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25/04/2024 | FRANCE | N°21/00962

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 25 avril 2024, 21/00962


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 1]


JUGEMENT N°24/01212 du 25 Avril 2024

Numéro de recours: N° RG 21/00962 - N° Portalis DBW3-W-B7F-YUYN

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Madame [M] [Y]
née le 05 Juillet 1997 à [Localité 5] (BOUCHES-DU-RHONE)
[Adresse 4]
[Localité 3]
comparante en personne


c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
[Localité 2]
comparante en personne



DÉBATS : À l'audience publique du 22 Février 2024


COMPO

SITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : GOSSELIN Patrick, Vice-Président

Assesseurs : COMPTE Geoffrey
MURRU Jean-Philippe

L’agent d...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 1]

JUGEMENT N°24/01212 du 25 Avril 2024

Numéro de recours: N° RG 21/00962 - N° Portalis DBW3-W-B7F-YUYN

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Madame [M] [Y]
née le 05 Juillet 1997 à [Localité 5] (BOUCHES-DU-RHONE)
[Adresse 4]
[Localité 3]
comparante en personne

c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
[Localité 2]
comparante en personne

DÉBATS : À l'audience publique du 22 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : GOSSELIN Patrick, Vice-Président

Assesseurs : COMPTE Geoffrey
MURRU Jean-Philippe

L’agent du greffe lors des débats : LAINE Aurélie,

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 25 Avril 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

RG 21/00962
EXPOSE DU LITIGE
Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 29 mars 2021, Madame [M] [Y] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille afin de contester la décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie (ci-après CPAM) des Bouches-du-Rhône du 2 février 2021 ayant confirmé le refus de reconnaissance du caractère professionnel de l’accident dont elle dit avoir été victime le 3 août 2020.
L'affaire a été appelée à l'audience du 22 février 2024.
Madame [M] [Y] –comparant en personne– demande au tribunal de reconnaître le caractère professionnel de l'accident dont elle a été victime le 3 août 2020.
A l’appui de ses prétentions, elle soutient apporter la preuve de la matérialité de l'accident dont elle a été victime en versant aux débats deux attestations de témoins.
La CPAM des Bouches-du-Rhône, représentée par un inspecteur juridique, conclut au rejet des demandes de Madame [M] [Y].
A l'appui de ses prétentions, la caisse soutient qu’il existe des incohérences et contradictions dans les allégations de Madame [M] [Y] sur les circonstances de l’accident.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux observations et conclusions déposées par les parties à l’audience, reprenant l’exposé complet de leurs moyens et prétentions.
L'affaire a été mise en délibéré au 25 avril 2024.
MOTIFS
Sur le caractère professionnel de l'accident
Aux termes des dispositions de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre que ce soit ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.
Il est constant que l'accident est caractérisé par l'action violente et soudaine d'une cause extérieure, provoquant, au cours du travail, une lésion de l'organisme.
L’accident survenu pendant le temps et sur le lieu de travail est présumé être un accident du travail.
Tout salarié profite de la présomption d'imputabilité qui établit en réalité un double lien de causalité : d'une part, le lien entre la lésion et l'accident et d'autre part, le lien entre la lésion et le travail. La victime est, par conséquent, dispensée de rapporter cette double preuve.
Il lui faut néanmoins établir la matérialité de l'accident, c'est-à-dire rapporter la preuve de l'origine traumatique de la lésion et sa localisation dans l'espace et dans le temps.
Autrement dit, la mise en œuvre de la présomption d'imputabilité est subordonnée à la condition préalable de la preuve de la réalité de cet accident au temps et au lien du travail. La preuve de la matérialité ne peut résulter que d'un ensemble de présomptions sérieuses, graves et concordantes.
Les seules déclarations du salarié sur l'accident qu'il a subi sont, en principe, insuffisantes pour établir le caractère professionnel de l'accident.
En effet, il appartient à celui qui prétend avoir été victime d'un accident du travail d'établir autrement que par ses propres affirmations les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel.
****
En l’espèce, il résulte de la déclaration d'accident du travail établie le 5 août 2020 les circonstances suivantes :
Accident survenu le 03 août 2020 à 10h30 ;
Lieu de l’accident : lieu de travail habituel ;
Profession de la victime : employée commerciale ;
Activité de la victime lors de l'accident : « Se trouvait dans la chambre froide du drive et en soulevant un bac elle aurait ressenti une douleur dans le dos » ;
Nature de l'accident : « faux mouvement » ;
Objet dont le contact a blessé la victime : « aucun » ;
Eventuelles réserves motivées : « Une lettre de réserve vous sera adressée par courrier séparé » ;
Siège des lésions : « DOS » ;
Nature des lésions : « DOULEURS » ;
Horaires de la victime le jour de l’accident : « de 06h45 à 13h15 » ;
Accident connu le 05 août 2020 à 10h30 par les préposés de l’employeur sur description de la victime ;
Aucun témoin n’est indiqué.
Le certificat médical initial établi le 4 août 2020 fait état de « lombosciatalgie gauche – Latéralité : Gauche ».

