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14/05/2024 | FRANCE | N°22/03146

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: rd/carsat, 14 mai 2024, 22/03146


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]


JUGEMENT N°24/01814 du 14 Mai 2024

Numéro de recours: N° RG 22/03146 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2YED

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
S.A.S. [7]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Philippe TOISON, avocat au barreau de PARIS


c/ DEFENDERESSE
Organisme ENIM
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représenté par la SELARL DE LA GRANGE ET FITOUSSI, Avocats au barreau de MARSEILLE


DÉBATS : À

l'audience publique du 12 Mars 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : PASCAL Florent, Vice-Président

Assesseur...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]

JUGEMENT N°24/01814 du 14 Mai 2024

Numéro de recours: N° RG 22/03146 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2YED

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
S.A.S. [7]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Philippe TOISON, avocat au barreau de PARIS

c/ DEFENDERESSE
Organisme ENIM
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représenté par la SELARL DE LA GRANGE ET FITOUSSI, Avocats au barreau de MARSEILLE

DÉBATS : À l'audience publique du 12 Mars 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : PASCAL Florent, Vice-Président

Assesseurs : MAUPAS René
CASANOVA Laurent

L’agent du greffe lors des débats : KALIMA Rasmia,

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 14 Mai 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

N° RG 22/03146

EXPOSE DU LITIGE :

Par requête du 16 novembre 2022, la société [7] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille d’un recours à l’encontre de la décision n°537 de l’Établissement national des invalides de la Marine (ci-après ENIM) du 2 juin 2022 ayant reconnu le caractère professionnel de la maladie dont était atteint son salarié, Monsieur [I] [K], au titre du tableau n°30 bis des maladies professionnelles.

L’affaire a été retenue à l’audience du 12 mars 2024.

Aux termes des conclusions soutenues oralement par son conseil, la société [7] sollicite du tribunal de :
- constater que les conditions posées par l’article 21-4 du décret du 17 juin 1938 ne sont pas remplies ;
- juger en conséquence que la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de Monsieur [I] [K] est inopposable à la société [7] avec les conséquences que cela emporte ;
- condamner l’ENIM à lui verser à la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la société [7] considère que la condition du tableau n°30 bis des maladies professionnelles relative à la durée d’exposition n’est pas remplie et ajoute que la condition relative au lien entre la pathologie de Monsieur [I] [K] et son activité au sein de [7] n’est pas rapportée compte tenu de son environnement de travail et des fonctions exercées. Enfin, elle indique que la maladie de Monsieur [I] [K] n’est pas essentiellement et directement causée par l’exercice d’une activité entraînant affiliation au régime de sécurité sociale des marins.

L’Établissement national des invalides de la Marine (ENIM), représentée par son conseil soutenant oralement ses conclusions, demande pour sa part au tribunal de :
- le déclarer recevable et bien fondé en ses écritures ;
- juger que la décision de l’ENIM du 2 juin 2022 est opposable à la société [7] ;
- juger que les conditions du tableau n°30 bis sont réunies ;
- juger que la société [7] n’apporte pas la preuve que la maladie de Monsieur [K] trouverait une autre origine que professionnelle ;
- juger que la société [7] ne peut s’exonérer de présomption d’imputabilité de la maladie à l’activité professionnelle ;
- reconnaître le bien-fondé de la décision de l’ENIM n°537 du 2 juin 2022 ;
- juger que la maladie professionnelle de Monsieur [I] [K] est imputable à la société [7] ;
- juger que le recours de la société [7] est mal fondé et l’en débouter ;
- condamner la société [7] au versement de la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, l’ENIM considère que la condition relative à la durée d’exposition et au délai de prise en charge est remplie. Elle ajoute que Monsieur [I] [K] a eu une activité professionnelle incluant la manipulation de produits contenant de l’amiante.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux pièces et conclusions déposées par les parties à l’audience, pour un exposé plus ample de leurs moyens et prétentions.

L’affaire a été mise en délibéré au 14 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la demande d'inopposabilité de la décision de l'ENIM de prise en charge de la maladie déclarée par Monsieur [I] [K] au titre de la législation professionnelle

L’alinéa 3 de l’article 21-4 du décret du 17 juin 1938 dispose que « Les maladies mentionnées aux tableaux prévus à l’article L.461-2 du Code de la sécurité sociale sont présumées trouver leur origine dans un risque professionnel dès lors qu’est établi, après avis du conseil de santé du régime de sécurité sociale des marins des gens de mer, le lien avec l’exercice d’une activité entraînant affiliation du régime de sécurité sociale des marins. Dans ce cas, les durées d’exposition au risque et les délais de prise en charge définis par ces tableaux s’appliquent au régime des marins. »

S’agissant de l’avis du médecin conseil de l’ENIM, l’article L.315-2 du Code de la sécurité sociale précise que : « Les avis rendus par le service du contrôle médical portant sur [tous les éléments d’ordre médical qui commandent l’attribution et le service de l’ensemble des prestations de l’assurance maladie] s’imposent à l’organisme de prise en charge ».

L’alinéa 2 de l’article L.461-1 du Code de la sécurité sociale pose une présomption de reconnaissance de maladie professionnelle pour toute affection désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractées dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Le tableau n°30 bis des maladies professionnelles vise le cancer broncho-pulmonaire primitif et précise la nature des travaux susceptibles de provoquer la maladie, et le délai dans lequel la maladie doit être constatée après la cessation de l’exposition du salarié au risque identifié pour être pris en charge.

