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04/04/2024 | FRANCE | N°21/00761

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 04 avril 2024, 21/00761


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 2]


JUGEMENT N° 24/01619 du 4 Avril 2024

Numéro de recours : N° RG 21/00761 - N° Portalis DBW3-W-B7F-YTGM

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Madame [B] [C]
née le 07 Novembre 1990 à [Localité 7] ( BOUCHES-DU-RHONE )
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]
comparante assistée de Me Christelle BACH, avocate au barreau de MARSEILLE


c/ DEFENDEUR
Organisme CPAM 13
[Adresse 3]
comparant






DÉB

ATS : À l'audience publique du 8 Janvier 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : DEPARIS Eric, Vice-Président

Assesseurs ...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 2]

JUGEMENT N° 24/01619 du 4 Avril 2024

Numéro de recours : N° RG 21/00761 - N° Portalis DBW3-W-B7F-YTGM

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Madame [B] [C]
née le 07 Novembre 1990 à [Localité 7] ( BOUCHES-DU-RHONE )
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]
comparante assistée de Me Christelle BACH, avocate au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDEUR
Organisme CPAM 13
[Adresse 3]
comparant

DÉBATS : À l'audience publique du 8 Janvier 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : DEPARIS Eric, Vice-Président

Assesseurs : MAUPAS René
ACHOUR Salim

La greffière lors des débats : DI GIACOMO Alexia,

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 4 Avril 2024

NATURE DU JUGEMENT

Contradictoire et en premier ressort
EXPOSE DU LITIGE

La Société par Actions Simplifiée [6], sise [Adresse 4] a régularisé le 19 mai 2020 une déclaration d’accident de trajet concernant sa salariée Madame [B] [C] employée en tant qu’agent d’entretien, qui serait survenu le 18 mai 2020 à 18h30.

Madame [B] [C] a saisi, par courrier expédié le 12 mars 2021, le Pôle social du Tribunal judiciaire de Marseille, aux fins de contester la décision du 2 février 2021 de la Commission de recours amiable de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie ( CPAM ) des Bouches-du-Rhône explicitement rejeté son recours contre la décision de la CPAM des Bouches du Rhône du 27 octobre 2020 refusant la prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle

A l’audience du 8 janvier 2024, aux termes de conclusions soutenues oralement à l’audience, Madame [B] [C] demande en personne au Tribunal de dire que l’accident doit être pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, ainsi que la condamnation de la Caisse au paiement de la somme de 1 200 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Elle fait valoir que, circulant habituellement en vélo, l’accident a eu lieu sur son trajet de travail au départ de son lieu de pause habituel à la sortie de la commune [Localité 9] sur la Route Départementale 99 pour se rendre à [Localité 10] afin de reprendre le travail, ce point de départ ayant l’avantage de ne pas l’obliger à faire de nombreux autres kilomètres pour rentrer chez elle et de permettre de reprendre chez son employeur la Société par Actions Simplifiée ACTION NET les produits d’entretien nécessaires. Elle produit deux attestations à cet effet.

La CPAM, représentée par une inspectrice juridique, sollicite quant à elle la confirmation de la décision querellée et le rejet des demandes adverses.

Au soutien de ses prétentions, elle ne conteste pas la matérialité de l’accident mais estime que la requérante ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que l’accident se soit produit sur le trajet protégé entre le domicile et le lieu de travail, ayant déclaré qu’elle se trouvait chez une tierce personne, pendant sa pause, avant de se rendre à [Localité 10] pour reprendre le travail.

Pour un exposé plus ample des moyens, le Tribunal se réfère expressément aux écritures soutenues oralement devant lui conformément aux dispositions de l’article 446-1 et 455 du Code de procédure civile.

L’affaire a été mise en délibéré au 4 avril 2024.

MOTIFS
En application de l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale, l’accident du travail est l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail, ce qui suppose la survenance d’un événement soudain aux temps et au lieu du travail, dont il est résulté une lésion corporelle.

Aux termes de l’article L. 411-2 du Code de la Sécurité Sociale, est considéré comme accident du travail, lorsque la victime ou ses ayant droit apportent la preuve que l'ensemble des conditions ci-après sont remplies ou lorsque l'enquête permet à la Caisse de disposer sur ce point de présomptions suffisantes, l'accident survenu à un travailleur mentionné par le présent livre, pendant le trajet d'aller et de retour, entre : 1° ) la résidence principale, une résidence secondaire présentant un caractère de stabilité ou tout autre lieu où le travailleur se rend de façon habituelle pour des motifs d'ordre familial et le lieu du travail. Ce trajet peut ne pas être le plus direct lorsque le détour effectué est rendu nécessaire dans le cadre d'un covoiturage régulier ; 2° ) le lieu du travail et le restaurant, la cantine ou, d'une manière plus générale, le lieu où le travailleur prend habituellement ses repas, et dans la mesure où le parcours n'a pas été interrompu ou détourné pour un motif dicté par l'intérêt personnel et étranger aux nécessités essentielles de la vie courante ou indépendant de l'emploi.

Il ressort des dispositions de l'article 1353 du Code civil et 9 du Code de procédure civile qu'il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et de prouver les faits nécessaires au succès de ses prétentions. Conformément à l'article 1358 du Code de Procédure Civile, cette preuve peut être rapportée par tout moyen et notamment par présomptions graves précises et concordantes selon les termes de l'article 1382 du Code Civil.

