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08/04/2024 | FRANCE | N°22/05027

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 2ème chambre cab2, 08 avril 2024, 22/05027


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°


Enrôlement : N° RG 22/05027 - N° Portalis DBW3-W-B7G-Z6ZT

AFFAIRE : M. [I] [S] (Me Alban BORGEL)
C/ M. [A] [N] (Me Bernard MAGNALDI)
- ALLIANZ IARD(Me Bernard MAGNALDI)
- CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE ( )
- CAISSE COMMUNE DE SECURITE SOCIALE DES HAUTES ALPES(Me Régis CONSTANS )


DÉBATS : A l'audience Publique du 11 Mars 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Elsa VALENTINI

Greffier : Madame

Célia SANDJIVY, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 08 Avril 2024

Les parties ont été avis...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°

Enrôlement : N° RG 22/05027 - N° Portalis DBW3-W-B7G-Z6ZT

AFFAIRE : M. [I] [S] (Me Alban BORGEL)
C/ M. [A] [N] (Me Bernard MAGNALDI)
- ALLIANZ IARD(Me Bernard MAGNALDI)
- CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE ( )
- CAISSE COMMUNE DE SECURITE SOCIALE DES HAUTES ALPES(Me Régis CONSTANS )

DÉBATS : A l'audience Publique du 11 Mars 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Elsa VALENTINI

Greffier : Madame Célia SANDJIVY, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 08 Avril 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 08 Avril 2024

PRONONCE par mise à disposition le 08 Avril 2024

Par Madame Elsa VALENTINI, Juge

Assistée de Madame Célia SANDJIVY, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

réputée contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [I] [S]
né le [Date naissance 4] 1973 à [Localité 9], demeurant [Adresse 8]

Immatriculé à la sécurité sociale sous le n° [Numéro identifiant 1]
représenté par Maître Alban BORGEL de la SELARL SELARL CABINET BORGEL & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDEURS

Monsieur [A] [N], demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Bernard MAGNALDI, avocat au barreau de MARSEILLE

ALLIANZ IARD, immatriculée au RCS de PARIS sous le n°542 110 291 dont le siège social est sis [Adresse 2] prise en sa délégation régionale située [Adresse 7], prise en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Me Bernard MAGNALDI, avocat au barreau de MARSEILLE

CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE, dont le siège social est sis [Adresse 5] prise en la personne de son représentant légal en exercice

défaillant

CAISSE COMMUNE DE SECURITE SOCIALE DES HAUTES ALPES , dont le siège social est sis [Adresse 3] prise en la personne de son représentant légal en exercice

Intervenante volontaire

représentée par Maître Régis CONSTANS de la SCP VINSONNEAU PALIES-NOY-GAUER & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

**************

Par actes des 2 et 31 mai et 3 juin 2022, Monsieur [I] [S], né le [Date naissance 4] 1973, a assigné devant le tribunal de céans Monsieur [A] [N], la société ALLIANZ et la CPAM des Bouches du Rhône sur le fondement de l’article 1240 du code civil.

Monsieur [S] expose que le 25 mars 2019, il a été victime d’un accident lors d’un match de football à 7 organisé sous l’égide de la Fédération Sportive et Gymnique du Travail 13 (FSGT 13) au cours duquel, alors qu’il s’était saisi du ballon, Monsieur [N], arrivant en retard, a essayé de récupérer le ballon en effectuant un tacle avec le pied en avant.

Par ordonnance en date du 30 novembre 2020, le juge des référés a ordonné une expertise médicale, a désigné le docteur [R] afin de la réaliser et a alloué à Monsieur [S] une provision de 2.600 euros.

L’expert a procédé à sa mission et a déposé son rapport le 23 octobre 2021.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 17 novembre 2022, Monsieur [S] demande au tribunal de :
- CONDAMNER solidairement Monsieur [A] [N] et son assureur, la Compagnie d’assurances ALLIANZ à lui payer la somme de 87.647,40 € en réparation du préjudice qu’il a subi dans les suites de l’accident survenu le 25 mars 2019 et ce en sus de la créance de l’organisme social et de la provision déjà versée
- CONDAMNER solidairement Monsieur [A] [N] et son assureur, la Compagnie d’assurances ALLIANZ à lui payer la somme de 3.000,00 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile
- ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir
- CONDAMNER solidairement Monsieur [A] [N] et son assureur, la Compagnie d’assurances ALLIANZ aux entiers dépens distraits au profit de Maître Alban BORGEL de la SELARL BORGEL & ASSOCIES, Avocat au Barreau de Marseille, et ce en application de l’article 699 du Code de procédure civile.

