La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/05/2024 | FRANCE | N°20/02718

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 06 mai 2024, 20/02718


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 3]


JUGEMENT N°24/02129 du 06 Mai 2024

Numéro de recours: N° RG 20/02718 - N° Portalis DBW3-W-B7E-YBKW

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [P] [E]
né le 28 Juillet 1980 à [Localité 9] (BOUCHES-DU-RHONE)
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2]
comparant en personne assisté de Me Cédric PORIN, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
S.A.S. [8]
[Adresse 5]
[Localité 1]
représentée par Me Ghislaine JO

B-RICOUART, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Anna-Clara BIANCHI, avocat au barreau de MARSEILLE

Appelée en la cause:
Organisme...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 3]

JUGEMENT N°24/02129 du 06 Mai 2024

Numéro de recours: N° RG 20/02718 - N° Portalis DBW3-W-B7E-YBKW

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [P] [E]
né le 28 Juillet 1980 à [Localité 9] (BOUCHES-DU-RHONE)
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2]
comparant en personne assisté de Me Cédric PORIN, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
S.A.S. [8]
[Adresse 5]
[Localité 1]
représentée par Me Ghislaine JOB-RICOUART, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Anna-Clara BIANCHI, avocat au barreau de MARSEILLE

Appelée en la cause:
Organisme CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE
[Localité 4]
dispensée de comparaître

DÉBATS : À l'audience publique du 10 Janvier 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : MEO Hélène, Première Vice-Présidente

Assesseurs : DUNOS Olivier
MITIC Sonia

L’agent du greffe lors des débats : MULLERI Cindy

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 13 Mars 2024, prorogé au 06 Mai 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort
EXPOSÉ DU LITIGE

Le 29 mai 2017, la société [8] a régularisé une déclaration d'accident du travail pour le compte de son salarié M. [P] [E], embauché en qualité d'agent de sécurité suivant contrat à durée déterminé du 27 mai 2017, mentionnant les circonstances suivantes : " Date : 27.05.2017 ; Heure: 20h15 ; Activité de la victime lors de l'accident : sécurisation de la pelouse ; Nature de l'accident : Selon les dires de la victime, il aurait glissé sur la pelouse alors qu''il voulait empêcher un spectateur de s'introduire sur la pelouse ; Siège des lésions : Coude gauche ; Nature des lésions : luxation ".

Le certificat médical initial établi 27 mai 2017 par le Dr [U] [R], médecin généraliste, mentionne une " fracture compliquée coude gauche avec intervention chirurgicale et ostéosynthèse. Impotence fonctionnelle totale membre supérieur gauche ".

Cet accident du travail a été pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la caisse primaire centrale d'assurance maladie (ci-après la CPCAM) des Bouches-du-Rhône par décision du 29 juin 2017.

Par courrier du 13 juin 2018, M. [P] [E] a formé un recours en faute inexcusable devant la CPCAM des Bouches-du-Rhône.

Par courrier du 2 octobre 2018, la société [8] a signifié à la CPCAM des Bouches-du-Rhône son refus de concilier et cette dernière a établi un procès-verbal de non-conciliation le 30 octobre 2018.

Par courriers des 14 et 21 janvier 2020, la CPCAM des Bouches-du-Rhône a notifié à M. [P] [E] la fixation, d'une part, de la date de consolidation des lésions consécutives à l'accident du 27 mai 2017 au 30 juin 2019 et, d'autre part, d'un taux d'incapacité permanente de 8 %.

M. [P] [E] a contesté le taux d'incapacité retenu et la commission médicale de recours amiable de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur Corse a porté ce taux à 10 % par décision en du 6 novembre 2020.

Par requête expédiée le 28 octobre 2020, M. [P] [E] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de son accident le 27 mai 2017.

Après une phase de mise en état, l'affaire a été appelée à l'audience de plaidoirie du 10 janvier 2024.

M. [P] [E], comparant assisté de son conseil, reprend les termes de ses dernières écritures et sollicite le tribunal aux fins de :
Le juger bien-fondé en son action ;Juger que son action en reconnaissance de la faute inexcusable de la SAS [8] est recevable ; Juger que l'accident dont il a été victime le 27 mai 2017 est dû à la faute inexcusable commise par son employeur, la SAS [8] ; Ordonner la majoration à son taux maximal de la rente qui lui est versée;Ordonner une expertise médicale ;Désigner pour y procéder tel expert qu'il plaira à M. le Président du pôle social du tribunal judiciaire de Marseille selon mission telle que précisée dans ses écritures ; Lui allouer à titre provisionnel la somme de 8.000 euros à valoir sur son indemnisation ;Juger la CPAM des Bouches-du-Rhône débitrice de l'avance de la somme nécessaire à la consignation à valoir sur les frais d'expertise ;Condamner la SAS [8] au paiement de la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;Condamner la SAS [8] aux entiers dépens ; Ordonner de tous les chefs qui précèdent l'exécution provisoire en application des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile ;Débouter la SAS [8] de l'ensemble de ses fins, moyens et prétentions.
Au soutien de ses prétentions, M. [P] [E] fait valoir qu'il entrait dans ses missions en qualité de stadier positionné sur le terrain d'intervenir sur la pelouse en cas d'intrusion de spectateurs, que son employeur ne pouvait ignorer cet état de fait et aurait dû lui fournir des chaussures à crampons afin qu'il puisse intervenir en toute sécurité sur la pelouse et qu'en ne le faisant pas, il s'est rendu coupable d'une faute inexcusable.

