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04/04/2024 | FRANCE | N°21/07562

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab2, 04 avril 2024, 21/07562


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°24/ DU 04 Avril 2024


Enrôlement : N° RG 21/07562 - N° Portalis DBW3-W-B7F-ZCDL

AFFAIRE : M. [U] [S] et S.A.S.U. JRB EMBALLAGES ( la SELARL MOLINA AVOCATS)
C/ S.A.R.L. SOCIÉTÉ PHOCEA CONSEILS (Me Marie-annette TATU-CUVELLIER) - S.A.S SOCIETE DE COURTAGE DES BARREAUX, S.A. MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES ( la SELARL ABEILLE & ASSOCIES)


DÉBATS : A l'audience Publique du 01 Février 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas,

Vice-Président
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente (juge rapporteur)
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/ DU 04 Avril 2024

Enrôlement : N° RG 21/07562 - N° Portalis DBW3-W-B7F-ZCDL

AFFAIRE : M. [U] [S] et S.A.S.U. JRB EMBALLAGES ( la SELARL MOLINA AVOCATS)
C/ S.A.R.L. SOCIÉTÉ PHOCEA CONSEILS (Me Marie-annette TATU-CUVELLIER) - S.A.S SOCIETE DE COURTAGE DES BARREAUX, S.A. MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES ( la SELARL ABEILLE & ASSOCIES)

DÉBATS : A l'audience Publique du 01 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente (juge rapporteur)
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 04 Avril 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BERARD Béatrice, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEURS

Monsieur [U] [S]
né le [Date naissance 3] 1947 à [Localité 9] (ISRAËL)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 5]

S.A.S.U. JRB EMBALLAGES ayant pour numéro SIREN 452158884, ayant pour numéro SIRET 45215888400018, prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [U] [S], dont le siège social est sis [Adresse 7]

Tous deux représentée par Maître Emmanuel MOLINA de la SELARL MOLINA AVOCATS, avocats au barreau de MARSEILLE,

C O N T R E

DEFENDERESSES

S.A.R.L. SOCIÉTÉ PHOCEA CONSEILS, immatriculée au RCS DE MARSEILLE sous le n° 412 319 774, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège, dont le siège social est sis [Adresse 6]

représentée par Me Marie-annette TATU-CUVELLIER, avocat postulant au barreau de MARSEILLE et par Me Georges de MONJOUR de la SELARL RONSARD AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS

S.A.S. SOCIETE DE COURTAGE DES BARREAUX, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, dont le siège social est sis [Adresse 8]

représentée par Maître David CUSINATO de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE,

PARTIES INTERVENANTES :

S.A. MMA IARD, immatriculée au RCS du Mans sous le n° 440 048 882, prise en la personne de son représentant légal domiciliè es qualité audit siège, dont le siège social est sis [Adresse 2]

Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, immatriculée au RCS du Mans sous le n° 775 652 126, prise en la personne de son représenant légal domicilié ès qualtié audit siège, dont le siège social est sis [Adresse 1]

Toutes deux représentées par Maître David CUSINATO de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE, vestiaire :

EXPOSE DU LITIGE

En 2004, Monsieur [U] [S] a créé la société JRB EMBALLAGES, spécialisée dans l’achat et la vente, en gros et au détail, de produits pour l’emballage, le conditionnement, la manutention et le classement. Cette société est située dans une Zone Franche Urbaine (ZFU) dans le [Localité 4].

En 2012, Maître [I] [Z] a été mandaté par Monsieur [S] pour constituer la société DZ CONSEIL ayant une activité de conseil, Monsieur [S] en étant l’associé unique et le gérant.

Le 23 août 2018, à la suite d’un contrôle de comptabilité réalisé en avril 2018, la société JRB EMBALLAGES s’est vu notifier par l’administration fiscale une proposition de rectification visant les exercices 2015 et 2016, portant sur un rappel de TVA, un rappel d’impôt sur les sociétés, un rappel de taxe sur les véhicules de société, et le prononcé d’amendes suite à l’acquisition de marchandises intracommunautaires non déclarées.