Par conclusions d’intervention volontaire notifiées le 16 juin 2022, la CAISSE COMMUNE DE SECURITE SOCIALE DES HAUTES ALPES sollicite du tribunal qu’il :
- lui DONNE ACTE de son intervention volontaire en lieu et place de la CPAM des Bouches du Rhône
- FIXE à la somme de 12.326, 18 € le montant des débours exposés par elle, en relation directe avec l’accident dont M. [S] a été victime
- CONDAMNE in solidum M. [N] et son assureur ALLIANZ au paiement de ladite somme, en deniers ou quittances, avec intérêt au taux légal à compter du premier dépôt de ses conclusions
- CONDAMNE in solidum M. [N] et son assureur ALLIANZ et tout succombant au paiement d’une indemnité de 800 € par application des dispositions de l’article 700 du CPC et au paiement de l’indemnité forfaitaire de gestion prévue par l’article L376-1 du code de la sécurité sociale d’un montant de 1.114 €
- CONDAMNE in solidum M. [N] et son assureur ALLIANZ aux entiers dépens.

Dans leurs conclusions notifiées le 19 septembre 2022, Monsieur [N] et la société ALLIANZ demandent au tribunal de :
A titre principal
- REJETER l’ensemble des demandes de Monsieur [S]
Subsidiairement
- LIQUIDER le préjudice de Monsieur [S] de la façon suivante :
-DSA : sans objet
-PGPA : à l’appréciation du tribunal
-Frais d’annulation de voyage : accord
-Aide humaine : 952 €
-DFTT : 23 €
-DFT à 33 % : 971, 52 €
-DFT à 20 % : 178, 25 €
-DFT à 10 % : 230 €
-PD : 4.500 €
-PET : 1.000 €
-DFP : 9.200 €
-PA : 1.500 €
-PEP : 1.000 €
-Article 700 : rejet
- CONDAMNER tout contestant aux entiers dépens.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions quant à l’exposé détaillé des prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 6 mars 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience du 11 mars 2024 et mise en délibéré au 8 avril 2024.

La CPAM des Bouches du Rhône, régulièrement assignée, n’ayant pas constitué avocat ; le présent jugement sera réputé contradictoire à l’égard de l’ensemble des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’intervention volontaire de la CAISSE COMMUNE DE SECURITE SOCIALE DES HAUTES ALPES

Il convient de recevoir l’intervention volontaire de la CAISSE COMMUNE DE SECURITE SOCIALE DES HAUTES ALPES en sa qualité d’organisme de sécurité sociale de Monsieur [S].

Sur la responsabilité

Les articles 1240 et 1241 du code civil disposent que :
“Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer”.
“Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence”.
En application de ces articles, pour engager la responsabilité du sportif il est nécessaire de démontrer la violation des règles du sport concerné.

