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07/05/2024 | FRANCE | N°19/00122

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 07 mai 2024, 19/00122


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2]


JUGEMENT N°24/01870 du 07 Mai 2024

Numéro de recours: N° RG 19/00122 - N° Portalis DBW3-W-B7D-V3FL

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
S.A.S. [7]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Frédérique BELLET, avocat au barreau de PARIS substitué par Me AURELIE DAHMOUNE, avocat au barreau de MARSEILLE


c/ DEFENDERESSE
Société CPAM DE L’ISERE
[Adresse 3]
[Localité 5]
non comparante, ni représentée
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DÉBATS : À l'audience publique du 01 Février 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : PAWLOWSKI Anne-Sophie,...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2]

JUGEMENT N°24/01870 du 07 Mai 2024

Numéro de recours: N° RG 19/00122 - N° Portalis DBW3-W-B7D-V3FL

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
S.A.S. [7]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Frédérique BELLET, avocat au barreau de PARIS substitué par Me AURELIE DAHMOUNE, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
Société CPAM DE L’ISERE
[Adresse 3]
[Localité 5]
non comparante, ni représentée

DÉBATS : À l'audience publique du 01 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : PAWLOWSKI Anne-Sophie, Vice-Présidente

Assesseurs : DEODATI Corinne
CASANOVA Laurent

L’agent du greffe lors des débats : AROUS Léa,

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 07 Mai 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE
La société [7] a régularisé, le 16 avril 2018, une déclaration d'accident du travail pour le compte de son salarié, [F] [W], embauché depuis le 1er décembre 2016 en qualité d’assistant avion.

Par courrier du 13 juillet 2018, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l’Isère a notifié à la société [7] sa décision de prise en charge de l'accident du 14 avril 2018 dont a été victime [F] [W] au titre de la législation professionnelle.

La société [7] a saisi la commission de recours amiable aux fins de contester l'opposabilité à son égard de la décision de prise en charge de l’accident du 14 avril 2018.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception expédiée le 13 décembre 2018, la société [7] a, par l'intermédiaire de son avocat, saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône aux fins de contester la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

Par décision du 14 décembre 2018, la commission de recours amiable a explicitement rejeté le recours introduit devant elle par la société [7].

Cette affaire a fait l'objet d'un dessaisissement du tribunal des affaires de sécurité sociale au profit du pôle social du tribunal de grande instance de Marseille, devenu tribunal judiciaire, en vertu de la loi du 18 novembre 2016.

Elle a été appelée à l'audience du 1er février 2024.

Par voie de conclusions soutenues oralement par son avocat, la société [7] demande au tribunal de dire et juger qu’elle est recevable et bien fondée en ses demandes :

A titre principal,
Sur la contestation de la matérialité de l’accident déclaré par Monsieur [W]
- juger que la caisse primaire ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d’un fait accidentel brutal et soudain qui serait survenu le 14 avril 2018 au temps et au lieu de travail,
- juger que le caractère soudain des lésions prises en charge par la caisse n’est nullement établi,

En conséquence,
- dire et juger inopposable à la société [7] la décision de la caisse de prendre en charge l’accident du travail de [F] [W] du 14 avril 2018.

A titre subsidiaire,
Sur l’inopposabilité à la société [7] des arrêts de travail prescrits à compter du 20 avril 2018
- juger que la société [7] conteste les décisions de prise en charge de l’ensemble des prestations, soins et arrêts, pris en charge par la caisse au titre de l’accident du travail de [F] [W] du 14 avril 2018,
- juger que la caisse ne justifie par d’une continuité de symptômes et de soins entre le 14 avril 2018 et les arrêts de travail délivrés à compter du 20 avril 2018,
- juger que le premier arrêt de travail prescrit à Monsieur [W] au titre de son accident du travail du 14 avril 2018 a été délivré six jours plus tard, le 20 avril 2018,
- juger que la caisse primaire n’est pas en mesure d’établir le caractère professionnel des arrêts de travail délivrés à Monsieur [W] à compter du 20 avril 2018,
- juger qu’en refusant de produire à la société [7] les certificats médicaux descriptifs ainsi que les justificatifs de soins, la caisse ne rapporte pas la preuve que les arrêts de travail délivrés à compter du 20 avril 2018 sont imputables au fait accidentel du 14 avril 2018,

