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16/04/2024 | FRANCE | N°20/03088

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 16 avril 2024, 20/03088


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 6]
[Localité 1]


JUGEMENT N°24/01667 du 16 Avril 2024

Numéro de recours: N° RG 20/03088 - N° Portalis DBW3-W-B7E-YGNY

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Madame [E] [Y] [U]
née le 01 Janvier 1963 à [Localité 7] (COMORES)
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Paul MIMRAN, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
S.A.S.U. [8] pris en son
établissement [9]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Hélène

QUILICHINI, avocat au barreau de MARSEILLE

Appelée en la cause:
Organisme CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE
[Localité 1]
dispensée de comparaître


DÉ...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 6]
[Localité 1]

JUGEMENT N°24/01667 du 16 Avril 2024

Numéro de recours: N° RG 20/03088 - N° Portalis DBW3-W-B7E-YGNY

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Madame [E] [Y] [U]
née le 01 Janvier 1963 à [Localité 7] (COMORES)
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Paul MIMRAN, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
S.A.S.U. [8] pris en son
établissement [9]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Hélène QUILICHINI, avocat au barreau de MARSEILLE

Appelée en la cause:
Organisme CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE
[Localité 1]
dispensée de comparaître

DÉBATS : À l'audience publique du 07 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : PASCAL Florent, Vice-Président

Assesseurs : LARGILLIER Bernard
MITIC Sonia

L’agent du greffe lors des débats : MULLERI Cindy

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 16 Avril 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort
EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [E] [Y] [U], salariée de la S.A.S.U. [8] en qualité de femme de chambre au sein de l'hôtel [9] du 1er octobre 1990 au 9 janvier 2017, a été victime le 12 décembre 2014 d'un accident de trajet suite à une chute sur la voie publique qui lui a occasionné des lésions lombaires et aux deux genoux.

Cet accident a été pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône (ci-après la CPCAM des Bouches-du-Rhône).
Madame [E] [Y] [U] a perçu des indemnités journalières jusqu'au 2 avril 2015, date à laquelle son état de santé a été déclaré consolidé.

Le 5 juin 2015, Madame [E] [Y] [U] a établi une déclaration de maladie professionnelle au titre du tableau n° 57 des maladies professionnelles. Le certificat médical initial du 13 mai 2015 rédigé par le Docteur [Y] [M] [C] mentionne un syndrome du canal carpien depuis plusieurs années sur faiblesse importante.

Cette maladie a été prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la CPCAM des Bouches-du-Rhône qui a déclaré l'état de santé de Madame [E] [Y] [U] consolidé le 6 mai 2016, sans toutefois lui reconnaître de séquelles indemnisables.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 mai 2018, Madame [E] [Y] [U] a saisi la CPCAM des Bouches-du-Rhône d'une demande de conciliation dans le cadre d'une reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la S.A.S.U. [8].

Un procès-verbal de non-conciliation a été dressé le 25 juillet 2018 par la CPCAM des Bouches-du-Rhône.

Par requête reçue le 15 décembre 2020, Madame [E] [Y] [U] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de la maladie professionnelle déclarée le 5 juin 2015.

L'affaire a été retenue à l'audience de fond du 7 février 2024.

Madame [E] [Y] [U], par voie de conclusions soutenues par son conseil, sollicite du tribunal :
de déclarer son recours recevable ;de faire droit à sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ;d'ordonner la majoration de la rente prévue par l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale ;d'ordonner une expertise médicale afin de déterminer les préjudices indemnisables ;d'ordonner le versement d'une provision de 5.000 € à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice ;de condamner la [8] au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ou de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, outre les entiers dépens ;d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Au soutien de ses prétentions Madame [E] [Y] [U] indique que l'employeur n'a pris aucune mesure pour assurer sa santé physique et qu'au contraire il lui a supprimé un chariot d'étage rendant ses conditions de travail plus difficiles.

La S.A.S.U. [8], représentée par son conseil soutenant ses conclusions, demande pour sa part au tribunal de :
In limine litis :
constater la prescription de l'action de Madame [E] [Y] [U] et la déclarer irrecevable ;À titre principal :
constater l'absence de maladie professionnelle ;débouter Madame [E] [Y] [U] de ses demandes, fins et conclusions ;À titre subsidiaire :
constater qu'elle a parfaitement rempli son obligation de sécurité ;constater l'absence de faute inexcusable ;débouter Madame [E] [Y] [U] de ses demandes, fin et conclusions ;En tout état de cause :
débouter Madame [E] [Y] [U] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner à lui verser la somme de 2.000 € sur le fondement de ce même article.
Au soutien de ses prétentions, la S.A.S.U. [8] FAIT valoir que l'action de Madame [E] [Y] [U] est prescrite car elle a saisi la présente juridiction au-delà du délai de deux ans applicable en matière de faute inexcusable de l'employeur.
Sur le fond, elle expose que la maladie déclarée par Madame [E] [Y] [U] n'est pas d'origine professionnelle car les conditions relatives au délai de prise en charge visées au tableau n° 57 des maladies professionnelles ne sont pas remplies et que dès lors il ne peut y avoir de reconnaissance d'une faute inexcusable, outre le fait que l'inaptitude de Madame [E] [Y] [U] résulte de l'accident de trajet du 12 décembre 2014 et non d'une maladie professionnelle.
Elle soutient également n'avoir commis aucune faute inexcusable ni aucun manquement à son obligation de sécurité et que Madame [E] [Y] [U] ne rapporte pas la preuve que son employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel elle s'estimait exposée ni du fait que l'employeur n'a pas pris les mesures nécessaires pour la préserver dudit danger.

