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25/04/2024 | FRANCE | N°19/07035

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 25 avril 2024, 19/07035


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]


JUGEMENT N°24/01203 du 25 Avril 2024

Numéro de recours: N° RG 19/07035 - N° Portalis DBW3-W-B7D-XCVE

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Madame [Z] [D]
née le 13 Janvier 1952 à
Infirmière Libérale - Cabinet Paramédical
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Patricia KIZLIAN, avocat au barreau de MARSEILLE


c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
[Adresse 3]
comparante en personne



DÉBATS :

À l'audience publique du 22 Février 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : GOSSELIN Patrick, Vice-Président

Asses...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]

JUGEMENT N°24/01203 du 25 Avril 2024

Numéro de recours: N° RG 19/07035 - N° Portalis DBW3-W-B7D-XCVE

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Madame [Z] [D]
née le 13 Janvier 1952 à
Infirmière Libérale - Cabinet Paramédical
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Patricia KIZLIAN, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
[Adresse 3]
comparante en personne

DÉBATS : À l'audience publique du 22 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : GOSSELIN Patrick, Vice-Président

Assesseurs : COMPTE Geoffrey
MURRU Jean-Philippe

L’agent du greffe lors des débats : LAINE Aurélie,

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 25 Avril 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

N° RG 19/07035

EXPOSE DU LITIGE
Par requête expédiée le 19 décembre 2019, Mme [Z] [D], infirmière libérale, a saisi, par l’intermédiaire de son conseil, le pôle social du tribunal de grande instance de Marseille, devenu au 1er janvier 2020 tribunal judiciaire, d’une contestation d’une décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la caisse primaire d’assurance maladie (ci-après CPAM) des Bouches-du-Rhône relative à un indu de soins d’un montant de 19.749,68 euros pour la période du 1er janvier 2017 au 30 juin 2018 référencé sous le numéro 1920405877.
Les parties ayant été régulièrement convoquée, l’affaire a été appelée à l’audience du 22 février 2024.
En demande, Mme [Z] [D], représentée à l’audience par son conseil, reprend les termes de ses dernières écritures et sollicite le tribunal aux fins de :
In limine litis :
Dire et juger prescrite l’action en répétition sur le fondement du grief tenant au non-respect des règles de replacement ;Dire et juger abusive la retenue opérée sur les remboursements à hauteur de 4.858,40 euros à défaut de titre exécutoire rendant la créance indue certaine, liquide et exigible ; Dire et juger qu’il sera prononcé sa restitution ; Sur le fond :
Débouter la CPAM des Bouches-du-Rhône de ses demandes, fins et conclusions ;Entendre dire et juger qu’elle est bien fondée à solliciter la réformation de la décision implicite de rejet rendue par la commission de recours amiable ;Dire et juger irrégulière la procédure de contrôle et procéder à son annulation ; Constater que la notification d’indu est fondée sur une procédure de contrôle irrégulière ;Prononcer l’annulation de la notification d’indu contenue dans la mise en demeure du 14 août 2019 ; Débouter la CPAM de sa demande tendant à la récupération d’indu à hauteur de la somme de 79.749,68 euros ;Condamner la CPAM à lui verser la somme de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;Condamner la CPAM aux entiers dépens de l’instance ;A titre subsidiaire :
Ne pas ordonner l’exécution provisoire de la décision. Au soutien de ses prétentions, Mme [Z] [D] fait valoir que le principe du contradictoire ainsi que les droits de la défense n’ont pas été respectés à son égard dans la mesure où elle n’a pas été informée des griefs retenus à son encontre avant son audition par les agents assermentés dans le cadre de l’enquête administrative de sorte que la procédure en restitution d’indu de la caisse est irrégulière et doit être annulée. Elle ajoute sur le fond que le tableau de la caisse est insuffisant à justifier de la nature de l’indu réclamé. Elle affirme enfin avoir respecté la règlementation en vigueur s’agissant de sa facturation.
En défense, la CPAM des Bouches-du-Rhône, représentée à l’audience par un inspecteur juridique habilité, sollicite le tribunal aux fins de :
La recevoir en ses conclusions ;Rejeter toutes les demandes de Mme [D] ;Constater que la somme de 4.858,40 euros a été restituée à Mme [D] ; Dire que la notification d’indu n’encourt aucune nullité ;Dire que l’indu 192040587726 est parfaitement justifié ;Condamner Mme [D] au paiement de la somme de 79.749,69 euros au titre de l’indu 192040587726 : Condamner Mme [D] aux entiers dépens ;Condamner Mme [D] à payer à la CPAM des Bouches-du-Rhône la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Au soutien de ses prétentions, la CPAM des Bouches-du-Rhône fait valoir que le principe du contradictoire a été respecté à l’égard de Mme [D] dans la mesure où elle a été informée à l’issue de l’enquête des griefs retenus à son encontre. Elle ajoute justifier de l’irrégularité des factures litigieuses de sorte que l’indu contesté est bien-fondé.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un exposé plus ample de leurs moyens et prétentions.
L'affaire a été mise en délibéré au 25 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la prescription de l’action en répétition de l’indu