En conséquence,
- dire et juger inopposable à la société [7] la décision de la caisse primaire de prendre en charge les lésions, soins et arrêts de travail prescrits à Monsieur [W] à compter du 20 avril 2018, au titre de l’accident du travail du 14 avril 2018,
A titre infiniment subsidiaire,
Sur la contestation du caractère professionnel de l’ensemble des lésions, soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse au titre de l’accident du travail du 14 avril 2018
- juger que les prestations servies à Monsieur [W] font grief à la société [7] au travers de l’augmentation de ses taux de cotisation accidents du travail,
- juger qu’il existe un litige d’ordre médical portant sur la réelle imputabilité de l’ensemble des lésions, prestations, soins et arrêts de travail pris en charge au titre de l’accident du travail de Monsieur [W] du 14 avril 2018,

En conséquence,
- ordonner avant dire droit, une consultation sur pièces exécutée sur le champ au cours de l’audience, le litige intéressant les seuls rapports caisse/employeur, afin de vérifier la justification des lésions, prestations, soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie au titre de l’accident du travail de Monsieur [W] du 14 avril 2018,
- ordonner à la caisse primaire de communiquer au consultant commis pour éclairer le tribunal l’entier dossier médical de Monsieur [W] en sa possession,

Le cas échéant :
- ordonner avant dire doit une expertise médicale judiciaire confiée à tel expert qu’il plaira au tribunal de nommer, le litige intéressant les seuls rapports caisse/employeur afin de vérifier la justification des lésions, prestations, soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie au titre de l’accident du travail de Monsieur [W] du 14 avril 2018,
L’expert désigné aura pour mission de :
1° Ordonner au service médical de la caisse de communiquer l’entier dossier médical de Monsieur [W] en sa possession,
2° Prendre connaissance de l’entier dossier médical de Monsieur [W] établi par la caisse,
3° Convoquer et entendre les parties, éventuellement représentées par un médecin de leur choix,
4° Fixer la durée des arrêts de travail et des soins en relation directe avec l’accident du travail dont a été victime Monsieur [W] le 14 avril 2018,
5° Dire notamment, si pour certains arrêts de travail et soins, il s’agit d’une lésion indépendante de celle déclarée le 14 avril 2018 ou d’un état antérieur évoluant pour son propre compte,
6° Fixer la date de consolidation de l’état de santé de Monsieur [W] résultant de son accident du travail du 14 avril 2018 à l’exclusion de tout état pathologique indépendant évoluant pour son propre compte,
7° Déterminer la date à partir de laquelle les lésions, soins et arrêts de travail sont en rapport avec un état antérieur évoluant pour son propre compte ou relève d’une cause étrangère,
8° Ordonner à l’expert de soumettre un pré-rapport aux parties avant le dépôt du rapport définitif.
- mettre à la charge de la caisse, les frais et honoraires d’expertise,
- donner acte à la société [7] qu’elle n’est pas opposée à avancer les frais d’expertise sous réserve qu’il lui soit donné acte qu’elle se réserve la possibilité de demander à être remboursée par la caisse de l’avance qu’elle aura faite,
-renvoyer l’affaire à une audience ultérieure afin qu’il soit débattu du caractère professionnel des lésions, prestations, soins et arrêts en cause, après dépôt du rapport de l’expert judiciaire,

