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16/04/2024 | FRANCE | N°19/04548

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 16 avril 2024, 19/04548


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[4]
[Adresse 5]
[Localité 2]


JUGEMENT N°24/01736 du 16 Avril 2024

Numéro de recours: N° RG 19/04548 - N° Portalis DBW3-W-B7D-WRMS

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
S.A.S. [6]
[Adresse 8]
[Localité 1]
représentée par Me Véronique DAGHER-PINERI, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE


c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
[Localité 3]
représentée par Mme [H] [E] (Inspecteur juridique), munie d’un pouvoir régulier


DÉBATS : À l'audience p

ublique du 30 Janvier 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : BOUAFFASSA Myriam, Juge

Assesseurs : BALY Laurent...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[4]
[Adresse 5]
[Localité 2]

JUGEMENT N°24/01736 du 16 Avril 2024

Numéro de recours: N° RG 19/04548 - N° Portalis DBW3-W-B7D-WRMS

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
S.A.S. [6]
[Adresse 8]
[Localité 1]
représentée par Me Véronique DAGHER-PINERI, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
[Localité 3]
représentée par Mme [H] [E] (Inspecteur juridique), munie d’un pouvoir régulier

DÉBATS : À l'audience publique du 30 Janvier 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : BOUAFFASSA Myriam, Juge

Assesseurs : BALY Laurent
OUDANE Radia

Lors des débats : ELGUER Christine, Greffier

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 16 Avril 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [B] [N] salarié de la société [6] en qualité d'opérateur de nettoyage a présenté, par déclaration du 24 septembre 2018, une demande de reconnaissance de maladie professionnelle selon certificat médical initial du 9 octobre 2018 mentionnant une «tendinopathie chronique coiffe des rotateurs droite tableau n°57».

Par décision du 7 février 2019 notifiée à la société [6], la caisse primaire d'assurance maladie (ci-après CPAM) des Bouches-du-Rhône a reconnu le caractère professionnel de l'affection présentée par Monsieur [B] [N], « tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite » inscrite dans le tableau n° 57 : « Affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail ».

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception expédiée le 1er juillet 2019, la société [6] a saisi le Pôle social du Tribunal de Grande Instance devenu le Tribunal judiciaire des Bouches-du-Rhône afin de contester cette décision.

L’affaire a été appelée à l'audience utile du 30 janvier 2024.

Par voie de conclusions déposées par son Conseil, la société [6] demande au tribunal de la recevoir en son recours, de lui déclarer la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par Monsieur [B] [N] inopposable et d’ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Au soutien de ses prétentions, la société [6] soutient que la caisse ne lui a pas transmis le certificat médical de première constatation de sorte qu’elle n'a pas été en mesure de vérifier si les conditions de reconnaissance de la maladie étaient réunies. La société [6] affirme également que les conditions du tableau n°57 ne sont pas remplies et que le poste et les tâches de Monsieur [B] [N] ne correspondent pas à la liste des travaux décrits par le tableau n°57. Enfin, elle considère que les éléments de preuve d’un lien direct et essentiel entre la pathologie déclarée et l’exposition professionnelle au sein de la société ne sont pas réunis au motif que Monsieur [B] [N] a antérieurement travaillé au sein de plusieurs sociétés reconnues comme particulièrement exposantes eu égard aux gestes et postures effectués pour les réaliser.

La caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône conclut au rejet des demandes formées par la société [6] et sollicite la condamnation de cette dernière aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, la caisse soutient que le médecin conseil a fixé la date de première constatation médicale au 2 mai 2018 et que le colloque médico-administratif mis à la disposition de la société lui permettait de vérifier les conditions dans lesquelles cette date avait été retenue.
La caisse affirme que les conditions du tableau n°57 sont remplies et que la société ne rapporte pas la preuve d'une cause étrangère.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé plus ample de leurs prétentions et leurs moyens.

L'affaire a été mise en délibéré au 16 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité du recours de la société [6]

La recevabilité du recours de la société [6] n’étant pas contestée, il convient de déclarer le recours de l’employeur recevable.

Sur le moyen tiré du défaut de transmission du certificat de première constatation médicale

Il est acquis que la pièce caractérisant la première constatation médicale d'une maladie professionnelle dont la date est antérieure à celle du certificat médical initial n'est pas soumise aux mêmes exigences de forme que celui-ci et n'est pas au nombre des documents constituant le dossier qui doit être mis à la disposition de la victime ou de l'employeur. En cas de contestation, il appartient au juge de vérifier si les pièces du dossier constitué par la caisse ont permis à l'employeur d'être suffisamment informé sur les conditions dans lesquelles cette date a été retenue (Cass.2°civ,9 mars 2017, n°15-29070).

****
En l’espèce, le certificat médical initial joint à la déclaration de maladie professionnelle est daté du 9 octobre 2018 et fait état d'une première constatation médicale de la maladie professionnelle au 11 mai 2018.

Il n’est pas contesté que ce certificat médical initial a été mis à la disposition de la société.

Le colloque médico-administratif du 17 janvier 2019 mentionne au titre de la date de première constatation médicale la date du 2 mai 2018 au regard d’un « certificat d’arrêt de travail pour la même pathologie du Dr [Z] [O] ».

Il n'est pas contesté que le colloque médico-administratif a été mis à la disposition de l'employeur lors de la consultation du dossier, de sorte qu'aucune inopposabilité de la décision de ce chef ne saurait être invoquée par la société [6].

Par conséquent, il y a lieu de rejeter ce moyen.