En l’espèce, Monsieur [S] soutient qu’il s’était saisi du ballon lorsque Monsieur [N], arrivant en retard et tentant de récupérer le ballon, a effectué un tacle le pied en avant. Il précise que le tacle se définit comme une manoeuvre utilisée pour déposséder le joueur adverse du ballon à l’aide d’un coup de pied. Il affirme que le tacle est prohibé par les règles du football à 7 édictées par la FSGT 13 sauf lorsque le joueur qui entreprend cet acte de jeu est seul, sans autre joueur à proximité, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Monsieur [S] considère également que Monsieur [N] a commis une faute grossière au sens de la circulation 12.05 de juillet 2011 de la Fédération française de football qui la définit comme le fait d’agir “avec excès d’engagement ou brutalité envers un adversaire lorsqu’ils se disputent le ballon quand il est en jeu”.
Il verse notamment au débat :
- sa déclaration d’accident aux termes de laquelle il indique :
“Etant licencié dans une équipe de football AP13, le lundi 25 mars 2019, lors d’un match de championnat FSGT BPA 7 programmé à 20H à [Localité 11], j’ai été victime d’un choc violent au niveau de la cheville et ceci a entrainé une fracture de la malléole et arrachement des ligaments entrainant une opération le 14 juin 2019.
En effet, en essayant de récupérer le ballon, un adversaire, Monsieur [N] [A] m’a donné un coup violent au niveau du tibia et suite à ce coup, j’ai eu les dommages cités ci-dessus...”
- sa licence
- la feuille de match
- une attestation de Monsieur [J] [Y], en date du 4 juillet 2019, selon laquelle :
“...Monsieur [S][I] et Monsieur [N] [A] sont au duel pour récupérer un ballon.
Monsieur [N] [A] arrive en retard et met le pied au niveau de Monsieur [S]...”.
- une attestation de Monsieur [L] [U], en date du 15 juillet 2019, mentionnant :
“ Monsieur [S] [I] et Monsieur [N] [A] sont au duel pour récupérer un ballon.
Monsieur [S] se saisit du ballon le premier et ensuite Monsieur [N] arrive en retard et percute Monsieur [S] avec la jambe en avant sur le tibia de Monsieur [S].”
- le compte-rendu de sortie de secours
- les règles BPA 7 FSGT
- la circulaire 12.05 de la Fédération Française de Football.
En réponse aux arguments des défendeurs, Monsieur [S] considère que les témoins mentionnent bien un tacle puisqu’ils décrivent une arrivée en retard le pied en avant. Sur le fait que Monsieur [N] n’ait pas été sanctionné, il fait valoir que les joueurs s’autoarbitrent et qu’aucune personne jouant le rôle d’arbitre n’était présent.
S’agissant de la feuille de match produite par les défendeurs mentionnant :
“Pour l'équipe de [Localité 11] : RAS suite à la blessure d'un joueur de AP 13, le jeu a repris dans un esprit correct et le match s'est terminé normalement.
Pour l'équipe AP 13 : le joueur [S] [I] s'est blessé lors d'un contact avec un joueur adverse.
Par prudence il a été pris en charge par les pompiers”.
Monsieur [S] affirme qu’elle a été établie pour les besoins de la cause ; qu’elle ne comporte pas l’identité des signataires. Il verse au débat une attestation de Monsieur [F], président de l’AP 13, indiquant que cette feuille de match n’est pas de son fait alors qu’il est à l’origine de la feuille de match numérique relative aux incidents du 25 mars 2019. Monsieur [S] soutient que son équipe avait refusé de signer la feuille du match en raison du désaccord sur le déroulement des faits.
Monsieur [S] estime que les témoignages communiqués par les défendeurs doivent être appréciés avec circonspection car ils n’ont pas été produits lors de la phase amiable ou lors de la procédure en référé et ne sont pas conformes au dispositions de l’article 202 du code de procédure civile.

Monsieur [N] et son assureur considèrent que ni la feuille de match, ni la déclaration d’accident de Monsieur [S] et les témoignages qu’il produit ne font mention expresse d’un tacle ou d’une action dangereuse. Ils soulignent qu’aucune sanction disciplinaire n’a été prise à l’encontre de Monsieur [N] puisqu’aucun rapport d’arbitrage négatif n’a été établi. Ils estiment que le juge des référés a commis une erreur d’appréciation en basant sa décision sur les seules déclarations des joueurs de l’équipe de Monsieur [S] et rappellent que cette décision n’a pas autorité de la chose jugée.
Les défendeurs soutiennent que l’accident relève d’un fait de jeu non fautif qui n’est pas susceptible d’engager la responsabilité de Monsieur [N].
Ils versent au débat :
- la feuille de match (précédemment citée)
- un témoignage de Monsieur [D] [P] en date du 16 juin 2022 indiquant : “... Sur l’action M. [N] [A] contrôle le ballon et en voulant mettre le pied sur le ballon son pied glisse sur le haut du ballon. M. [N] glisse sur le ballon et son pied vient heurter le pied de la victime juste en face. En aucun cas un geste dangereux juste un accident comme il en arrive sur un terrain de foot...”
- un courriel de Monsieur [Z] [V], adressé à Monsieur [N], en date du 16 juin 2022 mentionnant : “Vous même (M. [N]) et le joueur d’AP13 vous vous êtes retrouvés face à face pour conquérir le ballon. Vous étiez tous les deux debout. Il n’y a pas eu de tacle. Vous avez tous les deux mis le pied sur le ballon. Votre pied a glissé sur le ballon et a tapé la jambe du joueur d’AP13 qui s’est retrouvé au sol. Je n’ai pas constaté de votre part d’intentionnalité de blesser l’adversaire....”