Constitue un accident de trajet tout accident dont était victime le travailleur à l'aller ou au retour entre le lieu où s'accomplit le travail et sa résidence dans des conditions où il n'était pas encore ou n'était plus soumis aux instructions de l'employeur.

L’accident survenu pendant le temps et sur le lieu de travail est présumé être un accident du travail. Ainsi, le salarié bénéficie d’une présomption d’imputabilité lorsque l’accident survient dans le temps et sur l’itinéraire normal de trajet.

Il appartient cependant à celui qui se prétend avoir été victime d’un accident du travail d’établir autrement que par ses propres affirmations les circonstances exactes de l’accident et son caractère professionnel et doit en conséquence rapporter la preuve de la matérialité de l'accident qui ne peut résulter que d'un ensemble de présomptions sérieuses, graves et concordantes.

Pour que la qualification d'accident de trajet soit retenue, il est nécessaire que l'accident survienne sur un trajet dit « protégé » , lequel repose sur des critères de temps et de lieu, et relatifs au lien entre le déplacement et l'activité professionnelle.

Par ailleurs, l'itinéraire suivi doit être direct et habituel, s'accomplir au temps normal de trajet et se révéler en relation avec le travail. Les interruptions et détours sont admis s'ils sont justifiés par les nécessités essentielles de la vie courante ou imposés par l'emploi. Enfin, les accidents survenus pendant l'interruption sont écartés de la protection et ne sont pas assimilés à un détour lorsque ceux-ci sont intervenus à l'occasion d'un parcours différent.

Toutefois, aux termes de l'article 12 du Code de Procédure Civile, « Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. Toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d'un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l'ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat » .

Ainsi, une activité professionnelle morcelée dans le temps et dans l’espace, en application du contrat de travail ne saurait entrainer des droits moindres pour les salariés par application d’une excessive rigidité de concepts tenant au travail à durée unique en un lieu fixe avec un moyen de locomotion rapide.

De fait, il ne peut être exigé d’une personne comme Madame [B] [C], dont il n’est pas contesté qu’elle effectue ses trajets de travail à vélo, et que son domicile se situe à une dizaine de kilomètres, de devoir effectuer une seconde vingtaine de kilomètres supplémentaires dans la journée pour retourner chez elle et en repartir lors de l’interruption de six heures entre les périodes de travail du matin et de fin d’après-midi.

De même qu’il ne peut être exigé qu’elle reste sur son lieu de travail pendant six heures d’affilées, ni de demeurer dans la solitude, l’exécution vécue de relations sociales et amicales qui sont inhérentes et nécessaires à l’être humain, ressort du domaine des actes de la vie courante.

Le caractère habituel de fréquentation de tels lieux ne nécessite pas que celle-ci soit quotidienne, mais doit se caractériser par une périodicité suffisante, ce qui n'est pas plus contesté.

En l’espèce, Madame [B] [C] produit d’une part l’attestation de Madame [Y] [J] [S] relatant avoir “ l’habitude de recevoir chez moi au [Localité 9], Madame [C] [B] lors de ses pauses de travail car cela l’a rapprochée de l’entreprise qui l’emploie SAS [6]. Madame [C] avait l’habitude de venir depuis début 2020 jusqu’à son accident du 18 mai 2020 où elle partait de chez moi juste avant, car étant en vélo, cela lui évitait des allers et retours supplémentaires. ”

Madame [B] [C] produit d’autre part l’attestation de Madame [K] [Z] qui relate : « Travaillant dans la même société Action net que Mme [C] [B] où nous étions employées. Il m’arrivait de la rejoindre sur la place de [Localité 9] pendant nos pauses pour prendre un café ensemble. Car comme elle était en vélo, c’était plus facile pour elle d’être à côté du travail pour récupérer des produits ou du matériel pour le travail. »

Il convient dès lors de considérer qu'au vu de ce qui précède, il existe des présomptions graves, précises et concordantes permettant de rapporter la preuve d'un accident de trajet dont Madame [B] [C] a été victime dans le temps et sur l’itinéraire normal de trajet.

En conséquence, il y a lieu de faire droit à la demande de Madame [B] [C] de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident dont elle a été victime le 18 mai 2020.

Sur les demandes accessoires

En application des dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, les dépens seront laissés à la charge de la Caisse Primaire Centrale d’Assurance Maladie des Bouches-du-Rhône, partie perdante.

Madame [B] [C] ayant dû engager la présente instance pour faire valoir ses droits, l’équité commande qu’il lui soit alloué à la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Le litige en question nécessite que soit prononcée l’exécution provisoire du présent jugement.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort,

FAIT DROIT à la demande de Madame [B] [C] en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident dont elle a été victime le 18 mai 2020 ;

DIT que l’accident de trajet dont a été victime Madame [B] [C] le 18 mai 2020 doit être pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels ;

ENJOINT à la Caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône de remplir Madame [B] [C] de ses droits en conséquence ;

CONDAMNE la Caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône à verser à Madame [B] [C] la somme de 1 200 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

LAISSE les entiers dépens de l'instance à la charge de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône.

DIT que tout appel de la présente décision devra être formé dans un délai d'un mois à compter de sa notification.


Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024.

LA GREFFIERELE PRESIDENT

Notifié le :


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 21/00761
Date de la décision : 04/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-04;21.00761 ?
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