ». Ensuite, à la question «  quel est le scénario qui correspond le mieux ? », elle répondait « un potentiel de gain important avec un risque important de perte de capital ».

Ensuite, elle a effectué plusieurs placements de sommes importantes (total de 150000€) avec pour objectif de valoriser son capital.

Enfin, elle avait 78 ans au moment de l’investissement, elle était déjà propriétaire, ce qui va dans le sens d’une connaissance plus aguérie des investissements financiers, notamment quand elle a pour but de valoriser ce capital. Le tribunal ne dispose d’aucune information sur le métier qu’elle a pu exercer avant la retraite, mais il est possible de déduire de la fiche profil de risque du 27 avril 2015 remplie par ses soins qu’elle avait une connaissance importante des divers instruments financiers puisqu’elle avait coché 7 instruments sur 10 comme étant connus de sa part.

L’ensemble de ces éléments permettent de considèrer que madame [C] [J] née [S] était un investisseur averti.

La qualité d’investisseur averti de madame [C] [J] née [S] dispensait la SAS PRADO PATRIMOINE de son obligation de mise en garde.

- Sur le manquement à l’obligation d’information et de conseil :

Il ressort des pièces versées à la procédure que madame [C] [J] née [S] n’ a pas bénéficié lors de son premier investissement d’une information claire et satisfaisante concernant le risque encouru. En effet, il ne ressort ni de la notice d’information , ni du bulletin de souscription ou encore des promesses signés lors de son investissement que les risques encourus sont élevés.
A contrario, il résulte de la lecture du rapport écrit d’investissement (pièce 7 du défendeur) que la SAS PRADO INVEST PATRIMOINE leur a proposé un investissement dans le groupe MARANATHA et qu'elle a considéré que « l'acquisition de murs ou de fonds de commerce hôtelier reste avant tout un placement peu risqué dans un secteur particulièrement dynamique en France avec une demande supérieure à l'offre. Les fonds de commerce hôtelier se valorisent mécaniquement sous la pression de la demande cette situation de rareté est exacerbée par la hausse des prix de l'immobilier qui limite la création de nouveaux hôtels ».

De plus, il est démontré que certains éléments indiqués dans les rapports d'investissement se sont révélés faux ou trompeurs.
En l'occurrence, l'information selon laquelle « l'acquisition de murs et de fonds de commerce reste avant tout un placement peu risqué dans un secteur particulièrement dynamique en France avec une demande supérieure à l'offre. Les fonds de commerce hôtelier se valorisent mécaniquement sous la pression de la demande cette situation de rareté est exacerbée par la hausse des prix de l'immobilier qui limite la création de nouveaux hôtels » ou celle selon laquelle « le groupe MARANATHA vous propose d'investir dans le fonds de commerce d'un hôtel dédié dans le cadre d'une offre adressée à un cercle restreint d'investisseur » laisse penser que les investisseurs acquièrent des murs ou des fonds de commerce en effectuant ce placement, et que cette opération est peu risquée notamment parce que la valorisation de leurs biens se fait automatiquement. Or, la société MARANATHA n'est pas directement propriétaire de murs ou de fonds de commerce et l'investissement n'est pas sans risque comme le laisse à penser le texte « peu risqué » et la minimisation de celui-ci par les propos rassurants postérieurs « dynamique » « valorise mécaniquement ».

De plus, le rapport précise que « le groupe MARANATHA aujourd'hui dispose d'actifs de 100M€ ». Or, cette information, même si elle est vraie, ne concerne que le groupe et non pas la SAS MARANATHA seule qui elle, dispose d'actifs d'un montant de 7M€ au 30 septembre 2013.
Ainsi, même si la SAS MARANATHA en cas de difficulté pouvait prévoir de s'appuyer sur le groupe entier, il ne peut qu'être constaté que le conseiller en patrimoine a mis en avant les chiffres plus avantageux concernant le groupe plutôt que ceux de la SAS uniquement.

En toute contradiction avec les éléments développés ci dessus sur le risque peu élevé de cet investissement, il est joint au rapport d »investissement du 27 avril 2015 une partie 4, plus standardisée, dans laquelle il est rappelé qu’aucune garantie du capital n’est apporté par le souscripteur et qu’il existe un risque de perte en capital.