Le 19 décembre 2018, l’EURL DZ CONSEIL s’est vu notifier une proposition de rectification au titre des exercices 2015 et 2016, visant une remise en cause de l’exonération « Zone Franche Urbaine ».
L’administration fiscale a considéré que l’EURL DZ CONSEIL avait été créé uniquement afin d’externaliser la fonction de direction exercée par Monsieur [S] au sein de la société JRB EMBALLAGES, que l’EURL n’avait qu’un seul client, JRB EMBALLAGES, qu’elle ne disposait d’aucun salarié, d’aucun moyen propre d’exploitation, ni de locaux propres puisqu’elle était installée au sein de JRB EMBALLAGES.

Le 22 mars 2019, l’EURL DZ CONSEIL s’est vu notifier une proposition de rectification au titre de l’exercice 2017, remettant en cause l’exonération ZFU dont elle avait bénéficié au titre de cet exercice, pour les mêmes raisons que celles exposées dans la proposition de rectification de décembre 2018.
En outre, la Commission des infractions fiscales a avisé Monsieur [S], par courrier en date du 15 février 2021, qu’elle déposait plainte auprès du Parquet du Tribunal judiciaire de Marseillen raison des faits révélés suite au contrôle sur pièces de l’imposition sur le revenu de Monsieur [S] des années 2015, 2016 et 2017, contrôle qui aurait permis « la découverte de fraudes importantes, au sens des articles 1741 et 1743 du Code Général des Impôts ».

Reprochant à leur expert-comptable, la société PHOCEA CONSEILS, et à Maître Alain COUARD, avocat spécialisé en droit des sociétés et en droit fiscal, d’avoir commis des fautes ayant entraîné leur mise en cause notamment par la Commission des infractions fiscales, et des rectifications fiscales, [U] [S] et la SASU JRB EMBALLAGES ont, par acte en date du 13 août 2021, fait assigner la SARL PHOCEA CONSEILS et la SAS société de courtage des Barreaux devant le Tribunal judiciaire de Marseille afin d’obtenir leur condamnation solidaire à payer à la société JRB EMBALLAGES la somme de 102.748 € en réparation du préjudice financier subi lié à la conclusion d’une transaction avec l’administration fiscale et à [U] [S] la somme de 50.000 € en réparation de son préjudice moral.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 1er mars 2022, la société PHOCEA CONSEILS a saisi le juge de la mise en état d’une demande de sursis à statuer et de communication de pièces sous astreinte.

Par ordonnance en date du 25 octobre 2022, le juge de la mise en état a constaté que la société PHOCEA CONSEILS renonçait à sa demande de sursis à statuer et de communication de pièces sous astreinte, et a débouté la société PHOCEA CONSEILS du surplus de ses demandes.

Il était établie qu’une transaction avait été conclue le 31 juillet 2021 avec l’administration fiscale, au terme de laquelle Monsieur [S] s’engageait, en qualité de représentant légal de la société JRB EMABLLAGES, à verser la somme de 102.748 € sur une période d’un an.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 avril 2023 auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé des moyens, [U] [S] et la SASU JRB EMBALLAGES demandent au Tribunal de :
- juger que la société PHOCEA CONSEILS a commis une faute contractuelle ;
- juger que la société PHOCEA CONSEILS a manqué à son devoir de conseil ;
- juger que Maître [I] [Z] a commis une faute dans le cadre de sa mission ;
En conséquence,
- juger que la société PHOCEA CONSEILS et la société de courtage des barreaux sont responsables des préjudices subis par Monsieur [U] [S] et la société JRB EMBALLAGES ;
- condamner solidairement la société PHOCEA CONSEILS et la société de courtage des barreaux à verser à la société JRB EMBALLAGES la somme de 102.748 € en réparation du préjudice financier subi lié à la conclusion d’une transaction avec l’administration fiscale ;
- condamner solidairement la société PHOCEA CONSEILS et la société de courtage des barreaux à verser à Monsieur [U] [S] la somme de 50.000 € en réparation de son préjudice moral ;
En tout état de cause,
- condamner solidairement la société PHOCEA CONSEILS et la société de courtage des barreaux à verser à Monsieur [U] [S] la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
- ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir en vertu de l’article 514 du Code de procédure civile ;
- rejeter toutes demandes, fins ou conclusions contraires.