En tout état de cause,
- ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

Au soutien de ses prétentions, la société [7] soutient, à titre principal, que la preuve du fait accidentel survenu au temps et au lieu de travail ne repose que sur les seules déclarations du salarié et qu’aucun témoin n’a assisté à l’accident. Elle affirme par ailleurs que [F] [W] n’a décrit aucun fait accidentel précis et que les douleurs au genou invoquées par le salarié ne peuvent être considérées comme une lésion et sont antérieures au fait accidentel. Elle ajoute que le fait accidentel n’a pas empêché le salarié de finir normalement sa journée de travail et que le premier arrêt de travail n’est survenu que six jours plus tard, le 20 avril 2018. A titre subsidiaire, elle expose que la caisse ne justifie pas d'une continuité de symptômes et de soins entre le 14 avril 2018 et les arrêts de travail délivrés à compter du 20 avril 2018 ; qu'aucun arrêt de travail n'a été prescrit à la suite de l’accident du travail du 14 avril 2018, que le salarié a continué normalement son activité et cela jusqu’au 20 avril 2018 et que ce n’est que le 20 avril 2018 que [F] [W] a été arrêté pour la première fois par son médecin jusqu’au 6 mai 2018. La société conteste enfin la longueur des arrêts de travail de 472 jours eu égard à la nature des lésions initialement constatées et sollicite l’inopposabilité des soins et arrêts de travail à l'accident à compter du 20 avril 2018 et, subsidiairement, une expertise médicale.
La caisse primaire d'assurance maladie de l’Isère, dispensée de comparaître, conclut au rejet de l'ensemble des demandes formées par la société [7].
Au soutien de ses prétentions, la caisse, reprenant la décision de la commission de recours amiable, soutient que l’accident a été connu immédiatement de l’employeur, que le certificat médical initial a été établi le jour même, lequel mentionne des lésions qui sont concordantes avec la nature et le siège des lésions indiquées sur la déclaration d’accident du travail, et que l’accident a été inscrit au registre d’infirmerie. Elle précise également que la présence d’un témoin n’est pas une condition nécessaire à la reconnaissance d’un accident du travail. Enfin, elle fait valoir que l’employeur ne rapporte pas la preuve que l’incapacité de travail de [F] [W] n’avait pas pour origine l’accident survenu sur le lieu du travail et soulève qu’aucun élément suffisamment probant justifiant l’existence d’une cause totalement étrangère au travail n’est fourni par l’employeur.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé plus ample de leurs prétentions et leurs moyens.
L'affaire a été mise en délibéré au 07 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la contestation du caractère professionnel de l'accident survenu le 14 avril 2018

L'article L.411-1 du code de la sécurité sociale dispose qu'est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

La présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend pendant toute la durée de l'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire.

Il appartient à la caisse d'établir, autrement que par les seules allégations de l'assuré, la matérialité d'un accident survenu au temps et au lieu de travail.

Afin de contester la présomption d'imputabilité établie, il appartient à l'employeur d'établir l'existence d'un état pathologique antérieur ou d'une cause totalement étrangère au travail.

En l'espèce, la déclaration d'accident du travail régularisée par l'employeur fait état d'un accident survenu le 14 avril 2018 à 10h00 dans les circonstances suivantes : « Activité de la victime lors de l'accident : Déclaration effectuée suite aggravation des lésions, feuille de soin délivrée le 16/04/2018 – le salarié descendait les marches des escaliers de la galerie bagage 20.1; Nature de l'accident : Le salarié déclare qu’il aurait glissé ; Objet dont le contact a blessé la victime : Aucun ; Eventuelles réserves motivées : Cf. courrier de réserves motivées à venir ; Siège des lésions : Genou (Gauche) ; Nature des lésions : Douleur ; Horaires de la victime : 04h45 à 11h30 ; Accident connu le 14 avril 2018 à 10h30 ». La première personne avisée est : [D] [E] ».

Le certificat médical initial établi le 14 avril 2018 par le docteur [U] [M] constate une « contusion et entorse du genou gauche =$gt; imagerie ».

L’employeur a formulé par courrier du 23 avril 2018 les réserves suivantes :
« […] Notre collaborateur a déclaré le 14 avril 2018, qu’il aurait glissé alors qu’il descendait les marches d’un escalier, ce qui aurait entraîné une douleur à son genou gauche.
Il ressort de ces déclarations qu’aucun fait accidentel n’étant allégué ou établi, de sorte que nous considérons que les douleurs décrites par l’intéressé sont dues exclusivement à un état pathologique indépendant de toute activité professionnelle.
En effet, Monsieur [W] a déclaré souffrir de douleurs antérieurement à sa prise de poste puisqu’il s’est plaint d’une douleur au genou gauche auprès de ses collègues de travail.
Ces propos confirment que le salarié souffrait d’un état pathologique antérieur, exclusif du fait accidentel allégué.
Par ailleurs, cet état pathologique n’a pas pu être aggravé par les conditions de travail de l’intéressé qui, le jour de l’accident, étaient tout à fait normales et habituelles, notre collaborateur n’ayant eu aucun effort particulier à fournir.
Compte tenu de l’existence de cet état pathologique, en l’absence de tout rôle causal du travail, la présomption d’origine professionnelle rattachée à la douleur prétendument ressentie par l’intéressé doit être considérée comme détruite.
De plus, la matérialité de l’accident allégué repose sur les seules affirmations du salarié, aucun témoin oculaire n’étant en mesure de confirmer ses déclarations.
Il n’existe pas de preuve que la douleur décrite par le salarié soit imputable à un accident qui se serait produit par le fait ou à l’occasion du travail, ni même de faisceau d’indices graves, précis et concordants militant cette faveur.
De plus, Monsieur [W], le jour présumé de l’accident n’a pas jugé utile de se rendre à l’infirmerie pour recevoir des soins et cela malgré la présence d’un service médicale au sein de l’aéroport et il ne s’y est rendu que 24 heures après.
Aussi, il nous est demandé une feuille de soins que 4 jours après la date évoquée de l’accident pour enfin se mettre en arrêt de travail 6 jours après.
Il s’évince de ces éléments que le salarié n’a pas été victime d’un accident du travail […] ».

