La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/05/2024 | FRANCE | N°23/04113

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 2ème chambre cab2, 06 mai 2024, 23/04113


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°


Enrôlement : N° RG 23/04113 - N° Portalis DBW3-W-B7H-3IC2

AFFAIRE : Mme [Y] [O]( Me Karine TOUBOUL-ELBEZ)
C/ CPAM DU VAR ( )
- S.A. MMA IARD (Maître Julien BERNARD)


DÉBATS : A l'audience Publique du 26 Mars 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : VIGNON Cyrille, Vice-Président
BERTHELOT Stéphanie,
VALENTINI Elsa, Juge

Greffier : SANDJIVY Célia, présente uniquement lors des débats
>A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 06 Mai 2024


PRONONCE : en audience publique le 06 Mai 2024


Par VIGNON Cyrille, ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°

Enrôlement : N° RG 23/04113 - N° Portalis DBW3-W-B7H-3IC2

AFFAIRE : Mme [Y] [O]( Me Karine TOUBOUL-ELBEZ)
C/ CPAM DU VAR ( )
- S.A. MMA IARD (Maître Julien BERNARD)

DÉBATS : A l'audience Publique du 26 Mars 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : VIGNON Cyrille, Vice-Président
BERTHELOT Stéphanie,
VALENTINI Elsa, Juge

Greffier : SANDJIVY Célia, présente uniquement lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 06 Mai 2024

PRONONCE : en audience publique le 06 Mai 2024

Par VIGNON Cyrille, Vice-Président

Assistée de SANDJIVY Célia, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

réputée contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

Madame [Y] [O]
née le [Date naissance 3] 1962 à [Localité 8] (TUNISIE), demeurant [Adresse 5]

Immatriculée à la sécurité sociale sous le n° [Numéro identifiant 2]

représentée par Me Karine TOUBOUL-ELBEZ, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDERESSES

CPAM DU VAR, dont le siège social est sis [Adresse 4] prise en la personne de son représentant légal en exercice

défaillant

S.A. MMA IARD, immatriculée au RCS du MANS sous le n° 440 048 882 dont le siège social est sis [Adresse 1] prise en son établissement secondaire sis en son établissement sis [Adresse 6] , prise en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Maître Julien BERNARD de la SELARL LESCUDIER & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

***********

Le 18 décembre 2016 à [Localité 7], Madame [Y] [O], née le [Date naissance 3] 1962, était passagère d’un véhicule assuré auprès de la société LA PARISIENNE lorsqu’elle a été victime d’un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de la société MMA.

La société LA PARISIENNE a versé à Madame [O] une provision amiable de 2.000 euros et a mandaté le docteur [H] afin de l’examiner.

L’expert a rendu un rapport provisoire le 30 octobre 2017 qui concluait à la non-consolidation de Madame [O].
Au vu de ce rapport, la société MMA a versé à Madame [O] une provision amiable complémentaire de 8.000 euros.

Par ordonnance en date du 28 juin 2018, le juge des référés a ordonné une expertise médicale, a désigné le docteur [I] afin de la réaliser et a alloué à Madame [O] une nouvelle provision complémentaire de 5.000 euros.

L’expert a procédé à sa mission et s’est adjoint un sapiteur en imagerie médicale, en la personne du Docteur [P], et un sapiteur en psychiatrie en la personne du docteur [Z].
L’expert a déposé son rapport définitif le 7 juillet 2021.

Sur la base de ce rapport, la société MMA a formulé une offre d’indemnisation définitive qui n’a pas été acceptée.

