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13/05/2024 | FRANCE | N°22/02303

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 2ème chambre cab2, 13 mai 2024, 22/02303


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°


Enrôlement : N° RG 22/02303 - N° Portalis DBW3-W-B7G-ZWWZ

AFFAIRE : M. [S] [F] (Me Danielle BEURNAUX)
- Mme [H] [Z] épouse [F]
(Me Danielle BEURNAUX)
C/ M. [U] [P] (Me Aurélie REYMOND)
- Mme [D] [B] épouse [P]
(Me Aurélie REYMOND)


DÉBATS : A l'audience Publique du 25 Mars 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame [L] HOURTANE

Greffier : Madame Célia SANDJIVY, lors des débats


A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 13 Mai 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu p...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°

Enrôlement : N° RG 22/02303 - N° Portalis DBW3-W-B7G-ZWWZ

AFFAIRE : M. [S] [F] (Me Danielle BEURNAUX)
- Mme [H] [Z] épouse [F]
(Me Danielle BEURNAUX)
C/ M. [U] [P] (Me Aurélie REYMOND)
- Mme [D] [B] épouse [P]
(Me Aurélie REYMOND)

DÉBATS : A l'audience Publique du 25 Mars 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame [L] HOURTANE

Greffier : Madame Célia SANDJIVY, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 13 Mai 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 13 Mai 2024

PRONONCE par mise à disposition le 13 Mai 2024

Par Madame [L] HOURTANE, Juge

Assistée de Madame Célia SANDJIVY, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEURS

Monsieur [S] [F]
né le 31 Janvier 1976 à [Localité 3], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Danielle BEURNAUX, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [H] [Z] épouse [F]
née le 30 Janvier 1981 à [Localité 3], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Danielle BEURNAUX, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDEURS

Monsieur [U] [P]
né le 22 Octobre 1950 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Aurélie REYMOND de la SELARL DUPIELET-REYMOND, avocats au barreau de MARSEILLE

Madame [D] [B] épouse [P]
née le 05 Août 1955 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2]

représentée par Maître Aurélie REYMOND de la SELARL DUPIELET-REYMOND, avocats au barreau de MARSEILLE

************

EXPOSÉ DU LITIGE

En suite d’une promesse de vente conclue le 06 novembre 2012, par acte authentique du 11 juin 2013, Monsieur [U] [P] et Madame [D] [B] épouse [P] (ci-après “les époux [P]”) ont vendu à Monsieur [S] [F] et Madame [H] [Z] épouse [F] (ci-après “les époux [F]”) un bien immobilier consistant en le lot numéro 1 d’une maison de ville d’un étage, sise [Adresse 1] et soumise au statut de la copropriété.

Ledit lot correspond à :
- la propriété de la totalité du rez-de-chaussée de l’immeuble consistant en un appartement,
- la jouissance exclusive de la terrasse située à l’avant de l’immeuble ainsi que des dépendances situées derrière l’immeuble,
- la jouissance commune avec le propriétaire du lot n°2 devenu lots n°3 et 4 du water-closet situé derrière l’immeuble auquel on accède par un escalier ouvrant sur la cour située au sud de l’immeuble (le vendeur déclarant que ce WC n’était plus utilisé),
- 456/895 tantièmes généraux.

Par actes d’huissier de justice du 22 février 2022, les époux [F] ont fait assigner devant ce tribunal les époux [P] afin d’obtenir réparation de leur préjudice sur le fondement de l’article 1240 du code civil.

Les époux [F] font grief aux époux [P] d’avoir commis un dol lors de la vente de leur bien, en déclarant dans les deux actes notariés des 6 novembre 2012 et 11 juin 2013:
- que la copropriété n’était pas administrée par un syndic, alors que Monsieur [P] avait la qualité de syndic bénévole,
- que la copropriété ne faisait pas l’objet d’injonction de travaux, alors que Monsieur [P] avait reçu diverses mises en demeure de la Ville de [Localité 3] et de la MATMUT, assureur du locataire de la Ville, au sujet de travaux urgents et importants à faire réaliser en toiture et en façades,
- que la copropriété n’était en litige avec personne.

Aux termes de conclusions d’incident notifiées le 1er septembre 2022, les époux [P] ont sollicité du juge de la mise en état qu’il prononce l’irrecevabilité des demandes formées dans l’assignation du 22 février 2022 du fait de la prescription, et qu’il condamne les demandeurs à leur verser la somme de 2.500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance d’incident du 03 octobre 2022, le juge de la mise en état a dit que l’action des époux [F] n’est pas prescrite, et a renvoyé le sort des frais et dépens à la décision au fond.

