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02/05/2024 | FRANCE | N°23/03910

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Référés cabinet 2, 02 mai 2024, 23/03910


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE



ORDONNANCE DE REFERE N°24/


Référés Cabinet 2

ORDONNANCE DU :02 Mai 2024
Président :Madame BENDELAC, Juge
Greffier :Madame DUFOURGNIAUD, Greffier
Débats en audience publique le : 20 Mars 2024



GROSSE :
Le ...................................................
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EXPEDITION :
Le ...........................................................

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE

ORDONNANCE DE REFERE N°24/

Référés Cabinet 2

ORDONNANCE DU :02 Mai 2024
Président :Madame BENDELAC, Juge
Greffier :Madame DUFOURGNIAUD, Greffier
Débats en audience publique le : 20 Mars 2024

GROSSE :
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à Me ...............................................
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EXPEDITION :
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N° RG 23/03910 - N° Portalis DBW3-W-B7H-3XUZ

PARTIES :

DEMANDERESSE

Madame [G] [Y], né le [Date naissance 1]/1971 à [Localité 8]
demeurant [Adresse 5]
représentée par Maître Jacques-antoine PREZIOSI de l’ASSOCIATION PREZIOSI CECCALDI ALBENOIS, avocats au barreau de MARSEILLE

DEFENDEURS

Monsieur [V] [X], né le [Date naissance 2]/1948 à [Localité 7] (ALGERIE)
demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Alain LHOTE, avocat au barreau de MARSEILLE

CPAM DES BOUCHES DU RHÔNE
Dont le siège social est sis [Adresse 4]
pris en la personne de son représentant légal
non comparante

INTERVENTION VOLONTAIRE :

La MATMUT
dont le siège social est sis [Adresse 6]
en la personne de son représentant légal
représentée par Maître Julien BERNARD de la SELARL LESCUDIER & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

EXPOSE DU LITIGE

Par ordonnance du 2 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Marseille a désigné le docteur [D], aux fins d’expertise judiciaire de Mme [G] [Y].

Le docteur [D] a déposé son rapport définitif le 12 octobre 2022.

Suivant acte de commissaire de Justice en date du 4 août 2023, Mme [G] [Y] a assigné M. [V] [X] et la caisse primaire d’assurance maladie en référé aux fins d’obtenir une provision de 30.000 €, 2.000 € au titre des frais irrépétibles , outre les dépens.

A l’audience du 20 mars 2024, Mme [G] [Y], représentée, dépose des conclusions et demande de :
A titre principal, condamner la Matmut à remettre à Mme [Y] sous astreinte de 100 € par jour de retard passé le délai de 8 jours à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir, une copie des conditions générales et particulières du contrat souscrit par le Dr [X] auprès de la Matmut à effet du 15 août 2012, une copie du questionnaire rempli par le Dr [X] à l’occasion de la souscription dudit contrat d’assurance responsabilité professionnelle, se réserver la liquidation de l’astreinte, condamner in solidum le Dr [X] et la Matmut à verser à Mme [Y] les sommes de : 30.000 € à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice, 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépensA titre subsidiaire, condamner le Dr [X] à verser à Mme [Y] : 30.000 € à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice, 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Elle fait valoir que le Dr [X], en sa qualité de médecin traitant assurant le suivi gynécologique, a commis un défaut de diagnostic et un retard de prise en charge pour une complication du cancer du sein.

Elle fait valoir que la déchéance des droits de l’assuré ne peut être opposable à la victime. Elle expose que l’assureur ne peut se prévaloir de l’absence de contradictoire du rapport d’expertise. En outre, elle réfute l’existence de contestations sérieuses, puisque le rapport d’expertise retient un retard de diagnostic, constitutif d’une faute, à l’origine d’une perte de chance à hauteur de 95%

M. [V] [X], représenté, dépose des conclusions, conclut au débouté des demandes adverses et sollicite la condamnation de Mme [G] [Y] au paiement de 1.000 € au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

Il affirme n’être que le médecin occasionnel de Mme [Y]. Il conteste les conclusions du rapport d’expertise, considérant que la demande de provision se heurte à des contestations sérieuses.

Il considère en outre que la demande de communication de pièces par l’assureur n’est pas juridiquement fondée.