Sur la responsabilité de l’expert-comptable, ils exposent que [T] [E], expert-comptable de la société PHOCEA CONSEILS, avait la charge de réaliser et déposer les déclarations fiscales, objet des majorations et de la plainte pénale déposée par la Commission des infractions fiscales; que la société PHOCEA CONSEILS a elle-même opté pour le bénéfice de l’exonération lors de l’établissement des liasses, or en qualité de professionnel, l’expert-comptable aurait dû l’informer du risque de remise en cause du bénéfice de l’exonération ZFU pour l’EURL DZ CONSEIL en vertu de son devoir de conseil; qu’elle ne pouvait pas ignorer que ces deux sociétés bénéficiaient au titre des mêmes années de l’exonération ZFU puisqu’elle établissait les liasses des deux sociétés, étant en charge de la comptabilité des sociétés DZ Conseil et JRB EMBALLAGES; qu’elle ne pouvait donc ignorer les relations entre ces deux sociétés; qu’elle était nécessairement informée dans le cadre de sa mission de la cessation des fonctions de Monsieur [S] dans la SAS JRB EMBALLAGES et de la création d’une nouvelle société dans laquelle il exerçait ses fonctions ; qu’elle avait connaissance du fait que le montant de sa rémunération au sein de JRB EMBALLAGES était identique au montant facturé par l’EURL DZ CONSEIL à JRB EMBALLAGES; qu’elle a de plus été négligente en ce que la mention du bénéfice de ce régime sur les liasses est incorrecte; que de plus, le redressement fiscal portait également sur le fait que la société DZ CONSEIL ne pouvait pas facturer ses services à la société JRB EMBALLAGES, de sorte que le rappel de TVA concerne le montant de la TVA figurant sur les factures de la société DZ CONSEIL et déduit par la société JRB EMBALLAGES au titre de la TVA à récupérer.

Sur la responsabilité de l’Avocat, ils exposent que Maître [I] [Z] ayant pris sa retraite ils ont directement mis en cause la société de courtage de Barreaux; que la Commission des infractions fiscales estime que la société DZ CONSEIL a été créée afin d’externaliser la fonction de direction exercée par Monsieur [S] au sein de la société JRB EMBALLAGES, et considère donc que cette société n’a aucune consistance économique propre; que la faute de l’avocat est établie puisqu’il était chargé de la création de cette société, tant s’agissant des modalités que des formalités de constitution; que sans les conseils de son avocat et s’il avait connu les risques engendrés, Monsieur [S] n’aurait pas opté pour la création de cette société.

Ils font valoir que ces fautes leur ont causé un préjudice considérable certain découlant de l’ensemble des procédures fiscales et administratives d’ores et déjà diligentées afin de régulariser et expliquer la situation auprès des services concernés, et un préjudice financier à la société JRB EMBALLAGES, tiré de son obligation de régler la somme de 102.748 € à l’administration fiscale à la suite de la transaction conclue le 31 juillet 2020, outre un préjudice matériel éventuel lié aux majorations et rectifications actuellement contestées devant la juridiction administrative, et aux indemnités que l’administration fiscale pourrait solliciter dans le cadre de la procédure pénale si le Parquet décidait de le renvoyer devant le Tribunal correctionnel; que ces fautes ont entraîné un préjudice moral pour Monsieur [S], tiré de l’anxiété engendrée par la nécessité de saisir le juge administratif, par le dépôt de plainte auprès du Procureur de la République formé par la Direction Générale des Finances Publiques et la possibilité d’être poursuivi devant une juridiction pénale.