- un courriel de Monsieur [O] [W], adressé à Monsieur [N], en date du 16 juin 2022 mentionnant : “Lors d’une action tout à fait anodine, comme il y a beaucoup lors des matchs de football, M. [N] est allé au contact face à face avec un adversaire. Lorsqu’il a mis le pied sur le ballon, son pied a glissé sur le haut du ballon et a percuté la jambe de l’adversaire...”.

Il est constant que le 25 mars 2019 Messieurs [N] et [S] participaient à un match de football à 7 organisé par le FSGT 13. Les règles de ce sport, produites au débat, prohibent tout tacle même régulier sauf en l’absence de joueur à proximité.
Monsieur [S] soutient avoir été blessé suite à un tacle de Monsieur [N]. Contrairement à ce qu’affirment les défendeurs, les deux attestations de joueur produites par Monsieur [S] corroborent cette version puisqu’elles mentionnent une action tendant à récupérer le ballon dans les jambes de l’autre joueur en mettant le pied en avant ce qui correspond exactement à la définition du tacle.
L’absence de mention d’un tacle dans le compte-rendu de sortie secours et dans la feuille de match est indifférent puisque ces deux pièces ne relatent pas avec précision le déroulé des faits et n’ont pas vocation à le faire.
S’agissant des trois témoignages produits en défense pour contester l’existence d’un tacle, il sera relevé qu’il ne s’agit pas d’attestations au sens de l’article 202 du code de procédure civile. En effet, ils ne comportent pas les mentions nécessaires, deux d’entre eux sont des courriels qui, par définition, ne sont pas manuscrits et ne font aucune référence à la production de ces témoignages en justice et aux sanctions en cas de faux témoignage. Au surplus, ces pièces ont été établies plus de 3 ans après les faits. Par conséquent, ils sont dépourvus de force probante.
Ainsi, il sera retenu que Monsieur [N] a commis une faute en effectuant un tacle en contravention avec les règles du football à 7 et que cette faute est à l’origine des blessures de Monsieur [S]. Sa responsabilité est donc engagée.
La société ALLIANZ ne contestant pas sa garantie, elle sera condamnée in solidum avec Monsieur [N] à indemniser Monsieur [S] de l’intégralité de son préjudice.

Sur l’évaluation du préjudice

Aux termes du rapport d’expertise d’expertise du docteur [R] l’accident a causé à Monsieur [S] une fracture de la pointe de la malléole interne et un petit arrachement osseux et ligamentaire au niveau de la malléole externe.

Les conséquences médico-légales sont les suivantes :
- PGPA du 26/03/2019 au 13/10/2019
- DFTT le 14/06/2019
- DFT à 33 % du 25/03/2019 au 13/06/2019, du 15/06/2019 au 31/07/2019
- DFT à 20 % du 01/08/2019 au 31/08/2019
- DFT à 10 % du 01/09/2019 au 09/12/2019
- Consolidation : 09/12/2019
- AIPP : 7 %
- Aide humaine : 4h/semaine durant les périodes de DFT à 33 %
- Souffrances endurées : 3/7
- Préjudice esthétique temporaire : 2,5/7 durant les périodes de DFT à 33 %
- Préjudice esthétique permanent : 1/7
- Préjudice d’agrément.

Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Monsieur [S], âgé de 45 ans lors de l’accident, sera réparé ainsi que suit.

1°) Les Préjudices Patrimoniaux

Dépenses de santé actuellesIl ressort de la créance définitive de la CPAM des Hautes Alpes que celle-ci a pris en charge les dépenses de santé et assimilées à hauteur de 3.994, 05 euros.

Monsieur [S] ne fait état d’aucun reste à charge et ne formule aucune demande pour ce poste de préjudice.

Frais d’assistance à expertise
Les frais d’assistance à expertise exposés par la victime pour se faire assister d’un médecin lors des opérations d’expertise sont nécessaires à la préservation de ses droits. En effet, le débat présentant un caractère scientifique il paraît légitime qu’elle s’entoure d’un conseil technique au même titre que la compagnie d’assurances et ce dans le respect du principe du contradictoire.

