REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
POLE SOCIAL
Caserne du Muy
CS 70302 – 21 rue Ahmed Litim
13331 Marseille cedex 03
04.86.94.91.74
JUGEMENT N°24/02291 DU 14 Mai 2024
Numéro de recours: N° RG 23/01637 - N° Portalis DBW3-W-B7H-3NTZ
AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [Y] [J]
né le 05 Octobre 1966 à
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]
comparant en personne assisté de Me Axel NAKACHE, avocat au barreau de MARSEILLE
C/ DEFENDERESSE
Organisme [5]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
non comparante, ni représentée
DÉBATS : A l'audience Publique du 26 Mars 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Président : MEO Hélène
Assesseurs : HERAN Claude
MOLINA Sébastien
Greffier lors des débats : AROUS Léa,
A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 14 Mai 2024
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
EXPOSE DU LITIGE
Le 15 décembre 2021, M. [Y] [J], exerçant au moment des faits la profession de marin-plongeur, a déclaré, selon certificat médical initial du 17 septembre 2021, une « surdité de perception bilatérale par altération cochléo-vestibulaires secondaire à une exposition hyperbare professionnelle et responsable d’acouphènes » qui a été prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par décision de l’établissement national des invalides de la marine (ci-après ENIM) et ce, à compter du 6 août 2021.
Le 20 janvier 2023, l’ENIM a notifié à M. [Y] [J] la consolidation de son état de santé au 16 décembre 2022, l’évaluation de son taux d’incapacité permanente partielle (ci-après IPP) à hauteur de 6% par le médecin-conseil et l’attribution d’une pension d’invalidité à compter du 17 décembre 2022.
Par courrier en date du 17 février 2023, M. [Y] [J] a formé un recours amiable à l’encontre de cette décision.
Par décision du 6 mars 2023, la mission de conciliation et du précontentieux de l’ENIM a porté le taux d’IPP de M. [Y] [J] à 16 % après avis du médecin chef du service du contrôle médical et par application d’un coefficient professionnel de 10 %.
Par requête expédiée le 5 mai 2023, M. [Y] [J] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille d’un recours à l’encontre de la décision du 6 mars 2023.
Par décision du 15 septembre 2023, le pôle social a ordonné la réalisation d’une consultation médicale et a désigné le Docteur [P] [B] pour y procéder.
Cette dernière a déposé son rapport de consultation médicale le 25 octobre 2024 et préconisé un maintien du taux d’IPP médical à 6 %.
Les parties ayant été régulièrement convoquées, l’affaire a été appelée à l’audience du 26 mars 2024.
En demande, M. [Y] [J] comparant en personne à l’audience assisté de son conseil, reprend oralement les termes de ses dernières écritures et sollicite le tribunal aux fins de :
- Le recevoir en ses demandes et les déclarer bien fondées ;
- Fixer son taux d’incapacité permanente partielle à 41 % en considération du taux médical fixé à 6 % par le Dr [B] et l’application d’un coefficient socio-professionnel de 35 % ;
- Ordonner à l’ENIM de rétablir la base de calcul de sa rente invalidité suivant la catégorie n°6 à laquelle il est désormais rattaché ;
- Condamner l’ENIM au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, M. [Y] [J] fait principalement valoir que le coefficient professionnel de 10 % retenu par l’ENIM ne reflète pas réellement les répercussions de sa maladie sur sa situation professionnelle.
En défense, l’ENIM, dispensé de comparaître, sollicite aux termes de ses dernières écritures le tribunal aux fins de :
- Déclarer recevable le recours de M. [Y] [J] mais mal fondé ;
- Confirmer la décision de l’ENIM n°58 en date du 20 janvier 2023 portant attribution d’une pension d’invalidité ayant attribué un taux d’IPP de 16 % à M. [Y] [J].
Au soutien de ses prétentions, l’ENIM fait principalement valoir que le médecin chef du service médical a correctement évalué les répercussions de la maladie de l’assuré sur sa situation professionnelle.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un exposé plus ample de leurs moyens et prétentions.
L'affaire a été mise en délibéré au 14 mai 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le taux d’IPP
L’article 16 du décret du 17 juin 1938 relatif à la réorganisation et à l’unification du régime d’assurance des marins dispose qu’après consolidation de la blessure ou stabilisation de l'état morbide résultant de l'accident, le marin reçoit une pension s'il est atteint d'une invalidité permanente d'au moins 10 % évaluée d'après le barème en vigueur pour les accidents du travail.
Aux termes de l’article L.434-2 du code de la sécurité sociale, le taux d’incapacité permanente résultant d’un accident ou d’une maladie professionnelle est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité annexé audit code.
En l'espèce, M. [Y] [J] sollicite la revalorisation de son taux d’IPP à hauteur de 41 % avec maintien du taux médical à 6 % et revalorisation du coefficient professionnel à hauteur de 35 %.
S’agissant du taux médical, au vu du rapport du Docteur [B] préconisant un maintien à 6 % et des écritures des parties témoignant d’un accord sur ce point, le tribunal décide de maintenir ce taux à 6 %.
S’agissant du coefficient professionnel, le tribunal observe que le médecin consultant ne s’est pas prononcé.
