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08/04/2024 | FRANCE | N°22/07570

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 2ème chambre cab2, 08 avril 2024, 22/07570


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°


Enrôlement : N° RG 22/07570 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2IIV

AFFAIRE : M. [L] [Z] (Me Michel LABI)
C/ S.A. ALLIANZ IARD (Me Jean-marc SOCRATE)
- CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE ( )


DÉBATS : A l'audience Publique du 11 Mars 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Elsa VALENTINI

Greffier : Madame Célia SANDJIVY, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 08

Avril 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 08 Avril 2024

PRONONC...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°

Enrôlement : N° RG 22/07570 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2IIV

AFFAIRE : M. [L] [Z] (Me Michel LABI)
C/ S.A. ALLIANZ IARD (Me Jean-marc SOCRATE)
- CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE ( )

DÉBATS : A l'audience Publique du 11 Mars 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Elsa VALENTINI

Greffier : Madame Célia SANDJIVY, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 08 Avril 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 08 Avril 2024

PRONONCE par mise à disposition le 08 Avril 2024

Par Madame Elsa VALENTINI, Juge

Assistée de Madame Célia SANDJIVY, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

réputée contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [L] [Z]
né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 8], demeurant [Adresse 5]

Immatriculé à la sécurité sociale sous le n° [Numéro identifiant 2]

représenté par Me Michel LABI, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDERESSES

ALLIANZ IARD, immatriculée au RCS de PARIS sous le n°542 110 291 dont le siège social est sis [Adresse 3] prise en sa délégation régionale située [Adresse 6], prise en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Me Jean-marc SOCRATE, avocat au barreau de MARSEILLE

CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE, dont le siège social est sis [Adresse 4] prise en la personne de son représentant légal en exercice

défaillant

***********

Le 16 juin 2017 à [Localité 8], Monsieur [L] [Z], né le [Date naissance 1] 1960, a été blessé dans un accident au cours duquel un véhicule assuré auprès de la société ALLIANZ a heurté le portail d’accès d’un terrain attenant au [Adresse 7] ce qui a provoqué son effondrement sur celui-ci.

L’assureur a versé à Monsieur [Z] une provision amiable de 5.000 euros et a mandaté le docteur [E] afin de l’examiner.
Par ordonnance en date du 7 juin 2019, le juge des référés a alloué à Monsieur [Z] une provision complémentaire de 20.000 euros.

L’expert a procédé à sa mission et a déposé son rapport le 10 janvier 2022.

Par actes des 2 et 3 août 2022 assignant la société ALLIANZ et la CPAM des Bouches du Rhône, Monsieur [Z] demande au tribunal de :
- CONDAMNER la société ALLIANZ à lui payer la somme de 215.657, 93 euros, déduction faite des provisions de 25.000 euros, selon le détail suivant :
-Assistance à expertise : 600 €
-Aide humaine : 7.740 €
-DFT : 13.630 €
-Quantum doloris : 55.000 €
-Préjudice esthétique temporaire : 15.000 €
-DFP : 95.000 €
-Préjudice d’agrément : 30.000 €
-Préjudice esthétique définitif : 6.500 €
-Dépenses de santé futures : 17.487, 93 €
- la CONDAMNER au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise
- ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

Aux termes de conclusions notifiées le 23 janvier 2023, la société ALLIANZ IARD demande au tribunal de :
- ÉVALUER équitablement le préjudice corporel de la victime en faisant droit à ses offres et en rejetant les demandes infondées
- DÉDUIRE de l’évaluation globale du préjudice les provisions, non contestées versées par ALLIANZ à hauteur de 25.000 €
- MODÉRER la somme qui pourra être allouée à Monsieur [Z] au titre des dispositions de l’article 700 du CPC
- STATUER ce qu’il appartiendra en ce qui concerne les dépens.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions quant à l’exposé détaillé des prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 6 mars 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience du 11 mars 2024 et mise en délibéré au 8 avril 2024.

La CPAM des Bouches du Rhône, régulièrement assignée, n’ayant pas constitué avocat ; le présent jugement sera réputé contradictoire à l’égard de l’ensemble des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le droit à indemnisation

Il convient de donner acte à la compagnie ALLIANZ qu’elle ne conteste pas devoir indemniser Monsieur [Z] des conséquences dommageables de l’accident du 16 juin 2017.