Par actes des 29 mars et 7 avril 2023 assignant la société MMA ASSURANCES et la CPAM du Var, Madame [O] demande au tribunal de :
- JUGER que l’expert n’a pas tiré les conséquences de ses propres constations médicales et que son DFP doit être fixé à 28 % compte tenu des séquelles présentées
- lui ALLOUER les sommes suivantes :
-Frais médicaux restés à charge : 258, 63 €
-Frais d’assistance à expertise : 2.760 €
-Assistance temporaire par tierce personne : 4.980 €
-Perte de gains professionnels actuelle : 4.316, 62 €
-Perte de gains professionnels future échue : 18.567, 63 €
-Perte de gains professionnels future à échoir : 79.824, 16 €
-Incidence professionnelle : 80.000 €
-Déficit fonctionnel temporaire : 2.045 €
-Souffrances endurées : 8.000 €
-Déficit fonctionnel permanent : 75.180 €
- CONDAMNER la compagnie MMA à lui payer, en deniers ou quittances, la somme de 275.932, 04 €
- CONDAMNER la compagnie MMA à lui payer la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile
- CONDAMNER la compagnie MMA aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Karine TOUBOUL-ELBEZ.

Aux termes de conclusions notifiées le 26 juin 2023, la société MMA IARD demande au tribunal de :
- lui DONNER ACTE de ce qu'elle n'a en aucun cas contesté le droit à indemnisation de la requérante
- ENTÉRINER les conclusions du Dr [I]
- ÉVALUER l'entier préjudice de Madame [Y] [O] en déclarant satisfactoires les offres d'indemnisation suivantes :
-Honoraires d'assistance : rejet
-ATP : 877, 50 €
-DSA restées à charge : rejet sauf justificatifs
-PGPA: rejet
-DFT : 1.638 €
-SE : 5.000 €
-DFP : 8.400 €
-PGPF : rejet
-IP : rejet
- RETRANCHER le recours des tiers-payeurs des postes de préjudice sur lesquels ils doivent s'imputer
- TENIR COMPTE des provisions totalisant 15.000,00 € déjà versées à Madame [Y] [O],
- JUGER que celles-ci constituent une circonstance justifiant que le tribunal juge que l'exécution provisoire ne saurait être prononcée, à tout le moins en totalité
- la DÉBOUTER de ses prétentions contraires ou plus amples
- DÉCLARER commune et opposable à l'organisme social appelé en cause, la décision à intervenir
- REFUSER de faire application de l'article 700 du CPC au profit de Madame [Y] [O]
- STATUER ce que de droit sur le sort des dépens qui seront distraits au profit de la Société LESCUDIER & ASSOCIÉS, Avocat en la cause, qui y a pourvu (articles 696 et 699 du CPC).

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions quant à l’exposé détaillé des prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 3 octobre 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience du 26 mars 2024 et mise en délibéré au 6 mai 2024.

La CPAM du Var, régulièrement assignée, n’ayant pas constitué avocat ; le présent jugement sera réputé contradictoire à l’égard de l’ensemble des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le droit à indemnisation

En vertu de l’article 3 de la loi du 5 juillet 1985, les victimes, hormis les conducteurs des véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l’exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident.

En l’espèce, il est acquis aux débats que le 18 décembre 2016, Madame [O] a été victime, en qualité de passagère, d’un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de la société MMA.

Le droit à indemnisation de Madame [O] n’est pas contesté et résulte tant des circonstances de l’accident que de l’article 3 de la loi du 5 juillet 1985, aucune faute n’étant prouvée ni même alléguée à l’encontre de cette passagère blessée par l’accident.

Le droit à indemnisation de Madame [O] étant plein et entier, la société MMA sera par conséquent condamnée à l’indemniser de l’intégralité de son préjudice.

Sur l’évaluation du préjudice

Dans le cadre de sa mission expertale, le docteur [I] s’est adjoint un sapiteur psychiatre en la personne du docteur [Z]

Celui-ci a examiné une première fois Madame [O] et a conclu à une personnalité à traits névrotiques décompensée suite aux séquelles physiques de son accident sur un mode anxiodépressif avec note caractérielle et important investissement somatoforme, non strictement imputable à l’accident. Il a retenu dans son rapport du 9 juillet 2019 un déficit fonctionnel temporaire à 25 % pendant un mois, puis à 10 % jusqu’à la consolidation psychiatrique fixée au 18 octobre 2017 puis à un déficit fonctionnel permanent de 2 %.