M. [Y] [J] sollicite une revalorisation à hauteur de 35 % au motif qu’il est gérant d’une exploitation individuelle de naissains de moules et d’oursins et qu’il tirait ses principaux revenus de la vente des productions qu’il récoltait lui-même en plongeant.
Il fait valoir qu’il doit désormais faire appel à un plongeur indépendant à raison de deux à trois fois par semaine pour procéder à cette récolte de sorte que ses revenus s’en trouvent gravement affectés.
A l’appui de ses allégations, M. [Y] [J] verse aux débats une attestation indiquant qu’il n’est plus titulaire de l’autorisation de pêche du naissain de moule en bouteilles depuis 2020.
Il produit également un certificat du Docteur [T] [M], médecin généraliste, en date du 15 décembre 2021, indiquant que la pathologie de M. [Y] [J] lui contre-indique toute activité hyperbare et de navigation. Il ajoute cependant que « dans le cas où Monsieur [J] [Y] accepte un appareillage par prothèses auditives, la reprise de la navigation sera envisageable si la courbe d’audition vocale est compatible avec les normes en vigueur. L’activité hyperbare reste contre-indiquée de façon définitive ».
M. [Y] [J] justifie de six factures de M. [V] [E], pêcheur, pour la récolte de coquillages et produit les comptes de résultat de son entreprise pour les années 2019, 2020 et 2021.
Le tribunal relève cependant que le médecin chef du service du contrôle médical a déjà pris en compte les doléances de M. [Y] [J] pour fixer son coefficient professionnel à hauteur de 10 % en indiquant dans son rapport que « dans sa contestation du 17/02/2023, l’assuré fait part qu’en son état de pêcheur plongeur professionnel, il ne peut plus exercer sa fonction principale et qu’il aurait perdu toutes ses licences, ce qui pénaliserait ses revenus ».
Le tribunal observe que M. [Y] [J], qui ne peut effectivement plus exercer de plongée hyperbare, peut néanmoins toujours exercer sa réelle activité principale de conchyliculture.
Il relève également que la navigation lui reste accessible dès lors qu’il acceptera le port de prothèses auditives.
Il y a donc lieu de considérer que M. [Y] [J] ne rapporte aucun nouvel élément permettant de majorer le coefficient retenu par le médecin chef du service médical de l’ENIM de 25 points.
Dans ces conditions, le taux d’incapacité permanente partielle global de M. [Y] [J] sera maintenu à 16 %.
Sur le calcul de la pension d’invalidité
Aux termes de l’article 7 du décret du 17 juin 1938 relatif à la réorganisation et à l’unification du régime d’assurance des marins, le salaire annuel pour le calcul des pensions, rentes et allocations servies par la caisse générale de prévoyance, s'entend du salaire défini conformément à l'article L. 5553-5 du code des transports, et correspondant à la dernière activité professionnelle antérieure soit à l'accident, soit au débarquement pour maladie, soit au début de l'incapacité de travail, soit au décès et ayant servi de base aux cotisations et contributions dues à l'établissement national des invalides de la marine.
L’article L.5553-5 du code des transports dispose que les cotisations des marins et les contributions des armateurs sont assises sur des salaires forfaitaires correspondant aux catégories dans lesquelles sont classés les marins compte tenu des fonctions qu'ils occupent et qui sont fixées par décret.
M. [Y] [J] fait valoir que sa pension d’invalidité est calculée sur un salaire annuel de catégorie 5 alors qu’il est placé en catégorie 6 depuis le 19 mai 2015 soit bien antérieurement à la survenance de sa maladie professionnelle.
Au soutien de ses prétentions, M. [Y] [J] verse un courriel, rédigé par le département des politiques sociales maritimes d’appui aux employeurs et à la carrière des marins, établissant effectivement son classement en catégorie 6 depuis le 19 mai 2015.
Dans ces conditions, il sera fait droit à la demande de M. [Y] [J] de revalorisation de sa pension d’invalidité sur la base d’un salaire annuel de catégorie 6.
Sur les dépens de l’instance
En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, l’ENIM sera condamné aux dépens de l’instance.
En raison de considérations tirées de l’équité, il ne sera pas fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant après débats publics par jugement contradictoire et en premier ressort mis à disposition au greffe,
DECLARE recevable et partiellement fondé le recours de M. [Y] [J] ;
REJETTE la demande de M. [Y] [J] de revalorisation de son taux d’incapacité permanente partielle ;
FIXE le taux d’incapacité permanente partielle de M. [Y] [J] résultant de la maladie professionnelle du 06 août 2021 à hauteur de 16 % dont 10% au titre du retentissement socio-professionnel ;
CONDAMNE l’ENIM à revaloriser la pension d’invalidité de M. [Y] [J] sur la base d’un salaire annuel de catégorie 6 à compter de la notification du présent jugement ;
RAPPELLE que la présente décision a vocation à se substituer aux décisions de l’ENIM ;
REJETTE la demande de M. [Y] [J] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE l’ENIM aux dépens de l’instance ;
Conformément aux dispositions de l'article 538 du code de procédure civile, et sous peine de forclusion, les parties disposent pour d'un délai d’un mois pour interjeter appel à compter de la notification de la présente décision.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 14 mai 2024,
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE