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07/05/2024 | FRANCE | N°23/04569

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 07 mai 2024, 23/04569


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 2]


JUGEMENT N°24/01885 du 07 Mai 2024

Numéro de recours: N° RG 23/04569 - N° Portalis DBW3-W-B7H-4DWN

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
S.A.S. [6]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Corinne POTIER, avocat au barreau de PARIS substitué par Me CHLOE GAUCHER, avocat au barreau de PARIS


c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
*
[Localité 3]
représentée par Mme [F] (Inspecteur)



r>DÉBATS : À l'audience publique du 01 Février 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : PAWLOWSKI Anne-Sophie, Vice-Pr...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 2]

JUGEMENT N°24/01885 du 07 Mai 2024

Numéro de recours: N° RG 23/04569 - N° Portalis DBW3-W-B7H-4DWN

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
S.A.S. [6]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Corinne POTIER, avocat au barreau de PARIS substitué par Me CHLOE GAUCHER, avocat au barreau de PARIS

c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
*
[Localité 3]
représentée par Mme [F] (Inspecteur)

DÉBATS : À l'audience publique du 01 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : PAWLOWSKI Anne-Sophie, Vice-Présidente

Assesseurs : DEODATI Corinne
CASANOVA Laurent

L’agent du greffe lors des débats : AROUS Léa,

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 07 Mai 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Le 21 juillet 2018, la société [6] (ci-après la société [5]) a régularisé, sans réserve, une déclaration d'accident du travail pour le compte de sa salariée, [N] [M], embauchée en qualité d’équipière de vente, mentionnant les circonstances suivantes :

« Date : 21.07.2018 ; Heure : 10h50 ; Activité de la victime lors de l’accident : Rangement réserve bazar ; Nature de l’accident : Manutention manuelle ; Siège des lésions : dos, rachis, moëlle épinière ; Nature des lésions : douleur effort, lumbago ; Objet dont le contact a blessé la victime : aucun ».

Un certificat médical initial établi le jour même par le service des urgences du centre hospitalier de [Localité 8] a constaté un : « LUMBAGO suite à faux mouvement sur lieu de travail » justifiant un arrêt de travail.

Par courrier du 26 septembre 2018, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Bouches-du-Rhône a notifié à la société [5] sa décision de prise en charge de l'accident de [N] [M] au titre de la législation sur les risques professionnels.

Par courrier du 26 novembre 2018, la société [5] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable de la CPAM des Bouches-du-Rhône par l’intermédiaire de son conseil.

Par décision du 19 mars 2019 notifiée le 20, la commission de recours amiable a rejeté le recours de la société [5].

Par requête expédiée le 16 avril 2019, la société [5] a saisi, par l’intermédiaire de son conseil, le pôle social du tribunal de grande instance de Marseille, devenu tribunal judicaire le 1er janvier 2020.

Par ordonnance du 25 octobre 2021 notifiée le 2 novembre 2021, l’affaire a fait l’objet d’un retrait du rôle dans l’attente de l’avis du médecin conseil de la société [5].

Par courrier recommandé expédié le 26 octobre 2023, la société [5] a sollicité, par l’intermédiaire de son conseil, la réinscription de l’affaire au rôle du pôle social.

Les parties ayant été régulièrement convoquées, l’affaire a été appelée à l’audience du 1er février 2024.

En demande, la société [5], aux termes de ses dernières conclusions reprises oralement à l’audience par son conseil, sollicite le tribunal aux fins de :

- Déclarer inopposable à son endroit la décision de la CPAM des Bouches-du-Rhône du 26 septembre 2018 ayant reconnu le caractère professionnel de l’accident de Mme [N] [M] en date du 21 juillet 2018 ;

A titre subsidiaire :

- Ordonner une expertise médicale judiciaire sur le fondement de l’article R.142-16 du code de la sécurité sociale afin de déterminer s’il existe un lien de causalité entre l’accident dont aurait été victime [N] [M] et les arrêts de travail qui lui sont postérieurs et ainsi :
- Désigner un médecin Expert ;
- Convoquer les parties et les entendre en leurs observations.