Sur les conditions du tableau n°57 des maladies professionnelles

Aux termes de l'article L.461-1 du Code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

****

La société [6] soutient que les conditions du tableau n°57 des maladies professionnelles ne sont pas réunies, en ce que :

- les postures et leur durée décrites au questionnaire par le salarié, qui occupait le poste d’opérateur de nettoyage, ne correspondent pas à son activité habituelle réelle,
- la preuve d’un lien direct et essentiel entre la pathologie déclarée et l’exposition professionnelle au sein de la société n’est pas démontrée.

La caisse réplique que Monsieur [B] [N] a été employé en qualité d’opérateur de nettoyage au sein de la société [6] depuis le 22 mars 2010, et qu'en conséquence, la durée d'exposition au risque est remplie sur sa période d'emploi par la société. Elle objecte que les tâches décrites par le salarié dans le questionnaire non rempli par l'employeur entrent dans le cadre du tableau n°57 des maladies professionnelles.

En l'espèce, par décision du 7 février 2019 notifiée à la société [6], la caisse a reconnu le caractère professionnel de l'affection présentée par Monsieur [B] [N], « tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite » inscrite dans le tableau n° 57 : « Affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail ».

La désignation de la maladie n'est pas contestée par les parties.

Sur la liste limitative des travaux

Le tableau n°57 A des maladies professionnelles décrit les gestes protégés comme étant les « travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction (c'est à dire des mouvements entraînant un décollement des bras par rapport au corps) :

- avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé
- ou avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé.

En l’espèce, il n’est pas contesté que Monsieur [B] [N] était employé à temps complet comme opérateur nettoyage au sein de la société [6] depuis le 22 mars 2010.

Au questionnaire adressé par la caisse primaire d'assurance maladie, le salarié a décrit ses activités habituelles, exercées dans le cadre de son poste d’opérateur nettoyeur, comme suit:

- Préparation du chantier et ventilation ;
- Installation des tuyaux de pompage et HP ;
- Vidange des hydrocarbures ;
- Dégazage (Nettoyage complet avec HP et ARI) ;
- Nettoyage des parois et de la cale de la soute à carburant ;
- Récupération et transfert des résidus d’hydrocarbures par camion à aspiration ;
- Lieux : arsenal de [Localité 7].

Chaque jour, j’effectue le nettoyage souvent sous ARI diverses capacités (soutes) confinées et polluées ; mon travail consiste à nettoyer ces soutes pendant des heures consécutives avec un appareil HP (haute pression) ; ce qui provoque des gestes répétitifs quotidien à cadence soutenue et qui explique probablement mon état de santé. Je tiens à rajouter qu’une fois dans ces soutes l’environnement est compliqué et exigu je dois souvent travailler dans des positions désagréables souvent grimper, ramper, etc. tout en nettoyant ces soutes.

Sa durée hebdomadaire de travail est de 35 heures, la durée journalière est de 7h00 sur cinq jours.

Monsieur [B] [N] a déclaré effectuer des mouvements de décollement du bras droit par rapport au corps, d’au moins 60° sans soutien plus de 2 heures par jour sur plus de 3 jours par semaine (nettoyage des cales et soutes de bateau), et des mouvements de décollement du bras droit par rapport au corps, d’au moins 90° sans soutien entre 1 et 2 heures par jour et entre 1 et 3 jours par semaine. Il a précisé « dans ces espaces confinés, je dois souvent grimper, ramper et nettoyer en hauteur ».

L'employeur n'a pas répondu au questionnaire mais déclare dans ses écritures contester la nature des gestes effectués.

Il se contente en réalité de reprendre son courrier de réserves en précisant les activités de Monsieur [B] [N] au sein de la base navale de [Localité 7] en ces termes :

- Installation du chantier ;
- Manipulation de tuyaux de pompage et de pistolets HP type karcher ;
- Rinçage et/ou nettoyage des installations clients (bacs, soute, machine…).

L’employeur ajoute que ces travaux ne comportent aucun mouvement avec les bras décollés du corps d’au moins 60° ou 90°.

Il convient de relever, concernant la nature des gestes, qu'aucune contradiction importante ne ressort des deux descriptions (salarié/société).

Or, la nature de telles tâches induit nécessairement des mouvements répétitifs de décollement des bras du corps que l'employeur s'est abstenu de quantifier, alors qu'il reconnaît les tâches décrites par son salarié.

La nature des travaux liés au poste de travail d’opérateur nettoyage d'une entreprise de nettoyage correspond bien aux travaux limitativement listés au tableau n°57A et l'ancienneté reprise par l'employeur conduit le tribunal à considérer que le salarié a occupé le même type de poste depuis au moins 2010, soit durant plus de six mois à la date de la déclaration de la maladie professionnelle.

La société [6] ne verse aux débats aucun élément permettant de remettre en cause la prise en charge de la maladie professionnelle, notamment par la démonstration que le travail n'a joué aucun rôle causal dans l'apparition de la maladie.

Il y a lieu par conséquent de débouter la société [6] de sa demande tendant à l'inopposabilité de la décision de reconnaissance du caractère professionnel de l'affection déclarée le 24 septembre 2018 par Monsieur [B] [N] et de sa prise en charge au titre de la maladie n°57 au tableau et déclarer opposable à la société [6] la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de ce dernier du 7 février 2019.

Sur les dépens

Les dépens seront laissés à la charge de la société [6], partie perdante.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

DECLARE recevable mais mal-fondé le recours de la société [6],

DEBOUTE la société [6] de l'ensemble de ses demandes,

DECLARE opposable à la société [6] la décision de prise en charge du 7 février 2019 au titre de la législation professionnelle de la maladie « tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite » déclarée le 24 septembre 2018 par Monsieur [B] [N],

LAISSE les dépens à la charge de la société [6],

DIT que tout appel de la présente décision doit être formé dans le délai d’un mois à compter de la réception de sa notification.

Notifié le :

LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 19/04548
Date de la décision : 16/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-16;19.04548 ?
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