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16/04/2024 | FRANCE | N°20/01664

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 16 avril 2024, 20/01664


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 2]


JUGEMENT N°24/01665 du 16 Avril 2024

Numéro de recours: N° RG 20/01664 - N° Portalis DBW3-W-B7E-XUNS

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [G] [M]
né le 13 Septembre 1971 à [Localité 8] (HAUTE SAVOIE)
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Me Cédric PORIN, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
S.A.R.L. [11]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 5]
représentée par Me Julie SEGOND, avocat au

barreau de MARSEILLE substitué par
Me Anna SARRAILH, avocat au barreau de MARSEILLE

Appelée en la cause:
Organisme CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 2]

JUGEMENT N°24/01665 du 16 Avril 2024

Numéro de recours: N° RG 20/01664 - N° Portalis DBW3-W-B7E-XUNS

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [G] [M]
né le 13 Septembre 1971 à [Localité 8] (HAUTE SAVOIE)
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Me Cédric PORIN, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
S.A.R.L. [11]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 5]
représentée par Me Julie SEGOND, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par
Me Anna SARRAILH, avocat au barreau de MARSEILLE

Appelée en la cause:
Organisme CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE
[Localité 2]
dispensée de comparaître

DÉBATS : À l'audience publique du 07 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : PASCAL Florent, Vice-Président

Assesseurs : LARGILLIER Bernard
MITIC Sonia

L’agent du greffe lors des débats : MULLERI Cindy

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 16 Avril 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort
EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [G] [M] a été employé par la société [11], en qualité d'adjoint logistique, selon contrat à durée indéterminée en date du 1er juillet 2008.

Le 15 juin 2018, Monsieur [G] [M] a déclaré avoir été victime d'un accident du travail en chutant de plain-pied. La déclaration d'accident du travail établie par l'employeur le 18 juin 2018 précise que " la victime était à son poste de travail " et que " selon les dires de la victime, il se serait pris les pieds dans son câble de PC et aurait chuté ".

Le certificat médical initial établi le 18 juin 2018 fait état d'une " chute avec douleur du rachis cervical et lombaire, épaule droite [mots illisibles] ".

La caisse primaire centrale d'assurance maladie (ci-après la CPCAM) des Bouches-du-Rhône lui a notifié la prise en charge de l'accident survenu le 15 juin 2018 au titre de la législation sur les risques professionnels.

Par requête reçue le 24 juin 2020, Monsieur [G] [M] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille pour voir reconnaître que l'accident du travail dont il a été victime le 15 juin 2018 est imputable à la faute inexcusable de son employeur, la société [11].

L'affaire a été appelée à l'audience dématérialisée de mise en état du 3 janvier 2023, puis la clôture des débats a été ordonnée avec effet différé au 28 avril 2023 et, après plusieurs renvois contradictoires, les parties ont été convoquées à l'audience de plaidoirie du 7 février 2024.