Vu les notes d’honoraires du docteur [C] versées au débat, il sera alloué à Monsieur [S] la somme de 890 euros pour ce poste de préjudice.

Perte de gains professionnels actuels
Il s'agit de compenser les répercussions de l'invalidité sur la sphère professionnelle de la victime jusqu'à la consolidation de son état de santé. L'évaluation de ces pertes de gains doit être effectuée in concreto au regard de la preuve d'une perte de revenus établie par la victime jusqu'au jour de sa consolidation, à savoir jusqu'au 09/12/2019.

L’expert retient un arrêt de travail en lien avec l’accident sur la période du 26/03/2019 au 13/10/2019.

Monsieur [S] revendique un revenu mensuel de référence de 2.189, 10 euros avant l’accident. Il estime ainsi que durant l’arrêt de travail il aurait dû gagner 21.891 euros. En déduisant les indemnités journalières versées par la CPAM à hauteur de 8.332, 13 euros et les sommes versées par l’employeur à hauteur de 9.059, 87 euros, il demande la somme de 4.499 euros.

Les défendeurs s’en rapportent pour ce poste de préjudice.

Vu les pièces justificatives produites au débat, il sera fait droit à la demande.

Frais divers
Monsieur [S] sollicite la somme de 156, 80 euros correspondant au manque à gagner suite à l’annulation de son voyage à [Localité 10] prévu pour le 8 avril 2019.

Les défendeurs acquiescent à cette demande.

Il sera alloué à Monsieur [S] la somme de 156, 80 euros au titre des frais divers.

Tierce personne temporaire
Il convient d'indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe durant sa maladie traumatique, comme l'assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l’indemnisation s'entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.

L’expert a fixé le besoin d’assistance par une tierce personne de Monsieur [S] à 4 heures par semaine du 25/03/2019 au 13/06/2019 et du 15/06/2019 au 31/07/2019.

Il convient de fixer l’indemnisation du poste de préjudice lié à la nécessité d’avoir été assisté d’une tierce personne pour les besoins de la vie courante jusqu’à la consolidation sur la base d’un taux horaire de 18€ et d’allouer, en conséquence, à ce titre à Monsieur [S], la somme de 1.224 € (17sem x 4h x 18 €).

Incidence professionnelle
Ce poste d'indemnisation a pour objet d'indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a du choisir en raison de la survenance de son handicap.
Ce poste indemnise également la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, c'est-à-dire le déficit de revenus futurs, estimé imputable à l'accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension auquel pourra prétendre la victime au moment de sa prise de retraite.

Monsieur [S] expose qu’au moment de l’accident il exerçait la profession de technicien de maintenance pour la société FICHET BAUCHE ce qui correspond à sa formation et son expérience orientées vers les métiers de la serrurerie spécialisée ; qu’il a été licencié le 30 juin 2021 en raison d’un plan social ; que ne retrouvant pas un emploi équivalent, il a été contraint d’accepter un emploi alimentaire d’agent d’entretien et de maintenance le 13 septembre 2021 dans le cadre d’un CDD.
Monsieur [S] fait valoir, d’une part, que les séquelles de l’accident lui causent une dévalorisation sur le marché du travail. Il considère qu’un employeur sera nécessairement réticent à embaucher une personne amoindrie et qu’il ne pourra que répondre à des offres d’emploi correspondant à ses capacités physiques résiduelles.
D’autre part, Monsieur [S] se prévaut d’une pénibilité accrue à l’exercice d’une profession équivalente qui implique des montées et descentes d’escalier, du port de matériels et poids lourds, du piétinement et des accroupissements. Il fait valoir que même s’il ne parvenait pas à retrouver un emploi dans la serrurerie, il exercera nécessairement, au regard de son cursus, des métiers physiques.
En réponse aux arguments des défendeurs, Monsieur [S] relève que l’expert n’a pas répondu à ses observations et qu’en tout état de cause le juge n’est pas lié par les conclusions de celui-ci. Il souligne que le préjudice dont il demande la réparation n’est pas lié à la perte de son emploi.
Monsieur [S] demande la somme de 50.000 euros au titre de l’incidence professionnelle.

