La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/04/2024 | FRANCE | N°23/05354

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Tech sec. soc: hm, 17 avril 2024, 23/05354


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 6]
[Adresse 7]
[Localité 2]
[XXXXXXXX01]

JUGEMENT N°24/01580 DU 17 Avril 2024


Numéro de recours: N° RG 23/05354 - N° Portalis DBW3-W-B7H-4KLI
Ancien numéro de recours:

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Mme [O] [G] (représentante légale)
[F] [X] né le 11 Avril 2012
[Adresse 8]
[Localité 3]
Comparants en personne


C/ DEFENDERESSE
Organisme MDPH DES BOUCHES DU RHONE
[Adresse 5]
CS 80096
[Localité 2]
non comparante, ni représentée<

br>
Appelé(s) en la cause:
Organisme CAF DES BOUCHES DU RHONE
[Adresse 4]
[Localité 2]
non comparante, ni représentée


DÉBATS : A l'audience Publique...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 6]
[Adresse 7]
[Localité 2]
[XXXXXXXX01]

JUGEMENT N°24/01580 DU 17 Avril 2024

Numéro de recours: N° RG 23/05354 - N° Portalis DBW3-W-B7H-4KLI
Ancien numéro de recours:

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Mme [O] [G] (représentante légale)
[F] [X] né le 11 Avril 2012
[Adresse 8]
[Localité 3]
Comparants en personne

C/ DEFENDERESSE
Organisme MDPH DES BOUCHES DU RHONE
[Adresse 5]
CS 80096
[Localité 2]
non comparante, ni représentée

Appelé(s) en la cause:
Organisme CAF DES BOUCHES DU RHONE
[Adresse 4]
[Localité 2]
non comparante, ni représentée

DÉBATS : A l'audience Publique du 20 Mars 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : MEO Hélène

Assesseurs : KASBARIAN Nicolas
ZERGUA Malek

Greffier lors des débats : DIENNET Cécile,

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 17 Avril 2024

NATURE DU JUGEMENT

réputée contradictoire et en premier ressort

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 24 janvier 2023, [O] [G] et [W] [X] ont sollicité le bénéfice de l’Allocation d’Éducation Enfant Handicapé (AEEH) pour leur enfant [F] [X] né le 11 avril 2012 laquelle a été rejetée par la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) des Bouches du Rhône, par décision en date du 8 juin 2023, après reconnaissance d’un taux d’incapacité inférieur à 50%.

Le recours préalable obligatoire formé le 12 juillet 2023 par [O] [G] et [W] [X] a été rejeté par décision du 9 novembre 2023 de la commission des droits de l'autonomie de la MDPH des Bouches du Rhône pour les mêmes motifs.

Par courrier recommandé expédié le 18 décembre 2023, [O] [G] et [W] [X], dans les intérêts de leur enfant [F] [X] ont saisi le Pôle Social du tribunal de Judiciaire de Marseille, afin de contester la décision de la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH) des Bouches du Rhône.

Les parties ont été convoquées dans les formes et délais légaux à l’audience du 20 mars 2024 à laquelle [O] [G] comparait accompagnée de son fils et réitère les termes de sa requête. Elle expose que [F] a été, pendant la période du confinement, diagnostiqué comme atteint de dyspraxie et que les troubles engendrés par ce handicap ont nécessité la mise en place de séances hebdomadaire d’ergothérapie depuis 2 ans après une prise en charge en psychomotricité et un suivi orthoptique.

La Caisse d’Allocations Familiales des Bouches du Rhône, appelée à la cause, n’est pas représentée.

La Présidente, après concertation avec ses assesseurs et conformément aux dispositions de l’article R.143-13 du Code de la sécurité sociale a ordonné qu’il soit procédé, avec l’accord de la mère, à une mesure de consultation médicale sur pièces en nommant le Docteur [N] en qualité de consultante.

A l’issue de cette consultation le médecin consultant du Tribunal a fait lecture de son rapport à l’audience.

A l'issue des débats, les parties ont été avisées par Madame le Président que le jugement mis en délibéré serait rendu le 17 avril 2024, date à laquelle il serait mis à la disposition des parties au Greffe et par ailleurs notifié par lettres recommandées avec accusé de réception.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application des dispositions de l'article 474 du Code de procédure civile, et compte tenu de l'absence du défendeur, régulièrement convoqué, le présent jugement sera réputé contradictoire.

Selon l'article L.114 du Code de l'action sociale et des familles, « constitue un handicap. toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant ».

Pour bénéficier des prestations liées au handicap, la personne handicapée doit être atteinte d'un taux d'incapacité permanente mesuré selon un guide barème national et déterminé par une équipe pluridisciplinaire.

L’AEEH est destinée à compenser les frais d’éducation et de soins apportés à un enfant en situation de handicap.