Le docteur [I] a ensuite sollicité le docteur [P] afin qu’il se prononce sur l’imputabilité de la fracture de l’acromion gauche, pour laquelle Madame [O] avait été traitée, à l’accident.
Dans son rapport du 13 novembre 2019, le docteur [P] a estimé que Madame [O] n’avait pas subi de fracture de l’acromion mais présentait des signes discrets mais formels d’arthropathie de l’épaule, dont la relation avec l’accident n’était pas établie.

Vu ce rapport, il a été demandé au docteur [Z] d’examiner à nouveau Madame [O] afin de se prononcer sur la conversion somatique de la lésion de l’épaule gauche.
Il a conclu son rapport de la façon suivante :
“Troubles somatoformes de type conversif et d’allure sinistrosique avec comportement régressif, chez une personnalité quelque peu fragilisée par des événements et présentant un état de stress post traumatique enkysté compliqué d’un état dépressif avec important investissement somatoforme sur l’épaule gauche, entretenu par les différents avis médicaux antérieurs à l’avis sapiteur du Professeur [P] avec notamment rééducation fonctionnelle depuis 2016".
Il a évalué l’IPP psychiatrique globale à 4 % compte tenu de l’état de stress post traumatique enkysté et de la dolorisation psychologique.

Sur la base de ces avis et de l’examen qu’il a fait de Madame [O], le docteur [I] a déposé son rapport d’expertise le 6 juillet 2021. Il a évalué les conséquences médico-légales de l’accident de la façon suivante :
- Arrêt de travail imputable : du 18/12/2016 au 01/06/2017
- DFT à 40 % du 18/12/2016 au 31/01/2017, avec aide humaine de 1h30/jour
- DFT à 25 % du 01/02/2017 au 01/06/2017
- DFT à 10 % du 02/06/2017 au 18/10/2017
- Consolidation : 18/10/2017
- Souffrances endurées : 3/7
- DFP : 7 %.

Madame [O] conteste les conclusions du rapport d’expertise judiciaire.
Sur le plan physique, elle fait valoir que, bien que le docteur [P] ait exclu l’existence d’une fracture de l’acromion, elle a été traitée pour cette lésion qui a été diagnostiquée le 22 décembre 2016. Elle explique avoir subi une immobilisation totale de l’épaule et avoir dû faire de nombreuses séances de rééducation. Elle se prévaut d’une impotence fonctionnelle importante de l’épaule gauche. Elle relève que le docteur [I] a noté lors de son examen de cette épaule une élévation antérieure à 90 ° contre 130 ° à droite, une abduction à 90° contre 100 ° à droite, une distance main/nuque au niveau de l’occiput contre D3 à droite, une distance main/dos au niveau du sacro-iliaques contre L5-S1 à droite et une rotation coude au corps à 15° contre 30 ° à droite. Elle revendique pour cette limitation fonctionnelle un DFP de 8 %.
S’agissant du rapport du sapiteur psychiatre, elle considère que celui-ci semble avoir eu recours à la notion de “personnalité à traits névrotiques histrioniques” qui renverrait à un état antérieur dont elle conteste l’existence. Elle fait valoir que ses troubles psychiques sont tels qu’ils ont justifié une hospitalisation en psychiatrie. Elle estime que son déficit fonctionnel permanent doit être évalué à 20 %.
Au total, Madame [O] se prévaut d’un déficit fonctionnel permanent de 28 %.
Par ailleurs, Madame [O] conteste la durée retenue par l’expert pour l’assistance par tierce personne dont elle estime qu’elle doit s’étendre jusqu’au 1er juin 2017, date jusqu’à laquelle elle a porté un gilet d’immobilisation scapulo-huméral.
Enfin, Madame [O] revendique un préjudice professionnel au-delà du 1er juin 2017, date à laquelle le docteur [I] aurait arrêté de manière arbitraire, selon elle, l’arrêt de travail imputable. Elle se prévaut d’un arrêt de travail imputable jusqu’à consolidation puis inaptitude professionnelle totale et définitive. Elle fait valoir qu’elle a été licenciée pour inaptitude suite à l’accident, qu’elle a été placée en invalidité de 2ème catégorie et qu’elle est inapte à exercer une profession quelconque.