Les défendeurs s’opposent à cette demande. Ils font valoir que le licenciement de Monsieur [S] n’est pas imputable à l’accident et que celui-ci a pu reprendre son activité antérieure jusqu’au 30 juin 2021. Ils relèvent que l’expert n’a pas retenu ce poste de préjudice et qu’aucun avis de la médecine du travail n’est produit au débat. Ils soulignent que Monsieur [S] conserve 93 % de ses facultés de sorte qu’il est en capacité de remplir sans aucune difficulté l’ensemble de ses obligation auprès de son nouvel employeur.

Si l’expert n’a pas retenu d’incidence professionnelle, il a évalué le déficit fonctionnel permanent à 7 % en raison d’une limitation fonctionnelle et douloureuse modérée de la cheville droite.
Il est constant qu’au moment de l’accident Monsieur [S] était technicien de maintenance dans le domaine de la serrurerie au sein de la société FICHET BAUCHE ; qu’il a perdu cet emploi pour des raisons indépendantes de l’accident ; qu’il occupe désormais un emploi d’agent d’entretien en CDD auprès de la CARPA.
Ainsi, il convient de retenir que Monsieur [S] exerce un emploi physique qui implique une sollicitation régulière des membres inférieurs. Dès lors, les séquelles de l’accident lui causent une pénibilité accrue.
En revanche, aucun élément ne permet de retenir une dévalorisation sur le marche de l’emploi. Monsieur [S] a retrouvé un emploi rapidement, sans restriction de la médecine du travail.
Au regard de ces éléments et de l’âge de Monsieur [S] au moment de la consolidation, il convient de lui allouer la somme de 16.000 euros au titre de l’incidence professionnelle.

2°) Les Préjudices Extra Patrimoniaux :

Déficit fonctionnel temporaire
Ce poste de préjudice indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

L’expert retient les éléments suivants :
- DFTT le 14/06/2019
- DFT à 33 % du 25/03/2019 au 13/06/2019, du 15/06/2019 au 31/07/2019
- DFT à 20 % du 01/08/2019 au 31/08/2019
- DFT à 10 % du 01/09/2019 au 09/12/2019.

Sur la base d’une indemnisation de 27 € par jour pour un déficit total, les troubles dans les conditions d'existence subis par Monsieur [S] jusqu'à la consolidation, justifient l'octroi d'une somme de 1.604, 88 euros, calculée comme suit :
1j x 27 € = 27 €
128j x 27 € x 33 % = 1.140, 48 €
31j x 27 € x 20 % = 167, 40 €
100j x 27 € x 10 % = 270 €.

Souffrances endurées
Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.

En l'espèce, elles sont caractérisées par le traumatisme initial et les traitements subis s’agissant notamment de l’hospitalisation, de l’intervention chirurgicale, de la marche avec cannes, des soins infirmiers, du traitement médicamenteux et de la rééducation. Cotées à 3/7 par l’expert, elles seront réparées par l'allocation de la somme de 7.000 euros.

Préjudice esthétique temporaire
Côté à 2,5/7 durant les périodes de DFT à 33 % en raison notamment de la botte de marche, de la déambulation avec cannes et des pansements, il justifie l’octroi de la somme de 1.800 euros.

Déficit fonctionnel permanent
Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d'existence.

La victime souffrant d’un déficit fonctionnel permanent évalué à 7 % par l’expert compte-tenu des séquelles relevées et étant âgée de 46 ans lors de la consolidation de son état, il lui sera alloué la somme de 12.600 euros, soit 1.800 euros le point.

Préjudice esthétique permanent
Côté à 1/7 en raison des cicatrices, il justifie l’octroi de la somme de 2.000 euros.

Préjudice d'agrément
Ce préjudice vise exclusivement à réparer le préjudice spécifique “lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs”.
La jurisprudence des cours d'appel ne limite pas l’indemnisation du préjudice d’agrément à l’impossibilité de pratiquer une activité sportive ou de loisirs exercée antérieurement à l’accident.
Elle indemnise également les limitations ou les difficultés à poursuivre ces activités.

L’expert a retenu une gêne sans impossibilité à la pratique du football ou de toute activité utilisant les membres inférieurs.