En défense, dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 22 mai 2023 auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la SAS société de courtage des Barreaux, la SA MMA IARD et la société d’assurance mutuelle à cotisations fixes MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES demandent au Tribunal de:
- débouter Monsieur [S] et la société JRB EMBALLAGES de leurs demandes formulées à l’encontre de la société de courtage des Barreaux ;
- recevoir les MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES en leur intervention volontaire et mettre hors de cause la société de courtage des Barreaux;
A titre principal :
- débouter Monsieur [S] et la société JRB EMBALLAGES en ce qu’ils ne rapportent pas la preuve de l’existence d’une faute de Maître [Z] ;
A titre subsidiaire :
- débouter Monsieur [S] et la société JRB EMBALLAGES en ce qu’ils ne rapportent par la preuve d’un préjudice indemnisable.
A titre infiniment subsidiaire :
- débouter Monsieur [S] et la société JRB EMBALLAGES en ce qu’ils ne rapportent pas la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre la prétendue faute de Maître [Z] et le préjudice allégué ;
En tout état de cause :
- condamner Monsieur [S] et la société JRB EMBALLAGES à payer à Maître [Z] la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.

Ils font valoir que la société de courtage des Barreaux n'est qu'un courtier en assurances et peut donc être tenue à aucune garantie; que la mission confiée à Maître [Z] consistait en la création de la société DZ CONSEIL, à savoir la rédaction des statuts constitutifs et l’immatriculation de cette dernière au registre des sociétés, comme en atteste sa facture en date du 26 novembre 2012; qu’aucune faute n’est démontrée, puisque ce qui est reproché ce n’est pas la création de la société DZ CONSEIL mais la convention qui été passée par la suite entre DZ CONSEIL et JRB EMBALLAGES et les facturations survenues subséquemment entre ces deux sociétés, or, il n’est pas établi, ni même allégué que Maître [Z] ait été informé de l’existence de cette convention, signée postérieurement à sa mission, cette dernière s’étant bornée à la création de la société DZ CONSEIL ; qu’en tout état de cause, aucun préjudice n’est établi; qu’en effet, la transaction ne fait nullement mention du ou des redressements fiscaux à laquelle elle serait relative or la société JRB EMBALLAGES a fait l’objet de plusieurs redressements fiscaux; qu’en outre, le préjudice moral est hypothétique et nullement établi, Monsieur [S] ne versant aux débats aucune pièce à même de démontrer qu’il aurait exercé un recours devant la juridiction administrative, et la Direction Générale des Finances Publiques dans son courrier en date du 15 février 2021 faisant clairement état de fraudes révélées lors du contrôle sur pièces de l’impôt sur le revenu des années 2015 à 2017 de Monsieur [S] qui ne sont donc pas en lien avec la prétendue faute alléguée en l’espèce; qu’enfin, aucun lien de causalité n’est établi, puisque le fait générateur des rectifications fiscales est la convention de prestation passée entre les sociétés DZ CONSEIL et JRB EMBALLAGES et les différentes facturations et opérations comptables qui ont été passées en vertu de cette convention, à laquelle Maître [Z] n’est nullement intervenu ni en qualité de conseil ni de rédacteur.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 3 août 2023 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des moyens, la société PHOCEA CONSEILS demande au Tribunal de :
A titre principal,
- rejeter l’ensemble des demandes formulées par la société JRB EMBALLAGES et Monsieur [U] [S] à son encontre ;
- condamner société JRB EMBALLAGES et Monsieur [S] à lui verser la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;
- Subsidiairement, rejeter toute exécution provisoire du jugement à intervenir ;
- le cas échéant, l’autoriser à consigner les sommes à reverser en séquestre sur le compte CARPA de la SELARL GEORGES DE MONJOUR, en raison notamment du risque pesant sur le recouvrement de ces sommes.