La société MMA IARD sollicite que les conclusions du docteur [I] soient entérinées.

Il convient tout d’abord d’observer que Madame [O] ne formule aucune critique sur la méthodologie de l’expert et de ses sapiteurs. Elle ne conteste pas que le docteur [I] a accompli sa mission dans le respect de ses obligations déontologiques notamment en respectant le principe du contradictoire. D’ailleurs, il sera relevé que Madame [O] était assistée d’un médecin conseil lors des opérations expertales et que son conseil a adressé plusieurs dires à l’expert, intégrés au rapport, et auxquels celui-ci a répondu.
Sur le fond, il sera relevé que Madame [O] ne conteste pas le diagnostic du docteur [P] qui a écarté l’existence d’une fracture de l’acromion, ni la description de son état psychique faite par le docteur [Z]. En réalité, elle ne s’oppose qu’à la cotation de ces éléments pour le déficit fonctionnel permanent. Or pour passer d’un DFP de 7%, retenu par l’expert judiciaire, à 28 %, elle se contente de procéder par affirmations. Elle ne verse au débat aucun avis critique du rapport d’expertise, de la part de son médecin conseil, ou d’un autre expert spécialisé dans l’évaluation du préjudice corporel. Aucune pièce produite ne permet de remettre en cause l’évaluation que l’expert judiciaire a fait de son DFP. A cet égard, l’hospitalisation en psychiatrie dont elle se prévaut est intervenue du 5 décembre 2017 au 26 janvier 2018, soit près d’un an après l’accident et postérieurement à la consolidation fixée par l’expert. Ce dernier n’a pas retenu l’imputabilité de cette hospitalisation à l’accident. Madame [O] ne produit aucun élément justifiant de retenir le contraire et n’allègue pas d’hospitalisation postérieure. Le fait de suivre un traitement à base d’anxiolytique et d’antidépresseur ne saurait justifier un DFP à 20 % sur le plan psychiatrique.
Dès lors, les conclusions du rapport d’expertise judiciaire, retenant un DFP à 4 % sur le plan psychique,
pour stress post traumatique enkysté et dolorisation psychologique, et de 3 % pour les limitations fonctionnelles de l’épaule seront entérinées.
S’agissant de l’aide par tierce personne, Madame [O] ne produit aucune pièce établissant qu’elle a eu recours à une personne, que ce soit un proche ou un salarié, pour lui porter assistance dans l’accomplissement des tâches de la vie courante au-delà du 31 janvier 2017, date retenue par l’expert comme étant la fin de l’immobilisation au niveau du membre supérieur. Madame [O] ne prouve pas qu’elle a porté son gilet d’immobilisation scapulo-huméral jusqu’en juin 2017, la prescription du docteur [M] n’étant pas produite. Il sera donc retenu un besoin en tierce personne de 1h30 par jour jusqu’au 31 janvier 2017.
En ce qui concerne le préjudice professionnel, il ressort des éléments du débat que Madame [O] a été placée en arrêt de travail suite à l’accident ; que celui-ci a été prolongé à plusieurs reprises jusqu’à la visite de reprise du 19 novembre 2018 où elle a été déclarée inapte à son poste et à tout reclassement dans l’emploi ; que le 11 décembre 2018, elle a été licenciée du fait de cette inaptitude.
Les prolongations de l’arrêt initial et la mention notamment de la fracture à l’épaule comme motif de celles-ci permettent de retenir que la totalité de l’arrêt et l’inaptitude professionnelle sont imputables à l’accident. A cet égard, le fait que Madame [O] ne souffre pas en réalité d’une fracture acromiale de l’épaule gauche est indifférent puisque ce sont bien les troubles somatoformes sur cette épaule, en lien direct et certain avec l’accident, qui sont à l’origine de l’impotence fonctionnelle qui a conduit au licenciement de Madame [O].
Ainsi, il sera retenu un arrêt de travail imputable jusqu’au licenciement puis une inaptitude professionnelle totale et définitive comme étant imputable à l’accident.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, le préjudice subi par Madame [O], âgée de 54 ans lors de l’accident, sera réparé ainsi que suit.

