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16/05/2024 | FRANCE | N°19/09204

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 3ème chbre cab a2, 16 mai 2024, 19/09204


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

JUGEMENT N° 24/
du 16 Mai 2024


Enrôlement : N° RG 19/09204 - N° Portalis DBW3-W-B7D-WWOV


AFFAIRE :La S.C.I. [Adresse 1] ( Maître Fabien BOUSQUET de la SARL ATORI AVOCATS)
C/S.D.C. [Adresse 1] (la SELAS FIDAL)



DÉBATS : A l'audience Publique du 15 Février 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats

Président : Madame Marion POTIER, Vice Présidente

Greffier : Madame Michelle SARTORI, Greffier


A l'issue de laquelle, l

a date du délibéré a été fixée au 16 Mai 2024


PRONONCE : Par mise à disposition au greffe le 16 Mai 2024

Par Madame Marion POTIER, Vice...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

JUGEMENT N° 24/
du 16 Mai 2024

Enrôlement : N° RG 19/09204 - N° Portalis DBW3-W-B7D-WWOV

AFFAIRE :La S.C.I. [Adresse 1] ( Maître Fabien BOUSQUET de la SARL ATORI AVOCATS)
C/S.D.C. [Adresse 1] (la SELAS FIDAL)

DÉBATS : A l'audience Publique du 15 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats

Président : Madame Marion POTIER, Vice Présidente

Greffier : Madame Michelle SARTORI, Greffier

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 16 Mai 2024

PRONONCE : Par mise à disposition au greffe le 16 Mai 2024

Par Madame Marion POTIER, Vice Présidente

Assistée de Madame Michelle SARTORI, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

La S.C.I. [Adresse 1], immatriculée au RCS de Marseille sous le n° 831 030 614, domiciliée chez Monsieur [U] [Y],[Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Maître Fabien BOUSQUET de la SARL ATORI AVOCATS, avocats au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDEURS

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], pris en la personne de son syndic en exercice la société DURAND IMMOBILIER, SARL immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le n° 849 896 907, dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal en exercice

La société DURAND IMMOBILIER, SARL immatriculée au RCS de MARSEILLE sous
le n° 849 896 907, dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal en exercice
intervenant volontaire

tous deux représentés par Maître Hedy SAOUDI de la SELAS FIDAL, avocats au barreau de MARSEILLE

* * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Selon acte notarié du 28 septembre 2017, la SCI DU [Adresse 1], dont le gérant est Monsieur [U] [Y], a acquis plusieurs lots situés au rez-de-chaussée et sous-sol d’un immeuble sis [Adresse 1], soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis.

L’immeuble est par ailleurs composé d’un appartement situé au premier étage, dont sont propriétaires Monsieur [T] [O] et Madame [N] [O], et d’un appartement situé au second étage qui appartient aux consorts [Z].

En 2018, la SCI DU [Adresse 1] a loué une partie de ses locaux à l’agence « [Y] IMMOBILIER ENTREPRISE MARSEILLE » dite « Cabinet [Y] – MG2I », afin qu’elle y exerce son activité professionnelle de gestion et de location de locaux à usage de bureaux et commerciaux.

Les autres copropriétaires arguant que l’exercice d’une activité commerciale au sein de l’immeuble était interdit par le règlement de copropriété, Monsieur et Madame [O] ont saisi le syndic afin de solliciter la tenue d’une assemblée générale extraordinaire pour qu’une résolution soit votée afin d’autoriser le syndic à effectuer toute démarche pour enjoindre la SCI DU [Adresse 1] « à respecter par toute mesure utile la destination d’appartement à usage d’habitation exclusif de l’immeuble et de son appartement ».
L’assemblée générale s’est tenue le 18 février 2019 et cette résolution numéro 2 a été adoptée.

Par acte extrajudiciaire en date du 6 mars 2019, la SCI du [Adresse 1] a saisi le tribunal judiciaire de Marseille pour solliciter l’annulation de la résolution n°2 de l’assemblée générale extraordinaire du 18 février 2019.

La procédure a été enrôlée sous le numéro RG 19/05182.

Lors de l’assemblée générale en date 22 juillet 2019 a de nouveau été mise au vote une résolution numéro 17, tendant à autoriser le syndic à engager une procédure ou à faire des demandes reconventionnelles dans le cadre de l’instance en cours pour voir la SCI DU [Adresse 1] condamnée à respecter la destination à usage d’habitation de son lot. Cette résolution a été adoptée.