Monsieur [G] [M], représenté par son conseil soutenant oralement ses conclusions, demande au tribunal de :
accueillir ses demandes ;dire que l'accident du travail dont il a été victime le 15 juin 2018 est dû à la faute inexcusable commise par son employeur, la société [11] ;ordonner une majoration du capital à son taux maximum ;ordonner une expertise médicale ;désigner pour y procéder tel expert qu'il plaira à Monsieur le président du tribunal judiciaire ;dire que ce dernier aura notamment pour mission :se faire communiquer le dossier médical de Monsieur [M] ;examiner Monsieur [M] ;évaluer les préjudices imputables à l'accident du travail du 15 juin 2018 (souffrances endurées, préjudice moral, préjudice esthétique, préjudice d'agrément et préjudice lié à la perte de chance de promotion professionnelle) ;fixer la durée du déficit fonctionnel temporaire total et/ou partiel et dans ce dernier cas en fixer le taux, en tenant compte de la date de consolidation fixée par la caisse ;dire si l'état de la victime est susceptible d'évolution ;déposer son rapport dans les trois mois de sa saisine, et en transmettre copie à chacune des parties,dire la CPCAM des Bouches-du-Rhône débitrice de l'avance de la somme nécessaire à la consignation à valoir sur les frais d'expertise ;condamner la société défenderesse au paiement de la somme de 1.500 euros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;condamner la société défenderesse aux entiers dépens ;rappeler que la décision sera exécutoire à titre provisoire sur le fondement de l'article 514 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, Monsieur [G] [M] indique que le jour de l'accident, après avoir travaillé depuis 7 heures du matin, il s'est installé aux alentours de 21 heures 30 à son bureau, puis a branché les câbles électriques et réseau de son ordinateur. Il précise qu'en voulant se lever, il s'est appuyé sur le bord du bureau, que le plateau du bureau qui n'était pas scellé est tombé vers lui et qu'en essayant de l'éviter, il a trébuché sur la boîte en plastique qui, faisant office de pied, soutenait le bureau et a perdu l'équilibre en s'embronchant dans les câbles électriques qui traversaient le long de son bureau. Il précise qu'il s'agit d'un bureau " rafistolé et récupéré dans un autre service " et que l'accident ne serait pas survenu si le bureau avait été stable et s'il n'y avait pas eu de câbles au sol entravant la circulation dans son bureau. Il affirme avoir alerté à plusieurs reprises son employeur sur la nécessité de réaménager son bureau et que celui-ci n'a jamais pris de mesures pour le protéger du risque de chute.

La société [11], représentée par son conseil soutenant oralement ses conclusions, demande pour sa part au tribunal de :
À titre principal :
dire et juger que Monsieur [M] ne rapporte pas la preuve d'une faute inexcusable dans la survenance du prétendu accident intervenu le 15 juin 2018 ;débouter en conséquence Monsieur [M] de sa demande de reconnaissance de faute inexcusable ;le débouter de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de sa demande d'expertise médicale, et de sa demande de majoration au titre de la rente ;À titre très subsidiaire :
Si la reconnaissance de faute inexcusable de l'employeur était retenue :
limiter la mission de l'expert aux postes susceptibles d'être indemnisés devant la juridiction de céans et prévus par les dispositions des articles L. 452-3 du code de la sécurité sociale,En tout état de cause :
condamner la CPCAM à faire l'avance des frais d'expertise ;dire n'y avoir lieu à indemnité de procédure au profit de Monsieur [M].
Au soutien de ses prétentions, la société [11] fait valoir que Monsieur [G] [M] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ce que les conditions de reconnaissance de la faute inexcusable sont réunies. Elle considère qu'aucun manquement caractérisant une faute inexcusable ne saurait être reconnue dès lors que les circonstances de l'accident sont indéterminées.

Dispensée de comparaître, la CPCAM des Bouches-du-Rhône s'en rapporte à l'appréciation du tribunal quant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Pour un exposé plus ample des moyens et prétentions, il convient de se référer aux écritures déposées par les parties à l'audience, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'affaire a été mise en délibéré au 16 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En vertu de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale : " Lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants ".

Aux termes de l'article 1353 du code civil, " Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ".

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité ; le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié. Il suffit qu'elle soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru à la survenance du dommage.

Il est constant que la détermination objective des circonstances d'un accident du travail est un préalable nécessaire à la démonstration de l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur, de sorte que si ces circonstances demeurent indéterminées aucune responsabilité de l'employeur ne saurait être recherchée.

Il appartient à la victime ou ses ayants droit d'apporter la preuve de l'existence d'une faute inexcusable.

L'appréciation de la conscience du danger relève de l'examen des circonstances de fait, notamment de la nature de l'activité du salarié ou du non-respect des règles de sécurité.

En l'espèce, Monsieur [G] [M] reproche à son employeur de ne pas avoir mis à sa disposition un bureau en bon état et considère que la défectuosité de celui-ci ainsi que la présence de câbles électriques au sol ont participé à la survenance de l'accident.
Il précise que des photographies ont été prises avant et après le jour de l'accident sur son lieu de travail et produit ces photographies devant la juridiction.

