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15/04/2024 | FRANCE | N°21/05913

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 2ème chambre cab2, 15 avril 2024, 21/05913


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°


Enrôlement : N° RG 21/05913 - N° Portalis DBW3-W-B7F-Y5KE

AFFAIRE : M. [N] [U] (Me Fabien BOUSQUET)
C/ MUTUELLE DES MOTARDS (Me Etienne ABEILLE)
- CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE ( )


DÉBATS : A l'audience Publique du 18 Mars 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Elsa VALENTINI

Greffier : Madame Célia SANDJIVY, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au

: 15 Avril 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 15 Avril 2024

PR...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°

Enrôlement : N° RG 21/05913 - N° Portalis DBW3-W-B7F-Y5KE

AFFAIRE : M. [N] [U] (Me Fabien BOUSQUET)
C/ MUTUELLE DES MOTARDS (Me Etienne ABEILLE)
- CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE ( )

DÉBATS : A l'audience Publique du 18 Mars 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Elsa VALENTINI

Greffier : Madame Célia SANDJIVY, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 15 Avril 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 15 Avril 2024

PRONONCE par mise à disposition le 15 Avril 2024

Par Madame Elsa VALENTINI, Juge

Assistée de Madame Célia SANDJIVY, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

réputée contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [N] [U]
né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 5], demeurant [Adresse 6]

Immatriculé à la sécurité sociale sous le n°[Numéro identifiant 2]

représenté par Maître Fabien BOUSQUET de la SARL ATORI AVOCATS, avocats au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDERESSES

MUTUELLE DES MOTARDS, dont le siège social est sis [Adresse 3] prise en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Maître Etienne ABEILLE de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE, dont le siège social est sis [Adresse 4] prise en la personne de son représentant légal en exercice

défaillant

*************

Le 9 décembre 2019, Monsieur [N] [U], né le [Date naissance 1] 1978, a été victime d’un accident de la circulation impliquant un scooter assuré auprès de la MUTUELLE DES MOTARDS.

La société LA PARISIENNE, mandatée dans le cadre de la convention IRCA, a versé à Monsieur [U] une provision de 1.000 euros et a désigné le docteur [C] afin de l’examiner.
L’expert a rendu son rapport le 21 octobre 2020.

Par actes des 10 et 14 juin 2021 assignant la MUTUELLE DES MOTARDS et la CPAM des Bouches du Rhône, Monsieur [U] demande au tribunal de :
- CONDAMNER la MUTUELLE DES MOTARDS à lui verser la somme de 12.854,05 €
- RÉSERVER les droits de Monsieur [U] quant aux dépenses de santé futures
- DÉDUIRE des sommes allouées, le montant de la provision versée
- CONDAMNER la MUTUELLE DES MOTARDS au versement du doublement du taux d’intérêt légal à compter du 21 mars 2021 et ce, jusqu’à la date de jugement définitif
- CONDAMNER la MUTUELLE DES MOTARDS à verser à Monsieur [U] [N] la somme de 1.500 € inhérente aux dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile
- CONDAMNER la MUTUELLE DES MOTARDS aux entiers dépens de l’instance.

Aux termes de conclusions notifiées le 29 novembre 2021, la MUTUELLE DES MOTARDS demande au tribunal de :
- RÉDUIRE les demandes d’indemnisation formulées par Monsieur [U] et le débouter de ses demandes injustifiées
- ENJOINDRE Monsieur [U] à produire une facture d’assistance à expertise acquittée ou tout document prouvant le règlement de ladite facture
- DÉDUIRE des sommes qui seront allouées à Monsieur [U] l’indemnité provisionnelle d’un montant de 1.000 €
- DÉDUIRE des sommes qui seront allouées à Monsieur [U] les créances des tiers payeurs
- DIRE n’y avoir lieu à exécution provisoire du jugement à intervenir qu’à hauteur de la somme offerte
- DÉBOUTER Monsieur [U] du surplus de ses demandes, fins et conclusions
- DÉBOUTER Monsieur [U] de sa demande de condamnation au doublement du taux d’intérêt légal
- DÉBOUTER Monsieur [U] de sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ; à défaut, réduire la condamnation au titre de l’article 700 du CPC à la somme de 800 €
- LAISSER à la charge de chacune des parties leurs dépens.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions quant à l’exposé détaillé des prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 7 février 2022.