L’article L.162-1-7 du code de la sécurité sociale dispose que les actes pris en charge au titre de l’assurance maladie doivent être inscrits sur la liste des actes et des prestations désignées, s’agissant des actes cliniques médicaux et des actes des chirurgiens-dentistes, des sage-femmes et des auxiliaires médicaux appelée nomenclature générale des actes des professionnels (ci-après NGAP).
Aux termes du IV de l’article L.315-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, le service du contrôle médical procède à l'analyse, sur le plan médical, de l'activité des professionnels de santé dispensant des soins aux bénéficiaires de l'assurance maladie, de l'aide médicale de l'Etat ou de la prise en charge des soins urgents mentionnée à l'article L.254-1 du code de l'action sociale et des familles, notamment au regard des règles définies par les conventions qui régissent leurs relations avec les organismes d'assurance maladie. La procédure d'analyse de l'activité se déroule dans le respect des droits de la défense selon des conditions définies par décret.

En application de l’article R.135-1 du même code, lorsque, à l'occasion de l'analyse de l'activité d'un professionnel de santé effectuée en application du IV de l'article L. 315-1, le service du contrôle médical constate le non-respect de dispositions législatives ou réglementaires régissant la prise en charge des frais médicaux au titre des risques maladie, maternité, invalidité, accidents du travail et maladies professionnelles, ou de règles de nature législative, réglementaire ou conventionnelle que les professionnels sont tenus d'appliquer dans leur exercice, la procédure prévue notamment à l’article L.133-4 est mise en œuvre.

Aux termes de l’article L.133-4 du même code dans sa version applicable au litige, en cas d'inobservation des règles de tarification, de distribution ou de facturation des actes, prestations et produits figurant sur les listes mentionnées à l’article L.162-1-7 du code de la sécurité sociale, l'organisme de prise en charge recouvre l'indu correspondant auprès du professionnel, du distributeur ou de l'établissement à l'origine du non-respect de ces règles et ce, que le paiement ait été effectué à l'assuré, à un autre professionnel de santé, à un distributeur ou à un établissement.
Il en est de même en cas de facturation en vue du remboursement, par les organismes d'assurance maladie, d'un acte non effectué ou de prestations et produits non délivrés ou lorsque ces actes sont effectués ou ces prestations et produits délivrés alors que le professionnel fait l'objet d'une interdiction d'exercer son activité libérale.
L'action en recouvrement, qui se prescrit par trois ans, sauf en cas de fraude, à compter de la date de paiement de la somme indue, s'ouvre par l'envoi au professionnel ou à l'établissement d'une notification de payer le montant réclamé ou de produire, le cas échéant, leurs observations.
Si le professionnel ou l'établissement n'a ni payé le montant réclamé, ni produit d'observations et sous réserve qu'il n'en conteste pas le caractère indu, l'organisme de prise en charge peut récupérer ce montant par retenue sur les versements de toute nature à venir.
En cas de rejet total ou partiel des observations de l'intéressé, le directeur de l'organisme d'assurance maladie adresse, par lettre recommandée, une mise en demeure à l'intéressé de payer dans le délai d'un mois. La mise en demeure ne peut concerner que des sommes portées sur la notification.
Lorsque la mise en demeure reste sans effet, le directeur de l'organisme peut délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant le tribunal de grande instance spécialement désigné en application de l'article L.211-16 du code de l'organisation judiciaire, comporte tous les effets d'un jugement et confère notamment le bénéfice de l'hypothèque judiciaire. Une majoration de 10 % est applicable aux sommes réclamées qui n'ont pas été réglées aux dates d'exigibilité mentionnées dans la mise en demeure. Cette majoration peut faire l'objet d'une remise.
Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article.

