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06/05/2024 | FRANCE | N°20/02467

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 06 mai 2024, 20/02467


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 2]


JUGEMENT N°24/02123 du 06 Mai 2024

Numéro de recours: N° RG 20/02467 - N° Portalis DBW3-W-B7E-X6WF

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [H] [U]
né le 02 Décembre 1971 à [Localité 10] (MEURTHE-ET-MOSELLE)
[Adresse 4]
Bât. [Adresse 9]
[Localité 1]
représenté par Me Céline FALCUCCI, avocat au barreau de TOULON

c/ DEFENDERESSE
S.A.S. [8]
Parc d’Activités du Plateau
[Adresse 6]
[Localité 5]
reprÃ

©sentée par Me Chloé DUMOTIER, avocat au barreau de MARSEILLE

Appelée en la cause:
Organisme CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE
[Adresse 3]
dispensée de comp...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 2]

JUGEMENT N°24/02123 du 06 Mai 2024

Numéro de recours: N° RG 20/02467 - N° Portalis DBW3-W-B7E-X6WF

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [H] [U]
né le 02 Décembre 1971 à [Localité 10] (MEURTHE-ET-MOSELLE)
[Adresse 4]
Bât. [Adresse 9]
[Localité 1]
représenté par Me Céline FALCUCCI, avocat au barreau de TOULON

c/ DEFENDERESSE
S.A.S. [8]
Parc d’Activités du Plateau
[Adresse 6]
[Localité 5]
représentée par Me Chloé DUMOTIER, avocat au barreau de MARSEILLE

Appelée en la cause:
Organisme CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE
[Adresse 3]
dispensée de comparaître

DÉBATS : À l'audience publique du 10 Janvier 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : MEO Hélène, Première Vice-Présidente

Assesseurs : DUNOS Olivier
MITIC Sonia

L’agent du greffe lors des débats : MULLERI Cindy

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 13 Mars 2024, prorogé au 06 Mai 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort
EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [H] [U] a été employé par la SAS [8] en qualité d'opérateur de production, selon contrat à durée indéterminée en date du 8 août 2011, à la suite de plusieurs contrats d'intérim ayant débuté le 2 mai 2011.

Selon la déclaration d'accident du travail établie par l'employeur le 21 février 2013, Monsieur [H] [U] a déclaré avoir été victime d'un accident du travail, le 20 février 2013, en ces termes : " Chute au sol provoqué par un autre salarié".

Le certificat médical initial établi le jour de l'accident mentionne : " Allégation de coups et blessures ", œdème sous occipital avec douleurs à la pression, chute sur la tête, céphalées, vertiges, anxiété ++, peurs, angoisse [mot illisible], asthénie [mot illisible] ".

La caisse primaire centrale d'assurance maladie (ci-après la CPCAM) des Bouches-du-Rhône a notifié à Monsieur [H] [U] la prise en charge de l'accident survenu le 20 février 2013 au titre de la législation sur les risques professionnels.

Par courrier recommandé avec accusé de réception expédié le 3 juin 2015, Monsieur [H] [U] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône aux fins de voir reconnaître que l'accident du travail dont il a été victime le 20 février 2013 est imputable à la faute inexcusable de son employeur, la SAS [8].

En application des lois n°2016-1547 du 18 novembre 2016 et n°2019-222 du 23 mars 2019, le contentieux relevant initialement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône a été transféré au tribunal de grande instance de Marseille, devenu le 1er janvier 2020 tribunal judiciaire, spécialement désigné aux termes de l'article L. 211-16 du code de l'organisation judiciaire.

Après radiation et reprise de l'instance, l'affaire a été appelée à l'audience dématérialisée de mise en état du 6 septembre 2023, puis la clôture des débats a été ordonnée avec effet différé au 28 décembre 2023 et les parties ont été convoquées à l'audience de plaidoirie du 10 janvier 2024.