1°) Les Préjudices Patrimoniaux

Dépenses de santé actuelles
Il ressort de la créance définitive de la CPAM du Var en date du 27 juillet 2021 que celle-ci a pris en charge des dépenses de santé à hauteur de 2.057, 95 euros.

Madame [O] sollicite la somme de 258, 63 euros au titre de son reste à charge décomposé de la façon suivante :
- 82 € au titre de la franchise sur soins pratiquée par l’organisme social
- 153 € au titre des frais d’hospitalisation au sein de la Clinique Saint-Martin d’OLLIOULES
- 8,78 € au titre des frais d’examen par le GIE Var Ouest
- 14, 85 € au titre de son passage aux urgences de LAVERAN.

La société MMA conclut au rejet en l’absence de production de la créance de la mutuelle complémentaire.

Il convient de relever que Madame [O] verse au débat les factures correspondant à ses demandes. Aucune ne mentionne d’organisme complémentaire alors même que la prise en charge de la CPAM est précisée. Dès lors, il sera retenu que les frais sont bien restés à charge de Madame [O].
Il lui sera donc alloué la somme de 258, 63 euros au titre des dépenses de santé actuelles.

Frais d’assistance à expertise
Les frais d’assistance à expertise exposés par la victime pour se faire assister d’un médecin lors des opérations d’expertise sont nécessaires à la préservation de ses droits. En effet, le débat présentant un caractère scientifique il paraît légitime qu’elle s’entoure d’un conseil technique au même titre que la compagnie d’assurances et ce dans le respect du principe du contradictoire.

Vu les quatre notes d’honoraires acquittées du docteur [E] et celle du docteur [J] produites au débat, il sera alloué pour ce poste de préjudice à Madame [O] la somme de 2.760 euros.

Assistance par tierce personne avant consolidation
Il convient d'indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe durant sa maladie traumatique, comme l'assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l’indemnisation s'entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.

L’expert a fixé le besoin d’assistance par une tierce personne de Madame [O] à 1h30 par jour du 18/12/2016 au 31/01/2017.

Il convient de fixer l’indemnisation du poste de préjudice lié à la nécessité d’avoir été assistée d’une tierce personne pour les besoins de la vie courante jusqu’à la consolidation sur la base d’un taux horaire de 18 € et d’allouer, en conséquence, à ce titre à Madame [O] la somme de 1.215 euros (45j x 1,5h x 18 €).

Perte de gains professionnels avant consolidation
Il s'agit de compenser les répercussions de l'invalidité sur la sphère professionnelle de la victime jusqu'à la consolidation de son état de santé. L'évaluation de ces pertes de gains doit être effectuée in concreto au regard de la preuve d'une perte de revenus établie par la victime jusqu'au jour de sa consolidation, à savoir jusqu'au 18/10/2017.

Madame [O] indique qu’elle exerçait, depuis le 11 mai 2012, la profession d’agent d’entretien pour la société GSF dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée. En retenant un salaire de référence de 1.182, 14 euros nets mensuels, elle soutient qu’elle aurait dû gagné 11.821, 40 euros pendant la période de l’accident à la consolidation. En déduisant les indemnités journalières perçues à hauteur de 6.481, 02 euros et les compléments de salaire versés par l’employeur pour 1.023, 76 euros, elle demande la somme de 4.316, 62 euros pour ce poste de préjudice.