Par assignation délivrée le 17 août 2019, la SCI du [Adresse 1] a saisi le tribunal judiciaire de Marseille pour solliciter l’annulation de la résolution n°17 de l’assemblée générale du 22 juillet 2019.

La procédure a été enrôlée sous le numéro RG 19/09204, il s’agit de la présente instance.

Les deux affaires n’ont pas été jointes.

*

Aux termes de ses dernières conclusions régulièrement notifiées au RPVA le 9 octobre 2023 dans la présente instance RG 19/09204, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la SCI [Adresse 1] demande au tribunal de :

Vu la loi du 10 juillet 1965, et ses articles 8, 9, 10-1, 26 42 et 55 et suivants,
Vu l’article 1240 du Code Civil, vu l’article 17 du décret du 17/03/1955

A titre liminaire :
- Déclarer irrecevables les demandes reconventionnelles formulées par le Syndicat des Copropriétaires dans ses conclusions notifiées le 14/10/2020.

A titre principal :
- Annuler la résolution n°17 de l’assemblée générale extraordinaire en date du 22 juillet 2019
- Condamner le syndicat des copropriétaires représenté par son syndic au paiement de la somme de 10 0000 € au titre des dommages et intérêts.

A titre subsidiaire et si le tribunal venait à examiner les demandes reconventionnelles du syndicat :
Déclarer irrecevable la copropriété représentée par le syndic à solliciter les demandes non visées dans son habilitation à savoir :
- remettre ses lots en leur état antérieur pour qu’ils soient conformes à cette destination d’habitation, et à en justifier auprès du syndicat des copropriétaires dans un délai de 3 mois à compter du Jugement à venir, sous astreinte, passé ce délai, de 3.000 euros par jour de retard.
- vouloir l’arrêt immédiat de toute activité professionnelle et commerciale dans l’immeuble, et ce sous astreinte de de 5.000 euros par jour de retard à compter du Jugement à venir.
- solliciter sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification du Jugement à venir, à justifier des travaux réalisés au sein de son appartement au moment de son acquisition, en remettant un plan d’aménagement certifié conforme par un architecte ou un bureau d’étude, lequel indiquera si des murs ont fait l’objet de travaux et, le cas échéant, quelles mesures ont été prises pour la solidité de l’immeuble. - Plus généralement, Débouter le syndic de l’ensemble de ses demandes.
- Plus généralement, Débouter le syndic de l’ensemble de ses demandes.

A titre infiniment subsidiaire et si le tribunal faisait droit partiellement aux demandes du syndicat :
- Ecarter l’exécution provisoire.
- Octroyer à la société [Adresse 1] 3 années de délai.

En tout état de cause,
Le condamner au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts et 5000 euros au titre de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens.
Faire application de l’article 10-1 de la loi de 1965 et dispenser la SCI [Adresse 1] de toute participation financière.

Aux termes de leurs dernières conclusions régulièrement notifiées au RPVA le 3 juillet 2023 dans la présente instance RG 19/09204, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, le syndicat des copropriétaires et son syndic en exercice, la société DURAND IMMOBILIER, demandent au tribunal de :

Vu la Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 (art 8),
Vu les articles 1103, 1104, 1222, 1240 du Code civil,
Vu les articles 328 et suivants du code de procédure civile,
Vu l’article L. 1131-3 du Code de procédure civile d’exécution,
Vu les pièces versées au débat,
Vu la jurisprudence,

A TITRE LIMINAIRE
DECLARER recevable l’intervention volontaire de la société DURAND IMMOBILIER en tant que nouveau syndic
DECLARER recevables les demandes reconventionnelles formulées par le Syndicat des copropriétaires en l’état de leur lien suffisant avec le litige
DEBOUTER la société SCI [Adresse 1] de ses demandes fins et conclusions

A TITRE PRINCIPAL
DECLARER que l’immeuble situé [Adresse 1] est à usage exclusif d’habitation et que la SCI DU [Adresse 1] a modifié la destination de ses lots sans autorisation de la copropriété
DEBOUTER la société SCI [Adresse 1] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions

A TITRE RECONVENTIONNEL
DECLARER que l’immeuble situé [Adresse 1] est à usage exclusif d’habitation et que la SCI DU [Adresse 1] a modifié la destination de ses lots sans autorisation de la copropriété
CONDAMNER la société SCI [Adresse 1] à respecter la destination à usage d’habitation de ses lots
CONDAMNER la société SCI [Adresse 1] à remettre ses lots en leur état antérieur pour qu’ils soient conformes à cette destination d’habitation, et à en justifier auprès du syndicat des copropriétaires sous un délai de 3 mois à compter du Jugement à venir
DECLARER qu’à l’expiration de ce délai de 3 mois, la SCI DU [Adresse 1] sera condamnée, sous astreinte de 3.000 euros par jour de retard, à justifier de cette remise en état de ces lots conformément à leur destination d’habitation
ORDONNER à la SCI DU [Adresse 1] l’arrêt immédiat de toute activité professionnelle et commerciale dans l’immeuble, et ce sous astreinte de de 5.000 euros par jour de retard à compter du Jugement à venir
CONDAMNER la SCI DU [Adresse 1], sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification du Jugement à venir, à justifier des travaux réalisés au sein de son appartement au moment de son acquisition, en remettant un plan d’aménagement certifié conforme par un architecte ou un bureau d’étude, lequel indiquera si des murs ont fait l’objet de travaux et, le cas échéant, quelles mesures ont été prises pour la solidité de l’immeuble
DECLARER que la présente juridiction se réserve le pouvoir de liquider les différentes astreintes conformément à l’article L. 1131-3 du Code de procédure civile d’exécution
CONDAMNER la société SCI DU [Adresse 1] à payer au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES du [Adresse 1] la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts pour sa résistance abusive

CONDAMNER la SCI [Adresse 1] à payer au Syndicat des Copropriétaires somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile
CONDAMNER la SCI [Adresse 1] à payer SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES du [Adresse 1] les entiers dépens de l'instance ORDONNER l'exécution provisoire du Jugement à intervenir.

*

La clôture de la procédure est intervenue le 19 octobre 2023.

L’affaire a été plaidée à l’audience du 15 février 2024.

La décision a été mise en délibéré au 16 mai 2024.

***

MOTIFS

Sur l’intervention volontaire de la société DURAND IMMOBILIER

Il y a lieu d’accueillir l’intervention volontaire de la société DURAND IMMOBILIER à la présente instance en sa qualité de nouveau syndic de l’immeuble et représentant actuel du syndicat des copropriétaires.

Sur la demande principale d’annulation de la résolution numéro 17 l’assemblée générale et la demande de dommages et intérêts

Aux termes de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, les actions qui ont pour objet de contester les décisions d’une assemblée générale doivent être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

Par ailleurs, selon l’article 55 du décret du 17 mars 1967, le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale. Il est constant qu’en application de ce texte, le mandat donné au syndic pour agir en justice au nom du syndicat des copropriétaires doit être délivré à l’encontre de personnes précisément désignées et en vue d’un objet déterminé. Il ne peut être vague et imprécis.

En outre, l'abus de majorité lors d’une assemblée générale est constitué lorsque la majorité des copropriétaires use de ses droits dans un but autre que l'intérêt collectif de la copropriété. C’est le cas en particulier lorsqu’elle adopte une décision sans profit pour elle-même dans l'intention de nuire, ou dans le seul but de favoriser les intérêts des copropriétaires majoritaires au détriment des copropriétaires minoritaires.

La preuve de cet abus doit être rapportée par celui qui l'invoque. Il ne peut en aucun cas résulter de l'absence de justification des motifs de la décision, ou de l'absence de « justes motifs » invoqués par les copropriétaires, le tribunal ne pouvant se livrer à un contrôle de l'opportunité des décisions prises par l'assemblée.

