TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION B
JUGEMENT N°24/181
Enrôlement : N° RG 19/10242 - N° Portalis DBW3-W-B7D-WZHY
AFFAIRE :
M. [O] [U] (Me Henry BOUCHARA/ Me Mickaël COHEN)
Madame [Y] [M] épouse [U] (Me Henry BOUCHARA/ Me Mickaël COHEN)
C/
S.A.S. CLINIQUE DE [4] VENANT AUX DROITS DE LA SAS REPOS [2] (Me Thomas D’JOURNO/Me Marine PARMENTIER)
Rapport oral préalablement fait
DÉBATS : A l'audience Publique du 22 Janvier 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du prononcé
Président : Madame Corinne MANNONI, Vice-Présidente
Greffiers : Madame Inès MOUSSA, lors des débats
A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 15 Avril 2024
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 15 Avril 2024
PRONONCE en audience publique par mise à disposition au greffe le 15 Avril 2024
Par Madame Corinne MANNONI, Vice-Présidente
Assistée de Madame Sylvie PLAZA , Greffière
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES
DEMANDEURS
Monsieur [O] [U]
né le 20 Juillet 1948 à [Localité 3]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
représenté par Maître Henry BOUCHARA, avocat au barreau de Marseille, avocat postulant
représenté par Maître Mickaël COHEN, avocat au barreau d’Annecy et Paris, avocat plaidant
Madame[Y] [M] épouse [U]
née le 6 septembre 1951 à [Localité 3]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
représentée par Maître Henry BOUCHARA, avocat au barreau de Marseille, avocat postulant
représentée par Maître Mickaël COHEN, avocat au barreau d’Annecy et Paris, avocat plaidant
C O N T R E
DEFENDERESSES
S.A.S. CLINIQUE DE [4]
immatriculée au RCS de Marseille sous le numéro 347 979 668, dont le siège social est sis [Adresse 6], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
VENANT AUX DROITS DE LA SAS REPOS [2]
immatriculée au RCS de Marseille sous le numéro 066 804 345, dont le siège social est [Adresse 5], prise en la personne de son responsable légal domicilié en cette qualité audit siège
représentée par Maître Thomas D’JOURNO, de la SELARL PROVANSAL AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de Marseille, avocat postulant
représentée par Maître Marine PARMENTIER, de la SELARL WOOG & ASSOCIES, avocate au barreau de Paris, avocate plaidante
FAITS ET PROCEDURE
Entre 2007 et 2010, différents investisseurs ont acquis de la SCI OLYMPIA, aux droits et obligations de laquelle vient la SASU GDP VENDOME IMMOBILIER, et de la société VENDOME PROMOTION, aux droits et obligations de laquelle vient la SASU GDP VENDOME IMMOBILIER, différents lots de copropriété situés dans la résidence pour personnes âgées [2].
Les copropriétaires ont consenti des baux commerciaux d'une durée de neuf ans à la SAS REPOS [2] dont la dirigeante est la SAS DOMUSVI depuis le mois de décembre 2010. Auparavant, la dirigeante de la SAS REPOS [2] était la SASU GDP VENDOME IMMOBILIER.
Le 07 décembre 2009, un contrat de bail commercial d'une durée de neuf ans a été conclu entre [O] [U], bailleur, et la SAS REPOS [2], preneur.
La SAS REPOS [2] est également la vendeuse du mobilier.
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Le 01 janvier 2009, en application de l'article L313-12 du Code de l'action sociale et des familles, une convention tripartite a été établie entre la SAS REPOS [2], le Préfet de la région PROVENCE ALPES COTE D'AZUR et le Président du Conseil Général des BOUCHES DU RHONE.
Cette convention prévoyait la nécessité pour la SAS REPOS [2] d’avoir à réaliser un certain nombre de travaux destinés à améliorer la qualité des espaces, en particulier la destruction des salles de bain avec reconstruction de nouvelles et création d’un ascenseur.
La SAS REPOS [2] n'a pas réalisé les travaux d'entretien et de mise aux normes qui étaient à sa charge.