Monsieur [H] [U], représenté par son conseil qui reprend oralement ses conclusions, demande au tribunal de :
débouter la SAS [8] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;ordonner au besoin à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône de communiquer toutes les informations ou circonstances et tout élément permettant d'apprécier le caractère inexcusable de la faute ;juger que l'accident dont il a été victime le 20 février 2013 résulte de la faute inexcusable de la SAS [8] ;"juger que la faute inexcusable de l'employeur est caractérisée ;
En conséquence :
juger qu'il a droit à une majoration du taux de rente dont le tribunal fixera le montant ;juger qu'il est fondé et justifié à obtenir réparation de ses préjudices causés par les souffrances physiques et morales par lui endurées, de ses préjudices esthétique et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ;avant-dire droit, désigner tel expert qu'il plaira au tribunal avec mission détaillée dans ses écritures ;déclarer le jugement à intervenir commun et opposable à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône ;juger qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles qu'il a été contraint d'engager à la présente procédure ;condamner la SAS [8] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens au profit de Me Céline FALCUCCI, avocat sur sa due affirmation de droit.
Au soutien de ses prétentions, Monsieur [H] [U] rappelle le déroulement des faits, à savoir que, le jour de l'accident, il a fait état auprès de son supérieur hiérarchique, Monsieur [D] [Y], de la dégradation de ses conditions de travail notamment due à un manque d'effectif. Il précise qu'une altercation a éclaté entre eux et qu'il a été agressé par Monsieur [D] [Y] qui l'a attrapé par le col, l'a déséquilibré et a provoqué sa chute sur la tête. Il ajoute qu'il a été transporté à l'hôpital de [Localité 11] et que l'examen clinique effectué par le médecin hospitalier a fait état d'un hématome du cuir chevelu occipital. Il considère que l'employeur ne l'a pas protégé de l'agression physique dont il a été victime alors qu'il connaissait son statut de travailleur handicapé, précisant qu'il est diabétique et atteint d'une malformation artério-veineuse lui interdisant tout choc cérébral. Il précise enfin que, contrairement aux affirmations de l'employeur, il a toujours adopté un comportement conforme.

La société [8], représentée à l'audience par son conseil, soutient oralement ses écritures en sollicitant du tribunal de :
la recevoir dans ses conclusions les disant bien fondées ;débouter Monsieur [H] [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;le condamner au paiement de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;le condamner aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, la société [8] affirme qu'avant le 20 février 2013, Monsieur [H] [U] ne s'était jamais plaint de ses conditions de travail que ce soit auprès de la direction ou auprès du CHSCT et que la prévention et la sécurité des salariés est au cœur de la culture d'entreprise. Elle précise que, le jour de l'accident, Monsieur [D] [Y] a demandé à Monsieur [H] [U] de préparer une ligne de production pour un conditionnement à venir, que celui-ci s'est alors énervé, s'est mis à l'insulter et s'en est pris violemment à Monsieur [D] [Y]. Elle fait valoir qu'elle n'avait pas conscience du comportement de Monsieur [H] [U] vis-à-vis de ses collègues de travail et que, par ailleurs, elle n'avait jamais eu connaissance d'un comportement violent de la part de Monsieur [D] [Y] de sorte qu'il lui était impossible de prévenir un quelconque danger. Elle ajoute qu'elle a embauché Monsieur [H] [U] pour le poste d'opérateur de production en qualité de travailleur handicapé mais qu'elle n'avait pas connaissance de son état de santé ni de son type de handicap. Elle précise que le salarié n'apporte aucun élément qui démontrerait qu'il souffre d'une malformation artério-veineuse et rappelle que les renseignements relatifs à l'état de santé du salarié ne peuvent être confiés qu'au médecin du travail. Elle soutient que Monsieur [H] [U] a toujours été déclaré apte par la médecine du travail sans aucune restriction.

La CPCAM des Bouches-du-Rhône, dispensée de comparaître, aux termes de ses écritures, s'en rapporte à l'appréciation du tribunal quant à la reconnaissance de la faute inexcusable. Si la faute est reconnue, elle demande au tribunal de dire qu'elle majorera l'indemnité en capital de 3 %. Elle ajoute qu'elle ne s'oppose pas à la mise en œuvre d'une expertise afin de déterminer les préjudices indemnisables. Enfin, elle demande que la société [8] soit expressément condamnée à lui rembourser la totalité des sommes dont elle serait tenue d'assurer par avance le paiement.

