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04/04/2024 | FRANCE | N°23/09838

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab2, 04 avril 2024, 23/09838


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°24/ DU 04 Avril 2024


Enrôlement : N° RG 23/09838 - N° Portalis DBW3-W-B7H-3Y7E

AFFAIRE : Mme [E] [M] veuve [W]( Me Antoine MAURY)
C/ M. [J] [O] (la SCP CABINET ROSENFELD & ASSOCIES) - CPAM DU [Localité 8]


DÉBATS : A l'audience Publique du 01 Février 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente (juge rapporteur)
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente<

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Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été a...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/ DU 04 Avril 2024

Enrôlement : N° RG 23/09838 - N° Portalis DBW3-W-B7H-3Y7E

AFFAIRE : Mme [E] [M] veuve [W]( Me Antoine MAURY)
C/ M. [J] [O] (la SCP CABINET ROSENFELD & ASSOCIES) - CPAM DU [Localité 8]

DÉBATS : A l'audience Publique du 01 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente (juge rapporteur)
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 04 Avril 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BERARD Béatrice, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

réputée contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

Madame [E] [M] veuve [W]
née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 6]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Antoine MAURY, avocat au barreau de MARSEILLE,

C O N T R E

DEFENDEURS

Monsieur [J] [O], demeurant [Adresse 5]

représenté par Maître Diane DELCOURT de la SCP CABINET ROSENFELD & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE,

Organisme CPAM DE [Localité 8], dont le siège social est sis [Adresse 3]

défaillant

EXPOSE DU LITIGE

Le 28 avril 2020, [E] [M] veuve [W] a bénéficié d’une valvuloplastie aortique réalisée par le Docteur [J] [O] à l’hôpital [4].L’intervention s’est compliquée d’une plaie aortique sur bris de cathéter, entraînant une tamponnade justifiant une réanimation. Des ponctions transcutanées intra péricardiques ont été réalisées pour diminuer la pression, mais l’apparition d’un thrombus a conduit le chirurgien à la réalisation d’une sternotomie en urgence.
Madame [W] a été maintenue en coma jusqu’au 1er mai puis a rejoint le 7 mai un centre de rééducation où elle est restée jusqu’au 28 mai.
Le 21 janvier 2021, elle a bénéficié à l’hôpital de [7] d’une valvuloplastie mitrale sous anesthésie loco-régionale réalisée par le Docteur [Y] [F].

[E] [W] a saisi le juge des référés qui, par ordonnance en date du 27 avril 2022, a ordonné une expertise au contradictoire du Docteur [J] [O], de l’ONIAM et de la CPAM du [Localité 8], en confiant cette mesure d’instruction au Docteur [D] [V], remplacé par la suite par le Docteur [A] [R].

Le rapport a été déposé le 25 novembre 2022, concluant à la survenue d’une complication per-opératoire qualifiée d’accident médical sans faute et d’aléa thérapeutique.

Par acte en date des 15 et 26 septembre 2023 auquel il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé des moyens,, [E] [M] veuve [W] a fait assigner le Docteur [O] et la CPAM du [Localité 8] afin d’obtenir l’indemnisation de ses préjudices.

Elle demande au Tribunal de dire que le Docteur [J] [O] a commis une faute dans la réalisation de son geste en lésant un organe non concerné l’aorte, et de le condamner en conséquence au règlement d’une indemnité de 48.397,60 € en réparation des préjudices imputables à cette faute, outre une indemnité de 2.500 € au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’à supporter les entiers dépens de la procédure, en ce compris ceux de référé et les frais d’expertise, avec distraction au profit de son Conseil.