En l’espèce, la résolution numéro 17 adoptée par l’assemblée générale le 22 juillet 2019, qui a donné mandat au syndic pour agir au nom du syndicat des copropriétaires à l’encontre de la SCI DU [Adresse 1], est libellée de la manière suivante :
« 17) Décision à prendre quant à : (Article 24)
« Autorisation à donner au syndic d’engager toutes actions judiciaires ou administratives à l’encontre de la SCI [Adresse 1], et/ou de faire des demandes reconventionnelles dans le cadre de la procédure initiée par cette dernière, afin d’obtenir du juge qu’elle respecte la destination de l’immeuble à l’usage d’habitation exclusive, en respectant notamment, sans que cela soit limitatif, la destination de ses lots (certains ayant récemment été transformés par ses soins et étant actuellement utilisés comme locaux professionnels), et dans ce cadre :
Donner pouvoir au cabinet FIDAL d'engager toutes procédures judiciaires ou administratives à l'encontre de la SCI [Adresse 1] et/ou d'effectuer, dans le cadre de la procédure judiciaire engagée par la SCI [Adresse 1] devant le Tribunal de grande instance de MARSEILLE, selon assignation délivrée le 6 mars 2019 au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], toutes demandes reconventionnelles à l'encontre de la SCI du [Adresse 1] (et, le cas échéant, de toutes autres parties) afin d'obtenir, sans que cela soit limitatif, du juge la condamnation de la SCI [Adresse 1] à :
- Respecter (par toutes mesures utiles, dont la remise en état) le règlement de copropriété et la destination de l'immeuble à usage exclusif d'habitation, en respectant notamment, sans que cela soit limitatif, la destination à usage exclusif d'habitation des lots appartenant à la SCI [Adresse 1],
- Indemniser les divers préjudices causés matériels et moraux,
- Participer aux frais et honoraires de procédure engagés par le syndicat des copropriétaires,
- Payer une indemnité au titre de l'article 700 du CPC, outre les dépens ».

Il résulte des termes de cette résolution que l’autorisation donnée au syndic dans le cadre de la résolution litigieuse vise des personnes nommément désignées et concerne la possibilité d’engager une action judiciaire ou administrative ainsi que celle de formuler des demandes reconventionnelles dans la procédure précédemment initiée par la SCI DU [Adresse 1], et ce afin de faire respecter la destination d’habitation de l’immeuble. Il est à cet égard indiqué que la « remise en état » peut notamment être sollicitée, de même que l’indemnisation des préjudices matériels et moraux du syndicat des copropriétaires.

Ainsi, contrairement à ce qu’affirme la SCI requérante, il apparait que le mandat donné au syndic dans le cadre de cette résolution précise la nature de l’action qu’il peut engager (judiciaire ou administrative) ou des demandes qu’il peut formuler (reconventionnelles), leur finalité (respect de la destination d’habitation de l’immeuble) ainsi que leur objet (demande de remise en état, demandes indemnitaires).

L’autorisation donnée n’est ainsi ni vague, ni imprécise et a un objet suffisamment déterminé.

La résolution numéro 17 de l’assemblée générale du 22 juillet 2019 n’encourt donc pas l’annulation sur ce fondement.

S’agissant par ailleurs du moyen tiré de l’existence d’un abus de majorité, il a été précédemment rappelé qu’il appartient au copropriétaire qui l’invoque de rapporter la preuve de cet abus, et en particulier de l’existence d’une décision prise dans un objectif autre que l’intérêt collectif des copropriétaires, comme une intention de nuire à un copropriétaire minoritaire.

Or, la SCI DU [Adresse 1] ne rapporte aucunement une telle preuve.

En effet, la résolution attaquée vise à autoriser le syndic à ester en justice afin de faire respecter la destination de l’immeuble en sollicitant notamment sa remise en état ainsi que l’octroi de dommages et intérêts, ce qui est par principe conforme à l’intérêt collectif.

Il n’appartient pas au tribunal, uniquement saisi par la SCI requérante de la régularité de cette autorisation par rapport au droit de la copropriété, d’apprécier si l’action que le syndic est autorisé à engager ou les demandes qu’il est autorisé à formuler sont bien fondées, ce qui constituerait une appréciation de l’opportunité de la décision de l’assemblée générale qui ne relève pas de l’office du tribunal dans le cadre de la présente instance.

Il n’est par ailleurs pas établi que l’autorisation donnée aurait un objectif purement dilatoire et aurait pour but exclusif de nuire à la SCI requérante, ce qu’aucun élément ne vient démontrer.

En outre, le seul fait que le conseil mandaté par le syndicat soit le même que celui d’un des copropriétaires n’est pas en lui-même de nature à caractériser l’existence d’un tel abus, et il n’est pas prouvé en l’espèce que le choix de ce conseil aurait été imposé au syndicat par un des copropriétaires, en l’occurrence par les consorts [O], ou que le syndicat aurait fait l’objet de « pressions » sur ce point. Il n’est même pas établi qu’un changement de conseil aurait été opéré à leur demande, ce qui ne ressort d’aucune des pièces produites. La pièce n°14 visée dans le corps des conclusions de la SCI DU [Adresse 1] n’a notamment pas été communiquée au tribunal.