Le fait que la première partie du rapport constituée des parapgraphes 1 à 3 concerne spécifiquement l’investissement que s’apprête à exécuter l’investisseur, alors que le paragraphe 4 n’est qu’un rappel de règles générales relatives aux investissements financiers de type souscriptions en capital de PME, ne permet pas aux investisseurs de prendre la mesure que CET investissement est très risqué, les propos tenus dans les parties 1 à 3 laissant penser qu’il bénéficie, à titre gracieux, d’un investissement peu risqué et sécurisé.
Concernant la santé financière de la société MARANATHA, à la date de la souscription de l'investissement , il est vrai qu’aucun élément ne permettait de prévoir que celle-ci serait placé en redressement judiciaire quelques années plus tard.

Sur les fautes tenant au non respect du règlement général de l'autorité des marchés financiers et des dispositions du code monétaire et financiers, il est constant que le non respect d'une obligation professionnelle n'est pas en soi constitutif d'une faute contractuelle, laquelle est caractérisée par une mauvaise exécution ou une inexécution du contrat. De plus, la période de souscription dudit investissement et celle des faits sur lesquels a statué l’autorité des marchés financiers est différente. Il conviendra donc de ne pas s’y référer.

En conclusion, il faut déterminer si madame [C] [J] née [S] , en investisseur averti, aurait pu contracter un autre investissement si elle avait bénéficier d'informations plus exactes et de conseils plus avisés.

Il ressort de l'ensemble de ces développements, que même en étant un investisseur averti, le seul fait que le conseiller financier, tenu de guider son client dans les choix des différents placements qui s'offrent à lui, de l'éclairer sur les conséquences juridiques et fiscales de ceux-ci, dise clairement dans un rapport écrit d'investissement que « l'acquisition de murs et de fonds de commerce hôteliers est un placement peu risqué » et qu'il soit rassurant sur le risque de dévalorisation de ces fonds de commerce alors qu'il n'a aucune obligation de conseil sur la rentabilité de l'investissement dans le futur, crée un climat de confiance biaisant sa prise de décisions. Le discours de la SAS PRADO INVEST PATRIMOINE laisse penser qu'il existera toujours des solutions en cas de dévalorisation de cet investissement.

Ainsi, madame [C] [J] née [S] a perdu une chance de contracter un autre investissement du fait du non respect de son obligation d'information par la la SAS PRADO INVEST PATRIMOINE.

Enfin, même s'il ne peut être soutenu que la SAS PRADO INVEST PATRIMOINE devait informer ses clients des risques liés à la faillite de la société MARANATHA qui n'était pas prévisible au moment de l'investissement, il lui appartenait de rappeler l'aléa normal de tout investissement dans une activité économique privée et de désigner le risque attaché à cette action, alors qu'elle a au contraire communiquer des informations en laissant penser que le placement était totalement sécurisé par le dynamisme du secteur, par la valorisation mécanique sous la pression de la demande cette situation de rareté exacerbée par la hausse des prix de l'immobilier et par la prise en compte du capital du groupe MARANATHA entier plutôt que de la seule SAS et enfin, par un montage juridique complexe laissant penser à une rémunération régulière. Ainsi, les investisseurs ne pouvaient envisager une éventuelle faillite de la SAS MARANATHA, soutenu par son groupe, et ne pouvant qu'être destiné à faire des profits exponentiels. Une information et des conseils adaptés sur les aléas juridiques, financiers, et constructifs inhérents à l'opération auraient pu inciter madame [C] [J] née [S] à y renoncer.

Par conséquent, il existe bien un lien de causalité certain entre le préjudice subi par madame [C] [J] née [S] , l'échec de l'investissement, et les conseils biaisés délivrés par la SAS PRADO INVEST PATRIMOINE.

Sur la responsabilité personnelle de madame [T] :

En vertu des dispositions de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Il est constant que la responsabilité sociale est de règle alors que la responsabilité personnelle du gérant est l'exception. De plus, quand la responsabilité de la société est mise en cause en matière contractuelle ; auquel cas, la condamnation du dirigeant est subordonnée à la preuve d'une faute personnelle étrangère à l'activité de représentation c'est-à-dire d'une faute extérieure à la conclusion ou à l'exécution d'un contrat.
Aussi, la faute détachable  est une faute intentionnelle d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales.