L’assureur conclut au débouté considérant que l’arrêt de travail imputable s’arrête au 1er juin 2017 et que durant cette période Madame [O] n’a subi aucune perte de gains.

Comme cela a été développé précédemment, il convient de retenir un arrêt de travail imputable jusqu’au licenciement.
S’agissant du revenu de référence, le tribunal déplore que les avis d’imposition ne soient pas versés au débat. Les fiches de paie pour l’année 2016 produites ne sont pas pertinentes pour déterminer le revenu de référence puisque l’accident s’est produit le 18 décembre de cette année-là. Il ressort du relevé de carrière que l’année précédant l’accident, Madame [O] a perçu des salaires à hauteur de 13.862 euros bruts, soit un salaire mensuel net de 901 euros.
Ainsi sur la période du 18/12/2016 au 18/10/2017, Madame [O] aurait dû gagner 9.010 euros (10 mois x 901 €).

Selon l’attestation de paiement des indemnités journalières, Madame [O] a perçu sur la même période la somme de 6.502, 86 euros de la CPAM du Var.
Les bulletins de paie de la société GSF montrent des sommes versées par l’employeur à hauteur de 1.097, 15 euros.

Ainsi, la perte de gains professionnels actuels de Madame [O] s’élève à la somme de 1.409, 99 euros.

Perte de gains professionnels futurs
Ce poste indemnise la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est confrontée du fait du dommage dans la sphère professionnelle après la consolidation de son état de santé.

Madame [O] fait valoir qu’étant arrivée tardivement sur le territoire national elle n’a commencé à cotiser pour la retraite qu’en 2004 de sorte que pour partir à taux plein, elle aurait travaillé jusqu’à au moins 67 ans. En retenant une perte de gains totale jusqu’à cet âge-là et en déduisant la pension d’invalidité dont elle bénéficie, elle sollicite la somme de 98.391, 79 euros pour ce poste de préjudice.

La société MMA IARD s’oppose à la demande faisant valoir que l’expert n’a pas retenu ce poste de préjudice.

Comme cela a été développé précédemment, l’arrêt de travail de Madame [O] jusqu’à son licenciement pour inaptitude et celui-ci sont imputables à l’accident. Eu égard à l’inaptitude à tout emploi retenue par la médecine du travail, Madame [O] sera indemnisée de sa perte de gains jusqu’à l’âge de 64 ans, date légale du départ à la retraite. En, effet Madame [O] ne démontre pas que sans l’accident elle aurait travaillé jusqu’à 67 ans.

Sur la perte échue (du 19/10/2017 au 06/05/2024)Sur cette période de 2392 jours, Madame [O] aurait dû gagner 72.557, 33 €[(910€/30j) x 2392].

Sur la perte à échoir à compter du 06/05/2024Au regard de l’âge de Madame [O] à la date d’attribution de la rente (61 ans) et de l’âge de son départ à la retraite (64 ans), de lui allouer la somme de 2.703, 61 € (910 € x 2,971 (€ de rente GP 2020).

Soit un total de 75.260, 94 €.

Il convient de déduire de cette somme les prestations imputables perçues par Madame [O] à hauteur de 72.046, 42 €, selon le détail suivant :
- 8.102, 64 € d’indemnités journalières versée par la CPAM du Var
- 100, 50 € de son employeur
- 32.912, 68 € au titre de la pension d’invalidité servie par la CPAM du Var (484, 01€/mois de novembre 2018 à juin 2024, correspondant au 62 ans de Madame [O])
- 30.930, 60 €au titre des prestations complémentaires servies par AG2R.

Ainsi, il sera alloué à Madame [O] la somme de 3.214, 52 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs.