Elle soutient que le rapport d’expertise est critiquable mais constitue un éclairage technique suffisant pour permettre au Tribunal de statuer sur l’engagement de la responsabilité fautive du chirurgien.
Elle affirme que s’il ne peut être discuté que le Docteur [J] [O] s’est entouré de toutes les précautions que commandait la réalisation de son geste, et a réagi de manière adéquate à la constatation de la complication, il est néanmoins seul à l’origine de cette dernière, par imprécision, l’expert précisant que ce n’est pas la qualité sub-optimale des images qui est responsable de l’effraction de l’aorte mais bien le geste de ponction du Dr [O] lui-même.
Elle soutient que la lésion per-opératoire de l’aorte ascendante, non visée par l’acte et ne se situant pas dans une position ectopique rendant son atteinte inéluctable, répond d’une imperfection du geste par imprécision puisque justement il s’agit d’une complication connue et redoutée de l’opérateur; qu’elle doit être juridiquement qualifiée de faute de nature à engager la responsabilité civile professionnelle du médecin et il lui appartient de supporter l’indemnisation du dommage induit par la lésion aortique per-opératoire.
Elle indique que la reprise par le Docteur [Y] [F] étant une conséquence de la lésion per-opératoire, il y a lieu de fixer la consolidation à un mois de la réalisation de ce geste, soit le 21 février 2021, d’évaluer le déficit fonctionnel permanent total à 6 %, les souffrances endurées à 4,5/7 et le préjudice d’établissement à 5.000 €.

En défense, dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 21 novembre 2023 auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé des moyens, le Docteur [O] demande au Tribunal de :
- débouter Madame [W] de sa demande visant à voir dire et juger qu’il a commis une faute dans la réalisation de son geste ;
- dire et juger qu’il n’a pas engagé sa responsabilité civile professionnelle ;
- débouter Madame [W] de l’ensemble de ses demandes indemnitaires ;
- débouter Madame [W] de ses demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens ;
- condamner Madame [W] à lui verser la somme de 3.000 €, en compensation des frais irrépétibles exposés pour sa défense, ainsi qu’aux entiers dépens, distraits au profit de Maître [H] [T], de la SCP CABINET ROSENFELD & ASSOCIES, sur son affirmation de droit.

Il indique que l’expert a exclu toute maladresse et qu’il ne peut lui être reproché d’avoir choisi de réaliser son geste dans des conditions de sécurité optimales (réalisation d’une échocardiographie trans-oesophagienne (ETO), non obligatoire à l’époque des faits), de même qu’il ne peut lui être reproché de s’être fié aux images de l’ETO, dont seule l’analyse rétrospective a permis à l’expert de comprendre le mécanisme de la complication survenue.
Il relève que l’expert a qualifié cette complication d’aléa thérapeutique et a rappelé que le risque de ponction aortique, au cours d’un geste de ponction transseptale, était connu des opérateurs et faible.

Assignée par remise de l’acte à personne habilitée, la CPAM du [Localité 8] n’a pas constitué avocat.

La procédure a été clôturée à la date du 9 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes des dispositions de l’article L. 1142-1 I du Code de la santé publique :
« Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.
Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.»

L’intervention réalisée consiste en une valvuloplastie mitrale par voie transeptale; le chirurgien insère un cathéter dans la veine fémorale au niveau du pli de l’aisne, jusque dans l’oreillette droite, puis passe dans l'oreillette gauche à travers le septum (paroi séparant les deux oreillettes).

La complication résulte de la ponction de l’aorte ascendante après le franchissement du septum inter-auriculaire, par l’aiguille spécifique de Brockenbrough et de sa gaine.

L’expert qualifie la complication d’aléa thérapeutique.
Il explique que la ponction de l’aorte a un caractère non maîtrisable, et précise que le geste réalisé par le Docteur [O] n’est ni imprécis, ni maladroit.
Il rappelle que la ponction aortique est une complication décrite dans la littérature avec une incidence faible, que l'on retrouve dans 0,05% des cas.

La demanderesse ne produit aucune littérature médicale ni aucune analyse d’un autre professionnel de santé de nature à remettre en cause les conclusions expertales

Aucune faute n’est établie dans la réalisation du geste opératoire.

En conséquence, Madame [W] sera déboutée de l’intégralité de ses demandes.

Madame [W] , qui succombe, sera condamnée aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge du docteur [O] l’intégralité des frais irrépétibles qu’ils été contraints d’exposer ; Madame [W] sera donc condamnée à lui payer la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort,

Déboute [E] [M] veuve [W] de l’intégralité de ses demandes,

Condamne [E] [M] veuve [W] aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile,

Condamne [E] [M] veuve [W] à payer à [J] [O] la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

AINSI JUGE ET PRONONCE ET MIS A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 4 AVRIL 2024.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab2
Numéro d'arrêt : 23/09838
Date de la décision : 04/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-04;23.09838 ?
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