Monsieur [S] sollicite la somme de 5.000 euros au titre de la gêne à la pratique du football. Au soutien de sa demande, il verse au débat une attestation de sa compagne.

Les défendeurs offrent la somme de 1.500 euros faisant valoir qu’en tout état de cause avec l’âge la pratique du football aurait été totalement éliminée.

Il sera observé que l’attestation produite ne mentionne pas le football mais seulement la course à pied.
On peut néanmoins admettre la pratique antérieure au regard des circonstances de l’accident et de la licence versée au débat. En revanche, aucun élément ne permet de caractériser la fréquence et l’importance de cette activité.
Au regard de ces éléments, il sera alloué à Monsieur [S] la somme de 4.000 euros au titre du préjudice d’agrément.

Sur la demande de l’organisme social

Il convient de faire droit à la demande présentée par la CAISSE COMMUNE DE SECURITE SOCIALE DES HAUTES ALPES en remboursement de ses débours et de lui allouer à ce titre la somme de 12.326, 18 euros.

Il convient de rappeler que les intérêts sur les créances des organismes sociaux courent à compter du jugement car le montant de la créance est subordonné au lien à établir entre les prestations servies et le
dommage subi par la victime.

Il sera fait droit à la demande portant sur l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L 376-1 du code de la sécurité sociale.

Sur les demandes accessoires

Monsieur [N] et son assureur, qui succombent en la présente instance, seront condamnés in solidum aux dépens.

Maître Alban BORGEL de la SELARL BORGEL & ASSOCIES sera autorisé à recouvrer sur les parties condamnées aux dépens ceux dont il aurait fait l’avance sans en avoir reçu provision.

En outre, les succombants devront supporter les frais irrépétibles engagés dans la présente instance et que l'équité commande de réparer à raison de la somme de 2.000 euros pour Monsieur [S] et 800 euros pour la caisse de sécurité sociale.

Il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

REÇOIT la CAISSE COMMUNE DE SECURITE SOCIALE DES HAUTES ALPES en son intervention volontaire ;

CONDAMNE in solidum la société ALLIANZ IARD et Monsieur [A] [N] à payer à Monsieur [I] [S] les sommes suivantes, en deniers ou quittances, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, en réparation des préjudices suivants :

- 890 euros au titre des frais d’assistance à expertise
- 4.499 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels
- 156, 80 euros au titre des frais divers
- 1.224 euros au titre de la tierce personne temporaire
- 16.000 euros au titre de l’incidence professionnelle
- 1.604, 88 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire
- 7.000 euros au titre des souffrances endurées
- 1.800 euros au titre du préjudice esthétique temporaire
- 12.600 euros au titre du déficit fonctionnel permanent
- 2.000 euros au titre du préjudice esthétique permanent
- 4.000 euros au titre du préjudice d’agrément

DIT que la provision déjà versée de 2.600 euros viendra en déduction des sommes ainsi allouées ;

CONDAMNE in solidum la société ALLIANZ IARD et Monsieur [A] [N] à payer à la CAISSE COMMUNE DE SECURITE SOCIALE DES HAUTES ALPES la somme de 12.326, 18 euros en remboursement de ses débours, cette somme avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

CONDAMNE in solidum la société ALLIANZ IARD et Monsieur [A] [N] à payer à la CAISSE COMMUNE DE SECURITE SOCIALE DES HAUTES ALPES la somme de 1.114 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion ;

CONDAMNE in solidum la société ALLIANZ IARD et Monsieur [A] [N] à payer à Monsieur [I] [S] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum la société ALLIANZ IARD et Monsieur [A] [N] à payer à la CAISSE COMMUNE DE SECURITE SOCIALE DES HAUTES ALPES la somme de
800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire ;

CONDAMNE in solidum la société ALLIANZ IARD et Monsieur [A] [N] aux dépens ;

AUTORISE Maître Alban BORGEL de la SELARL BORGEL & ASSOCIES à recouvrer sur les parties condamnées aux dépens ceux dont il aurait fait l’avance sans en avoir reçu provision.

AINSI JUGE ET PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA DEUXIEME CHAMBRE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 08 AVRIL 2024

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 2ème chambre cab2
Numéro d'arrêt : 22/05027
Date de la décision : 08/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-08;22.05027 ?
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