Incidence professionnelle
Ce poste d'indemnisation a pour objet d'indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a du choisir en raison de la survenance de son handicap.
Ce poste indemnise également la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, c'est-à-dire le déficit de revenus futurs, estimé imputable à l'accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension auquel pourra prétendre la victime au moment de sa prise de retraite.

Au regard des éléments précédemment développés, il convient de retenir que Madame [O] subit une incidence professionnelle imputable à l’accident caractérisée par la perte de l’emploi antérieur et l’exclusion du monde du travail. En tenant compte de l’âge de Madame [O] à la consolidation et de la catégorie d’emploi occupée, il lui sera alloué la somme de 8.000 euros pour ce poste de préjudice.

2°) Les Préjudices Extra Patrimoniaux :

Déficit fonctionnel temporaire
Ce poste de préjudice indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

L’expert retient les éléments suivants :
- DFT à 40 % du 18/12/2016 au 31/01/2017
- DFT à 25 % du 01/02/2017 au 01/06/2017
- DFT à 10 % du 02/06/2017 au 18/10/2017.

Sur la base d’une indemnisation de 27 € par jour pour un déficit total, les troubles dans les conditions d'existence subis par Madame [O] jusqu'à la consolidation, justifient l'octroi d'une somme de 1.678, 05 euros, calculée comme suit :
45j x 27 € x 40 % = 486 €
121j x 27 € x 25 % = 816, 75 €
139j x 27 € x 10 % =375, 30 €.

Souffrances endurées
Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.

En l'espèce, elles sont caractérisées par le traumatisme initial et les traitements subis s’agissant notamment de l’immobilisation de l’épaule, du traitement médicamenteux, de la rééducation et du suivi psychiatrique. Cotées à 3/7 par l’expert, elles seront réparées par l'allocation de la somme de 6.000 euros.

Déficit fonctionnel permanent
Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d'existence.

La victime souffrant d’un déficit fonctionnel permanent évalué à 7 % par l’expert compte-tenu des séquelles relevées et étant âgée de 55 ans lors de la consolidation de son état, il lui sera alloué la somme de 10.920 euros, soit 1.560 euros la valeur du point.

Sur les demandes accessoires

La société MMA sollicite qu’il soit tenu compte des provisions versées à hauteur de 15.000 euros.
Cependant dans la mesure où elle ne justifie pas du versement et où Madame [O] verse au débat des quittances provisionnelles à hauteur de 10.000 euros seulement, le jugement sera prononcé en deniers ou quittances, provisions non déduites.

La société MMA, qui succombe en la présente instance, sera condamnée aux dépens, distraits au profit de Maître Karine TOUBOUL-ELBEZ.

En outre, elle devra supporter les frais irrépétibles engagés par Madame [O] dans la présente instance et que l'équité commande de réparer à raison de la somme de 1.800 euros.

Il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

CONDAMNE la société MMA IARD à payer à Madame [Y] [O] les sommes suivantes, en deniers ou quittances, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, en réparation des préjudices suivants :

- 258, 63 euros au titre des dépenses de santé actuelles
- 2.760 euros au titre des frais d’assistance à expertise
- 1.215 euros au titre de l’assistance par tierce personne avant consolidation
- 1.409, 99 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels
- 3.214, 52 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs
- 8.000 euros au titre de l’incidence professionnelle
- 1.678, 05 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire
- 6.000 euros au titre des souffrances endurées
- 10.920 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

DIT le présent jugement commun à la CPAM du Var ;

CONDAMNE la société MMA IARD à payer à Madame [Y] [O] la somme de 1.800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société MMA IARD aux dépens, distraits au profit de Maître Karine TOUBOUL-ELBEZ ;

DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire ;

AINSI JUGE ET PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA DEUXIEME CHAMBRE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE
06 MAI 2024

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 2ème chambre cab2
Numéro d'arrêt : 23/04113
Date de la décision : 06/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-06;23.04113 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award