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A compter du mois de juin 2016, la SAS REPOS [2] a fait délivrer des congés pour mettre fin aux baux commerciaux. Néanmoins, la SAS REPOS [2] exploitait toujours les locaux.
Par acte en date du 01 septembre 2016, la SAS REPOS [2] a donné congé à [O] [U] et à [Y] [M] épouse [U] pour le 21 février 2019.
Suivant arrêté en date du 29 décembre 2017, le Directeur Général de l'AGENCE REGIONALE DE SANTE de la région PROVENCE ALPES COTE D'AZUR et le Président du conseil général des BOUCHES DU RHONE ont autorisé le transfert de l'activité de la résidence [2] vers un autre site.
Par ordonnance en date du 19 mars 2018, le Tribunal Administratif de MARSEILLE a rejeté la demande d'annulation de l'arrêté du 29 décembre 2017.
Les locaux sont libres de toute occupation depuis le 30 décembre 2019.
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Dossier numéro 19/10000
Par acte en date du 17 juillet 2019. les bailleurs demandaient avec exécution provisoire :
- la réalisation des travaux sous astreinte,
- subsidiairement, la somme de 1.954.920,00 Euros avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement
- la somme de 1.000,00 Euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Dans leurs dernières conclusions, ils réclament :
- le financement des travaux,
la somme de 1.000,00 Euros chacun sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par jugement de ce jour, après avoir statué sur différentes fins de non recevoir, le Tribunal a :
- rejeté les demandes formées à l'encontre de la SASU GDP VENDOME IMMOBILIER, vendeur, considérant qu'elle n'avait pas manqué à son obligation de délivrance, dans la mesure où l'objet des ventes était des lots situés dans un ensemble immobilier dénommé [2] dans lequel était exploitée une maison de repos pour personnes âgées et où l'objet de la vente n'était donc pas des lots situés dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes,
- rejeté les demandes formées à l'encontre de la SAS DOMUSVI, dirigeant de la SAS REPOS [2], considérant qu'elle n'avait pas commis de faute intentionnelle d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions,
- rejeté les demandes formées à l'encontre de la La SARL DOMUSVI CONSEIL IMMOBILIER, considérant qu'elle n'avait pas manqué à ses obligations d'assurer la sauvegarde des bâtiments et d'informer les copropriétaires,
- retenu la responsabilité de la SAS CLINIQUE DE [4] venant aux droits et obligations de la SAS REPOS [2] concernant les parties privatives, considérant qu'elle avait manqué à son obligation d'entretien et de mise aux normes,
- rejeté les demandes indemnitaires formées à l'encontre de la SAS CLINIQUE DE [4], considérant que l'indemnisation du préjudice des bailleurs devait être individualisée et évaluée chambre par chambre dans la mesure où il n'était pas démontré que les travaux nécessaires avait le même coût dans chacune des chambres et que l'indemnisation ne pouvait donc avoir lieu en fonction des tantièmes de la copropriété.
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Dossiers numéros 19/10471 à 19/10513
Par acte en date du 24 janvier 2018, invoquant leur responsabilité, [O] [U] et [Y] [M] épouse [U] ont assigné :
1. La SASU GDP VENDOME IMMOBILIER (numéro RCS 429 982 929) vendeur,
2. La SAS DOMUSVI (numéro RCS 519 158 794) présidente de la SAS REPOS [2] au moment des faits et de la SAS CLINIQUE DE [4] au moment du jugement, preneur, et présidente de la SASU IMMOBILIERE DOMUSVI 2 propriétaire des lots de service de la résidence,
3. la SAS REPOS [2] (numéro RCS 066 804 345) preneur à bail, aux droits et obligations de laquelle vient la SAS CLINIQUE DE [4] (347 979 668) intervenante volontaire.