Dispenséee de comparaître, la CPCAM des Bouches-du-Rhône conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur pour cause de prescription et, à titre subsidiaire, s'en rapporte à l'appréciation du tribunal quant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur. Elle sollicite la condamnation de l'employeur à lui rembourser la totalité des sommes dont elle serait tenue d'assurer par avance le paiement, et de ne pas mettre à sa charge les sommes allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux observations et conclusions déposées par les parties à l'audience, reprenant l'exposé complet de leurs moyens et prétentions.

L'affaire a été mise en délibéré au 16 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription

L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En matière de faute inexcusable, la prescription biennale résulte de la combinaison des articles L. 431-2, L. 461-1 et L. 461-5 du code de sécurité sociale.

L'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale dispose que :
" Les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités prévues par le présent livre se prescrivent par deux ans à dater :

1°) du jour de l'accident ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière ;

2°) dans les cas prévus respectivement au premier alinéa de l'article L. 443-1 et à l'article L. 443-2, de la date de la première constatation par le médecin traitant de la modification survenue dans l'état de la victime, sous réserve, en cas de contestation, de l'avis émis par l'expert ou de la date de cessation du paiement de l'indemnité journalière allouée en raison de la rechute ;

3°) du jour du décès de la victime en ce qui concerne la demande en révision prévue au troisième alinéa de l'article L. 443-1 ;

4°) de la date de la guérison ou de la consolidation de la blessure pour un détenu exécutant un travail pénal ou un pupille de l'éducation surveillée dans le cas où la victime n'a pas droit aux indemnités journalières.

L'action des praticiens, pharmaciens, auxiliaires médicaux, fournisseurs et établissements pour les prestations mentionnées à l'article L. 431-1 se prescrit par deux ans à compter soit de l'exécution de l'acte, soit de la délivrance de la fourniture, soit de la date à laquelle la victime a quitté l'établissement.

Cette prescription est également applicable, à compter du paiement des prestations entre les mains du bénéficiaire, à l'action intentée par un organisme payeur en recouvrement des prestations indûment payées, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration.

Les prescriptions prévues aux trois alinéas précédents sont soumises aux règles de droit commun.

Toutefois, en cas d'accident susceptible d'entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la prescription de deux ans opposable aux demandes d'indemnisation complémentaire visée aux articles L.452-1 et suivants est interrompue par l'exercice de l'action pénale engagée pour les mêmes faits ou de l'action en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ".

En application de l'article 2230 du code civil, la suspension de la prescription en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru, tandis que l'interruption, selon l'article 2231 du même code, efface le délai de prescription acquis et fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien.

La S.A.S.U. [8] ainsi que la CPCAM des Bouches-du-Rhône demandent au tribunal de déclarer irrecevable pour cause de prescription l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur introduite par Madame [E] [Y] [U].

Madame [E] [Y] [U] ne développe et ne soutient pour sa part aucun moyen pour contredire la prétention adverse.

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats que le certificat médical initial à l'origine de la déclaration de maladie professionnelle a été établi le 13 mai 2015 par le Docteur [Y] [M] [C], que ladite maladie a été prise en charge par la CPCAM des Bouches-du-Rhône le 12 novembre 2015, laquelle a fixé la date de consolidation au 6 mai 2016, date de cessation du paiement des indemnités journalières.

Dès lors, conformément aux dispositions de l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale, la prescription biennale a commencé à courir à compter du 6 mai 2016 et Madame [E] [Y] [U] avait donc jusqu'au 6 mai 2018 pour ester en justice à l'encontre de son employeur.

Par requête du 3 mai 2018, Madame [E] [Y] [U] a saisi la CPCAM des Bouches-du-Rhône d'une demande de conciliation. La saisine de la caisse étant assimilable à une action en justice, elle constitue une cause d'interruption du délai de prescription de deux ans, et fait courir un nouveau délai de deux ans à compter de la notification du procès-verbal de non-conciliation établi le 25 juillet 2018 et réceptionné par le conseil de Madame [E] [Y] [U] le 27 juillet 2018. Cette notification fait bien mention des voies et délais de recours.

Dès lors, Madame [E] [Y] [U] disposait d'un nouveau délai de deux ans, soit jusqu'au 27 juillet 2020, pour saisir le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille d'un recours contentieux.

Or, Madame [E] [Y] [U] n'a saisi la présente juridiction que le 15 décembre 2020, soit bien au-delà de l'échéance du délai de prescription.

Il convient par conséquent de déclarer le recours de Madame [E] [Y] [U] irrecevable pour cause de prescription.

Sur les demandes accessoires

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la partie succombant à l'instance en supporte les dépens.

Les considérations d'équité et la situation économique de Madame [E] [Y] [U] ne justifient pas toutefois de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'y a pas lieu de prononcé l'exécution provisoire du présent jugement.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort :

DÉCLARE irrecevable l'action de Madame [E] [Y] [U] en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la S.A.S.U. [8], pour cause de prescription ;

DÉBOUTE les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires ;

DIT n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [E] [Y] [U] aux dépens de l'instance.

Conformément aux dispositions de l'article 538 du code de procédure civile, tout appel de la présente décision doit être formé, à peine de forclusion, dans le délai d'un mois à compter de sa notification.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 16 avril 2024.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 20/03088
Date de la décision : 16/04/2024
Sens de l'arrêt : Déclare la demande ou le recours irrecevable

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-16;20.03088 ?
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