Elle est attribuée, en application des articles L. 541-1 et R. 541-1 du Code de la sécurité sociale,
• soit quand le taux d'incapacité permanente est au moins égal à 80 %,
• soit lorsque le taux d'incapacité est compris entre 50 % et 79 % et que l’enfant fréquente un établissement ou un service assurant une éducation adaptée ou si l'état de l'enfant exige le recours à un dispositif adapté ou d'accompagnement scolaire complémentaire ou nécessite des soins et/ou des rééducations par la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées. (À mettre en place ou à maintenir)

La détermination du taux d'incapacité est apprécié suivant le guide barème 2-4 annexé au Code de l'action sociale et des familles et se fonde sur l'analyse des déficiences de la personne concernée et de leurs conséquences dans les différents domaines de sa vie quotidienne (professionnelle, sociale, domestique) et non pas seulement sur la seule nature médicale de la pathologie qui en est à l'origine.

Le guide-barème ne fixe pas de taux d’incapacité précis mais indique des « catégories » de taux, correspondant chacune à un type de déficience et prévoit pour chaque catégorie de déficiences des degrés de « sévérité » des conséquences :
· forme légère : taux de 1 à 15 % ;
· forme modérée : taux de 20 à 45 % ;
· forme importante : taux de 50 à 75 % ;
· forme sévère ou majeure : taux de 80 à 95 %.

Le taux seuil de 50 % correspond à des troubles importants entraînant une gêne notable dans la vie sociale de la personne. L’entrave peut soit être concrètement repérée dans la vie soit compensée afin que cette vie sociale soit préservée, mais au prix d'efforts importants ou de la mobilisation d'une compensation spécifique. Toutefois, l'autonomie est conservée pour les actes de la vie quotidienne.

Un taux de 80 % correspond à des troubles graves entraînant une entrave majeure dans la vie quotidienne de la personne avec une atteinte de son autonomie individuelle. Il est considéré que l'autonomie individuelle est atteinte dès lors qu'une personne doit être aidée totalement ou partiellement, ou surveillée pour les actes de la vie quotidienne, ou n'assure ces derniers qu'avec les plus grandes difficultés. C'est également le cas lorsqu'il y a une abolition d'une fonction ou s'il y a une indication explicite dans le guide-barème.

Un taux inférieur à 50 % se caractérise par une incapacité modérée n’entraînant pas d’entrave notable dans la vie quotidienne de l’enfant ou de celle de sa famille.
Dans cette hypothèse, seuls les apprentissages scolaires sont perturbés sans retentissement important sur la vie quotidienne, l’insertion scolaire, professionnelle et sociale de la personne.
Cependant, dans les situations où ils existent une lourdeur effective des traitements et/ou des remédiations à mettre en œuvre, le taux pourra être supérieur à 50% pendant une durée limitée permettant d’envisager l’attribution de cette prestation.

La détermination du taux de l'incapacité permanente n'est pas une compétence exclusivement médicale. En effet, c'est le degré de gravité des conséquences des déficiences, dans les différents aspects de la vie de la personne concernée, qui doit être pris en compte pour déterminer le taux d'incapacité à partir d'une approche globale et individualisée de sa situation. Cette approche doit tenir compte des diverses contraintes dans la vie de la personne, liées en particulier aux prises en charge (nombre et lieux des rééducations ou consultations, effets secondaires, etc.), ainsi que des symptômes susceptibles d'entraîner ou de majorer ces conséquences (asthénie, fatigabilité, etc.).
Ainsi, certaines déficiences graves peuvent entraîner des incapacités modérées alors qu’à l'inverse, des déficiences modérées peuvent du fait de l'existence d'autres troubles, par exemple d'une vulnérabilité psychique notable, avoir des conséquences lourdes.
De même, des déficiences bien compensées par un traitement peuvent entraîner des désavantages majeurs dans l'insertion sociale, scolaire ou professionnelle de la personne, notamment du fait des contraintes liées à ce traitement.

Par conséquent, le taux de l'IP ne correspond pas à la gravité des déficiences ou de la pathologie dont souffre la personne mais aux conséquences que ces déficiences ou cette pathologie ont sur la vie personnelle et professionnelle de la personne.

En ce qui concerne particulièrement les enfants, l'analyse doit en outre prendre en compte les particularités liées au fait que l'enfance et l'adolescence sont des phases de développement. C'est ainsi que, dans certains cas, même si les déficiences n'ont pas encore un impact direct sur les incapacités ou désavantages immédiats, elles peuvent entraver le développement à terme. Les mesures alors mises en œuvre pour éviter une telle évolution ou permettre l'apprentissage précoce de compensations diverses peuvent avoir un impact très important sur la vie du mineur et de son entourage proche qui peut également supporter des contraintes de ce fait. Il y aura donc lieu d'en tenir compte dans l'analyse.

Il n'est pas nécessaire que la situation médicale de la personne soit stabilisée pour déterminer le taux, mais la durée prévisible des conséquences doit être au moins égale à un an pour le déterminer.