En défense, la société [8], représentée par son conseil à l'audience, reprend les termes de ses dernières écritures et demande au tribunal de :
Juger qu'elle n'a commis aucune faute inexcusable à l'origine de l'accident dont M. [E] a été victime le 27 mai 2017 ;En conséquence, débouter M. [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;Condamner M. [E] à payer à la société [8] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, la société [8] fait valoir que les circonstances exactes de l'accident litigieux sont indéterminées de sorte que sa faute inexcusable ne saurait être recherchée. Elle ajoute que le port de chaussures à crampons n'est pas indiqué pour les stadiers qui ont notamment vocation à intervenir dans les tribunes pour maîtriser la foule, comme c'était le cas pour Monsieur [E].

Aux termes de ses dernières écritures, la CPCAM des Bouches-du-Rhône, dispensée de comparaître, indique s'en rapporter à droit sur le mérite de l'action de M. [P] [E] en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

En cas de reconnaissance de faute inexcusable, elle sollicite le tribunal aux fins:
D'ordonner la majoration de la rente versée à M. [E] ;Fixer les préjudices personnels de M. [E] conformément à l'article L. 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale et à la décision QPC du Conseil constitutionnel du 18/06/2010 ; Condamner la société [8] à lui rembourser la totalité des sommes dont elle sera tenue d'assurer par avance le paiement.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un exposé plus ample de leurs moyens et prétentions.

L'affaire a été mise en délibéré au 13 mars 2024, prorogé au 6 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur

En vertu de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité ; le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il ressort des dispositions de l'article 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile qu'il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et de prouver les faits nécessaires au succès de ses prétentions.

Il appartient donc au salarié qui souhaite voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de son accident d'établir que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de la maladie (de l'accident) du salarié. Il suffit qu'elle en soit la cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.

Il en outre constant que la détermination objective des circonstances d'un accident du travail est un préalable nécessaire à la caractérisation d'une faute inexcusable de l'employeur, de sorte que si ces circonstances demeurent indéterminées aucune responsabilité de l'employeur ne saurait être recherchée.

En l'espèce, M. [P] [E] expose que le 27 mai 2017, alors qu'il était chargé d'assurer la sécurité d'un match de rugby au stage [10] à [Localité 9], des supporters ont envahi la pelouse. Il indique avoir poursuivi les supporters et, dans sa course, avoir glissé et chuté, avec réception sur les mains, entraînant une fracture et une luxation du coude gauche.

En défense, la société [8] soutient que M. [P] [E] ne rapporte pas la preuve des circonstances exactes de l'accident et plus particulièrement de la chute alléguée.

Le tribunal relève en premier lieu que la déclaration d'accident du travail ne mentionne aucun témoin direct des faits et que la caisse a pris en charge l'accident objet du litige sans qu'aucune enquête préalable ne soit diligentée.

Au soutien de ses prétentions, M. [P] [E] verse aux débats deux attestations de témoins, l'une de M. [C] [D] et l'autre de M. [X] [G], confirmant tous deux qu'il entre dans les missions des agents de sécurité en poste en bord de stade d'intervenir sur la pelouse, après consigne préalable, pour stopper les spectateurs qui pourraient y pénétrer.

Ni M. [C] [D] ni M. [X] [G] n'ont toutefois été les témoins de la chute de M. [P] [E].

M. [P] [E] verse également aux débats des captures d'écran ainsi que le lien hypertexte d'une vidéo de la rencontre sportive litigieuse qui attestent de l'envahissement effectif de la pelouse par les spectateurs le jour de l'accident.

Ces éléments généraux ne sont cependant pas de nature à corroborer les seules affirmations de M. [P] [E] s'agissant précisément des conditions de survenance de la chute qu'il a subie le 27 mai 2017.

Il en résulte que les circonstances exactes de l'accident du 27 mai 2017 sont indéterminées ce qui empêche d'établir le lien de causalité entre la chute et la faute alléguée de l'employeur (absence d'équipement adéquat)

Ainsi, faute pour M. [P] [E] de rapporter la preuve lui incombant des circonstances de son accident, son action en recherche de la faute inexcusable de la société [8] ne saurait prospérer et M. [P] [E] sera dès lors débouté de l'intégralité de ses demandes.

Sur les demandes accessoires

M. [P] [E], qui succombe en ses prétentions, supportera les entiers dépens de l'instance conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

En raison de considérations tirées de l'équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats publics, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :

DÉCLARE recevable mais mal-fondé le recours de M. [P] [E] ;

DÉBOUTE M. [P] [E] de l'ensemble de ses demandes ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [P] [E] aux dépens de l'instance ;

DIT tout appel de la présente décision doit, à peine de forclusion, être formé dans le mois suivant la réception de sa notification.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 20/02718
Date de la décision : 06/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-06;20.02718 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award