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11/04/2024 | FRANCE | N°22/05187

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab2, 11 avril 2024, 22/05187


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°24/ DU 11 Avril 2024


Enrôlement : N° RG 22/05187 - N° Portalis DBW3-W-B7G-Z2MO

AFFAIRE : M. [B] [W]( Me Julie CAPDEFOSSE)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE [Localité 6]


DÉBATS : A l'audience Publique du 08 Février 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL:

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente (juge rapporteur)
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffier lors des débat

s : ALLIONE Bernadette

En présence de PORELLI Emmanuelle,Vice-Procureur, Procureur de la République

Vu le rapport fait à l’audienc...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/ DU 11 Avril 2024

Enrôlement : N° RG 22/05187 - N° Portalis DBW3-W-B7G-Z2MO

AFFAIRE : M. [B] [W]( Me Julie CAPDEFOSSE)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE [Localité 6]

DÉBATS : A l'audience Publique du 08 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL:

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente (juge rapporteur)
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette

En présence de PORELLI Emmanuelle,Vice-Procureur, Procureur de la République

Vu le rapport fait à l’audience.

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 11 Avril 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BERARD Béatrice, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [B] [W]
né le 25 Décembre 2022 à [Localité 5] (CÔTE D’IVOIRE)
de nationalité Ivoirienne, domicilié : chez [Adresse 1]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 13055/001/2021/02855 du 27/12/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Marseille)
représenté par Me Julie CAPDEFOSSE, avocat au barreau de MARSEILLE,

C O N T R E

DEFENDERESSE

M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE [Localité 6], près le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE [Localité 6] en son parquet- [Adresse 8]

dispensé du ministère d’avocat

EXPOSE DU LITIGE

Par décision du 1er juin 2021 notifiée à par lettre recommandée réceptionnée le 4 juin 2021, la directrice des services de greffe judiciaires du tribunal de proximité de Montpellier a refusé d’enregistrer la déclaration de nationalité française souscrite le 22 décembre 2020 par [B] [W], né le 25 décembre 2002 à [Localité 2], sous-préfecture de [Localité 5] (Côte d’Ivoire), en application de l’article 21-12 1° du Code civil, au motif qu’il ne produisait pas un acte de naissance probant.

Par acte en date du 25 mai 2022, [B] [W] a fait assigner le Procureur de la République devant le Tribunal judiciaire de Marseille aux fins de de voir ordonner l’enregistrement de sa déclaration de nationalité française.

Dans ses dernières conclusions, notifiées le 9 juin 2023, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des moyens, il demande au Tribunal de :
- admettre son recours contre la décision en date du 1er juin 2021,
- infirmer la décision en date du 1er juin 2021 du directeur des services de greffe judiciaires près le Tribunal judiciaire de Montpellier refusant l’enregistrement de sa déclaration de nationalité française,
En conséquence,
- ordonner l’enregistrement de sa déclaration de nationalité française,
- lui octroyer la nationalité française,
- ordonner, en conséquence, qu’il sera porté en marge des actes d’état civil, la mention de l’acquisition de la nationalité française, et que tout officier d’état civil qui sera requis de porter cette mention y sera tenu par l’effet du jugement à intervenir avec exécution provisoire, nonobstant et sans caution,
- condamner tout contestant aux dépens

Au soutien de ses prétentions, il indique qu’il produit la copie intégrale de son acte de naissance délivrée le 12 octobre 2022 qui comprend l’ensemble des informations requises et revêt un caractère complet et certain.
Il ajoute qu’il est bien confié depuis octobre 2017 par une autorité administrative à un dispositif de protection de l’enfance géré par le Département de [Localité 4]; qu’il a ainsi fait l’objet d’un jugement en assistance éducative du juge des enfants du Tribunal de grande instance de Montpellier en date du 17 avril 2018, aux termes duquel il a été confié à l’Aide Sociale à l’Enfance, après avoir pu bénéficier de prises en charge seulement provisoires au sein de l’Aide Sociale à l’Enfance et des associations RAIH et l’Avitarelle dès le 30 septembre 2017, à l’âge de 15 ans; que la mesure de placement a été maintenue par jugement du 2 mai 2019; qu’il a obtenu son Brevet des Collèges et a suivi sa scolarité au lycée, et est depuis septembre 2021 en formation au GRETA CFA de [Localité 7] Littoral en BACPRO dans les métiers de l’éco-construction et du bâtiment, et en contrat d’apprentissage en plomberie au sein de la société PRPC, et suivi dans le cadre d’un contrat jeune majeur; que les pièces qu’il produit établissent qu’il est bien confié à l’aide sociale à l’enfance par décision administrative ou judiciaire depuis a minima octobre 2017 jusqu’au 24 décembre 2020, veille de sa majorité, soit pendant plus de trois années.