En fonction de ces éléments, le taux de l’incapacité doit être déterminé en tenant compte des répercussions des altérations de fonctions dans les apprentissages et la socialisation tout en prenant en considération les contraintes liées aux prises en charge nécessaires ainsi que le retentissement sur l’entourage familial :
De manière générale :
- le taux sera inférieur à 50% si les déficiences perturbent notablement les apprentissages notamment scolaires mais pas la socialisation
- le taux sera compris entre 50 et 79% si les déficiences perturbent notamment les apprentissages et retentissent sur la socialisation
- le taux sera supérieur à 80% si les déficiences de l’acquisition du langage écrit et oral rendent celui-ci incompréhensible ou absent ou en cas d’atteinte de l’autonomie.

[F] [X], âgé de 11 ans, est scolarisé en classe de 6ème. Il résulte des éléments médicaux du dossier qu’il présente un trouble développemental des coordinations ( dyspraxie visuo-constructive/dysgraphie) détecté tardivement en raison de la mise en place de stratégies de compensation.
Ces troubles entravent ses apprentissages scolaires dans la mesure où ils retentissent sur la vitesse de traitement et d’exécution, l’analyse visuospatiale, la conservation et l’écriture (rendement et qualité).

Un plan d’accompagnement personnalisé (PAP) a été mis en place au collège depuis la rentrée de septembre 2023 au regard de la grande fatigabilité présentée par [F] [X] dans toutes les tâches écrites et le geste graphique et dans le cadre duquel a été notamment décidé de la mise en place de l’utilisation d’un ordinateur portable et d’une scanette portable avec le suivi en parallèle de séances d’ergothérapie.

Le Dr [N] a estimé dans ses conclusions versées à la procédure que les troubles de l’enfant ne correspondent pas à un taux d’incapacité supérieur à 50%.
Il s’agit toutefois d’une appréciation médicale constituant un avis qui ne lie pas le tribunal qui doit tenir compte, dans le cadre d’une approche globale et individualisée, des diverses contraintes dans la vie de l’enfant, liées en particulier aux prises en charge ainsi que des symptômes susceptibles d'entraîner ou de majorer ces conséquences.

Il résulte de l’évaluation des difficultés effectuées par l’équipe enseignante que l’écriture constitue pour [F] un véritable problème nécessitant l’utilisation de l’ordinateur. De fait les écrits communiqués au tribunal lui permettent de prendre la mesure du caractère quasiment illisible des écrits de [F].

Les troubles de [F] [X] nécessitent un suivi régulier par une psychomotricienne et un ergothérapeute.
Or, ces contraintes vont nécessairement avoir un retentissement plus important au collège et notamment lors de l’entrée en 6ème compte-tenu de la diversité des enseignements et professeurs, d’une organisation différente dans les apprentissages et d’une demande accrue de travail tant en classe qu’à domicile, ce qui va augmenter la fatigabilité de [F] dans toutes les tâches écrites et de compréhension.

Par ailleurs, il ressort également des pièces du dossier que [F] rencontre des difficultés pour se repérer dans le temps et l’espace, qu’il est dans l’incapacité de faire seul ses lacets même pendant un match de hand ball (sport qu’il pratique régulièrement), qu’il ne sait pas adapter ses habits à la météo et qu’il a besoin d’aide pour couper sa viande ou se coiffer.

Dès lors, le Tribunal considère que les troubles présentés par [F] [X] perturbent, à ce stade charnière de développement et de scolarisation (fin du cycle 3 de consolidation et début du cycle 4 d’approfondissement) non seulement les apprentissages mais retentissent également, temporairement, sur sa socialisation.

Au vu de l'ensemble des éléments soumis à son appréciation, le Tribunal décide de fixer l’incapacité de [F] [X] à un taux d’incapacité compris entre 50 et 80 % en application du guide barème pendant une période de 2 ans, à compter du 1er février 2023.

Dès lors, la demande d'allocation d'Éducation de l'Enfant Handicapé pour [F] [X] est bien-fondée.

En application des dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, il y a lieu de laisser les dépens de l'instance à la charge de la Maison Départementale des Personnes Handicapées des Bouches du Rhône.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant en audience publique, par jugement réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe en premier ressort,

DIT que le taux d’incapacité de l’enfant [F] [X] doit être fixé regard du Guide Barème prévu par l'Annexe 2-4 du Code de l'Action Sociale et des Familles entre 50 et 79% ;

En conséquence,

DIT par conséquent que l’état de santé de [F] [X] permet l’octroi de l’Allocation Éducation Enfant Handicapé pendant une période de deux ans à partir du 1er février 2023 ;

LAISSE les dépens de l'instance à la charge de la Maison Départementale des Personnes Handicapées des Bouches du Rhône

DIT que la présente décision peut être immédiatement frappée d’appel dans le mois de la réception de sa notification, à peine de forclusion.

La GreffièreLa Présidente

C. DIENNET H. MEO


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Tech sec. soc: hm
Numéro d'arrêt : 23/05354
Date de la décision : 17/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-17;23.05354 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award