Il convient de relever qu’un courrier de réserves de l’employeur, daté du 12 août 2020, met en doute le caractère professionnel de l’accident allégué dans les termes suivants :
« […] Nous souhaitons par la présente émettre toute réserve sur cette qualification d’accident du travail en raison, d’une part, de l’absence de témoin de l’accident et de la rédaction de la déclaration sur les seuls dires de la salariée et, d’autre part, de l’existence d’une cause étrangère à l’accident.
Sur l’absence de témoin et l’établissement d’une déclaration sur les seuls dires du salarié[…] la déclaration d’accident du travail que nous effectuons rappelle exclusivement les dires et prétentions de Madame [Y]. Il n’y a pas eu de témoin de l’accident.
Le jour du prétendu accident, soit le 03 août 2020, Madame [Y] [M] a précisément effectué les horaires suivants : arrivée à 06h45 et départ à 13h15, horaires selon le planning prévu.
Elle a quitté l’entreprise, par ses propres moyens.
Durant le temps de travail énoncé ci-dessus, Mme [Y] [M] n’a pas travaillé seule. En effet, dix personnes de l’équipe étaient présentes dont une adjointe du secteur, ainsi que le Directeur et la Responsable du personnel.
D’après les dires de Mme [Y] qui se trouvait dans la chambre froide du drive, en soulevant un bac, elle aurait ressenti une douleur dans le dos le 03/08/2020 vers 10h30.
La seule déclaration de Madame [Y] ne suffit pas à établir la matérialité de l’accident au lieu et au temps de travail comme le confirme la jurisprudence.
Aussi nous émettons nos plus vives réserves quant à la survenance au temps et lieu de travail de la lésion dont se plaint Madame [Y] et par conséquent sur son caractère professionnel.
Cause étrangère[…] En l’espèce, le 04/08/2020, Mme [Y] est venue travailler et a effectué les horaires suivants : arrivée à 6h30 et départ à 13h00.
Ses horaires prévus étant fixés ce 04/08/2020 à : 7h00 pour l’arrivée et 13h00 pour le départ.
Il est ainsi à noter que Mme [Y], malgré un prétendu accident le 03/08/2020, a pris son poste plus tôt que prévu et ainsi effectué 30 minutes de travail en plus !
A la lecture du certificat d’arrêt de travail pour accident du travail, nous constatons un arrêt initial au 04/08/2020.
Ainsi, ce délai entre la date du prétendu accident du travail et celle de la consultation médicale ne permet pas de démontrer l’existence et la matérialité du prétendu fait accidentel.
Ainsi, il n’est pas démontré que l’accident dont Madame [Y] se prétend victime se serait produit pendant les heures de travail et sur le lieu de travail.
De ce fait, la douleur de Madame [Y] ne peut avoir qu’une cause totalement étrangère à son travail […] ».

Dans le questionnaire adressé par l'organisme de sécurité sociale, Madame [M] [Y] indique :
A la question « Veuillez décrire dans le détail les circonstances de votre accident en précisant l’activité que vous réalisiez au moment de celui-ci », la salariée répond : « Je me trouvais dans le frigo. j’ai relever un bac afin de le re-stocker. Lors de cette manœuvre j’ai ressentie une grosse douleur dans le dos ».
Elle indique qu’un témoin était présent et précise que « [E] ce trouvait a l’entrée du frigo au moment ou cela c’est passé il a donc vue et peut confirmé ».
A la question « La déclaration d’accident du travail indique aucun témoin. Pouvez-vous me confirmer et expliquer cette absence de témoin à l’heure de votre accident ? », la salariée répond : « Comme je l’ai mentionné ci-dessus [E] a était témoin de mon accident. Une fois sorti du frigo j’ai vue [L] (responsable adjointe) a qui j’ai fait part des mes douleurs. Je vous transmet ses coordonnées afin que vous puissiez lui demander confirmation […] ».
A la question « Votre employeur nous a fait part de ses doutes sur le caractère professionnel de votre accident. Vous trouverez ci-joint la déclaration d’accident du travail et les réserves de votre employeur. Avez-vous des éléments complémentaires d’information à porter à notre connaissance pour répondre à ces doutes ? », la salariée indique : « Hors mis la présence de [E] je ne peut apporter d’avantage d’information sur le moment, par la suite j’ai effectuer un scanner et vue plusieurs fois mon médecin. Je suis suivis par un kinésithérapeute ».
Aucune attestation n’est jointe à son questionnaire.