En l’espèce, Mme [D] sollicite du tribunal qu’elle déclare l’action de la CPAM des Bouches-du-Rhône prescrite.

Le tribunal relève que Mme [D] ne développe aucun moyen à l’appui de cette prétention.

Il ressort des éléments de la cause que la CPAM des Bouches-du-Rhône a adressé un premier courrier de notification d’indu à Mme [D] le 30 juillet 2019 en vue de la répétition de sommes indument versées sur la période du 1er janvier 2017 au 30 juin 2018 soit dans le délai imparti de 3 ans.

En conséquence, l’action de la CPAM des Bouches-du-Rhône sera déclarée recevable.

Sur le respect du principe du contradictoire

Selon l’article L114-10 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, dans le les directeurs des organismes chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale ou du service des allocations et prestations mentionnées au présent code confient à des agents chargés du contrôle, assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale ou par arrêté du ministre chargé de l'agriculture, le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l'attribution des prestations, le contrôle du respect des conditions de résidence et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles. Des praticiens-conseils et auditeurs comptables peuvent, à ce titre, être assermentés et agréés dans des conditions définies par le même arrêté. Ces agents ont qualité pour dresser des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire.

Le I de l’article R.114-18 du code de la sécurité sociale précise que les agents chargés du contrôle, assermentés et agréés, des organismes locaux d'assurance maladie mentionnés à l'article L. 114-10 procèdent à toutes vérifications sur pièces et sur place portant sur l'exactitude des déclarations, attestations et justificatifs de toute nature fournis par les assurés sociaux en vue de bénéficier ou de faire bénéficier des prestations servies au titre des assurances maladie, maternité, accidents du travail, maladies professionnelles, invalidité, décès, de la protection complémentaire en matière de santé, de l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé ou de l'aide médicale de l'Etat.

Le III de ce même article précise que lorsque les vérifications portent, en application de l'article L.162-1-20, sur les médicaments, les dispositifs médicaux, les produits ou les prestations de service et d'adaptation associées inscrits sur les listes prévues aux articles L162-17 et L165-1, le directeur de l'organisme local d'assurance maladie adresse à l'établissement de santé ou à la personne physique ou morale un avis qui mentionne la date et l'heure du contrôle, l'objet des vérifications ou de l'enquête ainsi que la possibilité pour l'établissement ou la personne physique ou morale de se faire assister du conseil de son choix pendant les vérifications ou l'enquête administrative. Cet avis transmis par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception doit parvenir au moins quinze jours avant la date de la première visite.
L'envoi de cet avis ne s'applique pas aux vérifications ou à l'enquête qui ont pour objet des faits relevant du VII de l'article L.114-17-1 (cas de fraude).
En l’espèce, Mme [D] soutient que le principe du contradictoire ainsi que les droits de la défense n’ont pas été respectés à son égard dans le cadre du contrôle administratif diligenté.