1. Dans leurs dernières écritures notifiées par voie électronique le 16 février 2023, les époux [F] sollicitent du tribunal, au visa des articles 1104,1130,1131, 1137, 1240, 1178 alinéa 4 et 2224 du code civil, et au bénéfice de l’exécution provisoire, de :

- déclarer les époux [P] coupables d’un dol, du fait de la dissimulation intentionnelle, à l’occasion de la vente du bien immobilier correspondant au lot n°1 du bien en copropriété sis [Adresse 1], de trois circonstances :
- le fait que Monsieur [P] avait la qualité de syndic bénévole, les vendeurs ayant déclaré que la copropriété n’était pas administrée par un syndic,
- le fait que Monsieur [P] en qualité de syndic bénévole avait reçu diverses mises en demeure de la Ville de [Localité 3] et de la MATMUT, assureur du locataire de la Ville au sujet de travaux importants et urgents à faire réaliser en toiture et en façades, alors que les vendeurs ont déclaré que le bien ne faisait l’objet d’aucune injonction de travaux,
- le fait que le syndicat était l’objet de litiges alors que les vendeurs ont déclaré qu’il n’était pas en litige ni procès avec une tierce personne,
- condamner solidairement les époux [P] à leur payer, dans le cadre de la responsabilité délictuelle consécutive au dol et au titre de la réparation de la perte de chance d’avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses, la somme totale de 38.000 euros,
- condamner les défendeurs à leur payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’instance.

2. Dans leurs conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 10 mars 2023, les époux [P] demandent au tribunal, au visa de l’article 1137 du code civil, de :

A titre principal,
- débouter les époux [F] de toutes leurs demandes,
A titre subsidiaire,
- ramener à plus justes proportions les demandes indemnitaires des époux [F], dont le montant total ne saurait excéder 2.000 euros,
En tout état de cause,
- condamner les époux [F] à leur payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est expressément référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, à l’acte introductif d’instance et aux conclusions des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions.

La clôture de l’instruction de l’affaire est intervenue par ordonnance du 27 mars 2023.

A l’audience de ce tribunal en date du 25 mars 2024, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries, et l’affaire a été mise en délibéré au 13 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de dommages et intérêts

Sur la responsabilité du fait du dol

Il résulte des dispositions de l’ancien article 1116 du code civil, applicable au présent litige s’agissant de contrats conclus le 06 novembre 2012 et le 11 juin 2013, que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Il est de jurisprudence bien établie que constitue une réticence dolosive le silence d’une partie, dissimulant à son cocontractant un fait qui, s’il avait été connu par lui, l’aurait empêché de contracter ou conduit à contracter dans d’autres conditions.

Le dol constitue un vice du consentement de nature à fonder une demande d’annulation du contrat mais également une faute civile de nature à engager la responsabilité extra-contractuelle sur le fondement de l’article 1382 ancien, devenu article 1240 du code civil.

En l’espèce, il incombe donc en premier lieu aux époux [F] de justifier de tout ou partie des trois dissimulations intentionnelles imputées aux époux [P] à l’occasion de la vente de leur bien immobilier à leur bénéfice.

A titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’ainsi qu’il a été exposé dans l’ordonnance sur incident du 03 octobre 2022, les époux [P] n’ont pas démontré que les époux [F] avaient eu connaissance de la nécessité de réaliser des travaux ni des litiges en cours avant le 23 février 2017.

Tout d’abord, il est fait grief aux époux [P] d’avoir dissimulé aux époux [F] que Monsieur [P] avait la qualité de syndic bénévole de la copropriété en faisant mention expresse dans la promesse comme l’acte de vente de l’absence de syndic de copropriété.

Les époux [P] soutiennent que cette mention est exacte, dès lors qu’aucun syndic élu n’administrait la copropriété lors de la vente du bien.

Comme le relèvent les défendeurs, la convention du 03 novembre 2003 entre Monsieur [P] et la Ville de [Localité 3] ne constitue pas un procès-verbal d’assemblée générale portant désignation d’un syndic, Monsieur [P] n’étant d’ailleurs pas identifié comme syndic dans cet acte - conclu entre les deux copropriétaires de l’immeuble relativement aux charges d’eau, sans que le syndicat des copropriétaires en soit signataire.