Au soutien de ses prétentions, la société [5] fait valoir à titre principal que la CPAM des Bouches-du-Rhône ne démontre pas la survenance d’un fait soudain au temps et au lieu de travail, celle-ci s’étant fondé sur les seules déclarations de la salariée pour reconnaître l’existence d’un accident du travail. A titre subsidiaire, elle soutient rapporter un commencement de preuve d’un état pathologique préexistant justifiant que soit ordonnée une expertise pour éclairer la juridiction sur l’imputabilité au travail de l’ensemble des arrêts et des soins dont a bénéficié [N] [M] du 27 juillet 2018 au 30 avril 2019.

Par voie de conclusions soutenues oralement à l’audience par un inspecteur juridique habilité, la CPAM demande au tribunal de :

- Débouter la société [5] de l’intégralité de ses demandes ;
- Condamner la société [5] au paiement de la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l’article 700 code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la CPAM fait valoir qu’elle dispose de présomptions graves et concordantes de la survenance d’un accident au temps et au lieu de travail et que l’employeur ne rapporte pas la preuve d’une origine totalement étrangère au travail des lésions constatées de sorte que sa décision du 26 novembre 2018 est bien fondée. S’agissant de la demande d’expertise, elle soutient que les éléments versés aux débats par l’employeur sont insuffisants à constituer un commencement de preuve de l’origine totalement étrangère au travail de la lésion litigieuse.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé plus ample de leurs prétentions et leurs moyens.

L'affaire a été mise en délibéré au 7 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la matérialité de l’accident du travail

L’article L.411-1 du code de la sécurité sociale dispose qu’est considéré comme accident du travail, qu’elle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail de toute personne salariée ou travaillant à quelque titre que ce soit pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.

Il est désormais constant que constitue un accident du travail un évènement ou une série d’évènements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail dont il est résulté une lésion corporelle.

Dans les rapports entre la caisse et l’employeur, il incombe à la première de rapporter la preuve d’une part, de la matérialité des faits, et, d’autre part, que l’accident déclaré s’est produit aux temps et lieu du travail.
Si cette preuve est établie, il incombe à l’employeur de détruire la présomption d’imputabilité s’y attachant en démontrant l’existence d’une cause totalement étrangère au travail.
En l’espèce, la déclaration d’accident du travail régularisée par l’employeur le 21 juillet 2018 fait état d’un accident survenu le même jour à 10 heures 50 dans les circonstances suivantes :

« Activité de la victime lors de l’accident : Rangement réserve bazar ; Nature de l’accident : Manutention manuelle ; Siège des lésions : dos, rachis, moëlle épinière ; Nature des lésions : douleur effort, lumbago ; Objet dont le contact a blessé la victime : aucun ».

Le certificat médical initial établi le jour même par le service des urgences du centre hospitalier de [Localité 8], versé aux débats, constate un : « LUMBAGO suite à faux mouvement sur lieu de travail » et corrobore ainsi la lésion invoquée.

Il ressort en outre de la déclaration d’accident du travail que [N] [M] a été directement transportée au CHU de [Localité 8] depuis son lieu de travail et que l’employeur a été immédiatement avisé du fait accidentel.

L’employeur enfin n’a formulé aucune réserve lors de la transmission de ladite déclaration.

Ainsi, il sera considéré que la CPAM disposait d’indices graves et concordants de la survenance d’une lésion soudaine au temps et au lieu de travail sur la personne de [N] [M].

La société [5] ne rapporte pas la preuve que cette lésion a une origine totalement étrangère au travail.

Dès lors, il sera considéré que l’accident subi par [N] [M] le 21 juillet 2018 est d’origine professionnelle et la société [5] sera déboutée de sa demande d’inopposabilité de la décision de prise en charge du 26 septembre 2018.

Sur la demande d’expertise s’agissant de la durée de l’incapacité de travail et des soins

La présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend pendant toute la durée de l'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime.

Il appartient à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire.

L’article R. 142-16 du code de la sécurité sociale dispose que la juridiction peut ordonner toute mesure d’instruction et l’article 144 du code de procédure civile dispose que les mesures d’instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause dès lors que le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer.

En l'espèce, le certificat médical initial du 21 juillet 2018, versé aux débats, est assorti d’un arrêt de travail d’une durée d’une semaine.