Enfin, le fait que l’assemblée générale ait de nouveau voté cette autorisation déjà soumise précédemment aux copropriétaires lors de l’assemblée générale du 18 février 2019 ne peut être interprété comme une volonté de nuire à la SCI DU [Adresse 1], alors que cette nouvelle mise au vote d’une résolution formulée différemment peut avoir pour objectif de corriger ou de préciser l’autorisation précédemment accordée.

Dans ces conditions, aucun abus de majorité n’est démontré.

La demande d’annulation de la résolution n°17 de l’assemblée générale du 22 juillet 2019 sera par conséquent rejetée.

Compte tenu de ce qui précède, la SCI DU [Adresse 1] sera également déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les demandes reconventionnelles du syndicat des copropriétaires

Selon l’article 64 du code de procédure civile, constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire.

L’article 70 du code de procédure civile ajoute que les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

En l’espèce, il résulte de l‘assignation délivrée au syndicat des copropriétaires par la SCI [Adresse 1] le 17 août 2019 et de ses dernières conclusions que l’objet de son action est d’obtenir l’annulation d’une résolution de l’assemblée générale des copropriétaires, outre des dommages et intérêts pour abus de procédure.

Dans le cadre de cette instance, le syndicat des copropriétaires a formulé plusieurs demandes reconventionnelles tendant notamment, selon ses dernières conclusions, à :
« CONDAMNER la société SCI [Adresse 1] à respecter la destination à usage d’habitation de ses lots
CONDAMNER la société SCI [Adresse 1] à remettre ses lots en leur état antérieur pour qu’ils soient conformes à cette destination d’habitation, et à en justifier auprès du syndicat des copropriétaires sous un délai de 3 mois à compter du Jugement à venir
DECLARER qu’à l’expiration de ce délai de 3 mois, la SCI DU [Adresse 1] sera condamnée, sous astreinte de 3.000 euros par jour de retard, à justifier de cette remise en état de ces lots conformément à leur destination d’habitation
ORDONNER à la SCI DU [Adresse 1] l’arrêt immédiat de toute activité professionnelle et commerciale dans l’immeuble, et ce sous astreinte de de 5.000 euros par jour de retard à compter du Jugement à venir
CONDAMNER la SCI DU [Adresse 1], sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification du Jugement à venir, à justifier des travaux réalisés au sein de son appartement au moment de son acquisition, en remettant un plan d’aménagement certifié conforme par un architecte ou un bureau d’étude, lequel indiquera si des murs ont fait l’objet de travaux et, le cas échéant, quelles mesures ont été prises pour la solidité de l’immeuble
DECLARER que la présente juridiction se réserve le pouvoir de liquider les différentes astreintes conformément à l’article L. 1131-3 du Code de procédure civile d’exécution ».

Une demande de dommages et intérêts pour procédure abusive est également formulée, dont l’irrecevabilité n’est toutefois pas soulevée.

Les demandes reconventionnelles litigieuses visent ainsi à obtenir sous astreinte la justification de travaux réalisés au sein de son lot par la SCI DU [Adresse 1] et de leur absence d’atteinte à la solidité de l’immeuble, la remise en état de son lot suite aux travaux réalisés, ainsi que la cessation de son activité commerciale.

Ces demandes apparaissent toutefois comme étant sans lien direct et suffisant avec les demandes principales et accessoires formulées par la SCI DU [Adresse 1], dès lors que celles-ci consistent uniquement en une demande d’annulation d’une résolution d’assemblée générale, qui vise ainsi à faire constater l’irrégularité de l’autorisation donnée pour non-respect des règles de fond et de forme régissant le droit de la copropriété, sans qu’aucune demande ne soit parallèlement formulée concernant les travaux réalisés par ses soins ou l’activité commerciale qu’elle exerce.
Le syndicat ne peut valablement prétendre que l’existence d’un lien suffisant résulterait de la nécessaire interprétation du règlement de copropriété, sur laquelle reposerait l’argumentation de la demanderesse. En effet, une telle interprétation n’est aucunement requise pour statuer sur la demande d’annulation de la résolution attaquée, les moyens d’annulation soulevés par la SCI DU [Adresse 1] tenant d’une part à l’imprécision de l’autorisation donnée par l’assemblée générale, et d’autre part à l’existence d’un abus de majorité. Il est ainsi inexact d’affirmer que l’annulation de la résolution litigieuse serait sollicitée sur le fondement d’une quelconque interprétation dudit règlement.