Le 17 janvier 2023, Monsieur [U] a notifié des nouvelles conclusions aux termes desquelles il demande au tribunal de :
- CONDAMNER la MUTUELLE DES MOTARDS à lui verser la somme de 13.154,05 €
- RÉSERVER les droits de Monsieur [U] quant aux dépenses de santé futures
- DÉDUIRE des sommes allouées, le montant de la provision versée
- CONDAMNER la MUTUELLE DES MOTARDS au versement du doublement du taux d’intérêt légal à compter du 21 mars 2021 et ce, jusqu’à la date de jugement définitif
- CONDAMNER la MUTUELLE DES MOTARDS à verser à Monsieur [U] [N] la somme de 1.500 € inhérente aux dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile
- CONDAMNER la MUTUELLE DES MOTARDS aux entiers dépens de l’instance.

L’ordonnance de clôture a été révoquée. La nouvelle clôture est intervenue le 13 mars 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience du 18 mars 2024 et mise en délibéré au 15 avril 2024.

La CPAM des Bouches du Rhône, régulièrement assignée, n’ayant pas constitué avocat ; le présent jugement sera réputé contradictoire à l’égard de l’ensemble des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le droit à indemnisation

En vertu des articles 1er et 4 de la loi du 5 juillet 1985, le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur blessé dans un accident de la circulation a droit à l’indemnisation des dommages qu’il a subi sauf s’il est prouvé qu’il a commis une faute ayant contribué à la survenance de son préjudice.

En l’espèce, il ressort des éléments du débat que, le 9 décembre 2019, Monsieur [U] a été victime d’un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de la société MUTUELLE DES MOTARDS.

Le droit à indemnisation de Monsieur [U] n’est pas contesté par la défenderesse et résulte tant des circonstances de l’accident que des articles 1er et 4 de la loi du 5 juillet 1985, aucune faute n’étant prouvée ni même alléguée à l’encontre de ce conducteur blessé par l’accident, seul élément susceptible d'affecter son droit à réparation indépendamment de toute faute de l'autre conducteur impliqué.

Le droit à indemnisation de Monsieur [U] étant plein et entier, la société MUTUELLE DES MOTARDS sera par conséquent condamnée à l’indemniser de l’intégralité de son préjudice.

Sur l’évaluation du préjudice

Aux termes non contestés du rapport d’expertise amiable du docteur [C] l’accident a causé à Monsieur [U] un traumatisme du rachis cervical et une contusion de l’omoplate gauche.

Les conséquences médico-légales sont les suivantes :
- Gêne temporaire de classe 2 du 09/12/2019 au 09/01/2020
- Gêne temporaire de classe 1 du 10/01/2020 jusqu’à consolidation
- Consolidation : 09/06/2020
- Souffrances endurées : 2/7
- AIPP : 2 %.

Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Monsieur [U], âgé de 41 ans lors de l’accident, sera réparé ainsi que suit.

1°) Les Préjudices Patrimoniaux

Frais d’assistance à expertise
Les frais d’assistance à expertise exposés par la victime pour se faire assister d’un médecin lors des opérations d’expertise sont nécessaires à la préservation de ses droits. En effet, le débat présentant un caractère scientifique il paraît légitime qu’elle s’entoure d’un conseil technique au même titre que la compagnie d’assurances et ce dans le respect du principe du contradictoire.

Vu la facture du docteur [P] produite au débat, il sera alloué pour ce poste de préjudice à Monsieur [U] la somme de 540 euros.

2°) Les Préjudices Extra Patrimoniaux :

Déficit fonctionnel temporaire
Ce poste de préjudice indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

L’expert retient les éléments suivants :
- Gêne temporaire de classe 2 du 09/12/2019 au 09/01/2020
- Gêne temporaire de classe 1 du 10/01/2020 au 09/06/2020.

Sur la base d’une indemnisation de 30 € par jour pour un déficit total, les troubles dans les conditions d'existence subis par Monsieur [U] jusqu'à la consolidation, justifient l'octroi d'une somme de 696 euros, calculée comme suit :
32j x 30 € x 25 % = 240 €
152j x 30 € x 10 % =456 €.

Souffrances endurées
Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.

En l'espèce, elles sont caractérisées par le traumatisme initial et les traitements subis s’agissant notamment du port du collier cervical et de la rééducation. Cotées à 2/7 par l’expert, elles seront réparées par l'allocation de la somme de 4.000 euros.

Déficit fonctionnel permanent
Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d'existence.

La victime souffrant d’un déficit fonctionnel permanent évalué à 2 % par l’expert compte-tenu des séquelles relevées et étant âgée de 42 ans lors de la consolidation de son état, il lui sera alloué la somme de 3.160 euros, soit 1.580 euros la valeur du point.