En l'espèce, madame [C] [J] née [S] se fonde sur la décision de la commission des sanctions de l'autorité des Marchés Financiers qui souligne expressément que les manquements relevés à l'encontre de la SAS PRADO INVEST PATRIMOINE sont imputables à Madame [T] en sa qualité de présidente de cette dernière laquelle ainsi qu'il ressort du dossier joué un rôle déterminant dans la société en tant que présidente est associée unique.

Toutefois, il n'est pas démontré au cours des débats que madame [T] a commis une faute personnelle étrangère à son activité de dirigeante de la SAS PRADO INVEST PATRIMOINE c'est une faute extérieure à la conclusion ou à l'exécution d'un contrat.

Par conséquent, il conviendra de débouter madame [C] [J] née [S] de leur demande de condamnation de madame [T].

Sur l'indemnisation du préjudice :

Le dommage résultant d'un manquement à l'obligation d'information et de conseil consiste en une perte de chance de ne pas contracter. Il ne recouvre pas la perte d'une chance d'avoir bénéficié des revenus qui auraient pu résulter de cet investissement.

Il ressort des débats que par jugement du 17 octobre 2018 du Tribunal de Commerce de Marseille, la société COLONY CAPITAL a été désigné comme comme repreneur de l'ensemble du groupe MARANATHA et que de ce fait, madame [C] [J] née [S] peut percevoir une partie de leur investissement.

Il est démontré qu'elle a déjà récupéré la somme de 30 00€ au total.

Toutefois, le préjudice madame [C] [J] née [S] consistant en la perte d'une chance, et n'étant de ce fait pas équivalent aux sommes investies ou au capital qu'elle aurait dû percevoir en cas de réussite de l'investissement, le préjudice reste indemnisable.

Avant d'évaluer le préjudice de perte d'une chance, il convient de tenir compte du fait qu'il s'agit d’un investisseur averti qui était prête à prendre un risque moyen pour réussir son investissement.

Dans ces conditions, il conviendra de minorer le préjudice subi et de lui accorder les sommes suivantes, correspondant à 30% de la somme perdue soit 36 000€.

Sur le préjudice de jouissance de madame [C] [J] née [S] :

Il ne résulte pas des éléments versés aux débats que madame [C] [J] née [S] ait vendu une partie de son appartement pour subvenir à ses besoins.

Dans ces conditions, elle sera déboutée de cette demande.

Sur le préjudice moral de madame [C] [J] née [S]  :

Aucun élément n'est rapporté par la demanderesse pour justifier la demande de condamnation de la SAS PRADO INVEST PATRIMOINE et de madame [T] à leur verser la somme de 10 000€ chacun au titre de leur préjudice moral.
Par conséquent, il conviendra de la débouter de cette demande.

Sur les dépens :

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
En l'espèce, la SAS PRADO INVEST PATRIMOINE, partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :
En application de l'article 700 1° du code de procédure civile, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

En l’espèce, la SAS PRADO INVEST PATRIMOINE , qui supporte les dépens, sera condamnée à payer madame [C] [J] née [S] ensemble une somme qu’il est équitable de fixer à 3000€.
Sur l’exécution provisoire :

En vertu des dispositions de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire.

En l’espèce, il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL

STATUANT en matière civile ordinaire, publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE irrecevable la demande de madame [C] [J] née [S] concernant la transmission des coordonnées de l’assureur de la SAS PRADO INVEST PATRIMOINE et d’ordonner la mise en cause de l’assureur de la SAS PRADO PATRIMOINE ;

DEBOUTE madame [C] [J] née [S] de son action en responsabilité à l'encontre de madame [F] [T] ;

CONDAMNE la SAS PRADO INVEST PATRIMOINE à payer à madame [C] [J] née [S] la somme de 36 000€ ;

CONDAMNE la SAS PRADO INVEST PATRIMOINE à payer madame [C] [J] née [S] la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE madame [C] [J] née [S] de sa demande d’indemnisation de ses préjudices morals et de jouissance ;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE la SAS PRADO INVEST PATRIMOINE aux entiers dépens ;

DIT qu’il n’y a pas lieu d’écarter l'exécution provisoire du présent jugement.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au Greffe de la Troisième Chambre du Tribunal Judiciaire de MARSEILLE le 16 mai 2024.
Signé par Madame GARNIER, Président, et par Madame ROUX, Greffier présent lors de la mise à disposition au Greffe de la décision.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 3ème chbre cab b1
Numéro d'arrêt : 20/04700
Date de la décision : 16/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-16;20.04700 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award