Elle fait valoir que les griefs retenus à son encontre ne lui ont pas été communiqués avant son audition de sorte qu’elle n’a pas été en mesure de préparer utilement sa défense.

Il résulte cependant de la combinaison des dispositions précitées qu’en dehors de la procédure de contrôle spécifiquement prévue à l’article L.162-1-20 du code de la sécurité sociale, il ne pèse sur les agents de contrôle assermentés aucune obligation particulière d’information préalable du professionnel auditionné s’agissant des griefs retenus à son encontre.
Le tribunal relève également que Mme [D] a été mise en mesure, tant par la notification du 14 août 2019 et la saisine de la commission de recours amiable de la CPAM des Bouches-du-Rhône que par l’introduction du présent recours, de discuter contradictoirement les éléments retenus à son encontre.
Dans ces conditions, Mme [D] sera déboutée de sa demande d’annulation de la procédure de contrôle.

Sur le bien-fondé de l’indu

Aux termes de l’article 1302 du code civil, tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.
L’article 1302-1 du code civil ajoute que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu.
Il ressort de la jurisprudence applicable que la caisse est admise à prouver par tout moyen la nature et le montant de l’indu réclamé.

Sur l’indu d’indemnités forfaitaires de déplacementAux termes de l’article 13 de la NGAP, lorsqu'un acte inscrit à la NGAP doit être effectué au domicile du malade, les frais de déplacement du professionnel de santé sont remboursés, en sus de la valeur de l'acte ; ce remboursement est, selon le cas, forfaitaire ou calculé en fonction de la distance parcourue et de la perte de temps subie par le professionnel de santé.
L’article 13.1 de la NGAP précise que lorsque, au cours d'un même déplacement, le médecin, le chirurgien-dentiste ou l'auxiliaire médical intervient dans un établissement assurant l'hébergement des personnes âgées, pour effectuer des actes sur plus d'un patient, les frais de déplacement ne peuvent être facturés, selon les modalités prévues par l'article 13 ci-dessus, qu'une seule fois.
Il résulte de la jurisprudence que l’article 13.1 de la NGAP s’applique dès lors que le professionnel de santé peut soigner plusieurs patients à une même adresse dans une même résidence, peu important la nature exacte de la résidence concernée.