En défense, dans ses dernières conclusions, notifiées le 12 avril 2023, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des moyens, le Procureur de la République demande au Tribunal de :
- dire que la procédure est régulière au regard des dispositions de l’article 1043 du Code de procédure civile,
- juger que Monsieur [B] [W], se disant né le 25 décembre 2002 à [Localité 2], sous-préfecture de [Localité 5] (Côte d’Ivoire), n’est pas français,
- rejeter le surplus des demandes de Monsieur [B] [W],
- ordonner la mention prévue par l'article 28 du Code civil,
- statuer ce que de droit sur les dépens.

Il expose que la copie d’acte de naissance ne mentionne ni l’heure de la naissance ni de l’heure à laquelle l’acte a été dressé, ni la signature de l’officier d’état civil; que [B] [W] verse ensuite aux débats une nouvelle copie de son acte de naissance n°242, délivrée le 12 octobre 2022 par [L] [G], sous-préfet de [Localité 5], dont les mentions sont identiques à celles de la copie déjà produite, à l’exception de l’orthographe du prénom du père ([U] au lieu de [Z]), et qui contient à présent l’indication de l’heure de la naissance et de l’heure à laquelle l’acte a été dressé, copie produite en simple scan; que l’extrait d’acte de naissance ne contient notamment aucune mention du déclarant, ni de la qualité d’officier d’état civil de celui qui a reçu cette déclaration, alors que la législation en vigueur en Côte d’Ivoire prévoit que les extraits d’actes de naissance contiennent “la copie littérale de cet acte et des mentions et transcriptions mises en marge”; que cet extrait ne peut donc faire foi au sens de l’article 47 du Code civil; qu’en tout état de cause, [B] [W] ne justifie pas avoir été confié aux services de l’aide sociale à l’enfance depuis trois années au jour de la souscription de sa déclaration de nationalité française, puisqu’il établit avoir été confié aux services de l’aide sociale à l’enfance sur décision judiciaire du 17 avril 2018 au 25 décembre 2020 mais ne produit cependant aucune autre décision, administrative ou judiciaire, par laquelle il aurait été confié à l’aide sociale à l’enfance antérieurement au 17 avril 2018 et postérieurement au 30 avril 2020; que les attestations produites concernant les périodes antérieures et postérieures aux périodes de placement ordonnées par le juge des enfants ne sauraient suffire à prouver que [B] [W] a été confié au service de l’aide sociale à l’enfance, faute d’une décision de l’autorité administrative ou judiciaire compétente.

La procédure a été clôturée à la date du 9 janvier 2024.


MOTIFS DE LA DECISION

Le récépissé prévu à l’article 1040 du Code de procédure civile a été délivré.

L’article 30 du Code civil dispose que lorsque l’individu qui revendique la nationalité française n’est pas lui même titulaire d’un certificat de nationalité française, la charge de la preuve de sa nationalité lui incombe.

En l’espèce, [B] [W] n’est pas titulaire d’un certificat de nationalité française, de sorte qu’il lui appartient de rapporter la preuve qu’il remplit les conditions pour prétendre à la nationalité française.

Aux termes de l’article 21-12-1° du Code civil, peut réclamer la nationalité française l'enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l'aide sociale à l'enfance.

Pour pouvoir bénéficier de la nationalité française sur le fondement des dispositions de l'article 21-12 du Code civil, le demandeur doit préalablement justifier d'un état civil fiable au sens de l’article 47 du Code civil selon lequel tout acte de l’état civil des français et des étrangers faits en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenues, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondant pas à la réalité.

Selon l’article 42 de la loi ivoirienne n°2018-862 du 19 novembre 2018, “l’acte de naissance énonce :
- l’année, le mois, le jour, l’heure et le lieu de naissance, le sexe de l’enfant, les prénoms et noms qui lui sont donnés,
- le numéro de référence de l’acte ;
- les prénoms, nom, date et lieu de naissance, nationalités, professions et domiciles des père et mère, et s’il y a lieu ceux du déclarant.
Si les père et mère de l’enfant ne sont pas désignés à l’officier ou à l’agent de l’état civil, il n’est fait sur le registre aucune mention à ce sujet.”
L’article 24 de la même loi précise en outre que les actes de l’état civil énoncent l’année, le mois, le jour et l’heure où ils sont reçus.