Sur l’évaluation du préjudice

Aux termes non contestés du rapport d’expertise amiable du docteur [E] l’accident a causé à Monsieur [Z] :
- un traumatisme oro facial
- un traumatisme rachidien
- une fracture comminutive et déplacée du tiers moyen de la clavicule droite
- une contusion du coude gauche
- une contusion de la cheville gauche et du pied ipsilatéral
- des fractures complexes de l’extrémité supérieure du tibia gauche
- une symptomatologie psychiatrique.

Les conséquences médico-légales sont les suivantes :
- DFTT du 16/06/2017 au 19/06/2017 et du 09/01/2020 au 10/01/2020
- DFT de classe 4 du 20/06/2020 au 20/09/2017, avec aide humaine de 2h/jour
- DFT de classe 3 du 21/09/2017 au 21/02/2018 et du 11/01/2020 au 11/02/2020, avec aide humaine de 1h/jour
- DFT de classe 2 du 22/02/2018 au 10/01/2020 et du 12/02/2020 au 12/06/2020
- Consolidation : 12/06/2020
- DFP : 25 %
- Souffrances endurées : 5/7
- Dommage esthétique temporaire : 3,5/7 pendant les 6 premiers mois puis 2,5/7
- Dommage esthétique permanent : 2,5/7
- Préjudice d’agrément.

Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Monsieur [Z], âgé de 57 ans lors de l’accident, sera réparé ainsi que suit.

1°) Les Préjudices Patrimoniaux

Frais d’assistance à expertise
Les frais d’assistance à expertise exposés par la victime pour se faire assister d’un médecin lors des opérations d’expertise sont nécessaires à la préservation de ses droits. En effet, le débat présentant un caractère scientifique il paraît légitime qu’elle s’entoure d’un conseil technique au même titre que la compagnie d’assurances et ce dans le respect du principe du contradictoire.

Il sera alloué pour ce poste de préjudice à Monsieur [Z] la somme de 600 euros sur laquelle s’accordent les parties.

Aide humaine temporaire
Il convient d'indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe durant sa maladie traumatique, comme l'assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l’indemnisation s'entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.

L’expert a fixé le besoin d’assistance par une tierce personne de Monsieur [Z] de la façon suivante :

- 2h/jour du 20/06/2020 au 20/09/2017
- 1h/jour du 21/09/2017 au 21/02/2018 et du 11/01/2020 au 11/02/2020.

Il convient de fixer l’indemnisation du poste de préjudice lié à la nécessité d’avoir été assisté d’une tierce personne pour les besoins de la vie courante jusqu’à la consolidation sur la base d’un taux horaire de 18€ et d’allouer, en conséquence, à ce titre à Monsieur [Z], la somme de 6.696 € décomposée comme suit :
93j x 2h x 18 € = 3.348 €
186j x 1h x 18 € = 3.348 €.

Dépenses de santé futures
Monsieur [Z] sollicite la somme de 17.487, 93 euros au titre des frais de soins dentaires restés à charge. Il verse au débat des notes d’honoraires du docteur [O].

La société ALLIANZ relève que lors des opérations d’expertise il avait été produit un devis du docteur [O] d’un montant de 9.740 euros, avec un solde à charge de 8.847, 75 euros après intervention des tiers payeurs. Elle note que le docteur [E] avait indiqué dans son rapport qu’il était nécessaire de prendre l’avis d’un spécialiste ce qui n’a pas été fait.

Il y a lieu de relever que l’expert a indiqué dans son rapport :
“Monsieur [Z] a versé au dossier lors de son actualisation trois ans après l’avis rendu par le sapiteur une liasse de justificatifs de soins complémentaires. Le Dr [S] n’exerçant plus, un avis complémentaire auprès d’un spécialiste serait de nature à préciser l’imputabilité de soins complémentaire après consolidation, d’autant que le Dr [S] avait précisé en cas d’aggravation il y aurait lieu de procéder à une réévaluation des conséquences médico-légales. Le Pr [H] [W], exerçant au CHU de [Localité 8] pourrait être sollicité”.
En l’état, l’imputabilité des soins dentaires dont il est demandé le remboursement n’est pas établi.
Par conséquent, il sera alloué à Monsieur [Z] la somme de 8.847, 75 euros offerte pas la défenderesse.

2°) Les Préjudices Extra Patrimoniaux :

Déficit fonctionnel temporaire
Ce poste de préjudice indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

L’expert retient les éléments suivants :
- DFTT du 16/06/2017 au 19/06/2017 et du 09/01/2020 au 10/01/2020
- DFT de classe 4 du 20/06/2020 au 20/09/2017
- DFT de classe 3 du 21/09/2017 au 21/02/2018 et du 11/01/2020 au 11/02/2020
- DFT de classe 2 du 22/02/2018 au 10/01/2020 et du 12/02/2020 au 12/06/2020.