En revanche, l’acte authentique de scission de copropriété en date des 28 octobre et 05 novembre 2003 vise sans équivoque Monsieur [U] [P] comme syndic bénévole représentant le syndicat des copropriétaires à l’acte, en vertu de la délibération du 27 octobre 2003 de l’assemblée générale des copropriétaires qui y est annexée. Cette dernière porte renouvellement du mandat de Monsieur [P] dans ses fonctions de syndic bénévole.

Si ce document est ancien, il convient de relever qu’il n’est fait mention d’aucune durée ni d’aucun terme de ce mandat, qui pré-existait donc de toute évidence à l’acte, en droit ou en fait. Cette circonstance doit s’entendre dans le contexte d’une petite copropriété de deux copropriétaires - dont la Ville de [Localité 3], propriétaire non occupant - et gérée de longue date par un syndic bénévole.

Dans ces conditions, le fait qu’aucune assemblée générale de copropriétaires n’ait été convoquée ni réunie des années durant, à le considérer exact, ne constitue aucunement la preuve de l’absence de syndic, et est au contraire de nature à constituer une défaillance du syndic bénévole en exercice, alors même que l’expert judiciaire qui a constaté les désordres d’infiltrations, Monsieur [N], a fait état d’un défaut manifeste d’entretien de l’immeuble, émettant l’hypothèse suivant laquelle Monsieur [P], désigné comme syndic bénévole mais également copropriétaire non concerné par les désordres, ne s’en serait pas préoccupé.

Monsieur [P] est d’ailleurs expressément visé comme syndic bénévole dans les correspondances de la Ville de [Localité 3], autre copropriétaire de l’immeuble, en date des 07 octobre 2010, 24 septembre 2012 et 02 octobre 2012, ainsi que de la MATMUT, assureur du locataire de cette dernière, en date des 08 octobre 2012, 08 janvier 2013, 30 juillet 2013 et 20 septembre 2013.

Monsieur [P] est également désigné en cette qualité, jusqu’à la désignation d’un administrateur provisoire par ordonnance du Président du Tribunal de grande instance de Marseille du 06 mars 2015, dans la requête aux fins de désignation d’un administrateur provisoire déposée par le conseil du locataire de la Ville de Marseille le 11 octobre 2016.
Ces documents ne suffiraient pas à eux seuls à le désigner comme syndic, mais viennent corroborer le document susvisé dans la qualité assignée à Monsieur [P] et manifestement exercée, en droit ou en fait.

A cet égard, il n’est pas inutile de relever que dans le courrier adressé par la MATMUT à son assuré en date du 08 janvier 2013 - soit entre la date du compromis et la date de réitération de la vente litigieuse - l’assureur indique “[...] nous sommes contactés par Monsieur [P] qui nous informe qu’aucune assurance n’a été souscrite pour l’immeuble [...]”.

Il en résulte deux enseignements :

- il est ainsi établi que Monsieur [P] a, a minima, eu connaissance de la correspondance de la MATMUT du 08 octobre 2012 et partant, de l’existence de désordres d’infiltrations et de la nécessité de mettre en oeuvre des travaux de réparation de la toiture de l’immeuble, soit au moment où le bien a été mis en vente puis vendu ;
- il n’est pas mentionné dans ce courrier que Monsieur [P], à qui l’assureur s’est adressé en qualité de syndic de l’immeuble comme cela résulte de l’en-tête du courrier de l’assureur, a dénié cette qualité. Au surplus, il n’est pas contesté que le lot dont les époux [P] étaient propriétaires n’était pas concerné par les désordres d’infiltrations, de sorte qu’ils ne pouvaient être intéressés en leur qualité de copropriétaire à ce stade.

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer, d’une part, que Monsieur [P] avait bien la qualité de syndic bénévole de l’immeuble au moment de la vente du bien en litige, et d’autre part, qu’il a dissimulé cette qualité aux époux [F] au moment de la vente.

Ensuite, les époux [F] soutiennent que les vendeurs ont déclaré que le bien ne faisait l’objet d’aucune injonction de travaux, alors que Monsieur [P], en qualité de syndic bénévole, avait reçu diverses mises en demeure de la Ville de [Localité 3] et de la MATMUT, assureur du locataire de la Ville Monsieur [J] au sujet de travaux importants et urgents à faire réaliser en toiture et en façades.