Elle soutient n’être intervenue que dans le cadre d’une simple mission de présentation des comptes annuels de la société JRB EMBALLAGES, et pas dans le cadre de la rédaction de la convention de prestations de services signée entre JRB EMBALLAGES et DZ CONSEIL le 17 septembre 2012, qui constitue le socle du redressement fiscal ; que la mission de présentation des comptes conduit l’expert-comptable à se prononcer exclusivement sur la cohérence et sur la vraisemblance des comptes annuels ; qu’elle n’était pas investie d’une mission fiscale ni d’un audit du compte de TVA; que les manquements relevés par l’administration fiscale résultent des fautes commises par la société JRB EMBALLAGES chargée notamment des déclarations fiscales, et non de l’expert-comptable, qui n’était pas chargé de collecter les informations ou de s’immiscer dans la gestion de l’entreprise en procédant aux investigations effectuées par l’administration fiscale; qu’il en est d’ailleurs de même concernant la société DZ CONSEILS; que l’administration fiscale a estimé dans le cadre du redressement fiscal que les actes commis par les sociétés JRB EMBALLAGES et DZ CONSEILS avaient un caractère délibéré de sorte qu’elles avaient parfaitement conscience que leurs agissements avaient pour objet de se soustraite à l’impôt; que c’est bien parce que les demandeurs ont notamment sciemment déduit par anticipation la TVA sur un certain nombre de factures ou encore appliqué un dispositif d’exonération dont ils ne pouvait bénéficier que l’administration fiscale a eu la possibilité de procéder par voie de reconstitution du montant de l’impôt et de TVA dû, avec les conséquences que cela implique en matière d’impôt sur les sociétés; que Monsieur [S] a été assisté et conseillé par Maître [Z], avocat fiscaliste, dans la création de la société DZ CONSEIL aux fins de bénéficier d’avantages fiscaux; qu’ainsi, les demandeurs ne démontrent pas l’existence d’une faute quelconque commise par la société PHOCEA CONSEILS dans l’exercice de sa mission.

Elle ajoute qu’en tout état de cause, aucun préjudice n’est établi.
Elle admet que la société JRB EMBALLAGES verse aux débats les justificatifs de règlement de la somme de 102.748 €, objet de la transaction conclu avec l’administration fiscale, mais soutient que ce versement ne constitue pas un préjudice indemnisable, indiquant que le rappel d’un impôt dû par la société JRB EMBALLAGES et les intérêts de retard ne constituent pas un préjudice indemnisable; qu’en outre, le préjudice moral n’est justifié ni dans son principe, ni dans son quantum, les rectifications fiscales et la plainte déposée par les services de la Commission des Infractions Fiscales, n’ayant pas pour seul fondement l’exonération ZFU ou la convention passée entre JRB EMBALLAGES et la société DZ CONSEIL; qu’en outre, les demandeurs s’abstiennent de préciser où en est la procédure pénale qui a débuté il y a plus de quinze mois et de préciser et s’ils ont été auditionnés dans le cadre de cette procédure pénale, alors que la fraude qui leurs est reprochée est susceptible d’avoir une incidence directe et déterminante notamment sur les griefs reprochés et le lien de causalité avec le préjudice allégué; que si Monsieur [S] est poursuivi pénalement cela implique qu'il a commis sciemment des manœuvres frauduleuses, et les multiples fautes de Monsieur [S] en sa qualité de gérant des sociétés JRB EMBALLAGES et de la société DZ CONSEILS constituent donc la cause exclusive du dommage dont il se prévaut.

Enfin, elle soutient que les préjudices revendiqués par la société JRB EMBALLAGES et par Monsieur [S] sont dépourvus de lien de causalité avec les manquements allégués qui lui sont reprochés, puisque les préjudices revendiqués portent exclusivement sur la proposition de rectification notifiée à la société JRB EMBALLAGES, et les manquements allégués à l’encontre de PHOCEA CONSEILS portent exclusivement sur la proposition de rectification notifiée à la société DZ CONSEILS les 19 décembre 2018, et 22 mars 2019; qu’en tout état de cause, les demandeurs ont bénéficié d’un avantage financier qui vient absorber le montant des préjudices qu’ils revendiquent comme issus des redressements pratiqués, puisque la société JRB EMBALLAGES a bénéficié, pour la période du 12 septembre 2012 au 31 décembre 2014, d’une économie d’impôt au titre des règlements faits à DZ CONSEIL déclarés à tort comme étant des charges.

La procédure a été clôturée par ordonnance du juge de la mise en état du 9 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Il y a lieu de déclarer recevable l’intervention volontaire des sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, en leur qualité d’assureurs de Maître [Z].

S’agissant de la société de courtage des barreaux, les demandeurs se contentent d’indiquer que Maître [I] [Z] ayant pris sa retraite, ils ont directement mis en cause la société de courtage de Barreaux.