La SA MATMUT, représentée, dépose des conclusions soutenues oralement et demande de :
recevoir son intervention volontaire, condamner M. [V] [X] à lui remettre, sous astreinte de 70 € par jour de retard passé le délai de 8 jours à compter de la signification de l’ordonnance, une copie du ou des contrats d’assurance de responsabilité professionnelle couvrant sa responsabilité civile pour les dommages causés à des tiers dans le cadre de son activité, antérieur à la date de prise d’effet du contrat souscrit avec la Matmut le 5 août 2012 ; une copie de la lettre recommandée adressée par Mme [G] [Y] le 9 mai 2012 afin d’obtenir son entier dossier médical et une copie de la lettre de relance adressée le 19 juillet 2012 ;condamner Mme [G] [Y] à lui remettre, sous astreinte de 70 € par jour de retard passé le délai de 8 jours à compter de la signification de l’ordonnance une copie de la lettre recommandée adressée par Mme [G] [Y] le 9 mai 2012 afin d’obtenir son entier dossier médical et une copie de la lettre de relance adressée le 19 juillet 2012 ;se réserver la liquidation de l’astreinte, rejeter les demandes de Mme [G] [Y], subsidiairement limiter la provision à la somme de 15.000 €.
Elle indique couvrir la responsabilité civile professionnelle du docteur [X] depuis le 15 août 2012. Elle ajoute que la prescription de l’action du docteur [X] contre son assureur est prescrite et que le rapport d’expertise ne peut lui être opposé. Elle fait valoir que le médecin avait connaissance du fait dommageable à la date où il a souscrit le contrat d’assurance avec elle. Enfin elle indique que la demande se heurte à des contestations puisque l’expertise retient un retard de diagnostic, qui ne constitue pas nécessairement une erreur fautive.

Il est renvoyé à l’acte introductif d’instance et aux écritures des parties pour un plus ample exposé des moyens qui y sont contenus.

La caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône, régulièrement citée à personne morale, n’a pas comparu.

L’affaire a été mise en délibéré au 2 mai 2024.

SUR QUOI, NOUS, JUGE DES RÉFÉRÉS,

Il y a lieu de recevoir l’intervention volontaire, conforme aux dispositions de l’article 325 du code de procédure civile.

Sur la demande de communication de pièces :

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.
L'article 145 suppose l'existence d'un motif légitime, c'est-à-dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l'objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui. Elle doit être pertinente et utile.

En l’espèce, Mme [G] [Y] sollicite la production des conditions générales et particulières du contrat d’assurance souscrit par le docteur [X] auprès de la Matmut, ainsi qu’une copie du questionnaire rempli par ce dernier au moment de la souscription du contrat.

Par ailleurs, la Matmut demande au docteur [X] la production d’une copie du ou des contrats d’assurance de responsabilité professionnelle couvrant sa responsabilité civile pour les dommages causés à des tiers dans le cadre de son activité, antérieur à la date de prise d’effet du contrat souscrit avec la Matmut le 5 août 2012.

Enfin, la Matmut demande également au docteur [X] et à Mme [G] [Y] une copie de la lettre recommandée adressée par Mme [G] [Y] le 9 mai 2012 afin d’obtenir son entier dossier médical et une copie de la lettre de relance adressée le 19 juillet 2012.

Le courrier du 19 juillet 2012 est produit dans le cadre de la présente instance par Mme [G] [Y] (pièce 4). Cette demande est donc rejetée.

La production des autres documents sollicités est nécessaire pour établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige. Il y a donc lieu d’ordonner leur production. Toutefois, l’existence de ces documents n’étant pas établi avec certitude, il n’y a pas lieu de prononcer d’astreinte.

Sur la demande provisionnelle :

Il ressort de l’article 835 du code de procédure civile que le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point. A l'inverse, sera écartée une contestation qui serait à l'évidence superficielle ou artificielle. Le montant de la provision n'a alors d'autre limite que celui non sérieusement contestable de la créance alléguée. Enfin, c'est au moment où la cour statue qu'elle doit apprécier l'existence d'une contestation sérieuse, le litige n'étant pas figé par les positions initiale ou antérieure des parties dans l'articulation de ce moyen.

Selon l’article L 1142-1 du code de la santé publique, les professionnels de santé et établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.

En l’espèce, dans son rapport d’expertise déposé le 12 octobre 2022 le docteur [D] s’est entouré de l’avis d’un sapiteur, le professeur [W], gynécologue obstétricien. Ce dernier expose que « Le docteur [X], dans le cadre de sa prescription d’oestroprogestatif, pouvait d’une part remettre en question la prescription de ce traitement hormonal chez une patiente de plus de 35 ans fumeuse. D’autre part, il devait réaliser un examen clinique annuel incluant une prise de tension artérielle et un examen clinique gynécologique complet. Si le docteur [X] n’avait pas cette compétence, il aurait du s’assurer que Mme [Y] était suivie par un gynécologue. En l’absence de suivi gynécologique, le docteur [X] pouvait « dépanner » Mme [Y] ponctuellement mais ne devait pas renouveler sa contraception pendant plusieurs années. On peut donc considérer au vue des éléments qu’il existe un retard de diagnostic de un an, imputable au Dr [X] ».