Madame [M] [Y] verse aux débats deux attestations établies en date du 1er décembre 2020 soit postérieurement à la clôture de l’instruction :
Monsieur [E] [B], collègue de travail, « atteste que Mlle [Y] [M] c’est fait mal au dos en relevant un bac dans le frigo le 03 août 2020 au alentours de 10h15. Je me trouvais à ce moment là dans le frigo avec elle, ou elle à signaler une grosse douleur dans le dos »,Madame [L] [Z], employée commerciale, « atteste que Mlle [Y] [M] s’est présentée à moi le 3 août 2020 pour m’informer qu’elle s’était fait mal au dos en portant un bac de commande en la présence de Mr [B] [E], un peu plus tôt dans la matinée ».
Dans le questionnaire adressé à l'employeur, celui-ci réitère les éléments de la déclaration d'accident du travail et du courrier de réserves.
Il précise : « Le 03/08/2020 vers 10h30, en soulevant un bac dans la chambre froide du drive, Mme [Y] aurait ressenti une douleur au niveau du dos. Le 04/08/2020, elle est venue travailler même plus tôt que prévu. Elle est allée consulter un médecin le 04/08/2020. Ce n’est que le 05/08/2020 que l’entreprise a eu connaissance d’un prétendu AT ».

Il convient de relever que dans un courrier daté du 17 octobre 2020, l’employeur a apporté les éléments complémentaires suivants en précisant :
«  […] Lors de la déclaration d’accident du travail, nous avions mentionné que plusieurs personnes de l’équipe drive étaient présentes au moment du prétendu accident du travail de Mme [Y] et malgré cela il n’y avait pas eu de témoin oculaire.
A la lecture du questionnaire assuré, Mme [Y] indique qu’il y a eu un témoin et cite son prénom et selon ses écrits, il est noté : « [E] se trouvait à l’entrée du frigo au moment ou cela c’est passé il a donc vue et peut confirmé ».
Or, le 10 septembre 2020, à 10h36, Mme [Y] a envoyé un mail à Mme [X], la responsable du personnel, ci-joint à la présente, afin de lui donner des informations que nous citons en partie selon ses écrits : « …j’ai reçu un courrier de la sécurité sociale me demandant de remplir un questionnaire suite à mon accident. Quand je vous ai déclaré l’accident, j’ai mentionné le fait que je me trouvais seule a ce moment la ce qui me semblait être le cas, cependant j’ai discuter avec [E], il me soutien qu’il ce trouver avec moi dans le frigo ce qui fait donc de lui un témoin… ».
Alors que Mme [Y] se doit de répondre au questionnaire de la CPAM, nous tenons à souligner le fait qu’un mois et une semaine après le prétendu accident du travail, celle-ci précise que finalement un témoin lui soutient avoir été présent au moment des faits.
Nous soulignons également qu’elle précise bien dans son mail qu’elle nous avait bien déclaré avoir été seule à ce moment là ».
Le courriel en question est produit aux débats par la caisse.
L'examen des pièces versées aux débats laissent ainsi persister de réelles contradictions sur les circonstances exactes de l'accident allégué. En effet, il ressort des contradictions entre les questionnaires salarié/employeur mais également aux termes du courriel de Madame [M] [Y] adressé à Madame [J] [X] le 10 septembre 2020.
Dans ces conditions, il convient de considérer que les éléments produits par Madame [M] [Y] ne constituent pas un caractère suffisamment probant de la matérialité de l'accident de travail allégué.
Madame [M] [Y] sera en conséquence déboutée de sa demande en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident dont elle dit avoir été victime.
Sur les dépens
Les dépens de l'instance seront laissés à la charge de Madame [M] [Y] en application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, après en avoir délibéré par mise à disposition au greffe, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort,
DIT le recours introduit par Madame [M] [Y] mal fondé ;
DEBOUTE Madame [M] [Y] de sa demande en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident dont elle a déclaré avoir été victime le 3 août 2020 ;
LAISSE les dépens de la présente instance à la charge de Madame [M] [Y] ;
DIT que tout appel de la présente décision, doit, à peine de forclusion, être formé dans le mois de la réception de sa notification.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 21/00962
Date de la décision : 25/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-25;21.00962 ?
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