Or il est constant qu’elle n'est qu'un courtier en assurances, et donc le mandataire de l'assuré pour la souscription d'une police d'assurance, mais elle n’est pas une compagnie d'assurances.

Elle ne peut donc être tenue de quelque garantie que ce soit notamment pour les fautes commises par les assurés; elle doit donc être mise hors de cause.

L’intégralité des demandes formées à son encontre seront donc rejetées.

Sur la faute de l’avocat

Il convient de relever que Monsieur [S] et la société JRB EMBALLAGES reprochent à l’avocat d’avoir comis des fautes, mais formulent leurs demandent indemnitaires à ce titre à l’encontre uniquement de la société de courtage des barreaux. Ils ne font aucune demande de condamnation à l’encontre des assureurs de Maître [Z] qui interviennent volontairement à l’instance.

Dès lors, leurs demandes doivent être rejetées sans que les griefs formulés à l’encontre de l’avocat n’aient à être examinés.

Sur la faute de l’expert-comptable

L’expert-comptable est lié à son client par un contrat de louage de service dont les obligations réciproques des parties sont déclinées dans une lettre de mission.

En l’absence de lettre de mission, il convient de rechercher l'étendue de la mission confiée à l’expert-comptable.

En l’espèce, les demandeurs soutiennent que [T] [E], expert-comptable de la société PHOCEA CONSEILS, avait la charge de réaliser et déposerles déclarations fiscales. Il ressort des pièces versées aux débats par la société PHOCEA CONSEILS, à savoir le dossier financier pour l’exercice 2015 que cette dernière était chargée d’une mission de présentation des comptes annuels de la société JRB EMBALLAGES, ce document rappelant expréssement que « la mission de présentation des comptes ne constitue ni un audit ni un examen limité», et que sur la base de ses travaux, elle na pas relevé d’éléments remettant en cause la cohérence et la vraisemblance des comptes annuels pris dans leur ensemble tels qu’ils sont joints à cette attestation.

L’expert-comptable est tenu de se comporter en professionnel normalement diligent et compétent, étant entendu que le devoir de conseil innerve l’ensemble des missions de ce professionnel.

Les comptes sont établis sous la seule responsabilité du dirigeant social, et dans le cadre d’une mission d’assistance comptable, l’expert-comptable n’est tenu qu’à une obligation de moyens, en fonction des informations communiquées par son client. Sa mission consiste à attester qu’il n’a rien relevé qui remette en cause la cohérence et la vraisemblance des comptes annuels.
Il n’a pas à s’immiscer dans les choix de gestion du dirigeant social.

[U] [S] et la SASU JRB EMBALLAGES reprochent à la société PHOCEA CONSEILS de ne pas les avoir informés du risque de remise en cause du bénéfice de l’exonération ZFU pour l’EURL DZ CONSEIL.

Il convient de rappeler que la société DZ CONSEIL n’est pas dans la cause et que les demandes indemnitaires sont formées par la société JRB EMBALLAGES. En outre, le bénéfice de l’exonération ZFU n’a jamais été remis en cause s’agissant de la société JRB EMBALLAGES.

Ils reprochent à l’expert-comptable d’avoir déclaré la somme de 24.400 € dans la case XC « Zone franche d’activité» de la déclaration 2058-Aet non pas dans la case OV « Zone Franche Urbaine » or le régime ZFA n’est pas le régime dont les deux sociétés ont bénéficié puisqu’il ne s’applique qu’aux entreprises implantées dans les DOM, ce qui a ainsi été reproché à Monsieur [S] par la Direction Générale des Finances Publiques et qui a motivé la Direction du contrôle fiscal Sud-Est à déposer plainte à l’encontre de Monsieur [S] le 15 février 2021.

Or la proposition de rectification adressée par l’administration fiscale à la société JRB EMBALLAGES le 23 août 2018 ne fait nullement état de cette déclaration, pas plus que le courrier de la Direction du contrôle fiscal Sud-Est du 5 février 2021 annonçant le dépôt de plainte, et les demandeurs ne précisent nullement quelle conséquence il en serait résulté pour eux.