En outre, il est précisé que « si le diagnostic avait été posé 1 an auparavant, le traitement de Mme [Y] aurait été probablement conservateur par tumorectomie et curage axillaire incluant dans tous les cas, un traitement par chimiothérapie et radiothérapie. » et que « la responsabilité du Dr [X] peut être engagée dans le retard de prise en charge de Mme [Y] en incluant le risque de récidive qui à ce moment-là aurait pu conduire à une mastectomie de 5%. La mastectomie et ses conséquences peuvent être mises en lien directement à hauteur de 95% avec le retard diagnostic imputable au Dr [X]. »

Ainsi l’expert retient que la mastectomie et les interventions en découlant sont imputables à 95% au Dr [X] en lien avec un défaut de surveillance aboutissant à un retard de diagnostic d’un an.

En outre, il convient de préciser que le docteur [D] a été commis en qualité d’expert par ordonnance du 13 juillet 2020 rendu par le juge des référés du tribunal judicaire de Marseille et que cette expertise judiciaire a été réalisée au contradictoire du Dr [X].

Toutefois, ce n'est que lorsque le recours à ces moyens est préconisé au regard des données acquises de la science que le médecin commet une faute en ne les utilisant pas. Le médecin n'a pas à pratiquer des examens qui ne sont pas justifiés au regard des données acquises de la science. Il est constant que ce n’est que dans ces conditions que l’erreur de diagnostic est caractérisée de faute médicale technique.

Si l’expert judiciaire retient un retard de diagnostic, il appartient au juge de caractériser l’existence d’une faute de nature à engager la responsabilité du médecin.

Dès lors, cette appréciation ne relève pas de l’évidence requise en référé et il appartiendra au juge du fond de statuer sur l’existence d’une faute de nature à engager la responsabilité du docteur [X].

Au surplus, un débat juridique existe quant à l’assurance responsabilité civile du docteur [X] et les parties ne produisent aucun élément à cet égard.

Il est donc dit n’y avoir lieu à référé s’agissant des demandes formulées par Mme [G] [Y].

Sur les demandes accessoires :

En application des dispositions des articles 696 et suivants du code de procédure civile, il convient de condamner Mme [G] [Y] aux dépens de l'instance.

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de Mme [G] [Y] les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés dans le cadre de la présente instance. Il convient de rejeter la demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, JUGEANT PAR ORDONNANCE PRONONCÉE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE, RÉPUTÉE CONTRADICTOIRE ET EN PREMIER RESSORT,

RECEVONS l’intervention volontaire de la MATMUT ;

Vu l’article 145 du code de procédure civile,

ORDONNONS à la MATMUT de produire les conditions générales et particulières du contrat d’assurance de responsabilité civile professionnelle souscrit par le Dr [X] auprès de la Matmut ainsi qu’une copie du questionnaire rempli par ce dernier au moment de la souscription du contrat, dans le délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision ;

ORDONNONS à M. [V] [X] de produire une copie du ou des contrats d’assurance de responsabilité professionnelle couvrant sa responsabilité civile pour les dommages causés à des tiers dans le cadre de son activité, antérieur au 15 août 2012, dans le délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision;

ORDONNONS à M. [V] [X] de produire une copie de la lettre recommandée adressée par Mme [G] [Y] au docteur [V] [X] le 9 mai 2012 afin d’obtenir son entier dossier médical, dans le délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision ;

ORDONNONS à Mme [G] [Y] de produire une copie de la lettre recommandée adressée par Mme [G] [Y] au docteur [V] [X] le 9 mai 2012 afin d’obtenir son entier dossier médical, dans le délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision ;

REJETONS les demandes d’astreinte ;
Vu l’article 835 du code de procédure civile,

DISONS n’y avoir lieu de faire droit aux demandes de provision ;

REJETONS la demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETONS les autres demandes des parties ;

CONDAMNONS Mme [G] [Y] aux dépens du référé.

LA GREFFIERE LA JUGE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Référés cabinet 2
Numéro d'arrêt : 23/03910
Date de la décision : 02/05/2024
Sens de l'arrêt : Ordonne de faire ou de ne pas faire quelque chose avec ou sans astreinte

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-02;23.03910 ?
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