Sur la base d’une indemnisation de 27 € par jour pour un déficit total, les troubles dans les conditions d'existence subis par Monsieur [Z] jusqu'à la consolidation, justifient l'octroi d'une somme de 10.023, 75 euros, calculée comme suit :
6j x 27 € = 162 €
93j x 27 € x 75 % = 1.883, 25 €
186j x 27 € x 50 % = 2.511 €
810j x 27 € x 25 % = 5.467, 50 €.

Souffrances endurées
Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.

En l'espèce, elles sont caractérisées par le traumatisme initial et les traitements subis s’agissant notamment des hospitalisations, de l’intervention chirurgicale, des contentions, des soins infirmiers, du traitement médicamenteux et de la kinésithérapie. Cotées à 5/7 par l’expert, elles seront réparées par l'allocation de la somme de 28.000 euros.

Préjudice esthétique temporaire
Côté à 3,5/7 pendant 6 mois puis à 2,5/7, il justifie l’octroi de la somme de 4.000 euros.

Déficit fonctionnel permanent
Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d'existence.

La victime souffrant d’un déficit fonctionnel permanent évalué à 25 % par l’expert compte-tenu des séquelles relevées et étant âgée de 60 ans lors de la consolidation de son état, il lui sera alloué la somme de 51.500 euros, soit 2.060 euros le point.

Préjudice esthétique permanent
Côté à 2,5/7, il justifie l’octroi de la somme de 5.000 euros.

Préjudice d'agrément
Ce préjudice vise exclusivement à réparer le préjudice spécifique “lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs”.
La jurisprudence des cours d'appel ne limite pas l’indemnisation du préjudice d’agrément à l’impossibilité de pratiquer une activité sportive ou de loisirs exercée antérieurement à l’accident.
Elle indemnise également les limitations ou les difficultés à poursuivre ces activités.

Monsieur [Z] indique qu’il pratiquait régulièrement le vélo, le football et la natation ce qu’il ne peut plus faire en raison des séquelles de l’accident. Il sollicite à ce titre la somme de 30.000 euros. Il verse au soutien de sa demande six attestations de proches.

La société ALLIANZ offre la somme de 3.000 euros.

L’expert a retenu une contre-indication médicale à la pratique sportive. Les attestations produites établissent une pratique du vélo, de la randonnée et du footing néanmoins elles ne permettent pas de déterminer la fréquence et l’importance de ces pratiques.
Au regard de ces éléments et de l’âge de Monsieur [Z] au moment de la consolidation, il lui sera alloué à la somme de 10.000 euros en indemnisation de ce préjudice.

Sur les demandes accessoires

La société ALLIANZ, qui succombe en la présente instance, sera condamnée aux dépens.
Contrairement à ce qui est demandé par Monsieur [Z], il n’y a pas lieu de dire que les dépens comprennent les frais d’expertise judiciaire puisqu’il n’y en a pas eu, la seule expertise produite au débat étant amiable et donc prise en charge directement par l’assureur.

En outre, la société ALLIANZ devra supporter les frais irrépétibles engagés par Monsieur [Z] dans la présente instance et que l'équité commande de réparer à raison de la somme de 1.500 euros.

Il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

CONDAMNE la société ALLIANZ IARD à payer à Monsieur [L] [Z] les sommes suivantes, en deniers ou quittances, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, en réparation des préjudices suivants :

- 600 euros au titre des frais d’assistance à expertise
- 6.696 euros au titre de l’aide humaine temporaire
- 8.847, 75 euros au titre des dépenses de santé futures
- 10.023, 75 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire
- 28.000 euros au titre des souffrances endurées
- 4.000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire
- 51.500 euros au titre du déficit fonctionnel permanent
- 5.000 euros au titre du préjudice esthétique permanent
- 10.000 euros au titre du préjudice d’agrément

DIT que les provisions déjà versées d’un montant de 25.000 euros viendront en déduction des sommes ainsi allouées ;

DIT le présent jugement commun à la CPAM des Bouches du Rhône ;

CONDAMNE la société ALLIANZ IARD aux dépens et à payer à Monsieur [L] [Z] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire ;

AINSI JUGE ET PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA DEUXIEME CHAMBRE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE
08 AVRIL 2024

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 2ème chambre cab2
Numéro d'arrêt : 22/07570
Date de la décision : 08/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-08;22.07570 ?
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