La CPAM des Bouches-du-Rhône verse en outre aux débats l’intégralité des certificats médicaux de prolongation qui permettent de vérifier que [N] [M] a été placée en arrêt de travail puis en temps partiel thérapeutique sans discontinuer et pour la même lésion et ce jusqu’au 30 avril 2019, date à laquelle elle a été déclarée guérie.

Il résulte de ces éléments que la présomption d’imputabilité au travail de la lésion apparue suite à l’accident du 21 juillet 2018 s’étend sur toute la durée d’incapacité de travail jusqu’au 30 avril 2019, date de guérison de l’assurée, à moins que la société [5] ne rapporte la preuve que la lésion prise en charge a une origine totalement étrangère au travail.

Au soutien de ses prétentions, la société [5] verse aux débats l’avis de son médecin conseil, le docteur [U] [B], rédigé en ses termes « au terme de l’arrêt de travail, il n’a pas été retenu d’IPP et il a été constaté une guérison sans séquelle avec retour à l’état antérieur.

L’état a donc été considéré comme un retour à l’état lombalgique chronique antérieur à l’accident (cf. à cet égard tableau ci-dessus et plus particulièrement les certificats médicaux de prolongation délivrés les 25 mars 2019 et 30 avril 2019).

Selon les différents référentiels relatifs à la longueur des arrêts de travail en Traumatologie, et notamment celui édicté par la CNAMTS avis pris de la Haute Autorité de Santé, les lumbagos aigus pouvant rendre temporairement douloureux des états antérieurs rachidiens parfaitement établis qui n’ont pas été compliqués par l’apparition de radiculalgies, évoluent vers la consolidation médico-légale en 35 jours maximum chez les travailleurs de force.

La discordance entre la longueur des arrêts prescrits à Madame [N] [M] à la suite de l’accident du 21 juillet 2018 (8 mois) et la durée très différente prévue par les référentiels relatifs à la longueur des arrêts de travail en traumatologie (35 jours) d’une part, ainsi que la fixation d’une guérison sans séquelle avec retour à un état antérieur lombalgique chronique mentionné après 8 mois d’évolution, d’autre part, indiquent soit la préexistence à l’accident du 21 juillet 2018 d’un état antérieur vertébral pathologique, soit d’une pathologie intercurrente non décrite et sans rapport avec l’accident du travail du 21 juillet 2018 ».

Le tribunal relève cependant que s’il est bien fait mention de la persistance d’une lombalgie chronique sur le seul certificat médical du 25 mars 2019, il n’est aucunement fait référence à l’antériorité de cet état pathologique vis-à-vis de l’accident de travail considéré.

En outre, le certificat médical final du 30 avril 2019 déclare une « guérison apparente avec possibilité de rechute ultérieure » et non une « guérison avec retour à l’état antérieur ».
Enfin, il sera rappelé que les barèmes de la Haute Autorité de Santé ont été établis à titre indicatif de sorte que la seule disproportion relevée par le médecin conseil de l’employeur entre la durée retenue par le barème et la durée réelle d’incapacité de travail de la salariée est insuffisante à constituer, à elle seule, un commencement de preuve de l’origine totalement étrangère au travail de la lésion litigieuse.

Dans ces conditions, il sera considéré que la société [5] ne verse aux débats aucun élément probant laissant présumer l’existence chez [N] [M] d’une pathologie évoluant pour son propre compte et indépendante de l’accident.

En conséquence, la société [5] sera déboutée de sa demande d’expertise.

Sur les demandes accessoires

La société [5], qui succombe en ses prétentions, supportera les dépens de l’instance.

En raison de considérations tirées de l’équité, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats publics par jugement contradictoire mis à disposition au greffe, et en premier ressort,

DECLARE recevable mais mal fondé le recours de la société [5] ;

DEBOUTE en conséquence la société [5] de l’ensemble de ses demandes ;

DEBOUTE la CPAM des Bouches-du-Rhône de sa demande en condamnation de la société [5] au paiement d’une somme de 1 000 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société [5] aux dépens de l’instance.

DIT que tout appel de la présente décision doit être formé, à peine de forclusion, dans le délai d’un mois à compter de sa notification, conformément aux dispositions de l'article 538 du Code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE
LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 23/04569
Date de la décision : 07/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-07;23.04569 ?
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