Dans ces conditions, le syndicat des copropriétaires n’est pas recevable à formuler, dans le cadre de la présente instance ayant pour objet la contestation du mandat donné par l’assemblée générale au syndic, des demandes visant à obtenir la démolition de certains travaux ou l’arrêt d’une activité.

Ces demandes, sans lien suffisant avec la présente affaire, ne peuvent être formulées que par voie d’assignation dans le cadre d’une procédure distincte, ce que le syndicat des copropriétaires a d’ailleurs fait en assignant parallèlement au fond la SCI DU [Adresse 1] dans le cadre de l’affaire RG 22/09756.

Les demandes reconventionnelles précitées seront donc déclarées irrecevables dans le cadre de la présente procédure.

S’agissant enfin de la demande reconventionnelle de dommages et intérêts parallèlement formée par le syndicat au motif de la résistance abusive, le tribunal constate que le syndicat se contente de relever le caractère « scandaleux » du comportement de la SCI requérante par rapport à l’exercice d’une activité commerciale dans l’immeuble, ce qui est sans lien direct avec le présent litige relatif à la contestation d’une résolution d’assemblée générale.

L’existence d’un éventuel abus d’ester en justice dans le cadre de la présente action n’est quant à elle aucunement démontrée, étant rappelé qu’une mauvaise appréciation de ses droits par une partie ne suffit pas à caractériser l’existence d’une faute susceptible d’engager sa responsabilité, et qu’il est nécessaire de démontrer l’existence d’une mauvaise foi ou d’une erreur grossière équipollente au dol.

Cette demande de dommages et intérêts sera donc rejetée.

Sur les demandes accessoires

Aux termes de l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Aux termes de l’article 700 (1°) du Code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

La SCI DU [Adresse 1], qui succombe à la présente instance, sera condamnée aux dépens.

Elle sera également condamnée à payer au syndicat des copropriétaires une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En application de l’article 515 du code de procédure civile, dans sa version applicable au présent litige, il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision, celle-ci étant compatible avec la nature de l’affaire et nécessaire au regard de l’ancienneté du litige.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition des parties au greffe,

RECOIT l’intervention volontaire de la SARL DURAND IMMOBILIER à la présente instance,

DEBOUTE la SCI DU [Adresse 1] de sa demande d’annulation de la résolution numéro 17 de l’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1] en date du 22 juillet 2019 ;

DEBOUTE la SCI DU [Adresse 1] de sa demande de dommages et intérêts ;
DECLARE irrecevables faute de lien suffisant avec les demandes principales les demandes reconventionnelles formulées par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 1], représenté par son syndic en exercice la SARL DURAND IMMOBILIER, tendant à :
- condamner la société SCI [Adresse 1] à remettre ses lots en leur état antérieur pour qu’ils soient conformes à cette destination d’habitation, et à en justifier auprès du syndicat des copropriétaires sous un délai de 3 mois à compter du Jugement à venir
- déclarer qu’à l’expiration de ce délai de 3 mois, la SCI DU [Adresse 1] sera condamnée, sous astreinte de 3.000 euros par jour de retard, à justifier de cette remise en état de ces lots conformément à leur destination d’habitation
- ordonner à la SCI DU [Adresse 1] l’arrêt immédiat de toute activité professionnelle et commerciale dans l’immeuble, et ce sous astreinte de de 5.000 euros par jour de retard à compter du Jugement à venir
- condamner la SCI DU [Adresse 1], sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification du Jugement à venir, à justifier des travaux réalisés au sein de son appartement au moment de son acquisition, en remettant un plan d’aménagement certifié conforme par un architecte ou un bureau d’étude, lequel indiquera si des murs ont fait l’objet de travaux et, le cas échéant, quelles mesures ont été prises pour la solidité de l’immeuble.

DEBOUTE le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 1], représenté par son syndic en exercice la SARL DURAND IMMOBILIER, de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts ;

CONDAMNE la SCI DU [Adresse 1] à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 1], représenté par son syndic en exercice la SARL DURAND IMMOBILIER, la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SCI DU [Adresse 1] aux dépens de la présente instance ;

ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe de la troisième chambre civile section A du tribunal judiciaire de Marseille le seize mai deux mille vingt quatre

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 3ème chbre cab a2
Numéro d'arrêt : 19/09204
Date de la décision : 16/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-16;19.09204 ?
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