Il résulte de l’acte de vente que les époux [P] ont affirmé :
- qu’il n’existait pas de travaux exécutés mais non encore réglés entièrement dans l’immeuble,
- qu’il n’y avait pas de travaux décidés par une assemblée générale de copropriétaires en cours d’exécution ou non encore commencés,
- que l’immeuble n’avait fait l’objet d’aucun arrêté de péril, déclaration d’insalubrité ni injonction de travaux.

Il n’est pas contesté que ces trois affirmations sont exactes et en particulier, que la Ville de [Localité 3] est intervenue en qualité de copropriétaire et non en qualité de collectivité chargée notamment de la salubrité publique.

Cependant, si les époux [F] ne peuvent justifier de la réception par Monsieur [P] des courriers recommandés qui lui ont été adressés par la mairie aux fins de remédier aux désordres d’infiltrations, ainsi qu’exposé supra, celui-ci a a minima été informé par l’assureur MATMUT, entre la date de la promesse de vente et de la vente, de l’existence de désordres et de la nécessité de faire voter et réaliser des travaux en toiture.

Ainsi, le silence des époux [P] au stade des déclarations sur la copropriété et les travaux sur ces désordres et la nécessité de travaux de mise hors d’eau constitue une réticence dolosive.

Enfin, les époux [F] reprochent aux époux [P] d’avoir, dans le même paragraphe, affirmé que le syndicat des copropriétaires n’était “ni en procès ni en litige avec une tierce personne (constructeur-entrepreneur)”. Cette mention, par la nature des tierces personnes qu’elle vise, est en l’état des pièces dont dispose le tribunal, exacte ; mais elle procède d’une certaine mauvaise foi de la part des vendeurs, qui ont tu le litige en cours au sujet des désordres d’infiltrations subis par Monsieur [J], dont il a été établi qu’ils ont eu connaissance, au plus tard, entre la promesse de vente et la vente.

En tout état de cause, les époux [P], qui venaient d’être avisés d’infiltrations en toiture et de la nécessité de procéder à des travaux, ne pouvaient ignorer le caractère déterminant de ces informations, dès lors qu’il est évident que s’ils en avaient eu connaissance, les époux [F] n’auraient pas contracté ou à tout le moins auraient contracté dans des conditions différentes, en l’occurrence en négociant un prix à la baisse.

Le dol imputé aux vendeurs est ainsi caractérisé et de nature à engager leur responsabilité civile extra-contractuelle à l’égard des époux [F].

Sur le préjudice

Il appartient en second lieu aux époux [F] de justifier que le dol commis par les époux [P] à leur détriment leur a causé un préjudice certain et direct, étant rappelé que la perte de chance ne s’indemnise que pour partie de l’avantage qui aurait été procuré.

Ils se prévalent d’un préjudice d’un montant total et forfaitaire de 38.000 euros, vraisemblablement décomposé comme suit :
- 25.000 euros au titre de la perte de chance d’avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses, tenant compte de la perte sur le prix de revente 10 ans plus tard (17.000 euros), du coût des travaux en toiture et façades à leur charge (16.885 euros), de l’évolution des prix de 5% sur [Localité 3] en dix ans (10.500 euros),
- 7.000 euros au titre du préjudice moral tiré des soucis rencontrés,
- 6.000 euros au titre des deux condamnations du syndicat des copropriétaires par le Juge de l’exécution en date des 03 décembre 2019 et 15 mars 2022 à payer des astreintes faute d’exécution des travaux nécessaires dans les délais (dont le montant à leur charge s’élèverait à 17.782,91 euros).

Les époux [P] font valoir que le préjudice dont font état les époux [F], qui ont agi presque 5 ans après la découverte alleguée des travaux à effectuer, est consécutif non pas à leur prétendu dol, mais à la carence du syndicat des copropriétaires à effectuer les travaux, ce qui a conduit, outre à une augmentation du coût de ces derniers, à des condamnations par le Juge de l’exécution au paiement d’astreintes pour sanctionner la défaillance du syndicat.

Il y a lieu de relever que les époux [F] justifient bien d’un préjudice directement lié au dol, dès lors qu’ils ont été privés de la possibilité, sinon de ne pas contracter, de conclure la vente à un autre prix, la valeur du bien à l’achat ayant nécessairement été impactée par la situation de l’immeuble et les travaux nécessairement onéreux à intervenir, s’agissant de désordres en toiture et façades - estimés par l’expert judiciaire non pas à 4.000 mais à 12.250 euros dans son rapport du 12 mars 2015. Si la perte sur le prix de revente ne peut être imputée avec certitude au dol, les acquéreurs ont subi une perte de chance manifeste d’acheter dans des conditions plus favorables.