La société [11] soutient que les photographies versées aux débats ne sont pas datées, et ajoute en outre que Monsieur [G] [M] n'était pas affecté à un bureau sur le site de [Localité 9], lieu où se serait produit l'accident, précisant qu'il était rattaché à [Localité 7] ([Adresse 1]) aux termes de son contrat de travail.

La déclaration d'accident du travail établie par l'employeur le 18 juin 2018 mentionne que le 15 juin 2018 à 21 heures 35, sur son lieu de travail habituel, le salarié " était à son poste de travail ", et " se serait pris les pieds dans son câble de PC et aurait chuté ".

L'employeur a émis les réserves suivantes :
" […] -Il n'a pas de témoin ayant vu l'accident et M. [M] a continué son travail. Il s'est rendu sur le chantier comme prévu et a quitté son travail à l'horaire prévu.
-Le certificat médical initial est émis le 18/06/2018 soit dans un délai qui n'est pas voisin des faits et qui comprend une période d'inactivité entre le 15/06/2018 et la date du certificat.
-M. [M], à la suite d'un différend avec son Responsable hiérarchique (M. [I] [U], Conducteur de Travaux), l'a informé, depuis la salle d'attente du médecin traitant, qu'il serait arrêté si M. [I] ne répondait pas favorablement à ses revendications salariales et matérielles, M. [I] n'a pas donné suite à la demande de M. [M] qui se retrouve donc arrêté ce jour.
Il est à rappeler que les seules allégations du salarié ne suffisent pas et qu'elles doivent être étayées par des éléments corroborant ces dires. En l'espèce, ces éléments ne sont pas rapportés.
De plus, les propos de M. [M] laissent penser que la cause de l'arrêt de travail ne serait pas liée à l'accident qu'il nous a rapporté […] ".

Les préposés de l'employeur ont immédiatement eu connaissance de cet accident.

Il convient de relever qu'il n'est pas fait mention de la présence d'un témoin de l'accident.

La faute inexcusable de l'employeur ne saurait se déduire purement et simplement du seul fait qu'un accident a eu lieu.

Il convient par ailleurs de constater qu'aucun témoignage n'est produit aux débats, Monsieur [Y] [R] n'étant pas un témoin direct de l'accident de travail de Monsieur [G] [M].

En outre, l'examen des photographies versées aux débats ne permet pas de vérifier la date à laquelle elles ont été prises ni qu'il s'agit du lieu de travail de Monsieur [G] [M].

S'il peut être admis que lors de l'accident du travail le salarié a fait une chute et est tombé, pour autant le lieu exact de cette chute et la cause de sa glissade ne sont pas établis en l'état des versions divergentes du salarié et de son employeur, et la version du salarié, demandeur à la reconnaissance de la faute inexcusable, n'est corroborée par aucun autre élément. En l'absence de tout témoignage direct, les circonstances de son accident demeurent très imprécises.

Il s'ensuit que les circonstances de cet accident sont indéterminées, ce qui fait obstacle à ce que cet accident soit imputé à un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Compte-tenu de ces éléments, il y a lieu de considérer que la société [11] n'a pas commis de faute inexcusable ayant concouru à la survenance de l'accident du travail dont a été victime Monsieur [G] [M] le 15 juin 2018.

Monsieur [G] [M] sera en conséquence débouté de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

Aucune circonstance d'équité ne commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [G] [M], qui succombe en ses prétentions, supportera la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort :

DÉBOUTE Monsieur [G] [M] de son action tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la société [11], à l'origine de l'accident du travail dont il a été victime le 15 juin 2018;

DÉBOUTE Monsieur [G] [M] de l'ensemble de ses autres demandes et prétentions ;

DIT n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [G] [M] aux dépens de l'instance.

Conformément aux dispositions de l'article 538 du code de procédure civile, tout appel de la présente décision doit être formé, à peine de forclusion, dans le délai d'un mois à compter de la réception de sa notification.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 16 avril 2024.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 20/01664
Date de la décision : 16/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-16;20.01664 ?
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