Préjudice d'agrément
Ce préjudice vise exclusivement à réparer le préjudice spécifique “lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs”.
La jurisprudence des cours d'appel ne limite pas l’indemnisation du préjudice d’agrément à l’impossibilité de pratiquer une activité sportive ou de loisirs exercée antérieurement à l’accident.
Elle indemnise également les limitations ou les difficultés à poursuivre ces activités.

Monsieur [U] soutient qu’il pratiquait assidûment le football et la boxe ; qu’il a dû cesser ces activités pendant un an après l’accident et que le syndrome algique et fonctionnel du rachis cervical empêche une reprise pleine et effective de celles-ci. Il sollicite à ce titre la somme de 4.200 euros.

La défenderesse s’opposa à la demande faisant valoir que le préjudice d’agrément temporaire est indemnisé au titre du déficit fonctionnel temporaire et que le docteur [C] n’a retenu aucune répercussion définitive sur les activités sportives. Elle relève également que Monsieur [U] ne produit aucun document justifiant de la pratique de ces activités.

D’une part, il convient de rappeler que le préjudice d’agrément est un préjudice permanent qui n’a pas vocation à indemniser la limitation ou l’impossibilité temporaire d’exercer les activités sportives ou de loisirs antérieures.
D’autre part, l’expert n’a pas retenu de préjudice d’agrément après consolidation. Monsieur [U] ne produit aucune pièce médicale permettant de remettre en cause cette évaluation.
En tout état de cause, Monsieur [U] procède par affirmations mais ne justifie aucunement de pratiques sportives antérieures à l’accident.
Par conséquent, le préjudice allégué n’est pas démontré. La demande sera rejetée.

Sur le doublement de l’intérêt légal

L’article L 211-9 du code des assurances dispose que l’assureur doit présenter à la victime une offre définitive d’indemnisation dans un délai de 5 mois à compter de la date à laquelle il a été informé de sa consolidation.

Le docteur [C]a rédigé son rapport définitif le 21 octobre 2020. En prenant en compte un délai de 20 jours pour l’envoi de ce rapport (article R 211-44 du code des assurances), l’assureur devait donc présenter une offre définitive avant le 10 avril 2021.

L’assureur ne justifie d’aucune offre avant celle formulée par voie de conclusions notifiées le 29 novembre 2021.
A cet égard, il convient de rappeler que la convention IRCA, qui est une convention entre assureurs, est inopposable à la victime. Ainsi, le fait que ce soit la société PACIFICA qui était mandatée ne décharge pas la société MUTUELLE DES MOTARDS de son obligation d’offre.

L’offre du 29 novembre 2021 est complète puisqu’elle comprend une proposition pour chacun des postes de préjudice retenu par l’expert.
Elle n’est pas manifestement insuffisante puisque la somme offerte n’est pas inférieure au tiers de la somme allouée par le tribunal.

En application de l’article L 211-13 du code des assurances, il convient d’ordonner le doublement de l’intérêt légal entre le 10 avril 2021 et le 29 novembre 2021.

Le doublement s’applique à l’indemnité offerte par l’assureur avant imputation de la créance des organismes sociaux, soit à la somme de 6.380 euros.

Sur les demandes accessoires

La société MUTUELLE DES MOTARDS, qui succombe en la présente instance, sera condamnée aux dépens.

En outre, elle devra supporter les frais irrépétibles engagés par Monsieur [U] dans la présente instance et que l'équité commande de réparer à raison de la somme de 1.300 euros.
Il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

CONDAMNE la société MUTUELLE DES MOTARDS à payer à Monsieur [N] [U] les sommes suivantes, en deniers ou quittances, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, en réparation des préjudices suivants :

- 540 euros au titre des frais d’assistance à expertise
- 696 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire
- 4.000 euros au titre des souffrances endurées
- 3.160 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

DIT que la provision déjà versée de 1.000 euros viendra en déduction des sommes ainsi allouées ;

REJETTE la demande au titre du préjudice d’agrément ;

CONDAMNE la société MUTUELLE DES MOTARDS à payer à Monsieur [N] [U] des intérêts au double du taux légal portant sur la somme de 6.380 euros, pendant la période ayant couru du 10 avril 2021 et le 29 novembre 2021 ;

DIT le présent jugement commun à la CPAM des Bouches du Rhône ;

CONDAMNE la société MUTUELLE DES MOTARDS aux dépens et à payer à Monsieur [N] [U] la somme de 1.300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire ;

AINSI JUGE ET PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA DEUXIEME CHAMBRE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE
15 AVRIL 2024

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 2ème chambre cab2
Numéro d'arrêt : 21/05913
Date de la décision : 15/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-15;21.05913 ?
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