En outre, la défaillance de Monsieur [P] dans l’entretien de l’immeuble pour la période antérieure à la vente, retenue par l’expert judiciaire, implique que des travaux significatifs qui auraient dû être réalisés ou à tout le moins diligentés en amont ont été mis à la charge des époux [F], qui n’en ont pas été informés par les vendeurs.

Leur coût total n’est cependant pas susceptible d’être mis à la charge intégrale des vendeurs dès lors que leur montant procède de circonstances étrangères aux vendeurs et que la perte de chance d’avoir pu éviter d’assumer ces travaux ne s’indemnisera pas à hauteur de leur entier montant.

Quant aux condamnations prononcées par le Juge de l’exécution, il doit être tenu compte du fait qu’alors que les époux [F] soutiennent avoir eu connaissance de la situation le 23 février 2017, et qu’un syndic professionnel a été élu par assemblée générale du 22 novembre 2017, le syndicat des copropriétaires a été défaillant dans son obligation de réaliser les travaux pendant plusieurs années encore.

Les époux [P] ne sont intégralement responsables que de la carence à agir du syndicat antérieurement à la vente ; s’agissant de la période postérieure, il doit être considéré que par leur réticence dolosive, ils ont contribué au retard de mise en oeuvre des travaux, mais ce retard ne peut leur être exclusivement imputable, a fortiori à compter de la découverte de la situation par les époux [F] le 23 février 2017.

Ceci justifie probablement le fait que les époux [F] ne sollicitent pas des époux [P] le remboursement de l’intégralité des condamnations prononcées par le juge de l’exécution dans ses décisions du 03 décembre 2019 et 15 mars 2022 mais une part de 6.000 euros.

Le préjudice tiré du coût des astreintes ne peut cependant être mis, fût-ce partiellement, à la charge des époux [P], dès lors que ces condamnations sont consécutives à l’inexécution d’un jugement du 22 mars 2018 du Tribunal d’instance de Marseille qui faisait obligation à la copropriété de diligenter les travaux nécessaires. Le retard de mise en oeuvre des travaux entre 2018 et 2019 puis en 2022 n’est pas en lien de causalité suffisant avec la faute des époux [P].

Enfin, s’agissant du préjudice moral, celui-ci est suffisamment caractérisé par la découverte du dol et ses conséquences, qui ont nécessairement causé de nombreux soucis notamment procéduraux et financiers aux époux [F], en particulier s’agissant d’une petite copropriété qui les a particulièrement exposés. Il convient de rappeler la concomittance entre la mise en vente du bien et la sollicitation des époux [P] au titre des travaux de reprise, qui procède d’une mauvaise foi caractérisée.

Pour l’ensemble de ces motifs, le préjudice subi par les époux [F] du fait du dol commis par les époux [P] sera justement indemnisé à hauteur de 15.000 euros.

Sur les autres demandes

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, les époux [P], qui succombent en la présente instance, seront condamnés aux entiers dépens de la présente procédure.

Pour ce même motif, ils seront condamnés à payer aux époux [F] la somme de 1.800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, aucun motif ne commande d'écarter l'exécution provisoire dont bénéficie de plein droit la présente décision en vertu des articles 514 et suivants du code de procédure civile, compatible avec la nature de l’affaire et nécessaire compte tenu de l’ancienneté des faits.
PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

Statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire, en matière civile ordinaire, en premier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONDAMNE solidairement Monsieur [U] [P] et Madame [D] [B] épouse [P] à payer à Monsieur [S] [F] et à Madame [H] [Z] épouse [F] la somme totale de 15.000 euros (quinze mille euros) en réparation des préjudices consécutifs au dol commis à l’occasion de la vente de leur bien immobilier par acte du 11 juin 2013,

CONDAMNE Monsieur [U] [P] et Madame [D] [B] épouse [P] à payer à Monsieur [S] [F] et à Madame [H] [Z] épouse [F] la somme totale de 1.800 euros (mille huit cent euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE solidairement Monsieur [U] [P] et Madame [D] [B] épouse [P] aux entiers dépens d’instance,

RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit.

AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ PAR MISE À DISPOSITION AU GREFFE DE LA DEUXIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE TREIZE MAI DEUX MILLE VINGT-QUATRE.

LA GREFFIRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 2ème chambre cab2
Numéro d'arrêt : 22/02303
Date de la décision : 13/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-13;22.02303 ?
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