Monsieur [W] produit la copie intégrale de son acte de naissance n°242 délivrée le 12 octobre 2022 par Monsieur [L] [G] Sous-préfet de [Localité 5] en Côté d’Ivoire. Il en résulte qu’il est de sexe masculin, né le 25 décembre 2002 à 10h00 à [Localité 2], de [U] [W], né en 1959 à [Localité 5], revendeur, domicilié à [Localité 2] et de [X] [O] née le 2 juillet 1986 à [Localité 5], revendeuse domiciliée à [Localité 2]. Cet acte a été dressé le 30 décembre 2002 à 11H00 sur la déclaration du père et a été reçu par [D] [R] agent du centre secondaire d’état civil de [Localité 3], et signé par le seul officier de l’état civil, “le déclarant ne le sachant”.

Cet acte de naissance comporte donc toutes les mentions exigées par la loi ivoirienne. S’agissant d’une copie d’un acte de naissance, la signature du déclarant et de l’officier de l’état civil qui ont établi l’original n’ont pas à y figurer, et la seule signature de l’autorité qui a délivré la copie suffit.

[B] [W] justifie donc d’un état civil certain.

L’article 21-12 du Code civil dispose que peut réclamer la nationalité française l’enfant qui, pendant au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou confié au service de l’aide sociale à l’enfance.

[B] [W] a fait l’objet d’un jugement en assistance éducative du juge des enfants du Tribunal de grande instance de Montpellier en date du 17 avril 2018, le confiant à l’Aide Sociale à l’Enfance, après avoir été pris en charge par le service mineurs non accompagnés du département.

Il produit une attestation de prise en charge par accueil temporaire en date du 30 septembre 2017, émanant du Foyer départemental de l’enfance et de la famille de [Localité 7], aux termes de laquelle il est noté que [B] [W], qualifié de mineur non accompagné, s’est présenté au commissariat central sans solution d’hébergement, a été pris en charge par le service et orienté vers un hôtel, une attestation d’hébergement provisoire en date du 10 octobre 2017 émanant de l’association L’Avitarelle, aux termes de laquelle il est certifié que [B] [W] a été accueilli par cette structure du 10 octobre 2017 au 16 octobre 2017, et une attestation en date du 17 janvier 2018 émanant de l’association Réseau d’accueil et d’insertion de [Localité 4], aux termes de laquelle il est certifié que [B] [W] était à cette date accueilli par l’association.

Il verse également aux débats un jugement du juge des enfants du Tribunal de grande instance de Montpellier, en date du 17 avril 2018, aux termes duquel [B] [W] est confié aux services de l’aide sociale à l’enfance de [Localité 4] pour une durée d’un an, jusqu’au 30 avril 2019, un jugement du juge des enfants du tribunal de grande instance de Montpellier, en date du 2 mai 2019, aux termes duquel le placement de [B] [W] auprès des services de l’aide sociale à l’enfance de [Localité 4] est maintenu pour une durée d’un an, jusqu’au 30 avril 2020, une attestation en date du 4 avril 2019 émanant du président du Conseil départemental de [Localité 4], aux termes de laquelle le requérant est pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance dans le cadre du jugement ordonnant le placement pour la période du 17 avril 2018 au 29 avril 2019 et une attestation en date du 17 novembre 2020 émanant du président du Conseil départemental de [Localité 4], aux termes de laquelle le requérant est pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance dans le cadre du jugement ordonnant le placement pour la période du 17 avril 2018 au 29 avril 2019, puis du jugement ordonnant le maintien du placement pour la période du 30 avril 2019 au 29 avril 2020, puis d’un jugement ordonnant le maintien du placement pour la période du 30 avril 2020 au 24 décembre 2020.

Il résulte de l’ensemble des ces pièces que la durée de placement pendant au moins trois ans au service de l'aide sociale à l'enfance n’est pas remplie, de sorte que [B] [W] ne remplit pas les conditions prévues par l’article 21-12-1° du Code civil.

Il sera débouté de ses demandes, et son extranéité sera donc constatée.

Il y a lieu d’ordonner la mention prévue par l’article 28 du Code civil.

Succombant, [B] [W] sera condamné aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions applicables en matière d’aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :

Constate qu’il a été satisfait aux diligences prévues par l’article 1040 du Code de procédure civile ;

Déboute [B] [W] de l’intégralité de ses demandes ;

Constate l’extranéité de [B] [W], né le 25 décembre 2002 à [Localité 2], sous-préfecture de [Localité 5] (Côte d’Ivoire);

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du Code civil ;

Condamne [B] [W] aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions applicables en matière d’aide juridictionnelle.

AINSI JUGÉ, PRONONCÉ ET MIS À DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 11 AVRIL 2024.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab2
Numéro d'arrêt : 22/05187
Date de la décision : 11/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-11;22.05187 ?
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