[U] [S] et la SASU JRB EMBALLAGES soutiennent que le rappel de TVA concerne le montant de la TVA figurant sur les factures de la société DZ CONSEIL et déduit par la société JRB EMBALLAGES au titre de la TVA à récupérer, ce qui était en réalité impossible.

Il apparaît sur la proposition de redressement d’août 2018 que la société JRB EMBALLAGES ne pouvait prétendre à la déductibilité des prestations facturées par la société DZ CONSEIL. A ainsi été considérée comme ayant été effectuée à tort la déduction de TVA sur les dépenses non engagées dans l’intérêt de la société, à savoir les prestation des DZ CONSEIL.

La motivation de la proposition de redressement réside dans le fait que l’administration fiscale a considéré que l’EURL DZ CONSEIL avait été créé uniquement afin d’externaliser la fonction de direction exercée par Monsieur [S] au sein de la société JRB EMBALLAGES, que l’EURL n’avait qu’un seul client, la société JRB EMBALLAGES, qu’elle ne disposait d’aucun salarié, d’aucun moyen propre d’exploitation, ni de locaux propres puisqu’elle était installée au sein de JRB EMBALLAGES.

Or il apparaît que la société PHOCEA CONSEILS n’est pas intervenue dans la création de la société DZ CONSEIL, pas plus que dans l’établissement et la rédaction de la convention de prestation de service établie le 17 septembre 2012 entre les sociétés DZ CONSEILS et JRB EMBALLAGES. Le seul fait que l’expert-comptable ait été chargé d’une mission de présentation des comptes pour les deux sociétés pour l’année 2015 ne suffit pas à établir le manquement au devoir de conseil du profesionnel, chargé de vérifier la cohérence et la vraisemblance des comptes annuels sans s’immiscer dans les choix de gestion du dirigeant social.

En tout état de cause, le préjudice allégué n’est pas établi; la transaction en date du 31 juillet 2020 à hauteur de 102.708 euros précise avoir été conclue en vertu d’une décision gracieuse prise le 23 juillet 2020 qui n’est pas produite, et elle ne précise pas le ou les redressements fiscaux concernés. L’annexe jointe fait état d’un impôt de 96.641 euros, d’intérêts de retard de 4.649 euros, de majorations d’assiette de 1.458 euros. Aucune précision n’est apportée quant à l’impôt concerné ni quant à son détail; et en tout état de cause, ne constituent pas des préjudices indemnisables le montant de l'impôt éludé devant être payé à l'issue du redressement, pas plus que les intérêts de retard qui ne font que compenser l'avantage ayant consisté dans le bénéfice d'une trésorerie dont l'intéressé n'aurait pas disposé s'il avait réglé l'impôt en temps normal.
En outre, le préjudice moral n’est pas établi, puisque le manquement de l’expert-comptable à son devoir de conseil n’est pas prouvé.

En conséquence, [U] [S] et la SASU JRB EMBALLAGES seront déboutés de l’intégralité de leurs demandes.

Sur les demandes accessoires

[U] [S] et la SASU JRB EMBALLAGES, qui succombent, seront condamnés in solidum aux entiers dépens de l’instance.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SARL PHOCEA CONSEILS l’intégralité des frais irréptiblesqu’elle a été contrainte d’exposer; [U] [S] et la SASU JRB EMBALLAGES seront donc condamnés in solidum à lui payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

La demande relative aux frais irrépétibles formulée au bénéfice de Maître [Z] qui n’est pas dans la cause sera rejetée.

Le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

Déclare recevable l’intervention volontaire des sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES,

Met hors de cause la société de courtage de Barreaux et rejette l’intégralité des demandes formées à son encontre,

Déboute [U] [S] et la SASU JRB EMBALLAGES de l’intégralité de leurs demandes,

Condamne in solidum [U] [S] et la SASU JRB EMBALLAGES aux entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile,

Condamne in solidum [U] [S] et la SASU JRB EMBALLAGES à payer à la SARL PHOCEA CONSEILS la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

AINSI JUGE ET MIS A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 4 AVRIL 2024.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab2
Numéro d'arrêt : 21/07562
Date de la décision : 04/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 11/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-04;21.07562 ?
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