En l’espèce, la CPAM des Bouches-du-Rhône soutient que Mme [D] a facturé, sur la période du 1er janvier 2017 au 30 juin 2018, pour chacun des assurés [U] [T], [G] [M], [V] [H], [N] [I] et [E] [F] des indemnités forfaitaires de déplacement, et ce à plusieurs reprises, alors que ceux-ci résidaient tous au sein de la même maison de retraite « [6] ».
L’indu retenu au titre de ce grief s’élève à un montant de 8,753 euros.
Au soutien de ses prétentions, la caisse verse un tableau comportant mention, pour chaque versement contesté par la caisse, du numéro de sécurité sociale de l’assuré bénéficiaire de l’acte ainsi que de sa date de naissance complète, du numéro d’identification du prescripteur, de la date de la prescription, la date de réalisation de l’acte, de sa lettre clé, du taux et de la base de remboursement, du lot et du numéro de facture.
Il sera considéré que ces éléments sont suffisants pour établir la nature et le montant de l’indu réclamé.
Il appartient dès lors à Mme [D] de justifier de la régularité des facturations litigieuses.
Mme [D], qui ne conteste ni avoir facturé des indemnités forfaitaires de déplacement pour chacun de ces assurés, ni que ceux-ci résident tous au sein du même établissement, soutient que ledit établissement n’entre pas dans le champ d’application de l’article 13-1 de la NGAP au motif qu’il s’agit d’une association à but non lucratif bénéficiant d’un agrément pour l’allocation logement, que chaque patient y réside en vertu d’un contrat d’hébergement et ne peut bénéficier de soins que pour autant qu’il fait appel à un intervenant libéral externe de son choix.
Les modalités particulières d’hébergement des personnes âgées bénéficiaires des soins étant cependant insuffisantes à écarter l’application de l’article 13.1 de la NGAP, il sera considéré que Mme [D] ne justifie pas de la régularité des facturations litigieuses et cette dernière sera débouté de sa demande d’annulation de l’indu retenu par la CPAM des Bouches-du-Rhône sur ce fondement.
Sur l’indu d’actes infirmiers de soinLa séance de soins infirmiers à domicile est cotée et indemnisée de façon forfaitaire. La NGAP n’envisage le remboursement des séances de soins infirmiers que lorsque les soins sont effectués en respectant la définition de l’acte telle que prévue à ladite NGAP.
L’article 11 titre XVI de la NGAP définit le « soin infirmier à domicile pour un patient, quel que soit son âge, en situation de dépendance temporaire ou permanente » comme l’ensemble des actions de soins liées aux fonctions d’entretien et de continuité de la vie, visant à protéger, maintenir, restaurer ou compenser les capacités d'autonomie de la personne. La cotation forfaitaire par séance inclut l'ensemble des actes relevant de la compétence de l'infirmier réalisés au cours de la séance, la tenue du dossier de soins et de la fiche de liaison éventuelle durant une période de trente minutes à raison de 4 au maximum par 24 heures.
Il ressort de la jurisprudence applicable que la durée des soins infirmiers telle que définie ci-dessus s’impose à l’auxiliaire médical et que les caisses sont fondées à fixer à 17 heures de travail soit 34 séances de soins infirmiers (outre les temps de déplacement non comptabilisés) l’amplitude de travail au-delà de laquelle la qualité des soins ne peut plus être garantie.
En application de l’article R.4312-84 du code de la santé publique, durant la période de remplacement, l’infirmier remplacé doit s’abstenir de toute activité professionnelle infirmière, sous réserve des hypothèses de non-assistance à personne en péril et de demande de l’autorité en cas d’urgence, de sinistre ou de calamité.
Aux termes de l’article R.4312-85 du même code, le remplacement d'un infirmier est possible pour une durée correspondant à son indisponibilité. Toutefois, un infirmier interdit d'exercice par décision disciplinaire ne peut se faire remplacer pendant la durée de la sanction.

Au-delà d'une durée de vingt-quatre heures, ou en cas de remplacement d'une durée inférieure à vingt-quatre heures mais répété, un contrat de remplacement doit être établi par écrit entre les deux parties et être communiqué au conseil départemental de l'ordre.
L’article R.4312-88 du même code précise que l'infirmier peut s'attacher le concours d'un ou plusieurs confrères collaborateurs libéraux, dans les conditions prévues par l’article 18 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises. Chacun d'entre eux exerce son activité en toute indépendance, sans lien de subordination, et dans le respect des règles de la profession, notamment le libre choix de l'infirmier par les patients, l'interdiction du compérage et la prohibition de la concurrence déloyale.
Il résulte de la jurisprudence de la chambre criminelle de la cour de cassation qu’une infirmière qui facture des soins effectués non par elle mais par celle qui la remplaçait de manière habituelle sans que fusse respectée la règlementation sur le remplacement des infirmiers libéraux se rend coupable de faits d’escroquerie et de faux.