En l’espèce, l’avis du service du contrôle médical du 2 mars 2022 mentionne un « cancer broncho-pulmonaire primitif » de Monsieur [I] [K] en se fondant sur un certificat médical initial du docteur [W] [S] daté du 10 décembre 2021, avec pour date de première constatation le 8 novembre 2021.

La condition relative à la désignation de la maladie prévue au tableau n°30 bis est donc remplie.

Le tableau n°30 bis vise une durée d’exposition de 10 ans et un délai de prise en charge de 40 ans.

La durée d’exposition aux risques s’apprécie au regard de la totalité de la durée d’exposition au risque chez l’ensemble des employeurs, étant précisé qu’une maladie professionnelle doit être considérée comme contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque, avant sa constatation médicale, sauf à ce que cet employeur rapporte la preuve contraire.

Monsieur [I] [K] a travaillé sur différents navires entre 1966 et 2003 en tant que marin embarqué, et a notamment travaillé à bord des navires de la société [7] - en tant que dernier employeur - à partir de 1972 et ce, jusqu’en 2003.

La maladie a été constatée moins de 40 ans après la cessation de l’exposition au risque puisque Monsieur [I] [K] a cessé d’être exposé le 2 mai 2003 et la maladie a été constatée le 8 novembre 2021. En outre, la durée d’exposition a été supérieure à 10 ans.

Il résulte de ces constatations que la maladie dont a été victime Monsieur [I] [K] entre dans les conditions visées par le tableau n°30 bis des maladies professionnelles, de sorte que la présomption d’imputabilité de l’article L.461-1 du Code de la sécurité sociale s’applique.

La société [7] soutient que la condition relative au lien entre la pathologie de Monsieur [I] [K] et son activité au sein de [7] n’est pas rapportée compte tenu de son environnement de travail et des fonctions exercées par le salarié. Elle ajoute qu’aucun élément ne permet de rapporter la preuve que le cancer broncho-pulmonaire primitif dont Monsieur [I] [K] est décédé serait directement et essentiellement causé par l’exercice de son activité pour la société [7], en lien avec une exposition à l’amiante.

Elle poursuit en affirmant que Monsieur [I] [K] a commencé à travailler à une période où les navires venaient récemment d’être construits de sorte que les matériaux susceptibles de contenir de l’amiante étaient en parfait état, sans risque de libération de fibre d’amiante, et fournit à ce titre des relevés d’empoussièrement sur la période entre le 11 avril 2005 et le 15 avril 2005 du navire « Descartes » construit en 1971.

S’agissant des relevés versés aux débats, il y a d’abord lieu de constater que ceux-ci concernent une période postérieure aux embarquements de Monsieur [I] [K].

Par ailleurs, l’article 65 du décret du 17 juin 1938 modifié instaure une présomption concernant la présence d’équipements contenant de l’amiante pour les navires de charge construits avant le 30 juin 1999.

Monsieur [I] [K] a notamment travaillé en qualité d’officier mécanicien ou de second mécanicien à bord de navires construits avant le 1er janvier 1997, date à laquelle ont été interdits les composants d’amiante dans la construction navale.

La liste des travaux susceptibles de provoquer la maladie comprend les travaux d’entretien ou de maintenance effectués sur des équipements contenant des matériaux à base d’amiante, ce qui correspond aux tâches accomplies par Monsieur [I] [K] selon son relevé de services (pièce 3 de l’ENIM), étant précisé que la liste des travaux susceptibles de provoquer la maladie professionnelle n°30 bis n’est pas limitative.

Ainsi, il est établi que le salarié a été exposé à l’inhalation de poussière d’amiante à bord des navires par des travaux d’entretien et de maintenance effectués sur des matériels ou dans des locaux revêtus ou contenant des matériaux à base d’amiante.

L’employeur ne peut valablement se retrancher derrière le fait qu’il n’était ni fabricant d’amiante ni utilisateur de ce matériau à titre industriel, dans la mesure où la création même du tableau n°30 en 1950 devait entraîner chez tout entrepreneur avisé une attitude de vigilance et de prudence à propos de la présence d’amiante sur les lieux de travail, même si elle était encore licite.

La présomption d’exposition à l’inhalation de poussières d’amiante est en l’espèce acquise, faute de toute preuve contraire apportée par la société [7].

La société [7] n’apporte pas d’éléments probatoires suffisants de nature à renverser la présomption d’imputabilité prévue par l’article L.461-1 du Code de la sécurité sociale.

Il y a lieu dès lors de considérer que la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par Monsieur [I] [K] est régulière et justifiée, et que la décision de l’ENIM doit être déclarée opposable à la société [7].

Sur les demandes accessoires

Conformément à l'article 696 du Code de procédure civile, les dépens seront laissés à la charge de la société [7].

Aucune circonstance tirée de l'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort,

DÉCLARE le recours de la société [7] recevable mais mal fondé ;

DÉCLARE opposable à la société [7] la décision de l’ENIM n°537 du 2 juin 2022 reconnaissant le caractère professionnel de l’affection de Monsieur [I] [K] au titre du tableau n°30bis des maladies professionnelles ;

DÉBOUTE la société [7] de l’ensemble de ses demandes ;

DIT n’avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

LAISSE les dépens de l'instance à la charge de la société [7] ;

DIT que tout appel de la présente décision, doit, à peine de forclusion, être formé dans le mois de la réception de sa notification.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 14 mai 2024.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: rd/carsat
Numéro d'arrêt : 22/03146
Date de la décision : 14/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-14;22.03146 ?
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