Par jugement de ce jour, après avoir statué sur différentes fins de non recevoir, le Tribunal a :
- condamné in solidum la SASU GDP VENDOME IMMOBILIER et la SAS CLINIQUE DE [4] à indemniser le préjudice subi par [O] [U] et par [Y] [M] épouse [U],
- partagé la responsabilité de la façon suivante :
- 2/3 à la charge de la SAS CLINIQUE DE [4],
- 1/3 à la charge de la SASU GDP VENDOME IMMOBILIER,
- condamné la SAS CLINIQUE DE [4] à relever et garantir la SASU GDP VENDOME IMMOBILIER à hauteur des 2/3 des condamnations prononcées à son encontre,
- condamné la SASU GDP VENDOME IMMOBILIER à relever et garantir la SAS CLINIQUE DE [4] à hauteur de 1/3 des condamnations prononcées à son encontre,
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Par acte en date du 05 août 2019, [O] [U] et [Y] [M] épouse [U] ont assigné la SAS REPOS [2] aux fins d'obtenir :
- la reconnaissance de la formation d'un nouveau contrat de bail commercial d'une durée de neuf ans à compter de la date pour laquelle le congé avait été donné,
- le montant des loyers contractuellement dus avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement,
- la somme de 2.000,00 Euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Ils sollicitent enfin que le jugement à intervenir soit assorti de l'exécution provisoire.
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Dans ses dernières conclusions, le bailleur demande :
- la reconnaissance de la formation d'un nouveau contrat de bail commercial d'une durée de neuf ans à compter du 22 février 2019, date pour laquelle le congé avait été donné,
- le montant des loyers et des charges contractuellement dus,
- la somme de 5.000,00 Euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Il sollicite enfin que le jugement à intervenir soit assorti de l'exécution provisoire.
Le bailleur fait valoir :
- qu'un nouveau contrat de bail commercial s'était formé,
- qu'en se maintenant dans les lieux et en réglant les loyers, la SAS REPOS [2] avait renoncé à se prévaloir du congé,
- que les bailleurs ne pouvaient donner à bail leur lot qu'à un unique exploitant,
- que, certains baux étant en cours, les bailleurs n'avaient pas pu conclure un contrat de bail avec un autre exploitant,
- que les bailleurs n'étaient pas propriétaires des lots de services qui appartenaient à la SASU IMMOBILIERE DOMUSVI 2.
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La SAS CLINIQUE DE [4] venant aux droits et obligations de la SAS REPOS [2] est intervenue volontairement à la cause.
La SAS CLINIQUE DE [4] conclut au débouté, faisant valoir :
- que le congé mettait fin au bail commercial,
- que le congé n'avait pas à être accepté par le bailleur,
- que la validité du congé n'était pas contestée,
- que la SAS REPOS [2] avait versé les loyers jusqu'à l'expiration du bail et une indemnité d'occupation jusqu'à la libération des lieux,
- que la SAS REPOS [2] n'avait pas renoncé au congé,
- que le fait de se maintenir dans les lieux en versant une indemnité d'occupation n'emportait pas renonciation au congé,
- qu'il ne pouvait pas y avoir formation d'un nouveau bail commercial du seul fait du maintien dans les lieux postérieurement au congé délivré,
- qu'aucune discussion ni aucun accord n'était intervenu entre les parties quant à la prolongation de la location des locaux,
- que les bailleurs connaissaient le projet de transfert de l'EHPAD dans de nouveaux locaux,
- que les bailleurs ne s'étaient pas prévalus de la prolongation du bail,
- que les baux étaient arrivés à échéance et que les bailleurs pouvaient relouer à un nouvel exploitant,
- que l'impossibilité de relocation n'était pas démontrée,
- que les bailleurs ne justifiaient pas de démarches pour trouver un nouvel exploitant ni de refus de repreneurs potentiels,
- que, pour que la renonciation au congé soit effective, l'accord du bailleur était nécessaire, ce qui n'était pas le cas en l'espèce,
- que, de par leur action en responsabilité du fait de la perte de valeur des lots, les bailleurs avaient accepté la cessation de l'activité de la résidence.
Reconventionnellement, la SAS CLINIQUE DE [4] demande la somme de 2.500,00 Euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
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MOTIFS
- Sur la procédure
La SAS REPOS [2] a été radiée du RCS le 12 février 2021.
L'article 384 du Code de Procédure Civile prévoit notamment :
En dehors des cas où cet effet résulte du jugement, l'instance s'éteint accessoirement à l'action par l'effet de la transaction, de l'acquiescement, du désistement d'action ou, dans les actions non transmissibles, par le décès d'une partie.
L'extinction de l'instance est constatée par une décision de dessaisissement. (...)
La radiation d'une personne morale du RCS peut être assimilée à la mort dans la mesure où elle implique la disparition de sa personnalité juridique.
En l'état de sa radiation du RCS, l'instance introduite à l'encontre de la SAS REPOS [2] est éteinte et le Tribunal est dessaisi de ce chef.
Il convient de déclarer recevable l'intervention volontaire de la SAS CLINIQUE DE [4] venant aux droits et obligations de la SAS REPOS [2].
- Sur la renonciation au congé et la formation d'un nouveau bail
L'article L145-4 du Code de Commerce prévoit notamment :
La durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans.
Toutefois, le preneur a la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale, au moins six mois à l'avance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte extrajudiciaire.
L'article L145-9 du Code de Commerce prévoit notamment :
Par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux de locaux soumis au présent chapitre ne cessent que par l'effet d'un congé donné six mois à l'avance ou d'une demande de renouvellement.
En l'espèce, le congé a été donné le 01 septembre 2016 pour le 21 février 2019. La SAS REPOS [2] a effectivement quitté les lieux le 30 décembre 2019.
La validité du congé donné par la SAS REPOS [2] n'est pas contestée.
Le congé valablement délivré par le preneur met fin irrévocablement au bail pour la date auquel il est délivré, sauf accord du bailleur pour en accepter la rétractation, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
La renonciation à un droit, si elle peut être expresse ou tacite, ne peut résulter que d'actes accomplis en connaissance de cause et manifestant de façon non équivoque la volonté de renoncer.
Un congé met fin au bail commercial de manière irrévocable pour la date à laquelle il est délivré. Le maintien dans les lieux du preneur au-delà de la date d’effet du congé ne peut s’analyser en une renonciation au bénéfice du congé que si les circonstances établissent de façon non équivoque sa volonté de renoncer au bénéfice du congé qu’il a délivré.
Il n'est pas démontré qu'à compter du congé, la SAS REPOS [2] a continué à verser les loyers et qu'elle n'a pas versé une indemnité d'occupation. Or, le versement d'une indemnité d'occupation et non d'un loyer implique que le preneur se considère comme occupant sans droit ni titre et exclut sa volonté de renoncer au congé valablement donné.
Par ailleurs, la SAS REPOS [2] a transféré son activité sur d'autres sites et la résidence [2] n'a plus été exploitée depuis le 30 décembre 2019, ce qui manifeste également l'absence de volonté de renoncer au congé.
En l'état de ces éléments, la SAS REPOS [2] n'a pas renoncé au congé et aucun nouveau bail ne s'est formé.
En conséquence, la SAS CLINIQUE DE [4] n'est pas tenue du versement des loyers à compter du 22 février 2019.
- Sur les autres chefs de demandes
Il convient d'allouer à la SAS CLINIQUE DE [4] la somme équitable de 1.000,00 Euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de [O] [U] et de [Y] [M] épouse [U] les frais irrépétibles par eux exposés.
Il n'y a pas lieu à exécution provisoire du présent jugement.
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PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL
STATUANT en matière civile ordinaire, publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONSTATE l'extinction de l'instance concernant la SAS REPOS [2] et le dessaisissement du Tribunal de ce chef,
DECLARE recevable l'intervention volontaire de la SAS CLINIQUE DE [4] venant aux droits et obligations de la SAS REPOS [2],
DEBOUTE [O] [U] et [Y] [M] épouse [U] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
CONDAMNE in solidum [O] [U] et [Y] [M] épouse [U] à verser à la SAS CLINIQUE DE [4] la somme de 1.000,00 Euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
REJETTE toute autre demande,
DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement,
CONDAMNE in solidum [O] [U] et [Y] [M] épouse [U] aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au Greffe de la Troisième Chambre section B du Tribunal Judiciaire de MARSEILLE le 15 avril 2024 .
Signé par Madame MANNONI, Présidente, et par Madame PLAZA, Greffière présente lors de la mise à disposition au Greffe de la décision.
LE GREFFIER LE PRESIDENT