Il convient de se reporter aux conclusions respectives des parties pour un exposé plus ample de leurs prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'affaire, mise en délibéré au 13 mars 2024, a été prorogée au 6 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la faute inexcusable

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation légale de sécurité et de protection de la santé, notamment en ce qui concerne tant les accidents du travail que les maladies professionnelles.

L'employeur a, en particulier, l'obligation de veiller à l'adaptation de ces mesures de sécurité pour tenir compte des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. Il doit éviter les risques et évaluer ceux qui ne peuvent pas l'être, combattre les risques à la source, adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail, planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions du travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants. Les articles R. 4121-1 et R. 4121-2 du code du travail lui font obligation de transcrire et de mettre à jour au moins chaque année, dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs.

Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452 1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de la maladie (de l'accident) du salarié. Il suffit qu'elle en soit la cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.

Il incombe au demandeur de rapporter la preuve que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié et n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, étant rappelé que la simple exposition au risque ne suffit pas à caractériser la faute inexcusable de l'employeur et qu'aucune faute ne peut être établie lorsque l'employeur a pris toutes les mesures en son pouvoir pour éviter l'apparition de la lésion compte tenu de la conscience du danger qu'il pouvait avoir.

La conscience du danger exigée de l'employeur est analysée in abstracto et ne vise pas une connaissance effective de celui-ci. En d'autres termes, il suffit de constater que l'auteur " ne pouvait ignorer " celui-ci ou " ne pouvait pas ne pas [en] avoir conscience " ou encore qu'il aurait dû en avoir conscience. La conscience du danger s'apprécie au moment ou pendant la période de l'exposition au risque.

Enfin, il est constant que l'absence de poursuite pénale ou de condamnation pénale est sans incidence sur l'action civile que peut exercer le salarié en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, à charge pour lui de rapporter la preuve que les conditions de cette faute sont réunies.

***

Pour caractériser la faute inexcusable de son employeur, Monsieur [H] [U] soutient que la société [8] avait conscience du danger d'agression physique et psychique auquel elle l'exposait mais qu'elle n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

En l'espèce, il ressort de la déclaration d'accident du travail établie le 21 février 2013 par l'employeur que, le 20 février 2013, Monsieur [H] [U] a déclaré avoir été agressé par son collègue Monsieur [D] [Y] lui causant un hématome du cuir chevelu occipital et un choc psychologique.

Les circonstances de l'accident du travail ne sont pas discutées.

Il convient donc de vérifier si la société [8] avait ou aurait dû avoir conscience du danger d'agression physique et psychique auquel était exposé son salarié au moment de l'accident.

Monsieur [H] [U] n'a pas expressément conclu sur ce point et n'a pas produit de pièces permettant d'établir que son employeur était informé d'une menace de violences pesant sur lui avant le fait accidentel.

Monsieur [H] [U] échoue en conséquence à justifier d'un danger connu de l'employeur ou dont il aurait dû avoir conscience et qui s'est matérialisé par la survenance de l'accident du travail litigieux, ce qui fait obstacle à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Par conséquent, Monsieur [H] [U] sera débouté de l'intégralité de ses demandes.

Sur les demandes accessoires

Aucune circonstance d'équité ne commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, Monsieur [H] [U], qui succombe dans ses prétentions, sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats publics, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :

DÉCLARE Monsieur [H] [U] recevable mais mal-fondé en son action ;

DÉBOUTE Monsieur [H] [U] de l'ensemble de ses demandes ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [H] [U] aux entiers dépens ;

DIT que tout appel de la présente décision doit, à peine de forclusion, être formé dans le mois de la réception de sa notification.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 20/02467
Date de la décision : 06/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-06;20.02467 ?
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