Dans le questionnaire adressé par l'organisme de sécurité sociale à [F] [W], celui-indique : « en descendant les marches de la galerie bagages j’ai glissé et je n’ai pas pu me retenir au rambarde de sécurité car absente en effet les rambardes de sécurité ont été enlever mais pas remplacer. Tapis 20.1 ».

Dans le questionnaire adressé par l'organisme de sécurité sociale, l’employeur indique que l’accident de [F] [W] est survenu pendant ses horaires de travail et sur son lieu de travail.
A la question « Pouvez-vous me préciser les causes et circonstances de cet accident ? », l’employeur répond : « Notre collaborateur a déclaré, le 14 avril 2018, qu’il aurait glissé alors qu’il descendait les marches d’un escalier, ce qui aurait entrainé une douleur à son genou gauche »
A la question « Veuillez décrire avec précision le mouvement effectué au moment où s’est produite la douleur ? », l’employeur répond : « Le salarié nous a déclaré qu’il aurait glissé ; il n’existe pas de preuve que la douleur décrite par le salarié soit imputable à un accident qui se serait produit par le fait ou à l’occasion du travail, ni même de faisceau d’indices graves, précis et concordants militant en cette faveur ».
A la question « Qui vous a informé de cet accident ? », l’employeur répond : « le salarié lui-même, le 14 avril 2018, à 10h30, en nous décrivant l’accident ».
A la question « Les soins ont-ils été portés sur un registre d’infirmerie », l’employeur répond : « Oui, le 15/04/2018 » ;
A la question « Les conditions de travail expliquent-elles l’absence de témoin ? », l’employeur répond : « La matérialité de l’accident allégué repose sur les seules affirmations du salarié, aucun témoin oculaire n’étant en mesure de confirmer les déclarations de Monsieur [W] et ce alors que le salarié était en présence de plusieurs collègues de travail au moment des faits allégués, de sorte qu’une personne aurait nécessairement été témoin du fait accidentel ».

[E] [D], cité en qualité de première personne avisée par l’employeur, indique avoir été avisé de l’accident par [F] [W] le 14 avril 2018 à 10h30 et précise : « à ma prise de poste Mr [W] ma informé de sa glissade au niveau des marches de la galerie 20.1 et qu’il a pas pu s’agrippé au rambarde de sécurité puisqu’il y en avait pas ».
A la question « Qu’avez-vous éventuellement constaté ? », il répond : « j’ai constaté qu’il soufret du genou gauche il se tenai le genou il disait qu’il avait male, Mr [W] en quitant son poste de travaille et partie en boitant ».

[F] [W] a adressé un courrier complémentaire daté du 11 juillet 2018 aux termes duquel il indique notamment : « […] avant de prendre mon poste tout allait très bien et je n’ai jamais dit à mes collègues que j’avais mal au genou avant de prendre mon poste […]. Il n’y a pas de témoin parce que de mon côté il y avait personne […] ».

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que :
- l'employeur a renseigné une déclaration pour un accident survenu le 14 avril 2018 à 10h00, à savoir la survenance d'une contusion et entorse au genou gauche alors que le salarié était en train de descendre les marches d’un escalier, soit au temps et au lieu de travail, étant relevé que le fait que les conditions de travail aient pu être habituelles ne peut constituer la preuve que les douleurs au genou gauche telles que décrites par le salarié soient liées exclusivement à un état pathologique antérieur,
- l'accident a été porté à la connaissance de l'employeur immédiatement par le salarié lui-même,
- le certificat médical initial établi le 14 avril 2018 fait état d’une « contusion et entorse du genou gauche » et prescrit des soins sans arrêt de travail jusqu'au 31 mai 2018,
- l’accident a été inscrit au registre d’infirmerie le 15 avril 2018.