En l’espèce, la CPAM des Bouches-du-Rhône reproche à Mme [D] d’avoir facturé de manière constante, sur la période du 1er janvier 2017 au 31 juin 2018, un nombre journalier d’actes supérieurs à 34 induisant pour elle un préjudice d’un montant de 70.996,68 euros.
Au soutien de ses prétentions, elle verse un tableau récapitulant le nombre d’AIS facturé par jour contrôlé et le montant de l’indu retenu en fonction du nombre d’AIS dépassant le seuil de 34.
Il sera considéré que ces éléments sont suffisants pour établir la nature et le montant de l’indu réclamé.
Il appartient dès lors à Mme [D] de justifier de la régularité des facturations litigieuses.
Dans le cadre de son audition par le département des investigations et de la répression des fraudes de la CPAM des Bouches-du-Rhône, Mme [D] a déclaré réaliser des journées de travail d’une amplitude comprise entre 17 et 18 heures.
Elle ajoute que l’ensemble de ses patients sont satisfaits de la qualité des soins qu’elle prodigue.
Elle a indiqué en outre être remplacée occasionnellement par Mme [C] [B], infirmière conventionnée, sans contrat de remplacement. Elle a précisé que la facturation à la caisse se faisait en son nom propre et qu’elle rétrocédait à Mme [B] ses honoraires.
S’agissant du remplacement à proprement parler, Mme [D] a déclaré « je ne travaille pas aux mêmes horaires qu’elle mais après elle ce qui me permet de me reposer quelques heures. Le remplacement n’a jamais excédé 24 heures car je ne suis jamais absente et je ne prends jamais de vacances. Je ne me suis jamais absentée pour maladie plus de 2 jours depuis 2017 ».
Dans le cadre de ses écritures, Mme [D] soutient toutefois que l’ensemble des soins facturés par elle ont été réalisés en collaboration quotidienne avec Mme [B] qui aurait refusé, pour des raisons non explicitées, de procéder à la facturation en son nom propre des actes réalisés par ses soins.
Mme [D] verse aux débats son agenda qui laisse effectivement apparaître une répartition des interventions quotidiennes entre la demanderesse et Mme [B], désignée par les initiales « [O] ».
Le tribunal relève que, ce faisant, Mme [D] reconnait explicitement avoir procédé à la cotation en son nom propre de soins qui étaient en réalité réalisés par Mme [B], sa remplaçante et collaboratrice de fait.
Il résulte de ce qui précède que Mme [D] ne saurait contester aujourd’hui l’indu réclamé par la caisse ; la circonstance que les soins prodigués aient été de bonnes qualités étant inopérante à écarter le caractère frauduleux des facturations litigieuses.
Dans ces conditions, Mme [D] sera déboutée de sa demande d’annulation de l’indu retenu par la CPAM des Bouches-du-Rhône sur ce fondement.

S’agissant du montant de l’indu, le tribunal relève que la caisse justifie du remboursement de la somme de 4.858,40 euros par mandatement du 27 juin 2023.
En conséquence, Mme [D] sera condamnée à verser à la CPAM des Bouches-du-Rhône la somme de 79.749,68 euros correspondant à l’indu référencé sous le numéro 192040587726.
Sur les demandes accessoires et les dépens
Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, Mme [D], qui succombe en ses prétentions, sera condamnée aux entiers dépens de l’instance.
Mme [D], qui succombe en ses prétentions, sera condamnée à verser à la CPAM des Bouches-du-Rhône la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
S’agissant des décisions rendues en matière de sécurité sociale, l’exécution provisoire est facultative, en application de l’article R.142-10-6 du code de la sécurité sociale.
En l’espèce, compte tenu de la nature du litige, il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats publics par jugement contradictoire et en premier ressort mis à disposition au greffe,

DECLARE recevable mais mal fondé le recours de Mme [Z] [D] ;

DEBOUTE Mme [Z] [D] de l’ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE Mme [Z] [D] à verser à la CPAM des Bouches-du-Rhône la somme de 79.749,68 euros correspondant à l’indu n°1920405877 notifié par courrier du 14 août 2019 ;

CONDAMNE Mme [Z] [D] à verser à la CPAM des Bouches-du-Rhône la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [Z] [D] aux entiers dépens de l’instance ;

ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 25 avril 2024,

LA GREFFIÈRE
LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 19/07035
Date de la décision : 25/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-25;19.07035 ?
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