Il s’ensuit que l'hypothèse formulée par l'employeur selon laquelle les douleurs au genou, en l'absence d'évènement particulier et le salarié s'étant acquitté de ses missions habituelles sans difficulté et dans des conditions de travail normales, ont été provoquées par un état pathologique antérieur, est manifestement insuffisante pour renverser la présomption d'imputabilité dont la caisse se prévaut à juste titre, la contusion et l’entorse du genou gauche, diagnostiquées par un examen d'imagerie, étant survenues au temps et au lieu de travail.

Ainsi, la caisse peut se prévaloir de la présomption d'imputabilité de l'accident au travail en présence d'un fait soudain qui est survenu au temps et au lieu du travail et dont il est résulté une lésion.

En conséquence, il y a lieu de rejeter la demande d’inopposabilité de la décision de prise en charge de l’accident du travail dont a été victime [F] [W] le 14 avril 2018.

Sur l'inopposabilité de la prise en charge de l'ensemble des arrêts et soins prescrits à [F] [W] à la suite de son accident du 14 avril 2018 au titre de la législation sur les risques professionnels et la demande d’expertise

Il est désormais acquis qu'il résulte des dispositions de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime.

Il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire, soit celle de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou d'une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les arrêts de travail postérieurs. Cette présomption peut être combattue par le recours à une mesure d'expertise qui ne peut être ordonnée que si l'employeur qui la sollicite apporte au soutien de sa demande des éléments médicaux de nature à accréditer l'existence d'une cause distincte de l'accident professionnel et qui serait à l'origine exclusive des prescriptions litigieuses. La simple absence de continuité des symptômes et soins est impropre à écarter la présomption d’imputabilité à l’accident du travail des soins et arrêts.

En l'espèce, la durée des arrêts de travail n'est pas en elle-même de nature à laisser présumer un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte. De plus, tant le certificat médical initial du 14 avril 2018, daté du jour de l'accident, que les certificats médicaux de prolongation font mention des constatations médicales ayant trait à une contusion et entorse du genou gauche, en visant l’accident du travail du 14 avril 2018 comme étant la première constatation, démontrant ainsi la continuité de symptômes et de soins.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la présomption d'imputabilité de l'accident au travail du 14 avril 2018 s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail jusqu'au 30 novembre 2020, date de la consolidation des lésions de l’assuré, à moins que la société [7] ne rapporte la preuve que les lésions prises en charge ont une origine totalement étrangère au travail, ce qu’elle ne fait pas en l’espèce, la référence au barème indicatif Ameli « entorse du ligament collatéral médial du genou gauche » ainsi que les extraits de relevé de compte employeur ne constituant pas un commencement de preuve suffisant de l'origine totalement étrangère au travail des lésions prises en charge.

En conséquence, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise judiciaire, il y a lieu de rejeter la demande d’inopposabilité des lésions, soins et arrêts de travail prescrits à [F] [W] au titre de l’accident du travail du 14 avril 2018.

Sur les demandes accessoires

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, les dépens seront laissés à la charge de la société [7].

Il n’y a pas lieu à ordonner l’exécution provisoire, celle-ci étant inopportune.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant en audience publique par mise à disposition au secrétariat, par jugement contradictoire et en premier ressort,

DECLARE recevable mais mal fondé le recours de la société [7] ;

REJETTE la demande d’inopposabilité de la décision de prise en charge de l’accident du travail dont a été victime [F] [W] le 14 avril 2018 ;

REJETTE la demande d’inopposabilité des lésions, soins et arrêts de travail prescrits à [F] [W] au titre de l’accident du travail du 14 avril 2018 ;

REJETTE la demande de la société [7] tendant à voir ordonner une expertise médicale judiciaire ;

LAISSE les dépens de l'instance à la charge de la société [7] ;

DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire.

DIT que tout appel de la présente décision doit être formé, à peine de forclusion, dans le délai d’un mois à compter de sa notification, conformément aux dispositions de l'article 538 du Code de procédure civile.

LA GREFFIERELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 19/00122
Date de la décision : 07/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-07;19.00122 ?
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